_Je ne ronchonne pas, Amy…Arrête de parler de moi comme d’un petit vieux. »
Amelia regarde son cousin en secouant légèrement la tête. Elle pousse un petit soupir puis désigne son aire de pique-nique improvisée. Le carré de verdure est entouré d’arbres et fait face aux dernières habitations de la rue isolée de Pré au Lard.
Sur sa droite, Marietta Edgecombe retrouve l’artère principale du village, les façades des commerçants, les devantures pittoresques du village sorcier. A sa gauche, le chemin se termine en cul-de-sac. Une barrière en bois sépare la route d’un sentier menant aux montagnes.
Sur une photo ou une carte postale, la Serdaigle n’aurait pas deviné que ce pittoresque havre de paix soit à Pré au Lard. Elle est en générale plus habituée à la ville, à sa foule et à son animation. A la vigilance quand on doit cohabiter avec les Moldus. Au bruit des voitures, des klaxons et toute l’ingéniosité qu’ils déploient pour palier à la magie.
Elle ne connaît pas le calme, ou très peu. Elle n’est jamais seule à Poudlard. Connaissances ou anonymes, il y a toujours du monde autour d’elle. Ses parents habitent au cœur même des cités, où il y a presque toujours de l’agitation. Les quartiers huppés qu’elle fréquente par habitude n’ont rien à voir avec les rues moldues qui côtoient le Chemin de Traverse, les adresses préférées de Cho pour déguster du thé ou regarnir leurs bibliothèques. Les gens y sont courtois bien que parfois distants ou froids. Les maisons et immeubles ont de belles façades, dignes de films moldus qu’elle aime regarder avec Juliet. Les jardins y sont entretenus, propres et semblent sortir de romans photos. Marietta le sait, beaucoup de choses sont dans le paraître. Qu’il suffit de gratter pour voir les vices cachés.
Ici, dans ce coin champêtre, elle ne ressent pas cette impression. Elle ne s’y sent pas surveillée et n’a pas cette sensation de faux semblant que le monde extérieur lui fait ressentir. Aujourd’hui, ils ne sont que tous les trois : elle, Amy et Zacharias. Cho a décliné l’invitation, étant enrhumée et Marietta ne se défait pas de la pointe de culpabilité de laisser sa plus vielle amie seule avec un vilain rhume. Mais la jeune femme lui avait clairement dit qu’elle ne lui en voulait pas de profiter de ses nouveaux amis. Cho l’a peut-être beaucoup agacée l’année passée mais sa fidélité et son soutien n’ont jamais faiblis. L’attrapeuse de Serdaigle est moins populaire que les années passées mais cela ne semble pas l’affecter.
Dommage, Cho aurait aimé à coup sûr ce côté champêtre et qu’elle aurait adoré s’allonger dans l’herbe pour regarder les nuages.
Marietta comprend soudain mieux l’intérêt de son amie pour la cartographie de Pré-au-Lard. Amelia en avait fait tout un mystère, s’isolant plusieurs fois la Bibliothèque la semaine passée.
« Dites les amis, il n’est pas top, ce coin ? On va pouvoir manger en paix pendant qu’ils vont tous squatter aux Trois Balais !
-On n’est pas un peu loin du village ? Je veux dire, je ne veux pas tomber sur des Détraqueurs ou que les profs nous reprochent qu’on s’est mis en danger.
-J’suis d’accord avec Zacharias, on va s’attirer des ennuis à trop s’éloigner du village. T’es sûre que tu ne préfères pas profiter du Parc, Amy ? »
Le Poufsouffle lui adresse un léger sourire de reconnaissance. Marietta s’en sent satisfaite. Faire sourire Zacharias Smith n’est pas une mince affaire. Sa réputation de garçon solitaire, imbu de lui-même et condescendant lui colle aux bottes comme un suçasside. La Serdaigle n’a jamais compris la noirceur de ce tableau, assumant son intelligence et sa maturité. Savoir ce qu’on vaut, avoir confiance en soit n’est pas un crime ! Ni elle, ni Zacharia n’ont à faire de courbettes pour se faire accepter pour ce qu’ils sont !
A tort. La Serdaigle s’est tout de suite bien entendu avec lui. Ce sont les autres qui portent des œillères, et non Zacharias Smith.
