- Avada Kedavra !
Les dix dernières secondes qui avaient suivi ces paroles annonciatrices de malheur se déroulèrent dans une atmosphère des plus sulfureuses. Au ralenti, l'adolescente blessée s'était retournée brusquement vers le jet de couleur émeraude qui se dirigeait trop rapidement vers son destinataire, le percutant en pleine poitrine.
Positionnée au-dessus de la balustrade, elle se figea brusquement d'horreur, les yeux imbibés par l'image effroyable que ses deux rétines venaient d'enregistrer, elle fixa la victime paralysée d'effroi. Le regard de l'homme s'était figé sous la surprise, le sourire moqueur qu'il abordait précédemment face à son adversaire ne s'était d'ailleurs pas totalement effacé. Son corps glissa doucereusement vers l'arcade de pierre présente derrière lui, et l'étrange voile qui la recouvrait ne bougea que sur le coup de son passage.
L'enfant, dont la gorge était maintenant sèche et brûlante, ne vit même pas le sortilège bleu électrique qui frôla son oreille, trop occupée à regarder l'endroit où l'homme venait de disparaître. Des gouttes de sueur perlèrent sur son front alors que ses membres refusaient toujours de la faire bouger, ses yeux restèrent écarquillés un long moment là où l'adulte venait de recevoir un ultime sortilège. Impossible, songea-t-elle alors que son cerveau refusait d'enregistrer l'information. Les détonations des sortilèges lui paraissaient loin, trop loin, tel un rêve dont on ne pouvait se réveiller.
Des hurlements. Un cri de rage. Elle vit son ami d'enfance, se trouvant à quelques mètres du lieu du crime et maintenu par un autre individu d'une poigne puissante, qui tentait de se débattre sans succès apparent. Avec un rire strident, moqueur, la tortionnaire chantonna des paroles qui permirent à l'enfant de sortir de sa léthargie.
- J'ai tué Sirius Black, j'ai tué Sirius Black !
Elle vit la femme se frayer un chemin vers la sortie. Rapidement, elle commença à courir en direction de cette dernière, tenant d'une poigne ferme sa baguette avec la soudaine intention de la neutraliser. Elle envoya valser un Mangemort qui avait tenté de lui barrer le chemin ; ce dernier tomba par-dessus la rambarde où elle se trouvait après qu'elle eut lancé un Stupéfix bien placé.
- J'ai tué Sirius Black, j'ai tué Sirius Black !
La Mangemort jeta un œil par-dessus son épaule, et un sourire narquois étira sa bouche à la vue de l'enfant qu'elle avait blessé quelques minutes plus tôt - probablement bien touché à l'estomac lors du duel qui avait précédé, au vu de la couleur rougeâtre qui imbibait son pull - alors que cette dernière la poursuivait courageusement dans une course effrénée tout en évitant de nombreux sortilèges qui lui étaient destinés.
- J'ai tué Sirius Black, j'ai tué Sirius Black !
Une sensation de fureur traversa le corps entier de l'enfant, recouvrant même la souffrance que son estomac lui procurait depuis que l'adulte devant elle l'avait grièvement blessée avec l'aide de deux de ses collègues. Et moi je vais te tuer, Lestrange ! Songea la jeune fille alors qu'une lueur écarlate s'emparait de ses yeux, habituellement si rieurs, à cette pensée malsaine.
- Amélia ! AMÉLIA, NON !
- Qu'est-ce que tu fabriques, EMMY ? REVIENS !
Deux voix. Andrew et Hermione. Les deux seules personnes qui arrivaient toujours à relativiser les situations les plus désespérantes, ils avaient tenté de calmer le jeu depuis leur arrivée au Département des Mystères. Depuis l'écoute de cette Prophétie qui l'avait complètement brisée moralement. Elle aurait pu les écouter, elle aurait pu arrêter cette course-poursuite et rejoindre le reste de ses amis maintenant protégés par les Aurors, seulement, cette femme venait non seulement de tuer le parrain de son meilleur ami, mais en plus elle aurait également pu mettre fin à sa vie quelques minutes auparavant en la blessant comme elle l'avait fait. Non, Amélia ne pouvait laisser passer cela.
L'adrénaline qui parcourait vigoureusement sa chair la déconnecta de la réalité, son esprit était embrouillé par une multitude de sentiments contradictoires alors que ses yeux étaient rivés sur la chevelure noire et emmêlée de Bellatrix. Celle-ci traversa l'embrasure d'une porte que l'enfant n'atteignit jamais. Elle avait bien commencé à lever sa baguette en tentant désespérément de cibler du mieux qu'elle le pouvait, malgré la distance qui la séparait encore de la Mangemort, mais après avoir enjambé des Mangemorts ligotés auprès de cette fameuse arcade, un homme l'attrapa fermement et la colla contre lui.
À la vue de l'individu, la lueur écarlate qui s'était installée dans ses yeux se fit plus pétillante. Menteur. Manipulateur. Seuls ces mots résonnaient dans l'esprit de l'enfant. La Prophétie qu'ils avaient récupéré bourdonnait encore distinctement dans ses oreilles, son cœur se serra douloureusement, elle se sentait trahie et très en colère.
- Vous ! Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! Menteur ! Manipulateur ! cria Amélia.
Avec une force qui la dépassait, certainement due à l'adrénaline, elle réussit à se défaire de l'étreinte qu'exerçait l'adulte sur sa personne. Maintenant à une distance raisonnable, elle tourna son regard vers l'homme d'âge mur, affublé d'yeux bleus derrière des lunettes en demi-lune, qui la fixait, affligé, et les yeux brillants de larmes.
