Bonjour à tous ! Grâce au confinement et au temps libre que cela m'a laissé, j'ai pu me lancer dans une nouvelle fanfiction qui s'était logée une place dans mon cerveau depuis un moment. Cette histoire sera un peu différente des autres. Tout d'abord, c'est la première fois que je donne l'un des rôles principaux à un OC. J'aime beaucoup ce personnage, j'espère qu'il saura vous convaincre également. Bien sûr, c'est une hitoire d'amour entre Harry et Drago mais pas seulement. Mes précédentes fanfics étaient très centrées sur leur relation tandis que celle-ci sera plus vaste. C'est également l'histoire de Harry et de Drago, de leurs souffrances et de leurs traumatismes, de leur façon de gérer la fin de la guerre et de reconstruire leur vie. C'est une proposition de ce qui aurait pu se passer après ce 2 mai 1998. J'espère que cela vous plaira.
Il y aura une vingtaine de chapitres, je ne sais pas trop encore mais je vous tiendrai au courant. Je publierai un chapitre par semaine, vous commencez à me connaitre maintenant ;)
Bonne lecture et à bientôt pour vos retours, Célia. Crédit : Ce chapitre cite des extraits du tome 7, Harry Potter et les reliques de la mort. Ces phrases, tout comme les personnages appartiennent bien sûr à J. K. Rowling.
Un maléfice passa à quelques centimètres de lui et il glissa en sursautant violemment. Il tomba sur le sol, se blessant contre les pierres éparses, sentant soudain sur ses mains une chaleur gluante et poisseuse. Drago baissa la tête, regarda le sang dans lequel il trempait et se releva vivement, le cœur battant follement, l’esprit rempli d’horreur et de désespoir. Cette fois-ci, il n’hésita plus à crier et, contrairement à ce qu’il pensait, le son sortit sans difficulté. « Maman ! » se mit-il à hurler comme un possédé. Il devait avoir l’air d’un enfant apeuré mais il s’en moquait éperdument. « Maman ! » Il entendit brusquement, au loin, quelqu’un crier son prénom et il courut dans cette direction. Plus il courait et plus les bruits diminuaient, ce qui ne faisait qu’augmenter sa peur. Puis, sans qu’il sache pourquoi, un silence total s’abattit sur le château et Drago continua à courir, attiré malgré lui par l’attroupement qu’il voyait devant lui. Il pénétra dans le hall d’entrée et parvint à se frayer un chemin dans la foule. Quand il arriva suffisamment près pour voir, Drago se figea de stupeur et écarquilla les yeux.
Malgré la terreur et le désespoir qui l’envahissaient tout entier, Drago regarda Harry Potter se tenir face à Voldemort, brandissant une baguette qui lui avait autrefois appartenue, le visage presque calme, la voix posée. La scène semblait si absurde, si irréelle, que Drago retint sa respiration. Sans quitter Harry Potter des yeux, il se mit à écouter ce qu’il disait et chacun de ses mots s’infiltraient en lui comme de petites aiguilles acérées. « Je sais des choses que vous ne savez pas, Tom Jedusor » dit Harry. Drago frissonna et entrouvrit légèrement la bouche. Comment Harry Potter osait-il s’adresser au Seigneur des Ténèbres de cette façon ? Comment osait-il même se tenir devant lui sans trembler et sans baisser la tête ? Drago n’aurait jamais osé faire une telle chose, pas plus que son père ou que Bellatrix. Mais Potter était là, toujours vivant, défiant le plus grand mage noir de tous les temps, osant l’appeler par son nom d’homme et Drago ne pouvait s’empêcher de le fixer, ahuri au-delà de toute expression.
