Molly s’activait, le visage fermé, concentré.
C’était sa nuit. Elle était seule, dans cette grande maison débordante de souvenirs et de fantômes… De ceux de ses parents, de ses oncles et tantes, de sa sœur, de ses cousins, de ses enfants. Tant de rires, de pleurs, de soupirs. Tant de fois détruite puis reconstruite. Elle en frissonnait.
Une maison qui finirait très certainement hanté dans quelques semaines. Ou jours. Ou peut être heures.
Elle frissonna plus encore. Ce sera peut-être ce soir… Elle pria pour que ça ne le soit pas.
Tous Weasley, sans exception, redoutaient leur tour. Personne ne voulait être le dernier, celui qui pleurerait le premier, devrait appeler les autres.
Elle ferma les yeux un instant, inspira, les rouvrit, et se saisit de la bouilloire fumante pour la poser sur le plateau, à côté des deux tasses et des petits biscuits. Elle se saisit des anses, effaça de son visage toute émotion négative, teinta ses lèvres d’un large sourire qu’elle voulut convainquant.
A cet instant, elle aurait aimé être Lucy. Lucy était forte, tout son contraire.
Tant pis. Arthur Weasley n’était de toute manière pas dupe.
« Tu pourras me donner mon album, ma chérie, je t’en prie ? »
La voix chevrotante était tout de même chaleureuse, sur fond de crépitement du feu de bois et du grésillement de la radio magique, annonçant les dernières nouvelles de la soirée. Un doigt se tendait sous le plaid, un peu maigre et tremblant.
« Lequel, Papi ?
- Tu sais bien ! »
Molly sourit. Le premier bien évidemment. C’était le plus grand plaisir d’Arthur, en ses derniers instants. Regarder les photos, revivre les émotions d’antan.
Sur le haut de la pile, le vieil album est vieux, mais pas poussiéreux. Les premières pages sont couvertes des photos de bambins plus ou moins grands : les jolis minois si semblables de Bill et Charlie, couverts de tâches de rousseurs, et les joues pleines du petit Percy. C’était Noël 1976. L’année où Arthur avait eu les moyens d’offrir à sa Grand-Mère son premier appareil photo, le début d’une longue collection de jolis clichés.
Molly ne put s’empêcher de noter, cette fois-ci, que la déco de Noël n’avait pas changé : toujours les même guirlandes flottantes, le même sapin autour duquel volait de petits lutins en bois, saupoudrant inlassablement les épines de poudre d’or. Une décoration que beaucoup aurait jugé vieillissante, elle la première. Mais elle n’aurait osé se confier. Son Grand-Père avait bien le droit de renouveler les traditions de son épouse, il ne lui restait plus grand-chose d’elle…
« Attends, souffla finalement Arthur en refermant l’album parcourut qu’en son début. Ce n’est pas le premier. Il y en a un autre, j’aimerais juste… Je ne me souviens plus où…
- Tous les albums sont ici, Papi…
- Non, non. Je- Peux-tu… Dans le grenier peut-être ? »
Molly soupira malgré elle, loin de vouloir aller fouiller le grenier en pleine nuit, mais s’en voulut immédiatement. Arthur avait saisi son agacement et pinça les lèvres. Elle pouvait imaginer ce qui lui passait par la tête : il se sentait déjà coupable de leur prendre une nuit à chacun, simplement pour lui tenir compagnie, verser ses potions dans son thé, alors que leurs propres enfants les attendaient au dehors.
Quelle idiote.
« Dis-moi, je vais aller voir, souffla-t-elle.
- Je ne sais plus… Il a peut être même brulé d’ailleurs.
- Papi, veux-tu ta baguette ? »
Entre les rides, le regard d’Arthur s’illumina d’un seul coup et il hocha précipitamment de la tête. La maladie lui avait tout pris : sa jeunesse, sa vigueur, et peu à peu sa force magique. Au fil des mois, il avait cessé d’essayer, s’épuisant pour de maigres résultats à chaque nouvelle tentative.
Mais un simple sort d’attraction serait peut être encore à sa portée.