« Vous faîtes vraiment la paire mes petits nifleurs. Qu’est que vous voulez qui nous arrive ? Pré-au-Lard est sous surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On porte le blason de Poudlard, rappelle-t-elle. Les gens vont bien voir qu’on est du collège et non pas des délinquants en fuite. »
Marietta veut objecter, rappeler la mésaventure de Katie Bell mais Zacharias l’interrompt.
« De toute façon, maintenant qu’on est là, autant en profiter. Que notre excursion à la cuisine ait servie à quelque chose, cède le blond. On s’installe sous le gros chêne, les filles ? »
Z
acharia semble avoir abdiqué, habitué depuis sa plus tendre enfance aux caprices et décisions de sa cousine. Plus partagée, Marietta regarde la rue principale, la sécurité qu’elle leur offre et pense au repas qu’il l’attend, loin des commérages de Poudlard, du regard des uns et des autres et des mines sombres par-dessus les journaux.
Trop occupée à installer la nappe et à sortir les bocaux de nourriture, le pain frais et les boissons, Amelia est au comble de la bonne humeur et ne remarque pas son hésitation. La Serdaigle lui envie cette légèreté en toutes circonstances.
« Marietta ?
-Oui Zach, excuse-moi, j’étais ailleurs.
-J’ai retrouvé ton bracelet en salle de musique, la semaine dernière. »
Le Poufsouffle lui dépose un bracelet dans le creux de la main. Elle reconnaît aussitôt les breloques et étoiles qui habillent le bracelet en argent. Son père le lui a offert l’été passé, un dimanche où ils se promenaient sur un marché. Marietta n’aimait pas plus que ça le coté fantaisie du bijou mais son père semblait heureux de lui faire ce cadeau. Au final, Marietta s’est attachée à ce bracelet. Il lui rappelle une belle journée et un bon moment passé avec Chester Edgecombe.
« Je ne suis pas allé en salle de musique depuis des semaines…
-Tu sais qui a pu te le prendre ? »
Marietta répond par la négative. Si les brimades, réflexions et insultes sont bien moins nombreuses, elle reste consciente des regards sur ses pustules et des murmures dans son dos. Et de ses affaires qui disparaissent trop souvent pour n'être que de l’inattention.
« Je me suis permis de le nettoyer et de réparer le fermoir. Il était cassé.
-Oh, il ne fallait pas Zacharias ! C’est déjà gentil de me le rendre, je croyais vraiment l’avoir perdu ! »
Comme gêné, Zacharias détourne les yeux.
« Je ne voulais pas te le rendre abimé. Il faut vraiment que tu en parles à Ernie ou Hannah. Ce n’est pas la première fois que ça arrive.
-Je sais me défendre Zacharias.
-Evidemment. Mais ces buses n’ont pas l’air de comprendre. Tu n’as pas a toujours endosser le rôle de la méchante pour les recaler.
- Hey, les copains, vous venez mangez ! ça va refroidir et je ne suis pas une pro des sortilèges pour réchauffer la nourriture ! »
Non, définitivement non. Mis à part quelque uns des camarades de Zacharias Smith, mis à part Amelia, sa cousine et amie depuis des années, personne ne prenait la peine de réellement le connaître. Personne ne va plus loin que ces paroles acerbes et son mauvais caractère.
« Grouillez-vous ! La salade coleslaw* est délicieuse ! »
Amy leur tend le plat.
« Franchement, c’est une tuerie. Je comprends mieux pourquoi il n’en reste jamais…
-Le chou me reste sur l’estomac, vraiment. Je préfère m’abstenir.
-Oh, allez, on est pas au « Millénium Palace » ou dans je ne sais quel autre restaurant gastronomique ! Et si tu n’en prends pas, moi, je mange ta part !
-Vraiment, ce n’est pas une bonne idée, grommèle Marietta. Je te préviens, je suis pire d’un gosse, je mangerai tout sauf le chou !
-Moi je préfère prendre welsch rarebit**, annonce Zacharias. Amy, tu peux me passer le plat ? »
Mais Amelia semble heureuse de les voir attablées tous les trois. Elle ne l’a jamais lâchée l’année passée, provoquant même les anciens membres de l’AD.
Et encore une fois, Amy s’est démenée pour leur organiser cette escapade alors qu’elle et Zacharias envisageaient de passer aux Trois Balais ou à écumer les boutiques. Elle avait même promis un détour à Gaichiffon à Zacharias. Le Poufsouffle ne semble jamais avoir assez de gants, écharpes et capes rembourrée, se plaignant de la qualité des robes scolaires.