Harry et Voldemort continuèrent à parler mais Drago ne comprenait rien à ce qu’ils racontaient et il était trop choqué pour que le sens de leurs paroles lui apparaisse clairement. Tandis qu’il restait là, aussi immobile que les autres, aussi sidéré qu’eux, sans doute, un sentiment puissant naquit au plus profond de ses entrailles et éclata en lui si vivement qu’il eut un frisson nerveux. C’était quelque chose de viscéral, de violent, c’était de la rage, une rage comme il n’en avait jamais ressenti. Il eut soudain envie de hurler « Tue-le Potter ! Allez vas-y, tue-le ! » Il se moquait de tout le reste, il se moquait de sa haine envers Potter, il voulait simplement que tout cela finisse et que le Seigneur des Ténèbres meure. D’ailleurs, même sa haine pour Potter paraissait n’avoir plus aucun sens alors qu’ils se trouvaient là, attendant tous la délivrance. Drago aurait donné n’importe quoi pour que Potter gagne, il lui aurait hurlé son soutien s’il l’avait pu. Cela n’avait jamais été aussi clair et limpide mais maintenant il n’avait plus aucun doute : il fallait que Harry Potter remporte cette bataille et il fallait que l’autre meure. Il le fallait absolument.
« Le véritable maitre de la Baguette de Sureau était Drago Malefoy » dit alors Harry. Drago sursauta et essaya de retrouver le fil de la conversation. Il était quoi ? Le maitre de quoi ? « Et quand je t’aurai tué, je m’occuperai de Drago Malefoy… » Les mots de Voldemort glacèrent Drago qui n’osa plus respirer. La terreur qu’il ressentait devint telle qu’il se crut sur le point de faire une crise d’hystérie mais Harry continua, sans se préoccuper de son état. « Je suis arrivé le premier. J’ai vaincu Drago, il y a quelques semaines. Je lui ai pris sa baguette. » De quoi parlait-il, au nom du ciel ? Drago Malefoy ne pouvait détacher son regard de Harry Potter, espérant que ce dernier ferait quelque chose, n’importe quoi, pour le sauver. C’est ce qu’il fit. Au moment où la lueur dorée du soleil levant passa à travers les fenêtres, Harry Potter et Voldemort brandirent leurs baguettes et crièrent leurs sortilèges. Ils se percutèrent au centre du hall puis, sans trop savoir comment ni pourquoi, la baguette de Voldemort se retrouva dans la main de Harry tandis que le mage noir s’effondrait sur le sol dans une position ridicule.
Drago Malefoy, comme tous les autres, resta pétrifié, trop choqué pour avoir la moindre réaction. Puis il prit une grande bouffée d’air, réalisant qu’il était en apnée depuis déjà de longues secondes et la tête lui tourna. Des cris éclatèrent autour de lui, la foule se mit en mouvement, Harry Potter disparut de son champ de vision et Drago se sentit totalement perdu, incapable de bouger ou de savoir ce qu’il devait faire. « Drago ! » cria une voix sur sa droite. Il se tourna et aperçut sa mère qui courait vers lui, le visage blême et crispé. Le corps de Drago se remit en mouvement et il courut vers elle aussi, avec un sentiment de soulagement si profond qu’il sentit les larmes lui monter aux yeux au moment où elle se serra dans ses bras. Lucius était juste derrière elle et referma ses bras sur eux, les larmes aux yeux lui aussi.
Il ne savait pas comment ils étaient arrivés là mais ils se retrouvèrent sur un banc, serrés les uns contre les autres. Sans doute leur place n’était-elle pas ici mais ils avaient besoin de se remettre du choc de cette nuit avant de pouvoir prendre la moindre décision. Drago ne sut pas combien de temps ils restèrent là mais sa mère finit par se lever en lui prenant doucement le bras. « Rentrons » dit-elle simplement. Drago et son père obéirent immédiatement et ils se dirigèrent vers le hall d’où le corps de Voldemort avait été enlevé. Ils le traversèrent à pas lents et passèrent la grande porte. Pendant qu’ils s’éloignaient du château, Drago se retourna pour le regarder. Il savait que ce serait la dernière fois, qu’il n’y reviendrait jamais et que le cauchemar se trouvait désormais derrière lui.
Au moment de se détourner, le regard de Drago se porta vers le lac, en contrebas. Il aperçut la tombe de Dumbledore qui se tenait là, comme un terrible rappel de ce qu’il avait fait. A côté de la tombe, il y avait quelqu’un, quelqu’un qui levait sa baguette et ouvrait le couvercle du caveau. Drago plissa les yeux, incrédule. De là où il était, il pouvait reconnaitre Potter et il se demanda ce qu’il était en train de faire. Potter se pencha, comme s’il mettait quelque chose dans la tombe puis se redressa et referma le caveau. Ensuite, Potter s’éloigna lentement de la tombe de marbre blanc et marcha vers le château. Drago se retourna et suivit ses parents hors de l’enceinte de l’école. Quand ils s’estimèrent assez loin, ils transplanèrent tous les trois.
