Septembre 1997
Sally-Anne aimait le cours de soins aux créatures magiques. Déjà, cela lui permettait de sortir prendre l’air, ce qu’elle adorait. Elle préférait les cours du professeur Rubeus, bien qu’elle ne l’aurait avoué à personne. Elle avait conscience qu’elle n’était pas assez « normale », trop ceci ou cela et Sally-Anne commençait à se dire qu’il serait intelligent de sa part de se faire nettement moins remarquée. Elle savait très bien ce que les autres pensaient d’elle. Sally-Anne Perks, la moins Serpentard des Serpentard. Pour les sang-purs, elle manquait d’élégance et de raffinement. Elle avait envie de rire quand elle entendait ça. A dix-sept ans, on se moquait bien de l’élégance et du raffinement. Ceux qui pensaient le contraire vivraient bien tristes, selon elle. Quant aux yeux des autres, elle était la cousine de Barty Croupton Junior, l’homme qui s’était évadé d’Azkaban avec la complicité de sa mère et son père, celui-même qui l’y avait envoyé. La cousine d’un monstre…
La famille, pour Sally-Anne , c’était compliqué.
D’un côté, il y avait son père. Dire qu’il était peu causant relevait de l’euphémisme. A croire qu’il ne s’arrêtait jamais de travailler, et qu’il se sentait obligé de se taire en toutes circonstances. Sally-Anne ne se souvenait même pas de la dernière conversation qu’elle avait eu avec lui. En avait-elle seulement déjà eue une ?
Quant à sa mère, elle était terne. Sally-Anne aimait tout ce qui brillait, tout ce qui étincelait. Elle adorait la lumière. Sa mère fermait tout le temps les rideaux à la maison, parce qu’elle avait des migraines atroces qu’aucune potion n’avait réussis à soigner jusqu’ici. Sally-Anne pensait que si sa mère avait autant mal à la tête, c’était parce qu’elle ne savait pas s’en servir. C’était un peu méchant de sa part, mais Sally-Anne ne ressentait aucune sorte d’affection pour cette femme.
Elle était peut-être un brin prétentieuse. Elle se savait intelligente, maligne et un peu plus rusée que la moyenne. Elle le cachait relativement bien. De toute façon, Sally-Anne était une sacrée bonne menteuse.
- Miss Perks !
Sally-Anne releva les yeux. Madame Gobe-Planche la regardait avec une sorte de lassitude dans les yeux, qui lui donna envie de sourire. A côté d’elle, elle entendit Nott ricaner discrètement.
- Oui ?
- Vous n’écoutiez pas !
- De toute évidence, répondit-elle innocemment.
Sally-Anne avait souvent la tête ailleurs. De toute façon, la réalité craignait, surtout en ce moment. Elle se concentra sur le cours, sans trop y prêter attention et inspira calmement. Elle adorait le mois de septembre. Ça sentait la pluie, les feuilles et le début d’une nouvelle aventure. Elle aimait le vent dans ses cheveux et profiter de l’air, d’être à l’extérieur par un temps pareil.
- Attache tes cheveux Perks.
- Je m’appelle Sally-Anne , sourit-elle en se tournant vers Théodore.
Elle détestait cette manière qu’avait les sang-purs de s’appeler par leur nom de famille.
- Attache tes cheveux Sally-Anne.
- Un « s’il te plaît » serait agréable.
- Attache tes cheveux s’il te plaît Sally-Anne , avant que je ne te les coupe par inadvertances, à la place des griffes de mon porlock !
- Bien entendu Théodore, je te prie de bien vouloir accepter mes plus plates et sincères excuses.
« Quand quelqu’un se moque de toi, moque toi de ta propre personne avec lui », lui avait dit un jour sa tante. Une femme intéressante sa tante… Elle avait toujours la bouche pleine de ce genres de phrases insensées qui faisaient se questionner Sally-Anne pendant des heures. Un jour, elle lui avait sorti un vieux proverbe latin, alors qu’elle buvait son jus d’orange. « Abyssus abyssum invocat »… « L’abîme appelle l’abîme ». Une faute en entraîne une autre. Juste avant, Sally-Anne lui avait demandé pourquoi personne ne lui parlait jamais de son cousin Barty. Selina, la sœur de sa mère, sa marraine, n’aimait pas répondre aux questions qu’on lui posait, alors elle lançait des indices que Sally-Anne attrapait à la volée sans en saisir la signification.
Elle n’avait jamais trop compris comment une faute pouvait en appeler une autre. Aujourd’hui, peut-être qu’elle commençait à saisir. Elle sentit ses jambes se ramollir un bref instant, et ses yeux la piquer dangereusement. Elle le sentit l’envahir. L’appel de la tristesse.
Dehors, le ciel commençait à se voiler. Le beau temps s’en allait. Il faisait gris et Sally-Anne aperçut Alecto Carrow déambuler dans le parc de Poudlard. Elle l’avait vu punir une élève de troisième année la veille. Faire une poupée à son effigie pour y planter toutes les aiguilles qu’elle possédait lui avait fait du bien. Elle sentit un autre appel. Celui de la colère.
- Abyssus abyssum invocat, murmura-t-elle pour elle-même.
- Une faute appelle une faute, traduisit immédiatement Théodore.
Elle hocha la tête, en regardant Alecto Carrow s’approprier le parc de Poudlard, le parcourir comme si elle en était la reine. Sally-Anne la détesta encore plus fort. L’appel de la vengeance naissait doucement en elle.
Ça faisait aujourd’hui deux ans, que sa tante était morte et qu’Alecto Carrow en avait ri.