Molly ramassa sur la table basse la longue baguette de pin, lui tendit. Il y eut un instant de flottement où ils crurent l’essai vain, et puis un vieil album écorné surgit dans l’escalier, filant jusqu’aux genoux du vieillard.
« Ah ! » s’exclama Arthur, satisfait.
Il avait gagné 20 ans ! Depuis combien de temps n’avait-il pas réussi à faire quelque chose par lui-même ?
Ses doigts frêles accrochèrent la couverture épaisse et dévoila de très vieilles photos un peu décolorées. Molly rapprocha son fauteuil le cœur battant pour se pencher sur ce tout nouveau trésor.
Sur la première page, deux jeunes filles de peut-être 15 ans grimaçait, clairement d’un autre temps sous leur franges bombées.
« Ta Grand-Mère ! s’exclama Arthur en pointant la plus petite du doigts.
- Vraiment ? »
Molly se pencha plus encore, détaillant l’adolescente avec attention. Elle ne l’aurait jamais reconnu mais en y réfléchissant, il y avait un peu de sa Tante Ginny sur ce visage : deux grands yeux rieurs et des traits fins. Et ce sourire… La même audace que Charlie ! Ses cheveux roux carotte ondulaient un peu, ses lèvres étaient teintées d’un rouge vif qui tranchait joliment. Elle était fine, alors que Molly l’avait toujours connue bien en chair. Une très jolie fille qui avait dû plaire, c’était certain.
Arthur gloussa.
« Dire qu’elle a réussi à le cacher toutes ces années !
- Pourquoi donc ? C’est fou ! Je n’avais jamais vu des photos de vous aussi jeune… Tu y es aussi ? »
Il tourna la page, pointa finalement du doigt une photo de sa femme d’une qualité bien inférieure à la première. Elle devait avoir 10 ans peut être… Et à côté d’elle, Arthur était nettement reconnaissable ! La même silhouette élancée, le même air sur le visage. Il était si jeune !
« Mais, vous vous connaissiez depuis si longtemps ?
- Plus encore, ma chérie. Nous avons grandi ensemble. Elle était comme ma sœur.
- C’est fou, je n’aurais jamais cru… En fait je ne m’étais jamais posée la question, c’est drôle.
- C’est quelque chose de commun. Nous, les anciens, sommes censés vous pousser vers l’avenir et non le passé. Et puis ma Molly n’aurait jamais supporté que ce passé s’ébruite ! »
Il gloussa de nouveau, Molly sourit.
« Pourquoi ?
- Oh, et bien… Tu sais quoi, je vais te dire. Mais tu devras garder le secret ! Ta Grand-mère risque de se retourner dans sa tombe ! »
Son cœur s’emballa, sa curiosité s’éveilla. Allait-il lui raconter leur histoire ? Molly aimait tant ça, les histoires d’amour pleines de guimauve…
>>o<<
Le 24 Décembre 1968.
Molly s’éveilla un sourire aux lèvres, traversée par l’envie d’un copieux petit déjeuner. Très copieux petit déjeuner. Une montagne de muffin anglais à garnir de bacon, baked beans, œufs brouillés et autres délicieux mets, des flots de jus de fruits et de thé à la bergamote, et pourquoi pas d’autres joyeusetés sucrées. Au diable sa chasse aux kilos : elle mourrait de faim !
Elle s’étira de tout son long, sentit les rayons du soleil chatouiller le bout de ses doigts… Elle se blottit à nouveau sous la couette en soupirant de bien-être : les rues de New York étaient recouvertes de neige et dehors, il devait faire un froid de canard ! Mais dans sa chambre à cet instant…
Une de ses longues mèches de cheveux roux se souleva finalement et le visage apeuré d’Arthur apparu avant de disparaitre aussi sec.
« Par Merlin, jura-t-il.
- Hein ! » sursauta-t-elle en se redressant d’un seul coup.
Molly prit alors conscience de la situation : elle n’était pas dans la chambre qu’elle partageait avec Patty et Annalise mais surtout, elle était complètement nue !