- Est-ce vrai ? Cette Prophétie, est-ce vrai ? chuchota une première fois Amélia, incertaine.
Le vieil homme à la longue barbe blanche continua de la regarder avec tristesse, ce qui eut pour effet d'accentuer la fureur de l'adolescente. D'un geste brusque, elle pointa sa baguette droit sur la poitrine de l'adulte qui portait une robe de sorcier de couleur pourpre. D'un geste tremblant, elle chancela, la douleur qui provenait de sa blessure enflammait maintenant tout son buste. Cette soirée était un horrible cauchemar qui allait rapidement se terminer, elle se réveillerait dans son dortoir à Poudlard et tout irait pour le mieux ! songea l'enfant déboussolée.
- Baisse ta baguette, Amélia ! Tu ne veux blesser personne. Tu es en colère et je le comprends, nous en reparlerons, mais pour l'instant tu es grièvement blessée et il faut t'emmener à Saint-Mangouste. Le sortilège que tu as reçu semble s'attaquer tout doucement à tes organes vitaux, laisse les Aurors s'occuper de toi.
- Je m'en fiche d'être blessée ! cracha-t-elle à nouveau. Maintenant.... RÉPONDEZ-MOI ! EST-CE VRAI ? ET CESSEZ DE ME REGARDER AVEC CET AIR DE PITIÉ !
Elle ne sentait pas la douleur telle qu'elle aurait du certainement la sentir... et c'était vrai, l'adrénaline du moment devait sans doute camoufler ce qui était pourtant en train de la faire saigner, un enchantement, douloureux sur le moment, qu'avait prononcé Bellatrix. Dévor... Dévar... Dévorium ? Certainement un puissant sortilège de magie noir qui devait être traité rapidement, mais comment le vieil homme pouvait-il être déjà au courant de ce qui l'avait frappée ? Il venait d'arriver de nulle part, songea Amélia, malgré tout confuse.
- Je ne me répéterai pas, Amélia, baisse cette baguette !
- JE VEUX DES RÉPONSES ! hurla-t-elle, furieuse, en guise de réplique.
Une veine palpita soudainement sous sa tempe alors que l'envie meurtrière qu'elle éprouvait se décuplait. La respiration saccadée, elle s'apprêtait à lancer un sortilège quand quelqu'un derrière elle tenta de la désarmer. Rapidement, avant qu'elle ne puisse voir qui était l'auteur de cette traîtrise, Albus Dumbledore profita de ce moment de confusion pour la désarmer lui-même. Sa baguette retomba quelques mètres plus loin dans un éclat sonore.
- Dumbledore, Dumbledore ! ricana une voix forte. Par Merlin, qu'as-tu fais espèce de vieux fou ? Comment as-tu osé ? Quand les maîtres apprendront ça ! Donne-lui ses réponses, je suis sûr que sa réaction risquerait d'être intéressante... Enfin... (la personne s'arrêta en fronçant les sourcils) il est vrai que Bellatrix ne t'as pas raté ! remarqua soudainement l'adulte en analysant le sang sur les vêtements de l'enfant. Tue-le ma chérie, il te ment, il te manipule, tu n'es...
Amélia, qui se retrouvait sans arme, fixait maintenant l'endroit où se retrouvaient pratiquement tous les Mangemorts présents, attachés à des fils invisibles. En effet, les détonations étaient moins présentes, et la confrontation prenait fin. Cependant, une femme se délectait de la situation. Un air fou était plaqué sur son visage, et elle analysait l'enfant sous tous les angles, vivement intéressée par cette jeune personne qui avait tenté une demi-heure plus tôt de l'amadouer pour que son petit groupe d'amis puisse s'enfuir de la Salle des Prophéties. Les autres Mangemorts se demandaient certainement ce que Doréa Clanders, bras droit de Lady Voldemort, voulait à l'enfant. Cependant, Dumbledore s'empressa de lui jeter un sortilège de mutisme qui la fit rapidement taire.
-MAIS LAISSEZ DONC PARLER CETTE FEMME PROFESSEUR ! AU MOINS, ELLE SEMBLE SAVOIR DES CHOSES ! hurla Amélia. VOUS NE...
Trop occupée à déverser sa colère, elle ne vit de nouveau pas les deux sortilèges qui la frappèrent de plein fouet de plusieurs côtés. Ses membres se collèrent contre elle tels de la glu avant qu'elle ne soit pétrifiée sur place et ne tombe à la renverse. Elle se retrouva donc incapable du moindre mouvement, ne sachant plus bouger ni ses jambes ni ses bras. Elle se contenta de regarder son directeur qui venait de se placer à sa hauteur alors que de ses yeux bleus coulait une larme qui traversa sa longue barbe argentée.
- Je suis désolé, Amélia, mais au vu de l'état de colère où tu es, il était préférable que l'on te pétrifie. Nous en reparlerons une fois que tu seras remise sur pied, sache juste que je suis sincèrement désolé. Je vais devoir poursuivre Harry, il semble qu'il est pu fuir ce cher Remus et poursuivre Bellatrix à ta place, soupira Dumbledore. L'un comme l'autre, trop impulsifs, murmura-t-il pour lui-même.
Des Aurors, dont Tonks, étaient arrivés pour la prendre en charge. Maintenant qu'elle était immobilisée, elle pouvait sentir une violente douleur s'abattre sur son estomac.
Elle s'en fichait, cette journée était la pire de toute son existence.