Chapitre 1 : Dur réveil
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Le mois de février avait déjà fort mal commencé pour Lily Evans.
Elle avait pensé que James Potter se serait calmé après l’obtention de ses BUSEs et sa réponse plutôt claire lorsqu’elle lui disait qu’elle ne voulait pas, sous aucun prétexte, sortir avec lui. Mais apparemment, il avait compris l’inverse. Oh, il était juste lourd, mais c’était si lourd que c’en devenait risible, et il s’en rendait compte lui-même puisqu’il lui disait à présent sur un ton moqueur et plein de prétention – pour ne pas perdre la face – qu’elle devrait sortir avec lui. Ce n’était pas blessant, merci bien, c’était juste… juste…
RELOU.
Parfois c’était drôle, mais c’était surtout relou. Genre, grave relou.
Alors lorsqu’une fois de plus, ce jour de treize février, il lui avait demandé avec l’insistance et la maladresse qui lui étaient propres si elle voulait bien l’accompagner à Pré-au-Lard le lendemain, elle avait dit non. Elle avait dit non une fois, deux fois, trois fois. Puis, eh bien, ça avait quelque peu dérapé.
« Je ne te demande pas le bout du monde, Evans, juste un rendez-vous, tous les deux, dans une endroit romantique, avait-il plaidé en s’asseyant en face d’elle dans la Salle Commune. »
Les gens avaient grimacé, habitués qui à plaindre Lily, qui à plaindre James. Plaindre Lily, parce que ce boulet de James ne savait pas s’y prendre. Plaindre James, parce que Lily n’avait plus de patience avec lui. Ou plaindre les deux, parce qu’ils avaient chacun une fierté mal placée si développée qu’un jour, ils finiraient tous les deux à Ste-Mangouste pour la faire soigner.
« Tu vois, James Potter, tu as mis trop de précisions qui me font tiquer. Rendez-vous, à la rigueur, je pourrais l’envisager. Tous les deux, là, ça commence à m’effrayer. Dans un endroit romantique, ça me donne juste envie de m’enfermer dans mon dortoir pour le reste de ma vie.
-Eh !
-Le romantisme me met la tête au carré, pigé ? Alors le romantisme avec toi, tu m’excuseras, mais je crois qu’on en n’a pas la même définition, avait-elle fini par soupirer en fermant brusquement son grimoire pour le fixer et se dire que c’était quand même bête qu’il soit si prétentieux parce que qu’il était vraiment mignon.
-Pas de problème ! Je me plie à tes conditions, avait-il dit en ouvrant les bras devant lui comme s’il se donnait à elle. On ira aux Trois-Balais !
-Enfin on trouve un terrain d’entente ! avait-elle ironisé. Mais c’est toujours non.
-Evaaans, tu ne peux pas me faire de faux espoirs comme ça, mon pauvre cœur succombera bientôt, s’était-il mis à pleurnicher.
-Ecoute, le seul truc que je peux te proposer, c’est une sortie entre amis, à la sortie de mars, avec tous les Gryffondors de notre année, avait-elle soupiré car il lui faisait un peu pitié.
-C’est pas très romantique, avait-il grimacé, mais c’est bon, je prends. Et pour demain, alors, tu…
-Non ! NON ! Et nooon ! Mais qu’est-ce… Ecoute, je ne veux pas sortir avec toi, ça collera pas nous deux, alors ça sert à rien d’essayer, avait-elle dit en se massant les tempes.
-Pourquoi ça ne marcherait pas ? s’était-il offusqué.
-Parce que tu es trop sûr de toi, et que là, tu vois, t’es lourdingue et ça me rend folle, avait-elle dit en essayant de rester polie.
-T’es folle de moi, ça y est ? avait-il repris comme un idiot.
-Mais qu’est-ce que… MAIS NON ! avait-elle explosé. T’es juste lourdingue, qu’est-ce que tu ne comprends pas dans lourdingue ? C’était drôle au début, mais maintenant, je te trouve juste pathétique, d’accord ? »
Elle y était peut-être allée un peu fort. Parce qu’il avait fait une tête de déterré avant de tourner les talons. Même Théa – Theodora Feuaupoudre, sa meilleure amie – lui avait fait les gros yeux. Elle avait essayé de rattraper James Potter, mais son visage fermé l’avait empêchée d’insister et d’être à son tour… lourdingue.
Alors lorsqu’elle se réveilla le lendemain, elle se dit qu’elle pourrait peut-être s’excuser, et même, peut-être, lui proposer de revenir sur sa décision et l’accompagner à Pré-au-Lard pour… pour se montrer compréhensive ? Elle avait toujours pensé qu’il la taquinait, qu’il s’amusait parce qu’il savait que Lily pouvait encaisser et rire, mais cette insistance avait fini par la faire douter et puis… et puis ce côté lourdingue l’avait agacée.
