La Gazette de Poudlard
Le journal par les élèves, pour les élèves !
Numéro 174 — Janvier 1997

UN VAMPIRE À POUDLARD ?
Chers lecteurs,
Élèves de Gryffondor, de Serdaigle, de Poufsouffle, de Serpentard, Professeurs, et autres créatures magiques de ce château ou d'ailleurs ayant la chance d’être douées d’une paire d’yeux et de la capacité de me lire,
Peut-être les dernières vacances de Noël vous étaient-elles montées à la tête et aviez-vous momentanément oublié à quel point ce qu’il se passe dans cette école est toujours absolument dément. Vous-Savez-Qui à l’arrière du crâne de l’un des membres de l'équipe professorale ? Non, pas cette fois-ci. L’ouverture de la Chambre des Secrets ? On dit souvent : jamais deux sans trois, alors qui vivra verra. Un imposteur sous Polynectar ? Tellement dépassé ! Un hideux crapaud tentant d’avoir la main mise sur l’école ? Toujours pas, mais la prochaine fois — s’il vous plaît — prévenez toute l’école que vous constituez une armée, je veux en être ! Vous vous demandez sans doute où je veux en venir ? Après avoir découvert il y a trois ans de cela qu’un loup-garou se cachait dans l’équipe professorale, l’école est maintenant confrontée à l’arrivée surprise d’une toute nouvelle curiosité entre ses murs…
Le précédent numéro de la Gazette avait fait grand bruit avec Les Boursouflets les plus petits du château qui vont vous faire craquer, mais attendez un peu ce nouveau scoop. Adieu la vie insouciante que vous comptiez mener cette année, bonjour les rougeurs dans le cou et les septicémies ! Cette année, Poudlard accueille un vampire. Je vous arrête immédiatement, je ne parle pas ici de ceux que le Professeur Slughorn convie en quelques occasions à ses dîners et qui manquent parfois de déchirer le cou à certains de ses convives (espérons d’ailleurs que celui dont je parle n’en arrivera pas à ces extrémités). Je vous parle d’un élève de l’école. Et pas n’importe lequel…
Armé de ma plume à Papote, ne pouvant tenir en place face à la teneur des rumeurs qui se répandaient telles la bave de crapaud dans les couloirs Poudlariens, j'ai lancé ma petite enquête. Deux elfes de maison, bouleversés par une rencontre inattendue à la sortie des cuisines, ont tenu à témoigner sous couvert d’anonymat : « Byddo* et Kywin* ont tout vu ! Il déambulait dans les couloirs, pâle comme la mort ». Comme la mort ?! S’agirait-il de Vous-Savez-Qui sous une nouvelle couverture ? Car, vous le savez aussi bien que moi, celui-ci rivalise toujours plus d’ingéniosité lorsqu’il s’agit de s’infiltrer dans notre très cher établissement. Non, il s’agit bien — au moins cette fois-ci et jusqu'à preuve du contraire — d’un élève de cette école dont nous tairons pour l’instant le nom. Mais que trafique-t-il très tard — au crépuscule — ou très tôt — dès l'aube — dans les couloirs de Poudlard ? Et où se rend-il ? On me souffle qu'il chercherait à éviter la lumière du jour, car celle-ci l'affaiblirait bien trop. Certains suggèrent même qu'il profiterait des calmes heures nocturnes pour se nourrir de sang frais dans la Forêt interdite. Moi qui croyais que la Forêt était… interdite ! Toutes ces théories demeurent très intéressantes, mais ne mettons pas l'Hippogriffe avant les Crabes de feu.
