1er novembre 1981
Quelque chose avait changé dans le vent, Lucie le sentait. Il avait changé de sens et d’odeur.
Elle s’était levée de bonne heure ce matin, avait préparé son petit déjeuner en veillant à ne pas faire bouillir l’eau du thé, ni à faire griller ses tartines, et s’était installée à sa table, en face de la fenêtre qui donnait sur son jardin et son potager laissé en jachère.
La radio tournait en fond sonore pendant qu’elle se concentrait sur les lignes de son journal. Elle chercha un instant les pages nécrologiques, les parcourut rapidement sans réellement prêter attention aux noms inscrits dans la liste, puis porta son attention sur les nouvelles locales.
Elle épuisa le journal en un quart d’heure, et finit par se lever afin de se préparer pour le marché.
C’est en sortant dans la rue avec son panier qu’elle sentit cette odeur âcre dans l’air et perçut ce vacarme de fin du monde.
Alors qu’elle mettait un pied sur le trottoir, il y eut un fort courant d’air qui, sifflant à ses oreilles, fit voler son écharpe et son chapeau, qui manqua un instant de lui échapper. Plissant les yeux, elle se tourna à droite et à gauche, paniquée, car certaines poubelles se renversaient sous l’effet du vent, déversant leurs déchets dans le caniveau et produisant de grands bruits, les feuilles mortes s’envolaient en tourbillons gigantesques, et certaines voitures devaient freiner brutalement, faisant crisser leurs pneus, pour éviter des grosses branches qui se détachaient de leurs troncs. Tout ce grand vent hurlait, sifflait et grondait. Dans le ciel, les nuages filaient rapidement comme s’ils fuyaient le chaos.
Soudain, dans ce déchaînement, elle entendit un cri de douleur à sa gauche, et se retourna vivement. Une jeune femme venait de se faire assommer par une tuile tombée d’un toit. Le vent l’avait décrochée de l’ensemble et l’avait fait voler dans la rue. Couchée sur le ventre, la jeune femme gémissait en se tenant le crâne, ensanglanté.
Laissant son chariot, Lucie se précipita à ses côtés, en sortant un mouchoir blanc de la poche de son manteau :
— Voilà, voilà, disait-elle par-dessus le vacarme du vent. Vous m’entendez ?
La jeune femme acquiesça :
— J’ai mal, gémit-elle.
Elle se tenait le ventre, et Lucie s’aperçut qu’elle était enceinte.
— Il faut vous mettre à l’abri, suivez-moi…
Tant bien que mal, elle releva cette jeune femme, et lui passa un bras sous les épaules. Du sang dégringola sur sa manche et tomba sur le sol.
Elle dut lutter contre les bourrasques et contre les tourbillons de feuilles et de poussière pour parcourir les cinquante mètres qui les séparaient de l’entrée de sa maison.
Une fois à l’intérieur, elle allongea la femme sur son divan, et soudain, au dehors, elle entendit un bruit de pneus qui crissaient contre le bitume, suivi un grand fracas. Par la fenêtre, elle vit qu’une voiture venait de percuter un arbre, et la conductrice sortait à grand peine de son habitacle, sonnée et désorientée par l’apocalypse qui se jouait dans la rue. Une vive bourrasque la coucha elle aussi au sol.
Lucie se précipita du mieux qu’elle put vers la porte d’entrée et, l’ayant ouverte, fit de grands signes à la femme qui se relevait :
— Venez ! Venez !
La conductrice courut aussi vite qu’elle put et, au moment où elle quittait la rue, un grand grésillement se fit entendre. Un câble électrique venait de se détacher d’un poteau, et s’écrasait sur la chaussée.
Lucie referma rapidement la porte, et conduisit la seconde jeune femme dans son salon, dans lequel la jeune mère se désinfectait elle-même sa blessure.
Après avoir donné un verre d’eau et une couverture à la conductrice qui se massait douloureusement la nuque, elle décrocha son téléphone afin de joindre le service des pompiers. Une voix de femme lui répondit, et après que Lucie lui avait expliqué la situation, celle-là ne put que lui répondre :
— Je suis désolé madame, tous nos services sont déjà accaparés par une situation plus urgente juste à côté de chez vous. Je ne peux que vous conseiller de rester à l’intérieur avec ces personnes le temps que l’orage se calme. Une fois que nos unités en auront terminé, elles viendront récupérer la voiture accidentée.
— Une situation plus urgente ? s’étouffa Lucie. Je me demande bien ce qui peut être plus urgent qu’une jeune femme enceinte assommée et tombée sur le ventre et une autre, accidentée, qui s’est peut-être fait un coup du lapin !
— Je suis désolé madame, nous ne pouvons pas faire autrement, lui répondit son interlocutrice. Dans la nuit, une fuite de gaz a fait exploser une maison, près du cimetière de la ville, et nos unités y sont mobilisées…
Agacée, Lucie raccrocha brusquement le téléphone.
Au dehors, on entendait les cris du vent dans le ciel, ainsi que les bourrasques qui ébranlaient les fondations des maisons et faisaient trembler les carreaux dans les fenêtres. Les branches claquaient contre les fils électriques et les toitures, les poubelles tombaient et leurs déchets étaient emportés le long des voies.
La lumière des lampes vacilla, manquant de s’éteindre complètement.
— Je suis désolé, dit Lucie aux deux femmes dans son salon. Il va falloir que vous restiez ici le temps que l’orage se calme…
— Les secours ne viennent pas ? demanda la femme enceinte, qui pâlit.
— Non, toutes leurs unités sont mobilisées sur une autre situation. La dame du téléphone m’a conseillé que nous restions à l’intérieur le temps que l’orage se calme.
— Tout est allé tellement vite, dit alors la jeune conductrice, et une nouvelle branche s’abattit dans la rue après s’être décrochée d’un arbre, comme pour lui donner raison. Tout s’est déclenché tellement vite. A peine j’avais passé l’entrée de la ville que le vent s’est mis à souffler de la manière la plus brutale… Je me rendais sur la tombe de ma grand-mère… J’ai pu garder le contrôle de ma voiture, mais plus je me rapprochais du cimetière, plus les bourrasques étaient violentes, et je me suis finalement écrasée dans cet arbre…
Quelque chose se mit alors en place dans l’esprit de Lucie Osborne. Il y avait effectivement quelque chose qui n’allait pas.
Mais soudain, le silence tomba sur la rue de la manière la plus inexpliquée. Très vite, tout fut suspendu dans cette absence de son. Le silence en vint à bourdonner à leurs oreilles.
Les trois femmes dans le salon s’interrogèrent chacune du regard et la conductrice eut la première le réflexe de jeter un œil par la fenêtre.
Elle laissa échapper un petit sursaut de surprise :
— Ça s’est arrêté… Tout est redevenu calme, ça ne souffle plus…
Intimant à la femme enceinte de rester allongée, Lucie se précipita à la fenêtre. Effectivement, le vent ne soufflait plus, les feuilles ne volaient plus en tornades et seul restait ce calme écrasant, dans lequel se dépliait toute l’angoisse de l’attente.
