2 Décembre 1931
Personne ne naît mauvais. Le mal est un concept abstrait qui se crée lentement, sinueusement au sein d'un individu, envahissant ses veines tel le venin d'un serpent. La méchanceté n'est pas innée, elle apparaît par le biais d'une souffrance extrême et d'un mal-être qui devient difficile à apaiser. Le bien et le mal n'existent pas tels quels. Les plus grands méchants de l'histoire ont tous derrière eux une vie nébuleuse. C'est ainsi qu'au loin, à l'intérieur du principal orphelinat londonien que nous retrouvons la petite Lianna Sauwer sanglotant et couchée sur le matelas de son petit lit. Une petite fille comme l'on pouvait en trouver ici et là. Oui, elle était à première vue une enfant des plus innocente, mais qui pourtant, dans le futur, marquerait l'histoire du monde des sorciers et... de la pire des façons qui soit.
- Le monstre pleure encore, se moqua en hurlant de rire un petit garçon d'environs neuf ans. Le petit bébé. Ce n'est pas comme ça que tu t'habitueras à la vie ici, l'anormale.
L'enfant pleurait beaucoup à cette époque, arrivée depuis peu dans cet endroit froid et lugubre où s'entremêlaient bon nombre d'orphelins tels du bétail à vendre aux parents adoptifs, Lianna ne se souvenait que du jour de son anniversaire, son nom et son prénom. Aucun souvenir d'avoir eu une famille n'était présent dans son esprit. Le petit enfant âgé de quatre ans ne releva pas son visage et se contenta de laisser sa figure enfouie dans cette chose grisâtre et quelque peu moisie qui lui servait d'oreiller alors que Billy Stubbs, un petit garçon blond aux yeux bleu foncé, enfonçait violemment la porte de sa petite chambre afin d'y pénétrer. Monstre.
Ce mot, la fillette aux cheveux bouclés l'entendait maintenant depuis quelques semaines. Des événements anormaux que l'enfant ne comprenait pas se multipliaient autour d'elle. Cela avait débuté trois jours seulement après son arrivée dans ce pensionnat alors qu'elle ne voulait pas manger les légumes de son repas. Ces derniers avaient en effet disparu inexplicablement devant les yeux de certains pensionnaires se trouvant attablés à la même table du réfectoire. S'ensuivirent des rumeurs et de nouveaux accidents inexpliqués que même les multiples frères et sœurs de l'orphelinat ne pouvaient comprendre.
Cela lui avait valu ces surnoms en un temps record. Le monstre et l'anormale. Personne ne voulait l'approcher. Et pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé. Les plus grands de l'orphelinat avaient continué à parler de ces étranges phénomènes auprès des orphelins, telle une traînée de poudre. Les plus petits ne voulaient donc pas jouer avec elle de peur qu'ils ne leur arrivent quelque chose. Le bambin n'avait pourtant qu'un seul désir, se faire des petits amis de son âge avec qui elle pourrait jouer et ce, que ce soit au sein de l'orphelinat ou à la petite école du quartier.
- Laisse-la tranquille, Billy ! cria un autre petit garçon de sa voix fluette.
Un garçonnet aux cheveux ébène venait de se faufiler entre le petit attroupement d'orphelins qui se trouvaient devant l'entrée de la chambre de l'autre fillette. Les poings serrés et du haut de ses presque cinq ans, il ne comprenait pas comment on pouvait être aussi méchant sans prendre la peine de connaître la personne. Il fusilla du regard ces pensionnaires , filles et garçons en ce compris, qui lui faisaient face . Il avait droit lui aussi à des moqueries du même genre que l'autre petite fille qui l'avait directement intriguée dès son arrivée dans cet endroit miteux. Il ne l'avait pas tout de suite approchée de peur qu'elle ne soit comme tous ces autres enfants qui ne voulaient pas de lui comme ami.
Mais lui, à sa façon, il avait finalement compris qu'elle était comme lui. Qu'elle aussi était différente des autres enfants. Alors peut-être qu'aujourd'hui, il pourrait avoir un premier ami avec qui jouer et qui lui ressemblait un peu. À cette pensée, un petit sourire heureux se dessina sur son visage pâle. Il espérait vraiment qu'elle soit différente. Mais après tout, elle faisait des choses étranges comme lui, alors peut-être qu'elle l'accepterait comme ami de jeu.
- Oh, l'autre petit monstre veut qu'on laisse l'anormale tranquille. Tu veux te faire une amie, Riddle ? ricana une enfant au corps athlétique. Ça devient lassant, je vais voir avec madame Cole s'il y a moyen d'aller jouer dans la cour avant d'aller nous coucher. Laissons ces deux morveux pour aujourd'hui.
- Tu sais que nous avons école demain, Kiara, elle ne nous laissera jamais faire ça, commenta un autre garçon du même âge. Autant embêter ces deux-là encore un peu.
- On peut demander à frère Louis, il n'arrive jamais à nous dire non !
Le petit Riddle fixa les six pensionnaires qui se trouvaient toujours à l'entrée de la chambre commencer à débattre furieusement entre eux. Le petit garçon respirait anormalement, il voulait leur faire mal, mais il devait parler avec la fillette alors il refoula ses envies : elle ne devait pas pleurer. Elle était quelqu'un d'exceptionnel, et les autres étaient méchants. Alors, quand ces derniers décidèrent de trouver un des frères de l'orphelinat, il se réjouit à la perspective de pouvoir aller discuter avec la petite fille en toute tranquillité. Les autres orphelins leur lancèrent d'autres remarques désobligeantes avant de disparaître dans le couloir. Le garçonnet attendit de ne plus les entendre pour entrer complètement dans la pièce si semblable à la sienne. Seul un lit, une armoire et une commode siégeaient entre les murs en pierre de l'endroit.