« Mais qu’est ce que tu fais là ?! Mais enfin ! Oh… »
Elle porta la main à son front, soudain saisie d’une violente migraine et d’une forte nausée. Elle inspira, papillonna des paupières, réussit à fixer son regard sur Arthur qui, en pyjama, se tenait dos à elle, les bras ballants. Elle serra la couverture sous aisselles et soupira. Au moins lui n’était pas nu.
« Qu’est ce que je fais là ? Je ne me souviens plus de rien… et tu as dormi où ? C’est bon tu peux te retourner.
- Non, répondit-il d’une voix étonnamment aigue.
- C’est bon, ne fais pas l’enfant. Qu’est ce que je fais là ?
- Tu as besoin que je te fasse un dessin ? »
Molly vit les oreilles d’Arthur prendre une teinte rouge vive alors qu’il se retournait, penaud. Une sueur froide coula dans son dos.
« Mais tu… je ne me souviens de rien. On n’a quand même pas… ? »
Cette fois-ci, ce fut bien tout le visage d’Arthur qui devint écrevisse. Molly eu envie de s’enfoncer dix pieds sous terre.
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Le 23 Décembre 2040.
Arthur gloussa de nouveau, sa petite-fille le sondant du regard. Allait-il vraiment confier cette partie de leur vie ? Ils avaient gardé le secret si longtemps. Molly lui en aurait tant voulu ! Ils avaient croqué leur jeunesse à pleine dent cet hiver là… Ils avaient été inconscient, amoureux, et s’ils avaient vécu les meilleurs instants de leurs vies, ils n’avaient eu aucune envie que leurs enfants suivent leur exemple. Ils avaient eu de la chance, eux.
Et puis peut être aussi qu’ils voulaient garder ça pour eux, égoïstement.
Mais la fin était proche, il le savait, comme tout le monde.
Il observa un instant sa petite-fille à ses côtés : sans doute était-elle la plus simple de tous. Chacun de ses descendants avait cherché ardemment sa place, cherchant à se démarquer des autres, Molly était devenue elle, sans une vague, sans un bruit. La plus discrète mais aussi la plus attentive.
Ce serait son dernier cadeau.
« Tu n’as jamais remarqué n’avoir jamais vu de photo de notre mariage ? souffla-t-il avec émotion.
- Et bien je m’étais dit que… Vous n’aviez pas d’appareil photo à l’époque, et ça coutait très cher. Surtout que pendant la première guerre…
- Oh ça, c’est ce que Molly se plaisait à vous faire croire à tous, rit-il. Il n’y avait pas encore la guerre à Noël 1968.
- 1968 ? Mais vous aviez… 16 ans ! Non, 17 ?
- 17 ans, tout juste.
- Vous étiez encore à Poudlard ! Vous vous êtes marié à Poudlard ?
- D’une certaine manière.
- Papi ! Vous étiez si jeunes !
- C’était une autre époque. En 1968, ne plus être vierge en dehors du mariage était très mal vu pour une jeune femme.
- Comment ça ?
- Tu sauras tout, ma puce. Tiens, regarde. »
Il tourna la page. Dans cet album se trouvait l’unique photo de leur union. Il rit bruyamment. Molly se pencha et la détailla avec attention.
« Qui est-ce ? demanda-t-elle en pointant du doigt l’homme à leur côté.
- Je ne sais pas.
- Tu ne sais pas ?
- Non, c’était le maitre de cérémonie. »
Il gloussa à nouveau, Molly fronça des sourcils. Avec sa perruque de cheveux plastique et noirs corbeau, ses lunettes en forme d’étoiles scintillantes et son costume blanc immaculé très à la mode chez les moldus de l’époque, il n’avait rien à voir avec les maitres de cérémonie sorciers, toujours très sobre.
« Il a l’air… Euh… Bizarre.
- Il l’était. C’était quelque chose que faisait les moldus : se déguiser en un chanteur très en vogue chez eux, en 1968.
- Et, euh, Papi… Vous aviez l’air…
- Complètement raide ! »
Il rit de nouveau.
Oui, ils avaient été ivre ce soir-là ! Il releva les yeux vers sa petite fille, nota son air interdit.