— Ça n’est pas normal, dit-elle, il se passe quelque chose…
Soudain, un camion de pompiers passa devant leur fenêtre, projetant sur les murs du salon ses lumières bleues et rouges, et produisant un vacarme assourdissant. Puis, Lucie vit son voisin d’en face sortir de sa maison, regarder dans la direction empruntée par le camion de pompiers, pâlir, mettre sa main devant sa bouche, comme pour étouffer un cri d’angoisse, et retourner précipitamment dans sa maison en claquant la porte, comme s’il était poursuivi par le diable. Elle jura un instant pouvoir entendre le verrou de sa porte résonner dans le silence de la rue.
Elle se retourna alors vivement vers les deux femmes qui l’observaient.
— Je vais aller voir ce qui se passe là-bas, leur annonça-t-elle. Il serait mieux que vous restiez là jusqu’à ce que je rentre…
La jeune conductrice allait protester mais, en voulant se lever, elle émit un cri de douleur et se massa de nouveau la nuque.
— Je crois que ce n’est pas discutable dans votre état à toutes les deux, ajouta alors Lucie. Je serais très vite de retour.
En partant, elle déposa la boîte de biscuits et la théière pleine sur la table basse, à disposition de ses invitées, et donna un second plaid à la jeune mère, en lui conseillant de ne plus bouger :
— J’en ai eu un, je sais ce que c’est, lui avait-elle dit en l’enveloppant dans la couverture chaude.
— Il a bien eu de la chance de vous avoir, lui avait dit la jeune mère pour la remercier.
Premièrement, Lucie n’avait rien répondu, alors qu’elle avait senti quelque chose chuter en elle. Puis elle avait répondu :
— C’est surtout moi qui ai eu de la chance.
Puis elle s’était relevée, et était entrée dans le couloir.
Ce soir-là, la porte d’entrée s’était ouverte brusquement, alors que Lucie tournait en rond dans le salon. Elle s’était précipitée dans le couloir lorsqu’elle avait entendu des grognements de douleur.
Il saignait de la jambe droite, et tout son pantalon était souillé de terre et de sang.
Il s’appuyait maladroitement contre le mur pour avancer, et quand il l’avait vue dans la lueur des lampes, il avait tenté un sourire consolateur.
— Ce n’est pas si grave, lui avait-il assuré en tentant de se tenir droit, ils m’ont raté cette fois !
— Effectivement, ils n’auraient pas pu plus mal viser, lui avait répondu Lucie, en haussant un sourcil.
— Ils m’ont eu au mollet, ce n’est pas bien grave…
Lucie voyait bien qu’il avait également mal au genou et que celui-ci était fragile.
— Comment tu leur as échappé ? avait-elle demandé, ne dissimulant que très peu son inquiétude.
Il avait sorti sa baguette, et, d’un geste fluide dans l’air, il avait augmenté la luminosité des lampes. Son visage était crispé sur son sourire, et de la sueur couvrait son front et ses joues.
— Ils nous ont rattrapé au cimetière. J’ai transplané vers la sortie du village. J’étais persuadé qu’ils me suivraient. Il y faisait noir, donc je me suis caché dans le bas-côté, et quand je les ai vus arriver, j’ai transplané au coin de la rue.
— Ils étaient combien, cette fois ?
— Cinq, lui avait-il dit, la mine grave, et nous étions trois.
— Ils vous ont vu ? lls ont vu vos visages ?
Il avait hoché négativement la tête, et elle s’était quelque peu détendue.
Ne pouvant supporter de le voir chancelant, elle avait passé son bras sous ses épaules, et l’avait porté jusqu’au salon, où elle l’avait couché dans le canapé. Elle avait déchiré son pantalon et avait constaté l’étendue des dégâts.
— Il va falloir faire une attelle à ton genou, avait-elle annoncé en pâlissant.
— Mon genou va bien !
— Ton genou est aussi boiteux que toi, il faut l’immobiliser avant qu’il ne se brise.
— Combien de temps ça va prendre ? avait-il alors demandé.
— Trois semaines, environ.
Il s’était étouffé :
— Trois semaines ? Je ne pourrais pas les combattre pendant trois semaines ?
— Si tu y vas avec ce genou, tu te feras abattre.
Il l’avait un instant fixé, et elle avait lu dans ses yeux l’ardeur de son désir de combattre, et la vigueur de sa jeunesse. Quelque chose bougeait dans le noir de ses yeux, une force qui le poussait en avant.
— Tu n’as pas une potion pour que ton état s’arrange plus rapidement ? lui avait-elle demandé. Il n’y a pas quelque chose qui existe pour arranger ça ?
— Malheureusement non… Il y a une potion pour faire repousser les os, les ressouder quand ils sont cassés, mais rien pour raffermir les os fragiles… Le processus prend douze heures, mais à la fin, le squelette est entièrement réparé…
La fin de sa phrase s’était noyée dans l’idée qu’il venait d’avoir. Il fixa un instant l’âtre de la cheminée, son esprit vagabondant entre les restes de bûches calcinées.
Lorsqu’il s’était retourné vers elle, Lucie avait senti son cœur se taire brusquement.
— Lee a de cette potion, si je lui envoie un Patronus maintenant, il pourrait nous en apporter de suite…
— Adam…
Elle avait compris son idée et en avait pâli.
— Lucie, nous sommes en guerre, avait-il asséné. Il faut que je les combatte, et si je ne peux pas aider les résistants pendant trois semaines, il se pourrait que même les Aurors ne parviennent pas à arrêter leur avancée. Il faut que tu le fasses…
Elle le regardait, immobile et inébranlable. Ils étaient en guerre depuis quatre ans maintenant, et il ne se passait pas un jour sans qu’Adam ou elle ne s’occupe de repousser les légions de Grindelwald. Adam et ses amis s’occupaient d’affronter les partisans du mage noir qui tentaient de pénétrer dans le village de nuit, et Lucie effectuait des rondes pendant la journée, cachant les familles les plus vulnérables et offrant à d’autres des protections pour les nuits à venir. Elle aurait voulu en faire plus, mais elle n’était pas une sorcière, et elle devait s’occuper des Moldus que les sorciers qui attaquaient le village voulaient voir disparaître.
— Il n’y a pas d’autre moyens ? avait-elle demandé.
Adam avait hoché négativement la tête.
— Fais-le, avait-il dit. Il faut que tu le casses. D’un coup sec.
— Envoies ton Patronus d’abord.
Il avait de nouveau sorti sa baguette, et avait fait apparaître son berger allemand, à qui il avait confié son message, et qui s’était gracieusement envolé à travers la fenêtre.
Lorsqu’il s’était retourné vers Lucie, il souriait de manière peu assurée.
— Arrête de sourire, lui avait-elle dit brusquement, je ne peux pas me concentrer.
Les commissures de ses lèvres avaient frémi, et il avait pris un air grave :
— Tu vas y arriver ? avait-il demandé.
— Evidemment, avait-elle répondu.
— Tu ne trembles pas, avait-il remarqué.
— C’est parce que ça ne sert à rien.
Les lampes projetaient dans la pièce une douce lueur jaune, une odeur de pin brûlé embaumait le salon, et quelques braises subsistaient dans l’âtre de la cheminée.
Le Patronus était revenu en battant de la queue, et avait assuré que Lee arrivait d’une minute à l’autre avec la potion.