De façon générale, elle n’arrive pas à refuser quelque chose à sa nouvelle amie. Amelia Hathaway dégage quelque chose, dans son attitude qui fait qu’on a envie de la suivre. Une aura solaire. Marietta refuse de croire qu’Amelia fait tout ces efforts pour l’accaparer au lieu de se faire de nouveaux amis, les siens ayant quitté Poudlard après leurs ASPICs l’année passée.
Cho se trompe, elle a juste peur d’être évincée par la Poufsouffle. De perdre sa place de meilleure amie. Amelia est aussi sa confidente, sa complice, mais de façon différente. La Serdaigle ne sait pas expliquer pourquoi. Cho et Amelia sont aussi importantes l’une que l’autre. Elle ne veut pas choisir, ne veut pas décortiquer ses affinités et souvenirs pour les départager.
Zacharias rentre plus dans les bonnes grâce de sa complice de toujours, Cho ne manquant jamais une occasion de lui parler ou de l’inviter à passer du temps avec elles.
Marietta en oublie Poudlard, la pression des examens, ses incertitudes.
***
*
Le magasin est quasiment vide. Gaichiffon n’est pas dans le budget de tout les élèves et son style fils et filles de bonnes familles ne fait pas l’unanimité. Ses condisciples préfèrent des boutiques plus récentes et plus attractives.
Amelia les a abandonnés le temps de passer à la Poste. Zacharias a disparu dans les rayons des capes et vêtements d’hiver. Marietta flâne dans les rayons. Elle n’a besoin de rien mais son regard est attiré par un pantalon beige clair. Sa garde-robe se compose essentiellement de col claudine, jupes plissées, robes badydoll ou chemisier en dentelles. La variété ne peut pas lui faire du mal.
Le coté garçon manqué du pantalon l’attire. Au final, elle n’a peut-être que deux trois pantalons. Et de qualité bien moindre. En posant devant le miroir à pied, elle se dit même que des bretelles compléterait ingénieusement l’ensemble. Mais Marietta hésite. N’a-t-elle pas assez de vêtements dans sa garde-robe, dont des choses qu’elle ne porte quasiment jamais ?
« Toi, au moins, tu as trouvé ton bonheur. Mon cher cousin est en train de rendre la vendeuse billyywig***.
-Je ne sais pas si je vais le prendre. Ce n’est pas mon style. Les robes à col sont très bien aussi.
- Je vote pour le pantalon. Ça te va super bien !
-Merci. Dis, tu penses que des bretelles seraient de trop ? Ce sont plus les hommes qui en portent mais…
-Garde moi ça, je vais te les chercher ! »
Amelia dépose un colis, son sac et sa cape et file dans le rayon voisin. Marietta continue sa quête au milieu des cintres, guère convaincue par les autres articles
« Et voilà ! J’en ait pris des beiges et des noires. Je ne sais pas lesquelles tu préfères. »
La Serdaigle fait clipper les bretelles noires sur le pantalon. Dubitative, elle se regarde dans le miroir.
« Franchement, t’es super jolie comme ça ! J’espère que tu vas t’habiller comme ça plus souvent.
-Ouais, enfin, tu ne peux pas être jolie avec tout ça sur la tronche…
-Faut être débile pour ne voir que ça. Tu as du charisme, Marietta, pustules ou pas. Et elles vont bien partir, non ? Ce n’est pas pour rien que tu vois ce médicomage à Saint Mangouste tous les mois ! Allez souris quoi !
-Amy, arrête de m’ébouriffer les cheveux, tu me décoiffes !
-Seulement si tu souris ! Tu vois, ce n’est pas dur !
-Dites, les filles, vous terminez vos essayages qu’on rentre ? Surtout que Rusard va vouloir inspecter ton colis Amy…
-Oh, c’est bon, on arrive Zach ! Tu as tout ce qu’il te faut Marietta ?
-Je me change et je vous rejoints en caisse. »
Avant de s’enfermer dans sa cabine, Mariette regarde une dernière fois en direction d’Amy et de Zacharias. Les deux cousins se chamaillent ou plutôt, Amelia veut dérider le blond.
Marietta les aime bien, ces nouveaux amis. Ils bousculent son quotidien et l’aident à garder la tête haute. Granger et Potter lui auront au moins permis de les rencontrer.