***
Harry ne pensait qu’à une seule chose : retrouver son lit en haut de la tour de Gryffondor. Il s’y rendit donc sans attendre, ignorant les regards qui se tournaient vers lui et les sourires qu’on lui adressait et se laissa tomber sur son lit sans prendre la peine de se déshabiller. Il s’endormit là, épuisé, vidé de toute énergie et de toute émotion.
Quand il se réveilla, c’était visiblement l’après-midi. Il mourait de faim et appela Kreattur sans trop y croire. Son elfe lui apporta des sandwichs qu’il dévora avidement puis il se dirigea vers la salle de bain. Une douche lui ferait assurément du bien. Il resta sous l’eau chaude un peu plus longtemps qu’il aurait dû, revêtit malgré lui ses habits sales puisqu’il n’avait rien d’autre sous la main et descendit.
L’ambiance du château était différente. La plupart des gens étaient partis pour rejoindre leur famille et se reposer aussi. Les professeurs étaient là, aidant à transporter les derniers corps, faisant disparaitre le sang, les gravats, les cadavres de trolls. Harry repéra Andromeda Tonks qui enveloppait le corps de sa fille avec des gestes d’une lenteur insupportable et il s’empressa de s’éloigner. Il trouva Hermione, enfin, qui buvait un thé dans la cour en compagnie du professeur McGonagall. « Tu aurais pu dormir plus longtemps » dit-elle en souriant. Harry s’assit à côté d’elle et accepta la tasse de thé avec reconnaissance. Personne ne lui demanda comment il allait, ce qui le soulagea beaucoup. Ils restèrent silencieux un instant, regardant le sol et laissant le liquide brûlant les réchauffer. « Où est Ron ? » demanda enfin Harry. Hermione lui adressa un sourire triste. « Il est rentré avec sa famille, avec le corps de Fred. Ils ne pouvaient pas le laisser là… Ron voulait te dire au revoir mais tu dormais, alors…
- Aucun souci, dit rapidement Harry. C’est normal, il doit être avec sa famille ! Je le verrai plus tard. »
Le professeur McGonagall expliqua qu’ils allaient devoir reconstruire ce qui avait été détruit et réparer les dégâts. Cela risquait de leur prendre plusieurs jours. « Je vais vous aider » déclara Harry spontanément. Le professeur McGonagall le regarda, s’apprêtant à lui conseiller de la laisser faire et de rentrer chez lui puis elle sembla réaliser qu’il n’avait nulle part où aller et elle hocha la tête en silence. Ils prononcèrent encore quelques platitudes puis se turent et demeurèrent silencieux. Ils avaient le sentiment qu’il n’y avait plus rien à dire ou du moins que toute parole supplémentaire aurait été indécente.
Ils dînèrent dans la grande salle, puisque les morts avaient été déplacés. Il y avait Harry, Hermione, Chourave, Flitwick, Slughorn, McGonagall et les autres professeurs, Neville qui était resté aussi, Hagrid. Tous les autres étaient rentrés chez eux et Harry le constata avec une légère amertume. A la fin du dîner, Neville annonça qu’il devait rentrer et que sa grand-mère devait certainement l’attendre avec impatience. Ils le saluèrent chaleureusement. Un jour peut-être, Harry lui expliquerait ce qu’il avait accompli en tuant le serpent de Voldemort mais pas maintenant. Les professeurs allèrent se coucher et Harry se retrouva dans la salle commune de Gryffondor avec Hermione. Ils s’assirent sur le canapé, là où ils s’étaient déjà assis tellement de fois et écoutèrent le silence avec soulagement.
Harry aurait aimé mettre des mots sur ce qu’il ressentait mais il en était incapable. Maintenant qu’il avait enfin tué Voldemort et mit fin à toute cette horreur, il se sentait vide et perdu. « Je n’arrive pas à croire que tu sois allé dans la forêt sans nous dire au revoir, dit brusquement Hermione d’une voix basse et sombre.
- Je ne pouvais pas vous le dire, répondit Harry.