Lucie avait positionné la jambe d’Adam sur un coussin, et s’était mise bien en face du genou. Elle avait lié entre elles ses mains blanchâtres. La lumière d’une lampe avait vacillé, plongeant momentanément la pièce dans le noir complet.
Prenant une grande inspiration, Lucie Osborne avait levé les poings et frappé de toutes ses forces.
Attrapant son manteau et son écharpe, elle sortit de nouveau dans la rue calme. Se tournant vers la droite, elle emprunta la route qu’avait pris le camion de pompiers, toutes sirènes hurlantes. Lorsqu’elle releva les yeux, pour fixer le ciel au-delà des toits des maisons, elle eut un hoquet de surprise.
Un épais panache de fumée noire s’élevait au loin, l’air ondulait et la colonne sombre montait au-dessus des cheminées, vers le ciel gris. Elle entendait les vagues cris des sirènes qui résonnaient dans les rues.
Elle se demanda comment une fuite de gaz pouvait provoquer un tel incendie.
Elle marcha une dizaine de minutes dans les rues désertes aux portes verrouillées et aux fenêtres fermées. Elle avait l’impression que les habitants du village se protégeaient contre quelque chose de surnaturel. Elle se retrouva un instant dans les légendes qu’on lui avait racontées lorsqu’elle était encore enfant, dans lesquelles les villageois fermaient portes et fenêtres les jours de Sabbat, craignant que le Diable ne pénètre chez eux et les enlève.
Mais le Diable n’existait pas, pas plus que le Ciel.
Elle arriva au dernier croisement. Elle tourna à droite, dans la rue qui menait au cimetière. Elle se retrouva alors face à un barrage de police, dont les gyrophares projetaient sur les murs des halos bleutés presque irréels. Elle s’approcha des barrières pour constater l’étendue de la catastrophe.
La maison avait été éventrée par l’explosion du gaz, et de cette ouverture sortaient des flammes monumentales, qui léchaient jusqu’au toit et menaçaient de se propager aux habitations voisines.
Les lances à eau peinaient à maitriser l’incendie, et le feu hurlait tant sa nourriture était exquise.
La chaleur atteint Lucie en plein visage, si vive qu’elle dut faire un pas en arrière.
Elle fixa les flammes, le ballet harmonieux de leurs flammèches. Et elle crut voir une main en sortir. Ce fut très bref, mais elle vit clairement le feu prendre forme, se transformer en main gigantesque, monstrueuse et griffue, et tenter sans succès d’atteindre les pompiers en première ligne.
A sa gauche, une journaliste parlait devant une caméra, et criait pour couvrir le vacarme du feu :
— L’incendie s’est déclaré ce matin, tôt, et a été amplifié par une violente tempête qui s’est déclarée dans ce petit village tranquille. Nous n’avons pas plus d’informations sur la famille prisonnière des flammes…
Le feu mugissait et crachait des langues rouges sur le trottoir gris.
Du coin de l’œil, Lucie aperçut un homme s’avancer vers les barrières. Elle voulut l’observer, car son habillement lui semblait peu coutumier, mais au moment où elle tournait la tête, il avait disparu.
Elle reporta alors son attention sur l’incendie, et vit avec horreur que l’homme qu’elle avait vu marchait maintenant parmi les pompiers, qui ne semblaient pourtant pas remarquer sa présence. Il se tenait face au feu et observait ses fourches qui se dessinaient dans les flammes.
— … il semblerait que cet incendie ait été déclenché par une fuite de gaz, qui aurait d’abord fait exploser une chambre à l’étage, avant de mettre le feu au rez-de-chaussée, continuait la journaliste.
Subitement, l’homme face aux flammes leva la main droite et, d’un coup, le feu se figea. On entendit un grand rugissement, qui semblait venir des profondeurs de l’incendie. Il criait sa colère d’avoir été interrompu dans son festin et réclamait vengeance et mort. Cependant, très lentement, les flammes commencèrent à refluer vers l’intérieur, roulant sur elles-mêmes comme une mer qui se retire, et étouffant ce cri hideux qui finit par être noyé par les lances à eau.
Et cet homme se tenait toujours immobile face à la maison, le bras levé, et les pompiers s’agitaient toujours autour de lui sans le voir.
Bientôt les flammes s’étaient tues, et les pompiers essoufflés s’asseyaient à même la chaussée en remontant leurs casques, épuisés par leur combat.
Quant à lui, l’homme en robe mauve, à la longue barbe et aux lunettes en demi-lunes avait fait demi-tour, s’était dirigé vers un des camions derrière lequel il avait disparu, sans que personne ne le voit, si ce n’était Lucie, qui avait suivi cette scène avec un effroi de tous les diables dans le cœur.
A ses côtés, la journaliste avait suivi en direct le retrait des flammes :
— Il semblerait que l’incendie soit éteint, malgré les réticences qu’il opposait premièrement au travail des pompiers. Leur tâche va dorénavant être d’identifier les victimes et d’évaluer les préjudices matériels. Une habitante nous a confié que la famille qui vivait dans cette maison maintenant ravagée était un jeune couple installé depuis peu dans le village avec leur jeune enfant. Un rassemblement est d’ores et déjà prévu devant le lieu de la catastrophe, dès qu’il aura été sécurisé par les pompiers. Il va sans dire que ce drame marquera profondément le petit village, habituellement si calme, de Godric’s Hollow.
…
6 juillet 1996
Ce matin-là, comme tous les autres matins, Lucie Osborne s’était levée de bonne heure, avait préparé son petit déjeuner en veillant à ne pas faire bouillir l’eau du thé, ni à faire griller ses tartines, et s’était installé à sa table, en face de la fenêtre qui donnait sur son jardin et son potager laissé en jachère.
La radio jouant en fond sonore, elle avait tourné les pages de son journal, en s’arrêtant un moment sur les pages nécrologiques, pour ensuite passer aux informations du jour.
Une fois son petit déjeuner terminé, elle s’était levée, et était allée se préparer pour le marché.
Le ciel était gris au-dehors, et l’air moite était empli d’une lourdeur irrespirable. Quelques oiseaux volaient vers entre les poteaux électriques et se posaient sur les filins.
Avant de partir, elle fit un tour entre les allées vides de son jardin, tournant autour de son potager et fixant sa terre envahie de mauvaises herbes.
— Un jour, peut-être…, murmura-t-elle.
Elle s’en retourna ensuite vers sa maison, attrapa son caddie, ses clés, et s’en alla.
Cependant, au moment où elle ouvrait la porte de son couloir, un cri strident retentit au-dessus d’elle et, en levant la tête, elle vit soudainement un hibou noir se précipiter à toute allure vers elle, les ailes déployées pour ralentir son élan. L’oiseau poussa un second cri qui ressemblait à un appel à l’aide, et Lucie fit rapidement un pas sur le côté, si bien que le volatile, ne pouvant arrêter sa course, se jeta dans le couloir d’entrée et finit son vol sur le porte-manteau.
Affolée par la vision du hibou s’écrasant contre la tringle de bois, elle se précipita vers l’oiseau. Il était enfoui sous les couches de manteaux qui avaient été accrochées au porte-manteau, et se débattait avec les vêtements.
En enlevant les couches unes à unes, elle murmurait des paroles rassurantes pour calmer la fureur de l’oiseau :
— Voilà, voilà, je suis là, tiens bon…
Dès qu’il sentit une échappatoire, le hibou sortit de sa prison et recula loin des manteaux, les fixant avec un air suspicieux.
