— Wistily, j’aurais besoin que tu ailles me chercher le dossier sur les Portoloins perdus du mois dernier au département des Transports magiques.
Je sursaute quand monsieur Croupton s’approche de mon bureau, me tirant soudainement de ma profonde concentration. Je suis au Département de la coopération magique internationale depuis une semaine et c’est la première fois que mon patron s’adresse à moi. Je sens dans mon dos le regard d’Artem, un collègue arrivé en même temps que moi. Sans doute jaloux de l’attention que je reçois.
— C’est bien Wistily, ton nom ?
Les sourcils un peu froncés, monsieur Croupton me regarde. J’ouvre la bouche, les mots sur le bout de la langue – « presque, Monsieur, c’est Weasley » –, mais rien ne sort.
Cet emploi, c’est la première fois de ma vie que je ne suis pas précédé de grands frères beaux et forts, suivi de petits frères drôles et populaires. Pour la première fois, je peux faire mon propre chemin ; je ne suis dans les traces de personne. C’est toujours inouï pour moi de me présenter et de ne pas voir, dans les yeux de mes interlocuteurs, ce sentiment de « ah, un autre Weasley ».
Mais… ce n’est pas tout à fait vrai. Je ne suis pas le premier Weasley à traverser les couloirs du Ministère. Il y a déjà un autre autre Weasley – un père plutôt qu’un frère, pour faire changement.
Et ce père, je l’aime. N’allez pas croire le contraire. Comme père, il est le meilleur qu’un petit sorcier puisse avoir. Il a toujours été là pour moi, pour m’acheter des livres de cours moldus quand j’en voyais qui m’intéressaient en me promenant dans le village, pour m’aider à rédiger mes devoirs pendant les vacances, pour retrouver mes lunettes quand les jumeaux les cachaient. Depuis que je suis tout petit, je le vois rentrer tous les soirs avec sa mallette, son costume et son air fatigué, et je me dis « un jour, j’aurai un métier important comme papa. »
Aujourd’hui, je comprends que le métier de mon papa n’est pas si important que ça. Il pourrait l’être avec un peu d’ambition, mais Arthur Weasley a toujours su se satisfaire de ce qu’il avait, sans en vouloir davantage. Une vertu, peut-être, mais pas une qu’il m’a transmise ; Percy Weasley, lui, déborde d’ambition. Mon poste actuel n’est peut-être pas génial, mais je n’ai que dix-huit ans, j’ai le temps de gravir les échelons. Un jour, mes enfants me verront rentrer avec mes papiers, mon costume et mon air accompli, et aspireront à avoir un travail important comme le mien.
C’est un peu grâce à mon père que je suis ici. Son assiduité, son bon travail et son sérieux ont convaincu ses collègues de donner une chance à son fils à peine sorti de Poudlard. Mais ils savent tous qu’Arthur Weasley n’a pas cherché une seule promotion de sa carrière, qu’il se satisfait de son pauvre cubicule et de ses tâches monotones. Je dois tout de suite établir que je n’ai pas la même absence d’ambition que lui.
Je souris.
— Absolument. Percy Wistily. Vous avez une excellente mémoire, Monsieur Croupton.