Molly n’en reviendrait pas à la fin de l’histoire, c’était certain.
>>o<<
Le 22 Décembre 1968.
« Franchement Patty, on se serait bien passé de sa présence. » bougonna à nouveau Molly.
Son amie l’ignora volontairement en continuant d’envoyer du bout de sa baguette gants, écharpes, bonnets et autres vêtements d’hiver dans sa malle magiquement modifiée. La rouquine roula des yeux, exaspérée de ce comportement enfantin et doublement agacée.
Elle s’assit sur son lit, bras croisés, avec un soupir. Voyager avec Annalise Taylor : il y avait de quoi déchanter !
« Allez, Momolle ! s’exclama Patty en jetant ses longs cheveux blonds par-dessus son épaule. Il y aura tout de même moi ! Et Arthur ! Tu ne te rendra même pas compte qu’elle est là.
- Je vais lui passer l’envie de nous accompagner, crois-moi !
- Si ça t’amuse ! »
Bien sûr que non, ça ne l’amusait pas ! Elle avait autre chose à faire que se coltiner cette idiote de Poufsouffle ! Mais pour une raison qui la dépassait, sa meilleure amie avait décidé de l’inviter dans leur virée ultra secrète et très lointaine, bien qu’elles ne la côtoient ni de Morgane, ni de Merlin.
Bon, Arthur pesait peut-être dans la balance. Ce grand nigaud devait être charmé par son air « Je-suis-faible-protégez-moi-pitié ».
« Et tu lui as bien dit de se taire, hein ? » s’assura Molly d’un air inquiet.
Patty haussa des épaules en s’asseyant sur ses affaires pour les tasser convenablement au fond de sa malle.
Le lendemain, ils partiraient pour le voyage de leur vie ! Un plan machiavélique calculé à la seconde près.
Molly se laissa tomber sur son lit, une boule d’excitation naissant dans le creux de l’estomac. Tant pis pour ce changement de programme. Ce Noël serait celui de sa vie !
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Le 23 Décembre 2040.
« Et vos parents ont accepté de vous laisser passer Noël à New York, juste avant vos ASPIC ? » demanda Molly, sceptique.
Ça n’aurait pas été Percy qui aurait accepté un tel comportement de la part de ses filles, et elle n’aurait su comment réagir si ses enfants venaient à lui demander la même chose dans quelques années.
Si, elle savait. Ce serait un non catégorique.
Arthur sourit.
« Nos parents n’étaient bien évidemment au courant de rien. Nous avions informé l’école que nous rentrions pour les vacances et nos familles que nous restions réviser en vue des ASPICs. Nous avions économisé toute une année pour payer un aller-retour en portoloin. La seule difficulté étant de se faufiler dans le Ministère pour le rejoindre sans que nos familles ne l’apprennent.
- Et vous avez réussi ?
- Grâce à la présence d’Annalise en grand partie, oui. Son père était Directeur du Service des Transports Magiques. Je pensais d’ailleurs que Patty l’avait invité pour ça… Mais non.
- Et Patty… c’est elle ? »
Molly se pencha sur la photo trônant en première page. A côté de sa grand-mère, tout sourire, la jeune fille plantureuse semblait grande et très avenante. Les couleurs avaient commencé à se tarir mais on pouvait lui deviner une longue et épaisse chevelure de boucles d’or.
« Patty Lawrence. Cette bonne vieille Patricia… »
Arthur fut pris d’une quinte de toux aussi grasse que sèche. Molly eut un mouvement en avant pour le prendre par les épaules. Geste d’une inutilité sordide. Elle sentit la chaleur bien trop élevée du corps de son grand-père et fronça les sourcils. Qu’importe le nombre de potion qu’il prendrait, à se couvrir autant, sa fièvre ne passerait jamais… Mais il était bien têtu, Arthur Weasley ! Au moins, ce soir-là, il ne répétait pas à quel point il souhaitait partir.
La jeune femme inspira, sourit, se rassit en lui tendant son vieux mouchoir de tartan rouge.