Lucie vit qu’il portait à la patte un petit bout de parchemin, et lorsqu’elle tendit la main vers lui, l’oiseau fit un bond en arrière.
— Tout va bien, tout va bien, lui disait-elle. Je ne vais pas te faire de mal.
L’oiseau s’immobilisa un instant, et sembla l’observer quelques secondes. Puis, doucement, il s’approcha de Lucie, et lui tendit la patte où était accrochée le bout de parchemin.
— Cela fait bien longtemps que je n’ai pas reçu de messages sous cette forme, sourit-elle en déliant le nœud.
Un fois le bout de parchemin tombé dans sa main, elle jeta un coup d’œil au hibou. Celui-ci rajusta un instant ses plumes, et, poussant un nouveau cri, il s’élança de nouveau vers le ciel gris, passant le cadre de la porte à une vitesse folle.
Assise dans son couloir, Lucie le regarda s’envoler dans les nuages, et disparaître dans l’immensité du ciel.
Quelqu’un avait toqué rapidement à sa porte, ce soir-là, le soir de l’explosion. Lorsqu’elle avait ouvert, elle avait trouvé sur son seuil une Virginia frigorifiée, tenant la main à un Henry emmitouflé dans une épaisse veste rembourrée. Sa fermeture avait été remontée bien au-dessus de son menton, et il ne subsistait qu’une légère ouverture qui laissait à peine voir les yeux du garçon.
— Virginia, je crois que ton fils aimerait respirer, avait-elle dit dans un sourire, en guise de salutation.
Virginia, quant à elle, l’avait fixée sans comprendre. Devant son incrédulité, Lucie l’avait invitée à entrer, et à se mettre au chaud devant la cheminée. En apportant un chocolat pour ses deux invités, Lucie avait demandé :
— Qu’est-ce qui t’amène ici en plein soirée, ma petite ?
— Je suis venu dès que j’ai appris…
— Appris quoi ?
— Appris pour la fuite de gaz ! Je voulais m’assurer que tu allais bien !
Lucie avait opiné du chef en riant doucement, certaine que Virginia ne lui disait pas tout :
— La maison qui a explosé est à dix minutes à pied d’ici, je ne craignais rien.
Elle avait semblé se détendre, et Lucie avait vu ses épaules s’abaisser sensiblement. C’était une belle femme, Virginia. Elle était svelte, sa chevelure était longue et brune, ses yeux étaient clairs et son nez était fin. Elle se déplaçait souvent avec une aisance confondante et naïve. Lucie avait souvent remarqué qu’elle irradiait dans l’espace où elle se trouvait, et généralement sans en avoir conscience.
Elle s’était penchée sur la table basse et avait saisi la tasse de chocolat chaud. Henry, lui, avait déjà terminé la sienne et demandait à sa mère s’il pouvait monter dormir, car il avait sommeil. Virginia s’était tournée vers Lucie, qui avait acquiescé.
— Merci grande-tante Lucie, avait dit Henry en l’embrassant.
— Tante Lucie suffira, lui répondit-elle en le lui rendant.
Quand la porte du couloir s’était fermée sur le petit Henry montant les escaliers, Virginia avait reposé sa tasse sur la table et fixé Lucie d’un regard triste.
— C’est vrai ce qu’on raconte ? avait-elle demandé d’une voix tremblante, après s’être assurée que Henry avait bien monté tous les escaliers et ne pouvait plus les entendre. Que ce sont les Potter qui ont été tués par Tu-Sais-Qui ?
Le silence s’était fait total, et l’on entendait seulement les bûches crépiter dans l’âtre. Lucie avait un instant regardé ses mains baguées, et avait doucement acquiescé. Virginia avait alors repris :
— Et sais-tu s’il est aussi vrai que Tu-Sais-Qui…
— Virginia, il faut que tu l’appelles par son nom. Cette périphrase ridicule me met en colère.
Elle avait rapidement détourné la tête :
— Excuse-moi, Lucie, avait-elle dit d’une voix tremblante. Mais si Tu-Sais… Voldemort a disparu, cela veut dire que la guerre est terminée…
— Selon toutes les informations que les sorciers veulent bien nous donner, il semble que la guerre est terminée pour de bon. Voldemort aurait disparu hier soir, le sortilège qu’il voulait jeter à ce pauvre enfant aurait rebondi et serait revenu à son envoyeur…
— Et l’enfant ? Qu’en est-il de lui ?
— Personne ne sait. Il a survécu, c’est tout ce que nous savons. Il vit, et c’est une information amplement suffisante.
Il y avait eu un nouveau silence, au cours duquel Virginia avait but un peu plus de chocolat chaud.
Lucie la regardait fixement, certaine qu’elle gardait encore le silence sur une question qui la préoccupait. Celle-ci avait les mains tremblantes, malgré la chaleur de la tasse qu’elle tenait, et son genou gauche était pris de tremblements. Elle pinçait frénétiquement sa lèvre inférieure entre ses dents, et quelques fois, ses yeux se perdaient dans le vague de ses pensées. De temps à autre, Lucie pensait que Henry ressemblait à Virginia, lorsqu’il lui arrivait également de se perdre dans le fil de ses rêves éveillés.
De manière un peu soudaine, Virginia avait été prise grand tremblement, si bien que sa tasse avait failli déborder.
— Je suis désolé, Lucie, s’était-elle excusée, mais je meurs de froid…
Immédiatement, Lucie s’était levée et avait attrapé une couverture dans un placard, avant de lui mettre sur les épaules.
— Quelque chose te tracasse, lui avait-elle dit en s’asseyant à côté d’elle et en lui caressant le visage, je peux le voir. Dis-moi ce qui t’ennuie, ma douce.
Virginia avait reposé doucement sa tasse sur la table basse, et avait inspiré profondément. Lorsqu’elle s’était tournée vers Lucie, celle-ci avait pu voir ses yeux briller dans la lueur que dégageait le feu de bois.
— Lucie, avait commencé Virginia, tu es en contact avec le monde des sorciers, depuis toujours… Depuis toujours ton village abrite autant de sorciers que de non-sorciers…
— Surtout ne le dis pas à Margaret, avait tenté Lucie en lui adressant un clin d’œil.
Virginia avait esquissé un sourire et avait répondu :
— Je crois que même si elle ne le sait pas, elle le sent, qu’il y a beaucoup de magie ici… C’est comme si elle était allergique…
— Ta mère a toujours détesté la magie, et ce n’est pas peu dire… C’est certainement pour cela qu’elle ne passe jamais me voir !
Virginia avait eu un éclat de rire, qui avait fait tomber ses longs cheveux noirs de ses épaules. Ses fossettes s’étaient formées au coin de sa bouche, et Lucie avait senti son cœur se réchauffer à la beauté de ce sourire.
— Quoi qu’il en soit, avait continué Virginia, tu connais le monde de la magie… Sais-tu si les sorciers et sorcières emprisonnés pendant la guerre vont être jugés de nouveau, à la lumière des révélations qui vont bientôt se faire ?
Le sourire de Lucie avait disparu lorsqu’elle avait compris où Virginia voulait en venir. Son cœur s’était effondré dans sa poitrine, et elle en avait senti chaque morceau disparaître dans un étang de tristesse.