Mais lorsqu’elle sentit une odeur bizarre dans le dortoir, encore à moitié-endormie qu’elle était, elle plissa le nez, puis se redressa d’un coup. Elle sentit un courant d’air passer entre ses jambes et se rendit compte qu’elle portait une chemise de nuit… alors qu’elle ne portait jamais de chemise de nuit. Elle portait toujours un vieux t-shirt et un petit short en coton pour dormir. Elle tira dessus en jurant et se demanda pourquoi Marlene McKinnon, une autre de ses amies, lui avait fait cette blague de lui mettre cette chemise de nuit car elle avait dû lui redire hier que jamais elle, Lily, ne pourrait dormir avec un truc pareil.
Elle ouvrit les rideaux du lit, sauta à bas, et s’approcha du lit de Théa pour qu’elles préparent à toutes les deux une petite vengeance amusante. Mais lorsqu’elle ouvrit les tentures du lit de son amie, elle tomba sur une Marlene en train de se changer.
« Marly ? Mais qu’est-ce que tu fais dans le lit de Théa ? s’étonna-t-elle.
-Evans ! Que faistes vouss ? Voulezz vouss refermezz les ridans du mien lict ! s’écria Marlene.
-Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’étonna Lily. Et… Pourquoi tu…
-Pardieu, ce esst desraisonne ! s’offusqua-t-elle en fermant les rideaux elle-même. »
Lily regarda autour d’elle avec perplexité. Elle trouva Theodora en train de rire discrètement dans sa main. En soit, c’était déjà étrange que Théa ne rit pas ouvertement, mais le pire, fut sans conteste sa tenue. Elle n’était pas en uniforme, mais en robe de cérémonie à la médiévale, d’une teinte pourpre tout à fait renversante, mais qui ne convenait en aucun point pour aller en cours. Et la St-Valentin n’était pas encore un jour férié. Elle avait fait des boucles à ses cheveux qui tombaient dans son dos et ils tenaient en place avec un diadème.
« Mais Théa, y a cours aujourd’hui, c’est pas parce que c’est la St-Valentin que tu peux oublier l’uniforme, s’étonna Lily en la regardant longuement.
-Que dist tou, Miss Evans ? Tou parless d’une tres estrannge façon, s’amusa Théa. »
Lily cligna des yeux et regarda autour d’elle. Les lits de Philomena, de Dorcas, et d’Hortense avaient disparus. Elles n’étaient que trois ? Mais…
Marlene sortit de son lit la mine renfrognée dans la même tenue que Théa mais d’une couleur plus criarde. Elle passa devant elle avec un mépris à peine dissimulé. Lily passa son bras sur son épaule et se mit à rire nerveusement.
« Oh, Marly, boude pas, j’ai compris, vous me faîtes une blague avec Théa et les filles, parce que j’ai mal parlé à James hier, c’est bon, j’ai compris, c’est drôle, aha. Bon, maintenant, où sont Dorcas, Hortense et Phila ?
-Pardieu, Miss Evans, que prent il vous ? Ne touchezz point moué de la sorte ! »
Lily la regarda quitter le dortoir, ahurie.
« Tou oublioué que Marlene voulust le mien lict ier seir.
-Marlene a voulu ton lit hier soir ? Théa, tu peux arrêter de parler comme le chevalier du Catogan steuplaît, s’agaça Lily.
-Je parle de la plous normalé façon, Miss Evans. Si parless toué estrangement, fit Théa avec amusement. Tou faist vroué rire moué et tou es unique. Je trouveroué toué un brave mari, tou merites pardieu.
-Hein ? grimaça Lily.
-Allons habiller toué, l’incita Théa. »
Lily regarda la robe, beaucoup plus simple, que Théa lui tendait et la laissa l’habiller. Elle se pinça discrètement le bras pour se réveiller, mais force lui fut de constater que ses amies se jouaient d’elle pour lui montrer que ce n’était pas agréable de se faire moquer.
« Ecoute Théa, c’est pas la peine de faire tout ce cirque, j’ai compris que j’avais été un peu trop cache avec James hier, je comptais aller m’excuser.
-Je suis navrée, Miss Evans. Non ouïe je toué. Pöist tou de normale façon parler ? lui dit Théa en riant.
-OK, c’est Potter qui se venge et me fait un sale coup, j’ai compris, soupira Lily.
-Mr Potter ? Pourquoué parless tou de James Potter ? s’étonna Théa.
-OK, là, ça devient flippant, fit calmement Lily en reniflant à nouveau à cause de l’odeur étrange. »
Elle regarda autour d’elle et ses yeux finir par tomber sur un collier de gousses d’ail. OK, faire fuir les vampires, Marlene était toujours flippée avec ça, elle avait dû en remettre depuis la dernière fois que Lily l’avait enlevé. Elle prit sa baguette sur la table de chevet, et décrocha l’ail du mur.