Les rumeurs se sont répandues comme une traînée de poudre de cheminette. Madame Pomfresh nous souffle entre deux osculations à quel point sa voix semble « anormalement éteinte », et son air « constamment irrité ». Cet élève ne couvrirait-il pas simplement une vilaine grippe ? L'infirmière ne me répond pas. Elle semble agacée par mon matraquage médiatique. « À croire qu’il passe son temps dans la Salle sur Demande, on dirait qu’il ne voit jamais la lumière », plaisante-t-elle pour couper court à la conversation avant d’enfoncer un Bézoard dans la gorge de Roonil Wazlib*, encore une fois misérablement étendu sur un lit de l’infirmerie après s’être sans doute empiffré pour une dizaine de Gallions de friandises. Des Serdaigle de quatrième année gloussent et mordillent leurs Suçacides lorsque vient leur tour d’être interrogées : elles le trouvent « terriblement sexy » avec ses poches sous les yeux, ses cheveux blonds soyeux et ses « belles canines blanches ». Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain-là, et j'ai été choqué par plus d'une parole échangée avec ces jeunes filles — appelez Ste Mangouste, elles semblent déjà mordues ! La discussion aura au moins eu le mérite de soulever les facilités déconcertantes de notre supposé-vampire en matière de séduction.
« Bonnefoi* a toujours été détestable, nous n’avons pas perçu de changements majeurs ces dernières semaines », nous confie un groupe de Gryffondor de septième année. « Au fond nous nous en doutions », ajoute de mauvaise foi Domac McAgain*. Ainsi donc, le secret ne daterait pas d’hier… Notre intéressé aurait-il été depuis toutes ces années un assoiffé de sang dissimulé aux yeux de tous ? Cela va même jusqu’à faire se questionner ses proches. Centimille* souligne toute l’absurdité de la situation : « Je n’ai jamais vu un teint aussi blême (…) j’entends que l’on n’apprécie pas les [Moldus], mais l’on pourrait au moins reconnaître l’utilité de leur fond de teint. Ce n'est pas faute de le harceler pour qu'il arrange tout ça ! ». Un point pour toi, Centimille ! Mais là n’est pas la question.
Il n’en fallait pas moins pour que les parents d’élèves et le conseil d’administration en entendent parler. Le directeur de l’établissement s’est voulu rassurant : « Il s'agit de simples spéculations et nous ne comprenons pas comment les bruits de couloir ont pu en venir à une telle conclusion. Nous invitons à la prudence. Nous ne sommes pas en mesure de penser que l'un de nos élèves représente une menace pour ses camarades (…) Rappelons simplement que, quelle que soit sa condition, tout élève reste le bienvenu parmi nous si l’équipe professorale l’en a jugé digne, et que nous ne saurions le traiter d’une manière qui différerait de celle dont nous traitons tous nos autres élèves ». Cela donne à réfléchir… Le vampire n'en était peut-être pas un. Je rajouterais que ce n’est pas une tare d’être un vampire, mais c’en est assurément une de juger quelqu’un quant à ses supposées origines. Voilà déjà vingt ans qu’un descendant de Gobelins assure le poste de professeur de Sortilèges d’une main de maître. Lors du Tournoi des Quatre Sorciers, une Vélane française s’est particulièrement illustrée, démontrant à tous qu’il n’y avait aucune honte à ne pas être la plus ordinaire des Sorcières. Finalement, Remus Lupin — si l’on excepte son petit problème de fourrure — demeure sans aucun doute le meilleur professeur de Défense contre les forces du Mal que Poudlard ait jamais connu depuis la malédiction de ce poste dans les années 1940 — et croyez bien que cela me coûte, en tant que Serpentard, de l’admettre.
Si toutefois vampire il y a au sein de Poudlard, il est le bienvenu. Cela fait des années qu’il résiste à votre jolie petite nuque, alors pourquoi cela changerait-il aujourd’hui ? Si, par un accès soudain de stupidité, vous vous décidiez à lui enfoncer un pieu dans le cœur, c’est à vos risques et périls. Il pourrait — en légitime défense cette fois-ci — vous croquer le cou.
Inutile de vous rappeler que vous déplacer avec des gousses d’ail sous votre robe de Sorcier ne vous sera d’aucune utilité pour l’éloigner de vous. La rédaction peut en revanche vous assurer que tout le monde vous fuira si vous en mangez une toute crue.
Votre dévoué reporter,
Thomas Beurk
*Tous les noms ont été modifiés