— Virginia…
— Répond-moi, Lucie, s’il-te-plaît… La justice va-t-elle juger de nouveau les sorciers et les sorcières arrêtés pendant la guerre ?
Sa voix avait de nouveau tremblé. Lucie sentait qu’elle menaçait de s’effondrer, quelle que soit la réponse.
Prenant une inspiration, elle avait lissé les plis de sa jupe à carreaux, et avait tenté de regarder Virginia dans les yeux.
— Je ne sais pas, ma chérie. Il est encore trop tôt pour le dire. Le monde des sorciers vient tout juste de sortir d’une de ses pires guerres. Les pertes ont été significatives, beaucoup de sorciers et de sorcières sont mortes, ils ont un deuil à faire. Il faut être patiente, et attendre que la justice prenne une décision…
Le visage de Virginia s’était quelque peu durci :
— Il n’y a pas que le monde des sorciers qui ait eu à subir une guerre terrible, Lucie. Il n’y a pas que les sorciers et les sorcières qui aient un deuil à faire.
Lucie gardait le silence.
— Cette guerre m’a ôté mon mari, avait continué Virginia, et elle a enlevé son père à Henry. Moi aussi je dois faire mon deuil. Et croire que si la justice se penche à nouveau sur le cas de Peter, elle soit plus juste et plus clémente que celle qui l’avait envoyé à Azkaban. J’ai failli perdre la vie, cette nuit-là. S’il n’avait pas abattu cet homme qui était apparu à côté de moi, qui sait ce qu’il me serait arrivé. Et qui sait ce qu’il serait arrivé à Henry. Sais-tu pourquoi, malgré l’argument de la légitime défense, Peter a tout de même été condamné ?
Virginia n’avait même pas attendu une réponse de Lucie. Et celle-ci savait qu’elle n’en attendait pas.
— Parce qu’un des hommes qui avait voulu nous tuer était un proche d’un haut placé au Ministère. Il avait voulu prendre sa revanche et avait falsifié le dossier. D’un jour à l’autre, il y avait de nouvelles preuves, de nouveaux témoignages, des gens qui disaient avoir vu Peter agresser une femme, celle qui est morte, dans la rue, et que les trois hommes qu’il avait tués s’étaient interposés pour l’en empêcher. Toute l’histoire a été réécrite, et même ma présence et celle de Henry ne comptait plus comme preuve. Nous étions sortis du jeu et nous n’existions plus que pour notre malheur. Nous étions devenus la pauvre famille de l’accusé qui croyait si bien le connaître, mais qui ne savait pas qu’il s’agissait d’un monstre. La presse s’est régalée. Et ma mère également.
Lucie avait été prise d’un frisson. Elle avait eu l’impression, l’espace d’un instant, que Virginia avait persiflé.
— Je pourrais faire mon deuil, Lucie. Je le pourrais. Je pourrais me résigner, me dire que mon mari est en prison à cause d’une justice corrompue, et en rester là. Je pourrais faire ça. Malgré tout, je m’y refuse. On m’a arraché mon mari, on a arraché son père à mon fils, et cela, je ne le pardonne pas. Je refuse de faire mon deuil, car c’est ce qu’on attend de moi, et je refuse de donner satisfaction aux hommes qui ont enfermé Peter — car oui, Lucie, toutes ces histoires, ce sont des histoires d’hommes, et on attend d’une femme comme moi de s’en tenir à l’écart.
Lucie acquiesça silencieusement. Elle sentait quelque chose bouger dans sa poitrine, une cicatrice qu’elle avait laissée béante venait de se réveiller. La plaie la faisait de nouveau souffrir et elle ressentait avec acuité ses bords douloureux.
— Je comprends, avait-elle dit. Je te comprends…
Virginia ne pleurait plus, ses yeux n’étaient plus humides, et si sa voix tremblait, ce n’était plus de tristesse. Les poings serrés sur ses genoux, son souffle était court et ses pupilles dilatées. Elle avait eu un soupir et avait alors desserré les poings. Elle avait passé une main dans ses cheveux, et avait contemplé l’âtre pendant un instant.
— Mais malgré tout, que puis-je faire contre ça ? avait-elle continué sombrement. Si j’avais une baguette, si j’étais une sorcière, qui sait ce que je pourrais faire pour le faire libérer. Au lieu de ça, quelles sont mes armes ? Mon intelligence ? C’est ce que la complaisance me dirait, et elle aurait tort. Car les hommes en face sont tout aussi intelligents, et dangereux. Ma force ? Qu’est-elle sans magie ? Le simple fait que je n’ai aucun pouvoir me discrédite d’office dans leur monde.
Elle s’était tournée vers Lucie, qui n’avait pas cessé de la regarder :
— Comment as-tu fait, toi ? avait-elle alors demandé. Comment as-tu fait pour vivre avec ce qu’il est arrivé à Adam ? Et à Tom ?
Lucie avait soudain eu le souffle coupé. Sa blessure s’était maintenant étendue à son corps tout entier, et ses moindres muscles, ses moindres articulations étaient immobilisés par la douleur hurlante du deuil. Son menton avait tressailli lorsqu’elle avait tenté de refouler le sanglot qui montait des profondeurs de ses entrailles.
— Ma situation était bien différente, avait-elle dit en levant les mains, pour dresser un barrage aux lourds souvenirs qui refluaient. Mon cas n’a rien à voir avec le tien.
— Mais il à tout à voir, s’était défendu Virginia. Toi aussi, tu as dû composer avec une justice truquée, toi aussi tu as perdu…
— Virginia !
Lucie avait crié si fort qu’elle avait été elle-même effrayée par la puissance de sa voix. En face d’elle, sa nièce la fixait avec des yeux ronds, la bouche entr’ouverte, comme immobilisée dans un instant de suprême insolence et de suprême fragilité.
— S’il-te-plaît, avait alors repris Lucie. Ne m’inflige pas ce souvenir. Mon deuil a été assez long, je n’ai pas besoin que tu me rappelles à quel point il a été compliqué.
Elle avait pris quelques secondes pour revenir à elle, pour maîtriser ses tremblements et remettre un peu d’ordre dans ses cheveux roux.
Une fois qu’elle avait senti que son rythme cardiaque était revenu à la normale, elle avait repris :
— Tu veux que je te dise comment j’ai fait mon deuil ? Comment j’ai continué à vivre ? C’est simple, je ne l’ai pas fait. Car, comme tu l’as dit, on attendait de moi que je me résigne, que je retrouve une vie mesurée malgré l’iniquité de la justice. Seulement, je ne l’entendais pas de cette oreille. Le deuil a été ma démesure pour trouer de part en part le voile qu’on voulait me faire porter pour étouffer mes cris. Il fallait que je passe à autre chose, que j’avance et que je permette au temps de continuer à s’écouler, que je le laisse panser mes plaies. Je n’en avais pas envie, je ne voulais pas que le temps avance, je ne voulais pas que mes plaies guérissent, car la douleur me permettait de hurler à en faire trembler les juges et leur justice.
Elle avait marqué une pause.
