Ce matin-là, le lendemain de leur cinquième rentrée, les elfes de maison avaient préparé des crêpes légères comme tout pour le petit-déjeuner. Helga en était déjà à dévorer sa troisième quand elle remarqua que sa voisine de table, Rowena, contemplait le plafond sans bouger, sa fourchette figée à mi-chemin entre son assiette et sa bouche. Helga suivit son regard, curieuse, mais ne remarqua rien de plus que le plafond habituel. Des arches de pierre formant des ombres dansant au gré de la lumière des bougies qui flottaient au-dessus des tables. Un beau plafond, certes, mais un plafond tout ce qu’il y avait de plus normal.
Helga connaissait néanmoins assez bien son amie pour savoir que derrière ses yeux plongés dans le vague, les engrenages de son esprit tournaient à toute vitesse. Elle envoya un léger coup de coude dans les côtes de Rowena.
— À quoi tu réfléchis ?
La jeune femme brune cligna des yeux et se tourna vers son amie.
— Je me disais que tout le monde dans cette école viendrait dans cette salle et verrait le plafond tous les jours.
— En effet…
— Nous sommes une école de magie. Il doit y avoir moyen de le rendre plus intéressant, non ?
— Tu veux dire, le décorer ?
— On pourrait le peindre aux couleurs des maisons, proposa Godric, qui avait entendu les femmes.
— Ou décorer les arches de plantes magiques, dit Helga. J’en ai plein dans les serres qui pourraient servir…
Rowena fronça le nez, peu enchantée par les idées.
— Moi déjà que je trouvais idiot de faire la salle à manger sans fenêtre…, grommela Salazar, toujours négatif.
Mais Rowena tapa dans ses mains, son visage s’illuminant !
— Voilà une excellente idée ! On va faire du plafond une immense fenêtre, pour être toujours au courant du temps qu’il fait sans même avoir à sortir !
Godric et Rowena étant les meilleurs des fondateurs avec leurs baguettes, ce furent eux qui s’attelèrent à la tâche de transformer le plafond de la Grande Salle en fenêtre. Une idée qu’Helga pensait être irréalisable, mais si quelqu’un pouvait trouver une solution, c’était bien Rowena.
Tous les moments libres qu’avaient les collègues entre deux cours étaient passés sur ce projet. Ils passaient des soirées à faire des recherches dans la nouvelle bibliothèque du château, à tester leurs découvertes dans une salle de classe vide du septième étage. Après un mois, ils avaient réussi à faire exploser un des murs, à faire apparaître un énorme chandelier au plafond avant, finalement, de la faire disparaître au complet. Les quatre fondateurs se retrouvèrent un soir devant le pan de mur vide.
— Voyons le verre à moitié plein, dit Helga. Vous avez réussi à rendre toute la pièce invisible. Il faudra juste diminuer le sortilège pour qu’il ne touche que le plafond, la prochaine fois…
Salazar leva les yeux au ciel et tourna sur ses talons. Godric accrocha au mur d’en face une horrible tapisserie que lui avait donnée sa belle-mère, pour se souvenir de l’emplacement de la pièce si jamais elle décidait de réapparaître, et Rowena et lui choisirent une autre pièce cobaye.
Leur première tentative réussie fut au mois de mars. Fiers de leur accomplissement, ils n’attendirent pas un jour de plus avant d’ensorceler tout le plafond de la Grande Salle. Élèves et professeurs étaient émerveillés, si bien que les repas prirent deux fois plus longtemps qu’avant pendant quelques jours, puisqu’ils regardaient tous le grand soleil qui brillait au-dessus de leur tête et oubliaient l’assiette sous leur nez.
Malheureusement, ils se rendirent compte le quatrième jour que le plafond n’était pas imperméable quand un orage soudain, à l’heure du déjeuner, les détrempa tous des pieds à la tête. Ce fut un retour à la case départ pour Godric et Rowena.
Il s’écoula encore deux mois avant une nouvelle réussite. Cette fois, ils attendirent un jour de pluie dans la salle d’essai avant de déclarer victoire. Ils l’installèrent une fois de plus dans la Grande Salle et, au grand plaisir de tous, firent apparaître une cinquantaine de matelas et invitèrent tous les occupants du château à y dormir pour cette première nuit.
Au centre de tous ses petits Poufsouffle, bercée par leurs respirations endormies, Helga était couchée sur le dos, admirant les mille et une étoiles qui s’étendaient devant ses yeux. Jamais elle ne trouverait le sommeil devant tant de beauté, se disait-elle.
Mais à peine une demi-heure plus tard elle s’endormit paisiblement, un sourire aux lèvres.