« Ses parents avaient déménagé à Dublin peut-être… Deux ans plus tôt, continua Arthur d’une voix grave et cassée. Elles faisaient la paire, avec ma Molly. Toujours à se plaindre de l’humidité mais vouant un culte à la neige. Elle nous parlait sans cesse de son pays d’origine… C’est elle qui avait lancé l’idée : nous faire découvrir New York, l’hiver. C’était notre mission secrète. Molly était complètement hystérique !
- Est-ce que vous étiez déjà… »
Arthur sourit à moitié, son regard devenant aussi doux que devant les photos de ses enfants nouveau-nés.
« Non. Ma Molly avait toutes les qualités du monde, mais elle n’a jamais été perspicace. Il a toujours fallu qu’on lui mette les évidences sous le nez ! Et à l’époque j’étais bien trop timide pour oser quelque chose. J’espérais un jour que ce serait mon tour… »
>>o<<
Le 23 Décembre 1968.
Molly se frottait les mains avec angoisse, transie de froid. Patty, elle, était suffisamment sereine pour prendre le temps de tresser sa longue chevelure. Arthur avait les oreilles rouges, on aurait sût dire si c’était dû à de l’anxiété ou à l’hiver. Et Annapouf se tenait un peu en retrait, impassible.
Elle leva les yeux au ciel, encore très agacée, puis l’excitation qui l’avait tenue toute la nuit éveillée pris le dessus. Elle trépignait d’impatience.
« Calme toi, Momolle ! rit doucement Patty.
- J’ai si hâââte !
- Tout le monde l’a saisi ! Même Slughorn a deviné notre plan ! »
L’adolescente tourna le regard d’un seul coup vers le vieux professeur, attendant lui aussi sur le quais avec son « air de Slughorn », ses grosses mains potelées posées sur son imposante bedaine. Molly pouffa.
« Pour ça, il faudrait que j’existe à ses yeux ! Peut être qu’un jour, il comprendra que je ne m’appelle ni Maggie, ni Prodett !
- Tu manques d’ambition, Mollynette » sourit Arthur.
Ils échangèrent un regard complice. Contrairement à Patty, leur talent en potion s’arrêtait à la préparation de la soupe de potiron. Elle fronça des sourcils. Ils étaient en septième année, proches des ASPIC, mais elle n’avait aucune idée de ce qu’il souhaitait faire plus tard… Pas chasseur de Dragon à l’autre bout du Monde, espérait-elle !
Elle caressa du regard la silhouette de grand dadet de son ami et se rappela de la fois où un gnome avait élu domicile sous leur maison dans les arbres. Bon, y avait pas trop de risque !
Le Poudard Express surgit de la brume et coupa le sifflet de ses pensées. Molly resserra la prise sur sa malle et se prépara à foncer à l’intérieur. Elle détestait devoir chercher un compartiment vide pendant des heures ! Et avec un peu de verve, peut être sèmerait-elle Annalise !
Elle avait tant hâte mais l’appréhension de se faire chopper par un adulte ami de ses parents planait au-dessus d’elle… C’était ridicule. Elle était majeure, avait économisé pour cette excursion et pouvait bien faire ce qu’elle voulait de ses vacances.
Mais sa mère restait sur l’envers de ses paupières, avec son air sévère et revêche. Si elle l’avait su prête à partir en vadrouille avec un jeune homme de son âge, sans chaperon, quand bien même il était question d’Arthur…
« ENFIN ! Vole de tes propres ailes, petit oisillon ! » lui soufflait sa conscience.
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Le 23 Décembre 2040.
« Et ça a marché ? s’enquit Molly. Vous êtes partis sans vous faire prendre ? »
Arthur pouffa de rire.
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Le 23 Décembre 1968.
Le Ministère était encore bondé. Il n’était que 15h, ils l’avaient fait exprès : ils passeraient bien plus inaperçus au milieu de la foule qu’après 17h lorsque tout sorcier détestant son emploi aurait courru rentrer chez lui, se préparer un grand mug de chocolat chaud pour se couler dans un fauteuil au coin du feu.
Molly tentait quand bien que mal de garder un visage serein et de ne pas marcher trop vite, ignorant les remontrances d’Arthur la priant de se calmer.
