Octobre 1997
Les feuilles des arbres étaient déjà en train de perdre leurs couleurs. Les tons ocre de l’automne commençaient déjà à teinter la végétation du parc de Poudlard. Sally-Anne rentra ses poings dans les manches de son pull vert et se félicita d’avoir choisi un pantalon pour la journée. L’air frais et humide de la fin de soirée la fit frissonner.
Elle marcha à toute allure, jusqu’au parc, simplement éclairé de sa baguette. Elle s’arrêta à mi-chemin, consciente que si elle se faisait prendre aussi loin de château, elle se ferait sévèrement réprimander. Elle sortit un paquet de cigarettes d’un des poches de son pantalon, et l’alluma à l’aide d’un sort.
Elle jeta un œil vers le bâtiment, qui n’avait rien d’accueillant ou de chaleureux : la nuit était en train de tomber et les nuages noirs et compacts au-dessus de sa tête n’avaient rien de rassurant.
- Tu sèches le banquet d’Halloween ? S’étonna Théodore Nott, derrière elle.
- Je me demandais combien de temps tu mettrais à me parler ou à me faire comprendre que tu m’avais suivie.
- Je pensais être discret.
- T’as grommelé un « putain Merlin je déteste l’automne », après être glissé sur un tas de feuilles mortes…
Sally-Anne inhala délicatement l’air dans sa bouche en tirant sur la cigarette.
- Ça pue, commenta Théodore.
- Et c’est franchement dégueulasse, grimaça-t-elle.
La cigarette coincée entre ses lèvres, elle se débattit avec ses longs cheveux blonds pour faire une queue de cheval. Le vent lui compliqua la tache et les ramena à son visage, frigorifié. Théodore loucha sur sa nuque dégagée et se demanda ce qu’il ressentirait, si la pulpe de ses doigts s’y posaient. La peau laiteuse de la Serpentard luisait dans la nuit
- Pourquoi fumes-tu malgré le fait que cela ne soit pas à ton goût ?
- Ma tante Selina adorait ça.
- Et ?
- Et aujourd’hui, c’est son anniversaire. Alors je sais pas… Je crois que je voulais lui rendre hommage. J’ai trouvé un vieux paquet de cigarettes à elle, dans ses affaires. Celle-ci est l’avant-dernière…
- T’as fumé toutes les autres ?
- La plupart.
Elle avait stupidement espéré se sentir proche d’elle en le faisant. Mais tout ce qu’elle avait récolté, était l’impression de sentir sa langue se transformer en cendres, ses poumons en volcans brûlants et une quinte de toux si peu élégante qu’elle aurait probablement traumatisé ce pauvre Théodore s’il avait assisté à ça.
- Je peux essayer ?
Sally-Anne hésita un instant avant de hausser les épaules : ce n’était qu’une cigarette… Ce n’était pas ça qui ferait revivre sa tante. Elle la lui offrit cependant avec un léger pincement au cœur et attendit de voir Théodore cracher et se défaire de son éternel air noble et prétentieux. Il se mit à sa hauteur, il alluma la cigarette, les yeux rivés sur le lac noir de Poudlard.
Elle l’observa inhaler la fumée, et tousser. La blonde s’esclaffa en constatant qu’il se retenait. Le visage de Théodore était en train de dangereusement rougir, et ses yeux brillaient, alors qu’il contenait sa toux dans ses poings. Elle jura même voir une larme glisser sur sa joue.
- T’es ridicule Théodore…
- Ri… di … cule ?
Il se tourna, probablement pour grimacer mais surtout pour se cacher des moqueries de sa camarade. Il crachoter tout ce qu’il pouvait.
- Moi ? Ridicule ? Reprit-il d’une voix croassante.
- Non, ricana-t-elle. Tu es parfait quoiqu’il arrive, en toutes circonstances…
Quelques lucioles se mirent à briller au-dessus du lac. Ils les admirèrent en silence, jusqu’à ce que Sally-Anne rompt le silence :
- Tu savais que selon une vieille légende, les sorciers nés un trente-et-un décembre sont appelés à faire de grandes choses ?
- Ça n’a jamais été démontré, répondit Théodore. J’ai lu quelques ouvrages sur le sujet, et me suis documenté en lisant plusieurs rapports de recherches et rien ne tend à prouver que cette date ait une influence particulière sur le destin d’un bébé né sorcier.
- Selina a été très courtisée par les sang-purs, à cause de cette connerie de légende. Elle a failli être mariée de force pas moins de trois fois et s’est enfuie à chaque fois. Elle a refusé de prendre un mari toute sa vie, et elle a toujours été heureuse ainsi. La seule chose qu’elle regrettait, était de ne pas avoir d’enfant. Elle a essayé d’adopter un cracmol d’après ma mère, mais mes grands-parents étaient si critiques… Elle a abandonné, en se disant qu’offrir une telle famille à un enfant serait une vraie malédiction.
- Elle aurait pu choisir cet enfant, et vous abandonner vous.
- Ouais et parfois, je me dis que c’est ce qu’elle aurait dû faire.
- Sais-tu pourquoi elle n’a pas coupé les ponts avec les Croupton et les Perks ?
- Parce que malgré tout, elle les aimait, murmure Sally-Anne. Ils avaient juste peur des jugements des autres, de la société sorcière, du fait que l’on critique davantage ses choix de vie. Une sang-pur comme elle… C’était la honte de la famille, le mouton noir, mais ils l’aimaient et l’acceptaient. Ils étaient blessants, aveuglés par leurs valeurs à la con, parfois malveillants, mais jamais… Non ça jamais, en souhaitant l’être, en ayant conscience de l’être.
- Est-ce pardonnable ?
- Je n’en sais rien, murmura honnêtement l’adolescente. Je me plais à croire que si ma mère s’éduquait un peu sur les questions tenant à la pureté du sang, elle serait moins cruche, plus bienveillante et moins antipathique. Ca ne rend pas ses propos pardonnables… Ils sont juste… plus supportables.
Les doigts gelés, Sally-Anne termina sa cigarette.
- Pourquoi t’as fuis le banquet ?
- Je n’aime pas la tarte à la citrouille.
- Tous les ans, je termine ta part, avoua la blonde.
- Et tous les ans, je te vois le faire.
- Est-ce que tu entends aussi Pansy me dire également tous les ans que c’est à cause de ça que j’ai un gros cul ?
Théodore esquissa un sourire avant d’opiner. A la lumière de la lune, elle le trouva beau. Objectivement beau. D’une beauté noble et élégante, avec ses traits anguleux et sa mâchoire carrée, il était svelte. Elle n’aurait su dire ce qui le rendait si attirant… Ses yeux ? Ses sourcils toujours un peu froncés ? Sa bouche qui ne s’ouvrait jamais pour ne rien dire ? Ses longues jambes ? Son aura si imposante et fascinante ?
Sally-Anne détestait le mystère et pourtant, elle adorait Théodore, qui l’incarnait mieux que personne.
Elle continua de le détailler, et s’amusa de voir briller le mégot de sa cigarette, au milieu des lucioles du parc, qui leur offraient une danse des plus féerique.