Autour de la grande table de la cuisine de chez ses voisins, Helga et trois de ses amies apprenaient à confectionner la potion d’Amortentia. La voisine des Poufsouffle était la maîtresse des potions du village, fournissant tout le monde, Moldu comme sorcier, en potions de sommeil, en philtres d’amour, en poisons et en remèdes contre ces mêmes poisons.
Depuis quelques années, elle invitait quelques jeunes filles du village à venir chez elle un soir par semaine, histoire d’apprendre ses potions et son métier. À quinze ans, Helga était la plus jeune des quatre élèves, mais aussi la plus enthousiaste. Elle était la seule à savoir reconnaître toutes les plantes du jardin du premier coup d’œil, avait été la première à réussir son philtre revigorant au premier cours, et les clients sorciers de la voisine avaient même commencé à demander du Doxycide confectionné par Helga, car celui-ci fonctionnait mieux, paraissait-il.
— Mais comment tu fais ? demanda Blanche, se penchant au-dessus de la potion d’un turquoise parfait d’Helga.
— Je ne sais pas, répondit l’adolescente en haussant une épaule. Je suis les instructions, c’est tout. Tu n’as pas essayé chez toi ?
Blanche fronça le nez. À dix-neuf ans, elle était mariée depuis huit mois et son ventre s’arrondissait déjà de son premier bébé. Elle répétait souvent à qui voulait l’entendre qu’elle n’avait pas le temps de préparer les cours, et seule Helga réussissait à la convaincre, pour l’instant, de ne pas quitter. Elle savait que si Blanche cessait les cours, les deux autres étudiantes la suivraient, et que plus personne ne s’occuperait d’instruire une petite comme elle.
Au moment où elle rajoutait du bois à son feu pour faire augmenter la température, une petite voix se fit entendre derrière elle.
— Ça sent le jasmin.
Surprise, Helga se tourna et vit dans la porte la plus jeune fille des voisins, Cecily, sept ans. Elle sourit à la petite et lui fit un geste du doigt pour qu’elle s’approche. En l’aidant à grimper sur un tabouret, elle lui expliqua :
— Cette potion s’appelle l’Amortentia. Elle sent quelque chose de différent pour tout le monde, elle sent ce qu’on aime. Pour moi, c’est l’odeur du parchemin, des chandelles et de l’herbe.
— Moi je sens le jasmin, les chevaux et – elle eut un rire aigu – le miel !
— CECILY !
La fillette sursauta et faillit tomber de son tabouret. Sa mère traversa la cuisine à grands pas et l‘agrippa par le bras pour la jeter dehors.
— Et que je ne te reprenne plus à nous déranger ! Elles sont ici pour apprendre, pas pour s’occuper de petites pestes comme toi !
Entendant Cecily s’éloigner en pleurnichant, Helga se sentit outrée.
— Elle ne dérangeait pas, dit-elle d’une voix forte. Elle voulait juste apprendre, elle aussi.
— Eh bien, qu’elle attende son tour, rétorqua sa mère. Elle n’est qu’une enfant, trop jeune pour apprendre la magie.
— Selon qui ?
Les trois autres jeunes femmes avaient arrêté de travailler et regardaient l’affrontement entre Helga et l’instructrice d’un œil fasciné.
— Qui a décidé de l’âge minimum pour l’instruction de la magie ? Qui a décrété que les enfants n’avaient pas le droit d’apprendre, pas le droit même d’observer ?
La voisine d’Helga s’approcha d’elle à grands pas, le rouge aux joues, et se plaça nez à nez avec sa jeune étudiante.
— Si tu veux t’occuper d’instruire ces morveux, libre à toi de faire ce qui te chante, cracha-t-elle, lançant des postillons sur les joues de la jeune blonde. Mais ici, c’est moi qui décide, compris ?
Après un long moment de tension, Helga baissa les yeux. Le dos raide, l’instructrice fit volte-face avec un reniflement de dédain et retourna à son propre chaudron.
Mais l‘idée avait germé dans l’esprit de la jeune Poufsouffle. Une école, un endroit où tous les sorciers, peu importe leur âge, pourraient recevoir une éducation.
Pourquoi pas ?