« Que faist tou ? s’affola Théa. Si Miss McKinnon revienst et qu’elle vist que l’ail n’est plou là…
-Oh ça suffit, Théa, Marlene flippe pour tout ! Dans deux jours elle aura oublié !
-Marlene va rasler penndannt des jours nombreux !
-Eh bien qu’elle râle ! On est amies, elle…
-Amies ? s’étrangla Théa avant de rire à s’en étouffer. Depuis quant tou veulx estre amie avec Marlene McKinnon ? »
Là, là vraiment c’était pas normal. Certes, Marlene et Théa avaient eu du mal à s’entendre et Lily avait dû faire des pieds et des mains pour qu’elles s’apprécient, mais depuis la troisième année, ça allait bien.
« OK, hum, et si on descendait ? proposa-t-elle en sentant un filet de sueur froide couler le long de sa colonne vertébrale.
-Comme veulx toué, en convint Theodora avec un froncement de sourcil inquiet. Tou inquiestes moué, Miss Evans. »
Pourquoi Theodora l’appelait Miss Evans ?
« Tu veux que je t’appelle Miss Feuaupoudre, c’est le nouveau jeu aujourd’hui ? demanda Lily avec amusement.
-Comment veulx-tu moué appeler sinonn ? demanda Théa en riant. Pöist tou de normale façon parler Miss Evans, sinonn les aultres vonnte encore de toué rire, lui demanda gentiment Théa en descendant les marches du dortoir. »
Encore rire d’elle ? Mais bon sang, personne ne riait d’elle ! Si ce n’est Potter mais…
OK, là, il y avait vraiment un problème. Même pour lui faire une blague, Théa ou Potter n’aurait jamais réussi à convaincre tous les Gryffondors de s’habiller à la médiévale et parler comme le Chevalier du Catogan. D’ailleurs, il manquait pas mal de gens à y réfléchir.
Un rire grave qu’elle connaissait bien la fit sursauter. Potter. Si Potter était là, Remus devait y être aussi. Et Remus lui dirait s’il y avait un quelconque plan pour la ridiculiser parce que là, c’était trop gros.
Elle rencontra la frimousse de Potter, elle écarquilla les yeux en voyant la moustache et la barbe qu’il arborait. A côté de lui, Black était dans le même état, à rire aux éclats, avec une barbe bizarre, une moustache bizarre, des vêtements bizarre, une diction bizarre et…
« James ? bafouilla-t-elle en sentant la panique l’envahir pour de bon. »
Ceci eut le mérite de le faire taire. Black aussi cessa de rire comme un chien.
« Miss Evans, fit-il avec étonnement.
-James, est-ce que… c’est toi ? bredouilla-t-elle.
-Ne savoué point que nous nous toutoyons, Miss Evans, commenta-t-il avec ce sourire en coin qu’elle connaissait bien.
-James ce… Ce n’est pas drôle, dit-elle en respirant de plus en plus vite. Arrête ce cirque, s’il te plaît.
-Vous parlezz estrangement, Miss Evans, dit-il avec amusement.
-Miss Evans conte tozjorz estrangement, se moqua Black.
-La ferme, Black, fit naturellement Lily mais pour une fois, ceci souleva un tollé de cris outrés. James, dis-moi que tu me fais juste une blague, s’il te plaît, parce que sinon je vais vraiment partir en n’importe quoi, le prévint-elle.
-Eh, Evans, vous estes bien pasle, s’inquiéta-t-il.
-Parle normalement, je t’en prie, s’impatienta-t-elle.
-Je parle d’une normale façon, fit-il en fronçant les sourcils et en tendant la main vers elle.
-Evans, tou m’a insoultée, fit Black en tirant sa baguette.
-Oh Black, ça va oui, cou-couche panier pattes en rond, hein, je parle à Potter, pas à un Veracrasse comme toi ! fit-elle avec hystérie. Potter, arrête cette mise en scène, s’il te plaît, je ne me répèterai pas ! s’écria-t-elle en le saisissant par le col de sa robe.
-Evans ! fit-il avec surprise. Calmezz vous doncq ! Que arrive-t-il à vous ?
-Que se passe-t-il ? siffla-t-elle à quelques centimètres de sa bouche.
-Je n’ai faist mie !
-Parle normalement ! hurla-t-elle en le secouant comme un prunier. »
Elle sentit un sortilège la percuter et la faire valser à plusieurs mètres. Elle se releva aussitôt, tira sa baguette, et lança un sortilège de Tête Chauve à Sirius Black. Parmi les cris outrés de l’assistance, seule la voix de Théa lui parvint distinctement.
« Arrestez Miss Evans ! C’est folie que vous faistes ! »
Elle regarda tous les Gryffondors de la salle commune, les reconnut plus ou moins derrières leurs habits et leurs coiffures ridicules, s’approcha du mur le plus proche, et s’assomma dessus.