- Pourquoi ?
- Parce que vous auriez essayé de m’en dissuader et que je n’aurais plus été capable d’y aller.
- Oui mais… »
Hermione se tut et regarda le tapis, en proie à une tristesse qui émut Harry. « Il fallait que j’y aille », dit-il doucement. « Je suis sûr que tu comprends, je n’avais pas le choix. » Hermione ne répondit pas tout de suite. Il savait qu’elle comprenait, qu’elle était trop intelligente pour laisser ses sentiments la détourner la vérité, trop intelligente pour ne pas savoir, avec une froide rationalité, qu’ils n’auraient jamais pu vaincre si Harry n’y était pas allé.
- Ce n’était pas ce que je voulais, murmura-t-elle. Je ne voulais pas que tu meures pour nous Harry.
Harry ne répondit rien. De toute façon, il n’y avait rien à dire. Et parler de cela le plongeait dans une angoisse incontrôlable. Il n’avait pas envie de subir de reproche, il n’avait pas envie de devoir justifier le fait qu’il avait été obligé de se rendre tout seul dans la forêt interdite avec la ferme intention d’y mourir. C’était au-dessus de ses forces. Hermione sembla le comprendre car elle n’insista pas. Ils allèrent se coucher, elle dans son dortoir et lui dans le sien mais il fut incapable de dormir.
Harry garda assez peu de souvenirs du lendemain. Les derniers corps furent récupérés par les familles mais il restait quelques cadavres non identifiés dont ils ne savaient pas quoi faire. Et puis surtout, il y avait ceux de Voldemort, de Bellatrix et de Dolohov dont personne ne voulait s’occuper. « Vous n’avez qu’à les brûler » dit sombrement Harry. McGonagall et Chourave refusèrent. Ils avaient droit à une sépulture, eux aussi. Après une longue réflexion, Harry se décida à prendre les choses en main, voyant bien que les autres n’y arrivaient pas. « Emmenez le corps de Bellatrix chez les Malefoy, ils s’en occuperont » ordonna-t-il. Quant à lui, il s’occuperait de Voldemort. Pour Dolohov, il ne savait pas et ce n’était pas son problème. Les professeurs parurent hésitants mais Harry semblait sûr de lui et ils acceptèrent. Harry et Hermione entrèrent dans la salle de classe vide où reposaient les cadavres et les fixèrent avec répulsion. Puis Harry prit doucement la main d’Hermione, attrapa celle blafarde et crispée de Voldemort et transplana.
Ils se retrouvèrent dans le cimetière de Little Hangleton, à l’endroit même où Harry avait vu renaitre Voldemort. Hermione observa l’endroit avec curiosité et appréhension, tout à fait consciente ce qui s’était passé ici. Indifférent, du moins en apparence, Harry marcha résolument vers le caveau des Jedusor. Il avait enterré Doby en creusant une tombe à la main, il ne ferait pas ce cadeau à Voldemort. Harry leva sa baguette, ouvrit le caveau, comme Voldemort l’avait fait quelques années auparavant et y fit léviter le cadavre. Il tomba avec un bruit sourd sur les restes de Tom Jedusor senior qui aurait certainement été horrifié de se retrouver enfermé là avec ce fils dont il n’avait jamais voulu. Harry songea que c’était bien fait pour lui, même si le pauvre Tom était une victime lui aussi et il rentra à Poudlard avec Hermione.
Quand ils revinrent, les autres corps avaient disparu, ce qui était un soulagement. Ils entreprirent de reconstruire ce qui pouvait être fait rapidement, les escaliers, certains murs. Petit à petit, l’école redevenait elle-même, comme si la bataille n’avait jamais eu lieu, comme si tous ces gens n’étaient jamais morts ici, comme si Lavande Brown, Colin Crivey, Fred, Tonks, Lupin et tous les autres n’avaient pas perdu la vie dans un combat finalement inutile qui n’avait servi à rien à part donner du temps à Harry. Cette idée lui était insupportable et il essaya de la refouler au fond de lui-même, jusqu’à ne plus rien ressentir.