Il s'approcha avec incertitude du petit lit à l'allure usée, la petite fille n'avait pas relevé le regard. Elle tremblait quand il secoua doucement sa petite épaule, mais elle ne bougea pas, concentrée dans ses sanglots. Il ne savait pas comment s'y prendre et il voulait vraiment lui parler. Il fronça les sourcils, et il décida de se glisser sur le petit lit. Puis il se racla la gorge, décidé à intervenir, lui, du haut de ses presque cinq ans.
- Euh... Salut, je suis Tom, fit-il d'un ton légèrement vexé qu'elle ne daigne même pas relever son visage de cet oreiller alors qu'il l'avait défendue. Tu... tu dois pas pleurer, eux, ils sont pas comme nous, ils savent pas faire des choses comme toi ou moi. Je peux te montrer ce que je peux faire si tu veux. Je... commença d'un ton hésitant le garçonnet. Je voudrais que tu sois mon amie.
- Je... je sais qui tu es, tes toujours tout seul et y en a qui ont peur de toi. Ils ont raison de toute façon et pourquoi toi, tu voudrais être mon ami ? renifla Lianna. Tu as pas peur ? Je te crois pas !
La petite fille avait légèrement relevé le regard avant de se mettre en position assise face à la mine intéressée du garçon aux yeux noirs qu'elle fixait désormais avec perplexité. Le petit garçon fut envoûté par ses iris bleu-vert pourtant gonflés par les larmes et il trouva qu'ils étaient les plus beaux yeux qu'il n'eut jamais vus. Tom sentit ses joues rosir doucement face à ses pensées gênantes tandis que la fillette parlait d'une voix saccadée à cause des soubresauts qu'avaient provoqués ses précédents pleurs. Et pourtant, il fut vexé des dernières paroles de la fille. Il n'était pas un menteur.
- Je te l'ai dit, je sens que... que tu n'es pas comme eux. Je sais pas comment expliquer, mais je sais que ce que tu fais sans faire exprès c'est... comme moi, bredouilla Tom en s'empêtrant dans ses propos. Non, j'ai pas peur, fit-il d'un ton brusquement impérieux. J'ai peur de rien, mentit-il avec aplomb. Et ben, tant pis, tu veux pas, et ben c'est pas grave, je serais mieux tout seul comme toujours, fit-il d'une voix très enfantine, en refoulant honteusement les larmes qui menaçaient étrangement de tomber de ses paupières. Je croyais que tu me comprendrais, je me suis trompé.
Blessé dans son orgueil, il sauta du lit en s'y laissant tomber, frustré. Il ne pleurait jamais. Il n'aimait pas les autres enfants de l'orphelinat. Ils étaient stupides, inintéressants et méchants. Il aimait alors leur faire peur quand il en avait l'occasion. Il ne comprenait pas ce qu'il faisait. Mais en faisant cela, il était un peu plus tranquille, car eux ils avaient peur, et étrangement ça lui plaisait. Beaucoup. C'est pour ça qu'il voulait montrer certaines choses à cette petite fille qui avait attiré son attention par sa différence et les multiples rumeurs qui couraient dans l'orphelinat. Inexplicablement, Il voulait qu'elle aussi sache se défendre. Mais tant pis, elle aussi serait un ennemi.
- Attends, euh, Tom ? bredouilla Lianna, en frottant ses yeux avec la manche délabrée et grise de son uniforme. Tu veux vraiment être mon ami ?
Tom s'arrêta à l'entrée de la chambre, le cœur battant la chamade contre sa petite cage thoracique. L'espoir se répandit alors brutalement dans tout son être. Et tandis qu'il l'entendait prononcer ces mots, il pivota de nouveau vers elle, un sourire, pour une fois sincère, se répandant le long de son visage. Il comprit alors qu'il analysait la figure de l'autre enfant, qu'elle aussi devait ressentir cet espoir de ne plus se sentir seule dans cet horrible endroit.
- Oui, assura-t-il, les yeux brillant de joie. Viens... je vais te montrer comment voler des jouets aux autres sans te faire prendre ! Tu sauras le faire, car je suis certain que tu es comme moi. Et puis, on pourra faire ensemble nos lettres d'alphabet pour madame Jane. J'arrive toujours pas à faire le B comme il faut pour demain, expliqua-t-il étrangement en haussant les épaules. Sœur Joëlle dis que je suis un incapable quand elle nous garde en groupe pour les devoirs, mais je fais de mon mieux.
Ce fut sur ces dernières paroles que Lianna, qui souriait pour la première fois depuis son arrivée dans ce lieu, se laissa glisser de son petit lit, faisant virevolter sa petite jupe d'uniforme, et elle se joignit à Tom qui lui tendait la main. Elle n'était pas certaine de vouloir voler des jouets, mais au moins, elle allait peut-être avoir un bon ami et elle ne serait plus seule. Ce fut pour cela qu'elle attrapa la main du petit garçon.
Personne ne naît mauvais. Le mal est un concept abstrait qui se crée lentement, sinueusement au sein d'un individu, envahissant ses veines tel le venin d'un serpent. La méchanceté n'est pas innée, elle apparaît par le biais d'une souffrance extrême et d'un mal-être qui devient difficile à apaiser. Le bien et le mal n'existent pas tels quels. Les plus grands méchants de l'histoire ont tous derrière eux une vie nébuleuse. Car oui, autant Tom que Lianna ressentaient de l'espoir à ce moment précis de l'histoire.
Chers lecteurs, sachez que Lady et Lord Voldemort n'existaient pas à cette époque. Seuls Tom et Lianna qui étaient désespérés à l'idée de survivre, cherchaient à trouver ce que tout enfant voulait être... aimé.
Ce moment fut le début d'une amitié... dévastatrice.