« La douleur qui se nourrit de la douleur n'en devient que plus amère », La fille naturelle, Johann Wolfgang von Goethe.
« J'entends dans le lointain des cris prolongés de la douleur la plus poignante »,
Comte de Lautréamont.
Ça y est, c'était fini.
Terminé.
Ils avaient gagné. Ils avaient perdu.
Drago Malefoy se trouvait au milieu des autres étudiants de Poudlard. Des visages familiers. Des visages inconnus. Des visages abîmés. Des yeux hagards. Devant lui, les cheveux blonds sales et emmêlés de Loufoca Lovegood. A côté, McGonagall. Elle semblait avoir pris dix ans en très peu de temps. Devant, en bas des marches, qu'il avait foulées maintes et maintes fois, il voyait des rouquins. Des Weasley.
Il n'entendit rien. Rien hormis un hurlement déchirant. Ce hurlement qui venait du cœur sembla le traverser et heurter son cœur de plein fouet.
C'était comme si son cœur se fissurait. Pas l'organe vital. Sinon, il serait mort lui aussi. Non, c'était comme si la partie émotionnelle de son être s'était brisée en un millier d'éclats.
Bien sûr, Drago Malefoy avait déjà eu mal. Mais il n'avait jamais ressenti ça. Même quand Potter lui avait lancé un maléfice dans les toilettes. Même quand il avait été humilié devant son père pour son premier match de Quidditch en tant qu'attrapeur. Même quand la Sang-de-Bourbe l'avait ridiculisé en lui assénant une gifle. Même quand il s'était vu attribué la tâche de tuer Albus Dumbledore. Même quand il avait subi à plusieurs reprises le sortilège Doloris de la part du Seigneur des Ténèbres. Non, jamais il n'avait ressenti ça. Et pourtant, il en connaissait un rayon sur la souffrance.
En fait, c'était faux. Il avait déjà senti cette partie qui faisait de lui un être humain doté de sensibilité, s'ébranler, se fissurer. C'était en mars dernier. Quand il avait vu une personne qu'il connaissait être torturée.
Il avait toujours haï des tréfonds de son âme Hermione Granger, mais la voir sur le parquet de son salon, hurler de douleur sans que personne ne réagisse, avait été violent. Lorsqu'il subissait un Sortilège Impardonnable, il savait qu'au moins sa mère et son parrain n'étaient pas indifférents à sa douleur, qu'elle leur était insupportable. Mais, là Hermione Granger n'avait aucune personne sur qui elle pouvait, ne serait-ce qu'un tout petit peu, s'appuyer. Elle était seule. Lui ne l'avait jamais été. Par choix.
Ce hurlement rappela à Drago qu'il avait sombré dans l'obscurité. Par choix.
On était le deux mai mille neuf cent soixante-dix-sept. Au Collège de Sorcellerie de Poudlard. Harry Potter venait de mourir. Ils avaient perdu. Ils avaient gagné.