Septembre 1997
Si on lui avait demandé de décrire Sally-Anne Perks, Théodore aurait simplement répondu qu’il n’y voyait pas l’intérêt. Sally-Anne était ce genre de fille un peu loufoque, aux yeux brillants et malicieux, au rire très peu distingué et aux mauvaises manières récurrentes. Il savait qu’elle descendait d’une longue lignée de sang-pur, d’un mélange entre les Black, les Croupton et les Perks, et que les membres de ses familles étaient respectés. Son cousin, bien qu’il se soit fait prendre, Barty Croupton Junior avait donné sa vie au service du Seigneur des Ténèbres… Le père de Sally-Anne était un langue de plomb très apprécié, et sa mère, une femme insipide, presque inexistante et qui n’avait eu que pour seul prestige dans la vie, de naître Croupton. Théodore en tirait la conclusion suivante : il devait le respect à Sally-Anne Perks, une sang-pur, tout autant que lui. Pas plus, pas moins.
- Je n’aime pas le silence, murmura la blonde. Bien qu’avec toi, elle soit reposante. Tu n’ouvres la bouche que pour grogner ou faire des reproches… Sait-elle faire autre chose, ta bouche ? Demanda-t-elle malicieusement à Théodore.
Elle s’amusait, dans la salle commune des Serpentard, à triturer dans tous les sens une espèce de poupée miniature, brunâtre et hideuse. Thédore termina de descendre les escaliers et s’installa sur un canapé en cuir, juste en face d’elle. Il la regarda un moment. Ses cheveux n’étaient pas vraiment blonds. Ils étaient plutôt argentés. Enfin, ils tiraient davantage sur le vert, en ce moment même. L’éclairage de la salle commune des Serpentard, combiné à la lumière provenant du lac de Poudlard ondoyaient sur ses épaisses mèches. Elle avait coincé sa baguette derrière son oreille. Théodore trouvait ça peu conventionnel, moyennement distingué et franchement ridicule. Il soupira, déjà fatigué. Il n’arrivait pas à s’endormir, en ce moment et perdait patience en attendant le sommeil. La rentrée des classes avait seulement eu lieu la semaine dernière… Sally-Anne lui sourit timidement. C’était étrange, d’ailleurs, parce que rien chez cette fille, n’était timide. Elle était franche, et ne semblait avoir peur de rien. Surtout pas du regard des autres. Sally-Anne était la moins Serpentard de tous les Serpentard… Cependant, elle y avait sa place. Rusée, ambitieuse, elle avait un caractère assez affirmé pour se sentir chez elle, dans l’antre des serpents.
- T’as du mal à dormir ? Demanda-t-elle.
Il haussa un sourcil. Théodore détestait les conversations inutiles, celles qui ne servaient qu’à parler de la pluie, du beau temps et de son sommeil.
- Un peu, grommela-t-il tout de même.
- T’as des cernes hideux …
Elle lui offrit un autre sourire, et il se retint de bailler. Il connaissait mal Sally-Anne. Il avait déjà discuté avec Milicent, Daphné, et même Pansy, mais jamais vraiment avec Sally-Anne. Sa tête appuyée contre sa main, il l’observa un long moment. Elle se débattait avec une aiguille et un fil, avant de déclarer forfait. Elle prit sa baguette, libérant une autre longue mèche blanche de derrière ses oreilles, et lança un sort, pour recoudre un bouton, faisant office d’œil droit de la poupée.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Une poupée vaudou, répondit-elle simplement comme si c’était l’évidence même.
Thédore esquissa un sourire, amusé, parce qu’elle était amusante Sally-Anne Perks… Il se demandait souvent pourquoi elle avait été répartie à Serpentard. Sally-Anne parlait fort, était amie avec tout le monde, avait les mains toujours sales et les lèvres maquillées à outrance d’une couleur effroyablement trop sombre pour sa couleur de peau. Elle était gentille, un peu étrange, s’amusait à faire la pitre pour détourner l’attention de leurs professeurs quand il fallait faire diversion … Elle était appréciée, comme tous les Perks l’étaient. Mais elle restait bizarre. Bizarre comme une fille qui semblait passer sa nuit à fabriquer une poupée vaudou.
- Elle est à l’effigie d’Alecto Carrow, lui apprit-elle avec une pointe de fierté dans la voix.
Sally-Anne brandit l’objet comme un trophée, dans sa direction, afin de lui donner l’occasion de mieux l’admirer :
- Tu ne la trouves pas ressemblante ? Je suis particulièrement satisfaite des cheveux noirs et ternes …
- On dirait Rogue, commenta Théodore en sourcillant.
Le sourire de la blonde se transforma et prit vie en un rire, qui ricocha dans la salle commune. Théodore eu l’occasion d’admirer ses dents du bonheur et le fond de sa gorge. Ce qu’elle manquait de retenue parfois…
- Tu as raison.
Elle haussa les épaules. Que cela représente l’un ou l’autre, peu importe. Elle les détestait tous.
- Tu maîtrises la magie vaudou ? s’étonna-t-il.
- Pas vraiment, grimaça-t-elle. Je voulais juste trouver un moyen d’exprimer toute ma colère envers cette femme.
- Qu’est-ce qu’Alecto Carrow t’a fait ?
Sally-Anne se leva d’un petit bond énergique, sa poupée vaudoue dans les mains. Il remarqua ses ongles vernis aux couleurs des Serpentard.
- Je trouve ça inquiétant que tu poses la question ! Déclara-t-elle d’un ton léger.
Théodore fronça les sourcils.
- Ce n’est pas évident ? Chuchota Sally-Anne en se penchant légèrement vers lui.
Le coin gauche de sa bouche s’était relevé. Elle s’en alla, comme ça, en le laissant seul dans la salle commune sans lui souhaiter bonne nuit. Sally-Anne Perks était vraiment, mais vraiment trop étrange pour le commun des mortels.
- Tu sais, Théodore, on dit dans les contes que les méchantes reines sont d’anciennes gentilles princesses qu’on n’a pas pu sauver. C’est faux.
Elle monta une marche et se retourna vers lui.
- Certaines femmes sont juste des connasses. Comme Alecto Carrow.