Quel rabat-joie celui-là ! Elle avait si hâte qu’une envie pressante d’aller aux toilettes se faisait sentir. Pas étonnant, sa vessie avait la taille d’un petit pruneau, tout comme celle de Patty.
Elles échangèrent un regard, avisèrent le panneau indiquant les WC, dans le couloir du département des transports magiques, s’excusèrent et filèrent.
Arthur souffla, un peu stressé lui aussi, puis devint livide.
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Le 23 Décembre 2040.
« Et alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’impatienta la jeune femme.
- Gideon, Voilà ce qu’il s’est passé !
- Gideon ?
- Ton grand-oncle, le frère de ma Molly…
- Ah ! s’exclama la jeune femme qui ignorait que sa mère avait eu un frère se nommant « Gideon ».
- Je l’ai vu sortir de l’ascenseur au moment où Molly rentrait dans les toilettes… »
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Le 23 Décembre 1968.
Gideon, du haut de ses 1 mètres 75, regarda de haut Arthur, bien que l’adolescent le dépasse de deux têtes.
« Où qu’elle est ? gronda-t-il sans saluer son ami.
- Euh, bin- »
Le jeune Prewett l’ignora, avisa la porte des WC pour femmes, s’y engouffra.
Ça allait barder… Mais comment avait-il su ?
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Le 23 Décembre 1968.
« Tu te rends compte, s’exclama Molly en se reculottant. On y est presque !
- Tu vas voir ! continua la voix de Patty par-dessus la fine cloison de contreplaqué. New York, à Noël, c’est si… J’ai hâte de te montrer tout ça, Momolle !
- Tout ce qui m’importe, c’est de remanger ces pommes d’amour que tu avais ramené l’année dernière !
- De toute manière, il n’y a pas grand-chose d’autre que la bouffe qui t’intéresse dans la vie ! Il faudra quand même que tu me parles de ton secret minceur, copine.
- Et toi de ton secret boo- »
Molly se figea net.
Devant les lavabos, très clairement énervé, Gideon avait les bras croisés sur le torse, sa baguette bien en main.
« Oh oh… siffla Patty en se glissant sur le côté.
- Que- Qu’est ce que tu fais là ? souffla Molly à son frère. Comment t’as su ?
- Où est mon appareil photo ?
- J’sais pas ! »
Ça allait bardé… Molly resserra la prise sur son sac alors que, sans penser à se servir de sa baguette, son grand frère se jetait sur elle pour lui arracher.
« Maman ! hurla-t-elle comme une enfant en se protégeant des attaques de Gideon.
- Rends-le moi, Molly ! Ça fait quatre mois que tu l’as et que je ne peux plus travailler ! Tu te rends compte ? Quatre mois !
- C’est pas un travail, photographe !
- Alors toi…
- Puis tu as l’argentique de Tante Muriel ! Je ne sais pas où il est, l’autre !
- Donne-moi ça ! »
Les anses de cuir de dragon s’arrachant à sa prise lui brulèrent un peu les doigts. Elle regarda son frère ouvrir son sac, tombé sur l’objet qu’elle lui avait lâchement volé pendant son sommeil, s’imagina à New York sans appareil photo pour immortaliser leurs instants de liberté, ou pire… Et s’il prévenait leurs parents ? Il avait dû tout entendre !
Gideon la vit sortir sa baguette de la poche de sa robe, essaya de réagir… Pas assez vite. Elle était la meilleure duelliste de sa promotion à Poudlard et lui n’avait jamais été très porté sur la baguette !
« Petrificus Totalus ! »
Il se raidit, lâcha son sac, tomba sur le sol dans un bruit sourd. Patty poussa un cri suraigu, Molly sentit son estomac lui tomber dans les chaussettes.
Alors ça, elle allait le payer très très cher…
Après New York. Elle se soumettrait à la pire des punitions, mais après !
Elle récupéra son sac, glissa l’appareil photo à l’intérieur, attrapa la main de son amie, et fonça vers l’entrée.
« Viiiiiiite ! » cria-t-elle.