— Seulement, plus je criais, plus je me consumais. Je refusais de manger, je refusais de dormir, et mon entêtement m’affaiblissait. On me plaignait, on me disait que l’on comprenait ma perte et ma colère. On disait beaucoup de choses, à cette époque. On disait que les temps à venir seraient meilleurs, que je devais espérer, et continuer à croire. Mais en quoi pouvais-je croire quand mon fils et mon mari avaient été assassinés de sang-froid, en pleine rue, et en plein jour ? En quoi pouvais-je encore croire quand la justice s’était montrée aussi incompétente à juger leurs meurtriers ?
Lucie avait pris une inspiration.
— Par la force des choses, je me suis résignée. J’ai cru assez longtemps à ce qu’on me disait pour recouvrir des forces. On me disait que la guerre était terminée, que tout irait mieux maintenant. Quelles bêtises ! La guerre n’est jamais terminée, en tout cas pas pour nous. Ce n’est pas parce que Lord Voldemort a disparu ce soir que la guerre est terminée. Cette guerre-là est une guerre d’hommes, encore une. La nôtre n’a jamais cessé, et ce serait une idiotie de croire que la paix est revenue ce soir. Nous sommes des femmes de guerre, Virginia, nous sommes des combattantes perpétuelles, des dommages que l’on voudrait collatéraux mais qui refusent cette place qu’on veut bien leur donner. Notre combat à nous est constant, et l’on voudrait le faire passer sous silence. Tu veux savoir comment j’ai fait mon deuil ? Je l’ai fait en combattant.
Et elle avait ajouté assez vite, sur un ton léger, qui l’avait fait se radoucir :
— Et la première personne que j’ai combattue, c’était ta mère. Mais il fallait s’y attendre, elle n’avait jamais aimé Adam, bien avant de savoir qu’il était un sorcier…
— Comme elle n’avait jamais aimé Peter, bien avant de savoir qu’il était un sorcier…
— Mon Dieu, je crois que tu as raison… Elle est allergique à la magie !
Elles avaient ri toutes les deux de bon cœur. Le feu projetait sur leurs peaux de vagues spectres dorés et sur leurs visages, des flammes orangées. Leurs yeux brillaient dans la semi-obscurité, et leurs voix étaient chaudes. Leurs chevelures flamboyaient autour de leurs têtes, et leurs rires étaient si profonds que la noirceur semblait s’y noyer.
Un léger tapotement contre une fenêtre avait interrompu leurs rires. Surprises, elles avaient remarqué dans la direction d’où provenait le bruit et avaient été étonnées de voir que, sur l’appui de fenêtre, un belle chouette effraie attendait qu’on lui ouvre. S’approchant de la poignée, Lucie avait remarqué qu’un bout de parchemin était accroché à la patte droite de l’oiseau. Une fois le message retiré, la chouette avait étendu ses ailes blanches, et disparu silencieusement dans la nuit noire.
Intriguée, Lucie avait rapidement déplié le bout de parchemin et avait rapidement parcouru les quelques lignes qui y étaient inscrites.
— Ils disent qu’ils ont attrapé les Mangemorts qui ont mis le feu à la maison des Potter ce matin. Ils disent qu’ils voulaient effacer toute trace, mais qu’ils se sont fait attraper à la sortie du village, en voulant transplaner. On nous dit qu’il est maintenant possible et sûr de sortir dans les rues.
Elle se tourna vers Virginia, et lui sourit :
— Je n’avais pas l’intention d’attendre leur permission, mais qu’importe…
Virginia lui avait rendu son sourire et, lorsqu’elles s’étaient rassises sur le canapé, ce n’était plus de la cheminée que la lumière semblait émerger.
Lucie était toujours assise à même le sol, la porte d’entrée toujours ouverte sur la rue, lorsqu’elle avait ouvert le bout de parchemin.
Le message disait : « Nous arriverons pour le thé. Nous apportons les gâteaux. Joyeux anniversaire ! — Marlène et Henry ».
Un sourire étira ses lèvres. Elle se releva tant bien que mal, et s’en alla au marché, le cœur léger.
Sur les coups de quatre heures, Lucie entendit dans son salon un grand bruit qui ressemblait à des coups de fouet donnés dans l’air. Alors qu’elle se hâtait de se diriger vers la pièce, elle entendait déjà deux voix discuter :
— Vraiment, je crois que je ne m’y habituerai jamais…
— Tu n’as pas envie de vomir ?
— Non, mais si on se met à parler de vomi, ça risque de venir…
Lorsqu’elle passa finalement la porte du salon, elle tomba sur Henry et Marlène, les bras chargés de plateaux garnis de biscuits en tous genres, et de chocolats de toutes les couleurs.
— Mais vous avez préparé un festin ! s’exclama-t-elle. Il faudrait un régiment pour en venir à bout !
— Justement, rétorqua Marlène, nous avons pensé que nous ferions un bon régiment, à nous trois. Et que votre thé serait la pièce maîtresse de ce festin.
Après ces chaleureuses salutations, Lucie proposa au couple de prendre place dans la cuisine, autour de trois tasses de thé. Ils échangèrent quelques banalités sur l’âge, sur le temps qui passait, sur le début de la migration…
Cependant, Lucie voyait, aux regards que les deux se lançaient, qu’ils attendaient impatiemment de lui faire part de quelque chose d’important. « Faites qu’elle ne soit pas enceinte » avait-elle soudainement pensé. Et toujours, Henry et Marlène, devant elle, s’échangeaient des regards complices et sûrs d’eux. Alors, vint un moment où Lucie n’y tint plus.
— Bien, dit-elle en joignant ses mains, à moins que vous ne soyez venus jusqu’ici que pour me parler de pluie et d’oiseaux migrateurs, je crois comprendre que vous avez quelque chose à me dire…
Elle vit avec délectation leurs sourires s’évanouir comme une ampoule qui claque, et laisser place à une incrédulité touchante.
— Allons, depuis que vous êtes arrivés, vous n’avez cessé d’entretenir une complicité qu’il était difficile de ne pas remarquer, reprit-elle. Donc, je vous le demande une nouvelle fois : avez-vous quelque chose à m’annoncer ? Si c’est un arrière-petit-enfant, je hurle, je vous préviens !
Henry bafouilla quelques mots, et Marlène rosit sensiblement. Cependant, les deux se regardèrent et commencèrent à rire joyeusement, jusqu’à n’en plus pouvoir.
— Nous sommes désolés, tante Lucie, dit Henry lorsqu’il redevint calme. Nous ne sommes pas venus pour t’annoncer un arrière-petit-enfant.
Lucie se sentit indubitablement plus soulagée.
— Nous sommes venus parce que nous voulions t’offrir un cadeau un peu spécial, continua-t-il.
Le ton de mystère qu’il avait pris l’intrigua.
— Vous êtes certainement au courant des derniers événements qui sont survenus au Ministère ? demanda alors Marlène, qui sentait qu’il fallait très vite commencer les explications.
Lucie tenta de comprendre où ils voulaient en venir :
— Vous parlez de cette pauvre dame qu’on a retrouvé assassinée chez elle ? Comment s’appelait-elle déjà ? Une de vos ministres…
— Amelia Bones ? Non, non, malheureusement non, ce n’est pas à elle que nous faisons allusion.