Vint alors le moment tant redouté où Hermione le regarda avec une expression désolée qui refroidit Harry. « Il faut que j’aille en Australie et que je retrouve mes parents » dit-elle. Il ne pouvait certainement pas l’empêcher de partir et il lui souhaita bonne chance. Il se retrouva seul à Poudlard, ne sachant quoi faire de lui-même. La pitié qu’il lisait dans le regard des professeurs l’étouffait et il décida de se rendre au seul endroit où il pouvait se rendre, au Terrier.
Quand il arriva, il aperçut Arthur Weasley dans la remise, farfouillant au milieu de ses innombrables objets moldus qu’il collectionnait. Ses gestes ne semblaient pas inspirés par un quelconque but comme si Arthur n’était là que pour s’occuper les mains et fuir le reste. Il sourit à Harry en le voyant mais Harry n’eut pas le courage d’aller le voir. Il entra dans la cuisine et y trouva Mrs Weasley, assise à la table aux côtés de George, tous deux fixant une tasse de thé froid avec un regard vide. Leur regard s’éveilla un peu quand Harry s’approcha d’eux. « Harry, mon chéri ! Je suis heureuse de te voir. » Mais le sourire de Mrs Weasley ne faisait pas illusion. Elle était sans doute sincère mais elle n’était pas vraiment heureuse de le voir, assurément. George fit un signe de tête à Harry et fut incapable de prononcer le mot « heureux » comme sa mère venait de le faire. Molly dut se rendre compte qu’elle ne trompait personne et que sa détresse était trop évidente car elle se voûta un peu plus et perdit son sourire. « Merci pour tout Harry, dit-elle à voix basse.
- Non, ce n’est pas la peine, je vous en prie.
- Ron est dans sa chambre, ça lui fera plaisir de te voir. »
Harry fut soulagé de pouvoir s’éloigner d’eux et grimpa les escaliers avec impatience. Revoir Ron était la seule petite lueur qui lui restait actuellement et il ouvrit la porte de sa chambre avec le même enthousiasme que s’il avait repris une bouffée d’oxygène après être resté trop longtemps sous l’eau. Ron était là, assis sur son lit avec Ginny et son sourire à lui fut beaucoup plus sincère que celui de Mrs Weasley. Il se leva vivement, serra Harry dans ses bras et lui donna une tape amicale dans le dos. Harry lui rendit son accolade et celle-ci fut sans aucun doute la plus longue qu’ils échangèrent. Ensuite, Harry sourit à Ginny qui le lui rendit doucement. Ils ne firent cependant aucun geste pour se toucher, comme si une vitre les séparait soudain mais Harry décida de ne pas y faire attention. Ils reprirent leur place sur le lit, Harry s’assit sur le sol et ils bavardèrent comme ils l’avaient fait tant de fois auparavant. Ron désigna du doigt le sac que portait Harry. « Tu as emmené tes affaires ?
- Non, simplement ma bourse avec mes trucs personnels et aussi… Hermione m’a aidé à ensorceler le sac pour que je puisse y mettre la Pensine de Dumbledore.
- Vraiment ? s’étonna Ron. McGonagall t’a autorisé à la prendre ?
- Non, je ne lui ai pas demandé. Dumbledore m’a dit que je pouvais la prendre si je le voulais et il m’a expliqué comment s’en servir. »
Il n’avait pas voulu quitter l’école sans retourner une dernière fois dans le bureau du directeur et lui adresser quelques mots d’adieu. Dumbledore lui avait alors dit qu’il aimerait lui léguer quelque chose et lui avait proposé d’emporter la Pensine. Il avait expliqué que Harry en aurait certainement besoin dans les temps à venir. Harry avait obéi.
L’enterrement de Fred eut lieu deux jours plus tard, dans le petit cimetière de Loutry Ste Chaspoule. De nombreuses personnes vinrent car les jumeaux Weasley avaient toujours été très appréciés. Il y avait des élèves de Poudlard, les professeurs, Verity, l’employée de la boutique, les Lovegood et autres voisins. Le professeur McGonagall semblait très émue, le professeur Flitwick aussi. Ils avaient souvent été exaspérés par le comportement des jumeaux Weasley mais ils se souvenaient parfaitement de leurs exploits pour défier Ombrage et ils étaient d’accord pour dire que Fred et George avaient toujours pris soin de respecter une certaine éthique de la bêtise, ne faisant jamais de mal aux autres. Debout aux côtés de George, Lee Jordan avait l’air dévasté et fixait la tombe avec un mélange d’horreur et d’incrédulité. Mrs Weasley n’en finissait plus de pleurer et Mr Weasley essayait tant bien que mal de se contrôler, ce qui avait pour effet de le rendre rouge et bouffi.
