Petite, je me suis très vite rendue compte que je n’étais pas comme les autres. Qu’importe l’endroit où j’allais, les gens que je fréquentais, je n’étais jamais à ma place. J’étais toujours la fille bizarre. Jamais à ma place, comme je vous le disais, toujours dérangeante, à tituber entre deux mondes, à nager à contrecourant… Pour les sorciers, j’étais une anomalie, et pour les moldus, j’étais étrange. J’étais toujours « trop » quelque chose, ou « pas assez » quelque chose. Pas assez « magique », pas assez « normale » … Trop « louche », trop « lugubre ».Même mon prénom n’avait rien de singulier. J’aurais pu m’appeler « Hermione », « Ginevra » ou « Luna », comme la plupart des fillettes nées après 1998. Mais non. Même ça, même mon prénom ne se fondait pas dans la masse. Mes parents ont toujours adoré l’Inde, pays vers lequel ils ont fui lors de la deuxième guerre contre lord Voldmort. Ils sont revenus en Grande-Bretagne en 2000, alors que Colin était sur le point de naître. Je suis venue au monde deux ans après. Ils m’ont baptisée « Opaline », de l’indou « Upala » qui signifie « pierre précieuse », en souvenir de leur terre d’accueil.
J’étais loin d’être précieuse.
L’opaline, c’est juste du verre. Ou une pierre ni vraiment bleue, ni vraiment verte, ni vraiment blanche…
Mes parents, mon frère et moi avons toujours été proches. Mon père travaille au sein du Ministère dans le département de la justice, et ma mère, elle, est médicomage. J’adorais leur rendre visite. J’avais l’habitude de jouer dans les couloirs du Ministère, de parcourir les salles à la recherche d’une cachette parfaite, grâce à Ed, le concierge, que j’avais tout de suite mis dans ma poche. Puis, il y’avait l’hôpital aussi. Sainte-Mangouste... Ma mère me demandait tout le temps de lui apporter tel ou tel ingrédient quand elle faisait ses potions… Mes parents mènent une existence au service des autres. Pourtant, mon frère et moi, n’avons manqué de rien, pas même de leur affection ou de leur temps.
Ma vie n’a jamais été très simple. Je me souviens souvent de ces moments… Ma mère avait l’habitude de nous emmener, Colin et moi, lors de ses réunions hebdomadaires avec ses anciennes amies de Poudlard. Nous n’avions que deux ans de différence lui et moi. Il était mon meilleur ami, mon confident… Pourtant, quand nous franchissions le porche de la demeure, Colin partait immédiatement jouer avec Isaak Hartley, Lucas et Hayley Josse, qui avaient exactement le même âge que lui. Même Janet et Tommy, les derniers Hartley, qui avaient six ans de moins que moi, jouaient avec eux parfois… Moi, j’étais seule, parce que je n’étais pas comme eux.Trop fragile pour jouer au Quidditch, ignorante des jeux qu'ils pratiquaient ) Poudlard, incapable de leur montrer la moindre petite étincelle de magie...
J’étais loin d’être comme eux.
Je n’arrivais jamais à les suivre tous les quatre… Isaak Hartley ne m’a jamais vraiment appréciée et les jumeaux Josse passaient leur temps à se moquer de moi, mais ils me demandaient régulièrement de me joindre à eux. Je refusais d'être leur bête de cirque. Je refusais toujours. Et ils étaient si proches, que j’avais toujours eut l’impression de m’imposer, d’être l’intruse.
J’étais toujours l’intruse.
Alors je restais en retrait, avec mes livres, mes précieux ouvrages qui eux, ne m’abandonnaient jamais. Je restais sage, assise dans mon coin. J’avais trouvé dans la demeure des Hartley, celle dans lesquelles nos mères se retrouvaient, un arbrisseau, fraichement planté. Je m’étais posée à côté de lui, et nous nous étions regardés grandir au fil des ans. Mes lectures avaient changé, la pousse était devenue un magnifique pin, mais moi, j’étais toujours la même.
Je serai et resterai toujours la même.
J’ai vécu entourée par la magie. « Il n’y a rien qu’un petit reparo ne puisse arranger ! » disait mon père. Elle m’a toujours fascinée, la magie. Elle faisait partie de mon quotidien et je l’aimais sans savoir qu’elle, elle m’avait rejetée. Alors le soir, je fermais les yeux et les poings, fort, très fort en priant aux bords de ma fenêtre.
J’ai eu six ans, sept ans, huit ans, neuf ans, dix ans…Mes parents m’avaient placée dans une école spécialisée pour les enfants comme moi, ceux qui ne présentaient aucun signe de magie. Et pendant toutes ces années, j’ai espéré, j’ai attendu que ma magie se déclare, j’ai attendu la chouette qui m’apporterait ma lettre d’admission à Poudlard, avec mon prénom magnifiquement calligraphié. Un « Opaline » tracé à l’encre magique…
Arrivée à l’âge de onze ans, j’ai enfin compris ce que mes proches avaient admit en silence bien avant moi, la sentence dont je portais le poids depuis l’enfance : j’étais une Cracmole.
Et c’est précisément à partir de ce moment que j’ai cherché ma place. C’était comme jouer aux chaises musicales, sauf que la chanson ne s’arrêtait jamais. La mélodie continuait de jouer, comme un disque rayé. Sorcière ou moldue, moldue ou sorcière… Je n’étais ni l’une ni l’autre. Ils avaient décidé d’un mot pour les gens comme moi, comme si nommer ce phénomène nous aiderait, nous les Cracmols, à nous positionner dans un monde qui n’était manifestement pas fait pour nous.
J’ai alors commencé à me demander… Quelle était ma valeur ?
Et je me demande encore, dans ce monde, coincée entre les moldus et les sorciers…
Et je me demande… Quelle est la valeur ?
Oui, c’est vrai ça… Quelle est la valeur d’Opaline ?