Le corps d’Amelia Bones avait effectivement été retrouvé la veille, dans sa maison, tuée par, on le soupçonnait, Lord Voldemort. Lucie avait lu la nouvelle dans les informations de la Gazette que lui avait prêtée sa voisine.
— Nous faisons en réalité allusion à ce fait divers dans lequel des élèves de Poudlard ont affronté des Mangemorts de Vous-Savez-Qui dans le département des mystères.
Lucie acquiesça. Effectivement, elle avait eu vent de cette histoire. Harry Potter et ses amis s’étaient rendus dans le ministère et avait été secourus par des membres de l’Ordre. La perte d’un homme avait été à déplorer, mais Lucie ne se souvenait pas vraiment de son nom. Seulement, l’affaire remontait à un an et demi, maintenant…
— Eh bien, voyez-vous, continua Marlène, ces péripéties avaient alors plongé le Ministère dans un chaos indescriptible. Tout avait dû être réformé, et le département des mystères lui-même avait dû subir quelques modifications. Le Ministre de l’époque avait donc appelé de nombreux spécialistes pour en revoir l’organisation aussi bien administrative qu’architecturale. Si bien que deux de nos amis, qui avaient déjà rempli quelques missions pour le Ministère, se sont retrouvés à occuper les rôles de consultants dans cette affaire.
Lucie était toujours aussi perdue, et ne voyait absolument pas où Marlène voulait en venir. Henry, quant à lui, avait tiré à lui le sac à main de la sorcière, et y avait plongé le bras jusqu’à l’épaule, en quête d’un objet perdu dans l’immensité magique.
— Les voici donc occupés à rénover le département des mystères, lorsqu’on leur demande de s’occuper de la « salle des souvenirs ». Il s’agit d’une salle tenue secrète, au cœur du département des mystères, qui contient tous les souvenirs des Aurors du Ministère.
Devant l’incompréhension flagrante de Lucie, Marlène se décida alors à tenter une autre approche :
— Mrs. Osborne, que savez-vous des Patronus exactement ?
— Eh bien, les Patronus sont des espèces d’animaux que vous invoquez pour vous protéger de créatures drapées dont le nom m’échappe…
— Précisément, reprit Marlène, un Patronus est un sortilège qui permet aux sorciers et aux sorcières de se protéger des Détraqueurs lorsque ceux-ci les attaquent. De plus pour conjurer un Patronus, il faut que le sorcier ou la sorcière pense à un souvenir heureux, qu’il sente presque sa chaleur l’envelopper.
Lucie acquiesça de nouveau. Elle avait compris ce qu’était un Patronus. Elle n’avait en revanche toujours pas compris pourquoi Marlène lui racontait toutes ces choses. De son côté, Henry avait cessé de chercher en vain, et secouait le sac devant ses yeux, en espérant que ce qu’il cherchait se manifeste spontanément.
— A l’époque, Henry m’avait déjà raconté votre histoire, continua doucement Marlène, comment vous aviez participé à la résistance contre Grindelwald. Comment vous et votre mari…
Elle fut interrompue par un sursaut de Lucie.
Celle-ci s’était sentie pâlir, alors que son cœur avait soudainement battu la chamade. Cela faisait si longtemps que personne ne lui avait parlé de lui… Elle se tourna vers Henry, cherchant une explication.
— C’est maman qui m’a tout raconté, s’empressa-t-il de dire. Ce que toi et Adam vous avez fait pendant la guerre, et ce qu’il vous en avait coûté…
Lucie hocha la tête. Elle sentait une pique de tristesse pénétrer son cœur, mais elle avait maintenant appris à maîtriser cette peine. Tout cela avait un âge, le temps avait passé, et elle regardait à présent ces souvenirs comme des photos jaunies par les ans, avec une douce tristesse nostalgique.
— Oui, dit-elle. Mon Adam, et mon Tom…
— Votre fils, dit Marlène, il avait huit ans, n’est-ce pas ?
— C’est exact, répondit Lucie. Huit ans. La guerre était terminée depuis un petit moment, mais certains sorciers avaient encore quelques rancœurs… Adam et Tom se promenaient dans la rue, un dimanche après-midi. Trois d’entre eux leur sont tombés dessus. Ils n’ont eu aucune pitié. Lorsqu’on les a arrêtés, on a constaté que l’un d’eux était le fils d’un proche du Ministre, et que ses deux acolytes étaient ses amis. Le lendemain, on apportait de nouvelles preuves, de fausses preuves évidemment, et de faux témoignages : les trois hommes avaient été vus, au même moment, dans un endroit différent. Ils ne pouvaient donc être les coupables du meurtre de mon mari et de mon fils. Le dossier a été classé très rapidement, et évidemment sans coupable.
— Et vous savez ce qu’était devenu votre mari, après la guerre ? Avant qu’il ne…
— Oh, l’interrompit Lucie, il avait trouvé un emploi chez un fabriquant de chaussures à Godric’s Hollow… Son emploi du temps était assez léger, les clients ne courraient pas les rues…
— Ah !
C’était Henry qui venait de retrouver ce qu’il cherchait au fond du sac. Il y plongea de nouveau le bras et, après avoir agité deux ou trois objets, il sortit un petit écrin mauve. Il remit le sac à terre, et posa l’écrin sur la table.
Marlène reporta son attention sur Lucie :
— Au Ministère, dans le département des mystères, il y a donc une pièce appelée la « salle des souvenirs », dans laquelle sont collectés tous les souvenirs des Aurors qui leur servaient à invoquer leur Patronus. Et parmi eux, il y avait celui-ci.
Henry ouvrit alors l’écrin, et, dans la mousseline, Lucie pu voir une petite fiole de verre, surmontée d’un capuchon ayant une forme d’étoile et contenant une sorte de liquide brumeux. Une étiquette était attachée au bouchon, sur laquelle était inscrite le nom d’Adam Golding.
Lucie porta la main à la bouche.
— Adam n’était pas devenu cordonnier après la guerre, tante Lucie, dit alors Henry. Ou du moins, il ne l’était pas vraiment. Après la guerre, il était devenu un Auror pour le Ministère. Il était devenu un espion chargé de surveiller les activités des mages noirs. J’imagine qu’il n’a jamais eu le temps de te le dire, mais le fait est là.
— C’est vrai qu’il n’avait jamais eu de sens pratique, renchérit Lucie. Alors le voir devenir cordonnier, quelle étrangeté !
Henry avait poussé vers elle l’écrin ouvert contenant la fiole. Lui et Marlène regardaient maintenant Lucie avec, dans le regard, une profonde tendresse.
— Et vous dites que cette fiole contient le souvenir qui lui permettait d’invoquer son Patronus ? demanda Lucie. Mais pourquoi me l’apporter ? Je ne suis peut-être pas dedans…
Henry retourna alors pour elle l’étiquette où le nom d’Adam était écrit. Sur le verso, quelques mots avaient été inscrits, et, même après tant d’années, Lucie reconnut son écriture. Il avait écrit : Lucie, moi et les autres, 24 déc. 1945.
— C’était la fin de la guerre, soupira-t-elle. Le 24 décembre, c’était quelques temps après la défaite de Grindelwald… Tous ses sympathisants avaient été arrêtés, la guerre s’était terminée en une nuit…
Elle releva la tête vers Henry et Marlène, et avait demandé, la voix chaude de nostalgie :
— Comment fait-on pour le voir, ce souvenir ?
