Dix-sept ans en mars qu’il aurait quitté sa famille, Dublin, et l’Irlande. La barbe gorgée de pluie, la moustache en arrosoir, il avait abandonné son drapeau et son pays un beau matin, un arc-en-ciel au bout des cils.
Dès que la Bergère s’était parée d’un pardessus en sapin, c’en avait été fini de la vie à trois. Le chien de Berger avait abandonné ses pâturages pour l’herbe du Maine. Le Berger s’était retrouvé seul, comme un con, parmi ses regrets et ses pommes de terre. Car le ton de ses reproches n’avait plus la légèreté de ce parent qui lui aurait simplement demandé, un brin embêté, de finir son assiette de salade ou de brocolis. Ses rappels insistants à la religion et à la Trinité avaient le goût du poison ; il avait voulu se faire évêque de la vie de son fils. Il l’avait fait se sentir ver, parasite, mais c’était lui qui les avait dévorés de l’intérieur.
Seamus enleva un mouton de poussière qui courrait sur son veston d’un geste brusque et remit en place son nœud papillon et son haut-de-forme. Aujourd’hui, il se mariait. Il avait trouvé son trésor, et il ne laisserait nul gnome ou farfadet le dérober à son conte de fée. Les Dempsey avaient mis les petits chaudrons dans les grands, et rien ni personne ne viendrait perturber la fête. Nulle danse traditionnelle à l’ordre du jour, nulle association vert-blanc-orange parmi les banderoles, et nulle croix celtique ornant la décoration de table, car il n’était plus réduit à l’état d’esclavage par ce père abhorré. Il était désormais maître en ce château. Il caressa du regard l’objet de toute sa tendresse et de toutes ses pensées. Si l’autre était son fer à cheval, il savait qu’il était son trèfle à quatre feuilles. N’y avait-il pas de plus douce sensation que celle d’aimer et de se savoir aimé en retour ?
Les sourires et la Biéraubeurre au bord des lèvres, les convives levèrent encore une fois leurs verres avant de les vider d’un trait. Il faudrait bientôt ouvrir un autre tonneau… La joie coulait à flots ; ils prendraient tous une pistache mémorable.
Alors qu’il posait ses lèvres sur celles, douces, de Patrick, il songea qu’il avait de la chance. Quand le Serpent — son Iguane — l’embrassait, la misérable grenouille devenait homme. Surhomme. Presque Hulk, plaisantait parfois Dean, pipe à la bouche.
Oui, ses yeux olive plantés dans les siens le rendaient comme invincible. Il avait mis la main sur la pièce d’or la plus précieuse d’Amérique, et il ne la lâcherait pas.
Dans le creux de son ventre crépitait un grand feu d’artifice, dans sa tête les ballons étaient lâchés par milliers, et dans son cœur la fanfare entama le clou du spectacle : le premier violon intima au hautbois d’initier ses tendres vibrations mêlées à la mélodie des flûtes en sol, et il se sentit soudain palpiter avec les cordes des harpes diatoniques. Quelle belle musique que l’amour.
Bonjour chers lecteurs ! Ce recueil regroupe trois textes produits pour l'animation organisée par les Vertes sur le forum à l'occasion de la Saint-Patrick 2020, et qui nous proposait de brasser nos propres bières :
- Le principe était d'écrire un ou plusieurs petits textes.
- Brune, ambrée, blonde, blanche ? Le genre était libre.
- Gare aux débordements, 500 mots maximum ! (compteur Word)
- Pour mesurer le degré d'alcool de notre bière, elles nous proposaient une liste de soixante mots en lien avec la Saint-Patrick et au folklore irlandais à inclure à notre convenance : arc-en-ciel, arrosoir, ballons, barbe, berger, Bièraubeurre, brocoli, chance, château, chaudron, chien de berger, croix celtique, danse traditionnelle, dix-sept, drapeau, Dublin, esclavage, évêque, famille, fanfare, farfadet, fée, fer à cheval, fête, feu d'artifice, flûte, gnome, grenouille, harpe, haut-de-forme, herbe, Hulk, iguane, Irlande, mars, mouton, musique, nœud papillon, olive, Patrick, pâturage, pièce d'or, pipe, pistache, pluie, poison, pomme de terre, religion, salade, sapin, serpent, tonneau, trèfle à quatre feuilles, trésor, trinité, trois, ver, verre, vert-blanc-orange, et violon. Gare aux bières trop alcoolisées qui pouvaient vite donner n'importe quoi !
- Les textes ne devaient pas se dérouler à la St-Patrick, ni en Irlande...
En vous souhaitant une très bonne lecture, et en vous encourageant vivement à lire les autres textes qui ont été produits sur le forum !
493 mots au compteur Word
Un pairing Seamus/Patrick Dempsey... et pourquoi pas ?