La peinture d’Helga occupait toujours une place de choix contre le mur, terminée et encadrée maintenant, et elle était entourée de dizaines de parchemins. Helga avait dessiné la cuisine et la salle à manger, Godric avait dessiné l’emblème de l’école — une épée croisée d’une baguette, tous n’étaient pas d’accord —, Rowena avait dressé la liste des livres qu’elle voulait absolument acquérir pour la bibliothèque, et Salazar avait déjà commencé un plan de cours de potions.
La tâche que s’était donnée Helga aujourd’hui était de décider comment seraient organisés les dortoirs.
— Disons qu’on prend les élèves pendant cinq ans, entre dix et quinze ans, réfléchissait-elle tout haut, la plume entre les dents. Il faut qu’ils soient assez vieux pour comprendre ce qu’on leur enseigne, et qu’on ait le temps de les former avant qu’ils retournent travailler pour leur famille. Cinq ans, une trentaine de sorciers par année, donc –
— Trente ? l’interrompit Salazar. Il y a à peine tant de familles de sorciers, où crois-tu que tu vas trouver tous ces sorciers à éduquer ?
— Tu ne peux pas être si stupide que tu ne sais pas que les enfants de sorciers et de Moldus sont aussi des sorciers, dit Rowena d’un ton moqueur.
— Sans parler de ceux nés de deux parents Moldus, ajouta Helga.
Salazar lui lança un regard offensé.
— Les enfants Sang-mêlé, passe toujours, déclara-t-il. Mais il est hors de question que j’accepte des Sang-de-bourbe dans mon école !
Les deux femmes lâchèrent des exclamations offusquées, au même moment où Godric s’exclamait :
— Ton école ? Depuis quand c’est ton école ?
— Ce qu’ils ont dans le sang n’est pas important, dit Rowena. Tant qu’ils sont assez brillants pour apprendre ce qu’on leur enseigne. On devrait leur faire passer un examen d’entrée avant de les accepter chez nous.
— Donc ils devront aller à l’école avant de pouvoir aller à l’école ? se moqua Godric. Elle est idiote, ton idée. De toute façon, je suis sûr que ton examen ne détecterait pas les mauviettes, et c’est eux qu’il ne faut pas laisser entrer. Personne n’a besoin de sorciers qui ont peur de leur ombre.
Devant Helga, ses trois collègues se criaient après, se moquaient l’un de l’autre. Eux qui s’entendaient parfaitement depuis le début du projet, dont les idées se complétaient l’une l’autre, voilà qu’ils frappaient un obstacle et qu’ils commençaient à se chamailler. Il fallait trouver une solution, et vite, avant que tout ne tombe à l’eau.
— STOP !
Godric, Rowena et Salazar se turent aussitôt et se tournèrent vers Helga, les yeux écarquillés. Depuis qu’ils la connaissaient, celle-ci n’avait jamais haussé le ton, même quand son chat lui avait fait tomber une boule de cristal sur le pied, et la voilà qui les fixait, les joues rouges et les yeux qui lançaient des éclairs.
— Tous les sorciers méritent une éducation, point final. Et si vous n’êtes pas d’accord –
Quand Salazar ouvrit la bouche pour protester, elle haussa le ton en lui jetant un avertissement du regard.
— — je propose qu’on se sépare les nouveaux étudiants en quatre équipes. Rowena prendra les plus intelligents, Godric les plus courageux, et Salazar les Sang-purs.
— Et toi ? demanda Godric.
— Moi ? Moi je prendrai tous les autres.
— Tu ne peux pas dire ça, protesta Rowena. On va appeler ton équipe l’équipe-poubelle.
Helga la foudroya du regard, mais dut avouer qu’elle n’avait pas tort.
— Je prendrai les plus travailleurs, alors. Travailleurs et loyaux.
Les trois autres réfléchirent à l’idée de leur collègue. Rowena voyait déjà des clubs de lecture et d’échecs avec son équipe, Godric des longues randonnées dans la forêt voisine, et Salazar un bassin parfait pour continuer la lignée sorcière, excluant les rejetons sales des autres équipes.
— Alors, on est d’accord pour les équipes ?
— On pourrait pas appeler ça des maisons plutôt ? dit Rowena. Il me semble que ça fait plus sophistiqué.
Helga leva les yeux au ciel, mais tendit la main droite.
— Va pour les quatre maisons de notre école.
Rowena posa une main sur la sienne, puis Godric, puis Salazar.
Et ainsi naquirent les maisons de Poudlard.