Marlène eut un petit sourire attendri, et se pencha pour attraper son sac à main. D’un coup de baguette, elle en fit sortir une petite coupelle argentée de la taille d’une assiette à thé. Puis, elle avisa la table encombrée de plateaux et d’un tour de poignet, elle fit que tous les plateaux finirent dans le lave-vaisselle.
— Si seulement ça pouvait être aussi simple pour moi, maugréa Lucie en souriant.
Avec un petit rire, Marlène posa la coupelle sur la table, et, d’un troisième coup de baguette, la transforma en véritable bassine argentée, contenant un liquide transparent aux reflets bleutés. Elle indiqua alors à Lucie qu’il fallait verser le souvenir dans la Pensine, et y plonger le visage. Celle-ci lui répondit avec des yeux ronds, mais se résigna rapidement à mettre sa tête dans cette bassine magique.
Elle décapuchonna la petite fiole, et versa son contenu dans Pensine. Le souvenir, qui n’avait à l’air libre aucune couleur, devint noir dès qu’il entra dans le liquide bleuté. Ses volutes tourbillonnaient et semblaient créer un ballet de lignes qui envoûtait Lucie. Reposant le flacon dans l’écrin, elle se tourna vers Henry et Marlène.
— Et maintenant, je dois y mettre la tête ?
Les deux en face d’elle acquiescèrent.
Lucie reporta alors son attention sur les lignes noires qui dansaient sur ce fond bleu.
Prenant alors une grande inspiration, elle pencha la tête dans la Pensine, et pénétra dans la valse du souvenir.
…
Lucie, moi et les autres, 24 déc. 1945.
Des enfants criaient de tous les côtés, couraient et chahutaient dans leurs jeux ininterrompus. Tous jouaient avec leurs cadeaux récemment découverts, et se chamaillaient joyeusement pour savoir qui jouerait le mage noir et qui jouerait l’Auror.
De leur côté, les adultes, rassemblés autour d’une table portant les reliefs d’un copieux repas, riaient de bon cœur aux anecdotes qu’ils se racontaient.
Adam était assis en bout de table, à côté de Lucie. Ses cheveux noirs lui tombaient quelques fois devant les yeux et il tentait de les discipliner en les glissant derrière son oreille, mais cette technique n’avait apparemment aucun effet.
A sa gauche, Lucie finissait un verre d’hydromel. Il posa sur elle un long regard, qu’elle ne remarqua pas. Il contempla ses cheveux roux, son nez fin, son teint qu’il aimait tant, et ses quelques taches de rousseur qui piquetaient la peau de ses joues.
Quelque chose se mouvait en lui lorsqu’il la regardait ainsi, qu’il lui volait ces quelques instants. Quand il la regardait ainsi, il avait l’impression qu’elle brillait.
Elle s’aperçut finalement qu’il l’observait, et l’interrogea du regard. Il lui répondit d’un sourire, qui la fit sourire à son tour.
De l’autre côté de la table, Lee achevait de raconter une histoire selon laquelle il avait maîtrisé à lui tout seul deux mages noirs, et sans baguette. Seulement, il fut interrompu avant de pouvoir en raconter la chute, car Ashley venait de se lever brusquement, les yeux sur sa montre.
L’espace d’un instant, le temps fut suspendu, toutes les respirations arrêtées. Les enfants derrière eux avaient également cessé de jouer, et regardait la sorcière avec appréhension.
Et tous l’entendait murmurer un décompte :
— Dix… neuf… huit… sept…
Adam avait senti Lucie se raidir à côté de lui. Il avait rapidement tourné la tête vers elle et l’avait vue, sourcils froncés, regarder Ashley d’une façon qui trahissait son impatience.
Et toujours les secondes passaient :
— six… cinq… quatre…
Lee avait reposé son verre, et sa main tremblante était maintenant devant sa bouche. Leo regardait frénétiquement par la fenêtre, de peur que quelque chose n’arrive avant la fin du compte à rebours, de peur que quelque chose de terrible ne vienne troubler le temps qu’Ashley décomptait.
— trois… deux… un…
Le silence succéda à la fin du compte. Un silence écrasant, qui tomba comme une pierre dans l’estomac d’Adam. Il n’y eut plus aucun bruit pendant un moment, le temps que tous et toutes comprennent ce qu’il venait de se passer.
Finalement, ce fut Ashley qui, ne s’étant toujours pas rassise, pris la parole :
— Chers amis, chères amies, il est minuit. Nous sommes donc le 25 décembre 1945 et aujourd’hui, nous célébrons notre premier Noël sans guerre depuis maintenant six ans. La guerre est terminée, nous avons gagné.
Ces paroles déclenchèrent de fantastiques cris de joie de la part des convives. Tous se levèrent, s’embrassèrent, s’empoignèrent, chantèrent et dansèrent dans un vacarme monumental.
De son côté, Adam avait attrapé Lucie et l’avait amenée vers lui. Leurs visages étaient tout proches, et leurs sourires se touchaient presque.
— Un premier Noël sans guerre depuis six ans, qu’est-ce que ça t’inspire ? lui demanda-t-il tendrement.
Lucie lui sourit. Elle approcha alors sa bouche de son oreille et lui murmura quelques mots tendres et silencieux. Lorsqu’il la regarda de nouveau, il se sentit brûler de l’intérieur, brûler d’un feu nouveau que rien ne pouvait arrêter. A cet instant, son amour pour elle n’avait jamais été aussi fort.
Mais déjà, Lee levait son verre :
— Mes amis, je vous souhaite à tous et à toutes un très joyeux Noël ! Et maudite soit la guerre !
— Maudite soit la guerre ! reprirent-ils tous en cœur, en levant à leur tour leurs verres.
Alors que le feu s’éteignait dans l’âtre, et que les enfants s’assoupissaient devant les braises, Adam et Lucie étaient assis sur deux fauteuils et regardaient ensemble les premières lueurs du jour teinter l’horizon d’un liseré orangé.
Bientôt, ils s’endormiraient quelques heures, le temps de recouvrer quelques forces afin d’affronter une nouvelle journée de festivités.
Bientôt, ils se réveilleraient dans la clarté de l’hiver, et se lanceraient dans sa fraîcheur en quête d’un jour nouveau.
Adam se ferait recruter par le Ministère, qui aura eu vent des ses actions de résistance pendant la guerre et aura décider qu’il ne pouvait se priver d’un tel élément.
Lucie recevrait de ce même Ministère une distinction toute particulière, qui récompenserait son aide précieuse apportée au monde des sorciers lors de la sombre période de la guerre.
Tout cela, tout cela bientôt…
Mais maintenant, la guerre était terminée, et ils avaient trouvé le repos. Maintenant, ils jouissaient tous les deux d’un demi sommeil doux et chaud, l’esprit léger et libre et, dans l’oreille d’Adam, les quelques mots que Lucie lui avait murmurés flottaient à présent comme une mélodie aérienne et pure.
Lucie, quant à elle, regardait le soleil se lever doucement et sentait sa chaleur envelopper son corps fatigué. Alors que la lumière entrait dans la pièce par la fenêtre, elle ferma doucement les yeux pour s'endormir, priant pour que ce souvenir dure toujours.
FIN