Au milieu de tout cela, Harry se sentait terriblement mal à l’aise. Il avait la sensation étrange qu’il aurait dû ressentir davantage de chagrin mais qu’il en était incapable, comme si la mort de Fred n’était pas réelle ou qu’il ne parvenait pas l’accepter. Ou bien peut-être que c’était la douleur elle-même qu’il n’acceptait pas, Harry ne savait plus. Il éprouvait de toute façon un engourdissement général des sens et des sentiments qu’il ne cherchait pas à combattre. Il avait l’intuition que si l’engourdissement disparaissait, la douleur serait telle qu’il ne la supporterait pas.
Quand ils revinrent au Terrier, Mrs Weasley n’était pas en état de préparer le dîner. Elle ne semblait plus en état de rien. Elle monta se coucher directement, ce que Harry ne l’avait jamais vue faire. Ron, Ginny et Harry se chargèrent du repas mais quand le reste de la famille s’assit autour de la table, personne ne parvint à manger, pas même Ron. Harry se demandait ce qu’il faisait là. Il n’était pas à sa place au milieu de cette famille frappée par le deuil et la douleur. Harry avait beau faire, la peine ne venait pas et il se sentait monstrueux. En plus de cela, il ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable. S’il avait été plus rapide, s’il était allé à Poudlard plus tôt, s’il avait compris plus vite, s’il n’avait pas contraint tous ces innocents à combattre pour lui… Il essaya d’en parler à Ron qui lui assura que ça n’avait rien à voir. Fred s’était battu pour la liberté et était mort pour une cause juste, Harry n’était en rien responsable. Harry savait que ce n’était pas faux mais quand il voyait les visages de Mrs Weasley ou de George, il avait du mal à se sentir apaisé.
Après une semaine passée au Terrier, l’ambiance était tellement étouffante que Harry décida de s’en aller. Il ne supportait plus d’être là, il avait l’impression d’être un imposteur. Il n’avait aucun droit de rester là à contempler la souffrance de ces gens qui n’étaient pas sa famille et il n’avait pas à leur imposer sa présence. Il annonça à Ron qu’il se rendait chez Sirius, au Square Grimmaurd. Il expliqua qu’il avait besoin d’être seul quelques temps et qu’après tout, c’était sa maison. Ron promit de venir lui rendre visite prochainement et de lui écrire. « Je t’enverrai Coq, comme ça tu pourras me répondre ». Emportant les maigres affaires qu’il possédait, Harry transplana à Londres.
De toute évidence, la maison avait été fouillée une seconde fois après leur départ car elle était dans un état déplorable. Il fit venir Kreattur qui se lança dans le ménage de la cuisine et de la chambre sans qu’il soit nécessaire de le lui demander. Harry resta prostré sur le canapé, sans savoir quoi faire, totalement seul et abandonné, sans aucun projet d’avenir, terrifié par son passé proche qu’il refoulait le plus possible, sans nouvelles d’Hermione. Il mourait d’envie de parler à quelqu’un mais il ne savait pas à qui. La mort de Remus le laissait dans une solitude infernale, comme s’il se retrouvait orphelin pour la troisième fois après avoir perdu ses parents et Sirius. Il n’y avait personne pour lui dire quoi faire, personne pour le réconforter, personne pour porter sa douleur à sa place. Effaré par sa propre misère, Harry fut incapable d’agir pendant quelques jours.
Il fut rapidement clair que Harry ne pourrait jamais vivre ici. Cette maison était lugubre, remplie de magie noire et de mauvais souvenirs. Elle donnait à Harry la chair de poule et même l’enthousiasme de Kreattur ne parvenait pas à embellir l’ensemble. Quand il vivait là avec Ron et Hermione, c’était supportable mais surtout parce qu’ils étaient tous les trois et qu’ils n’avaient pas le choix. Là, cependant, Harry était seul et il avait le choix. Il ressentait le besoin viscéral d’avoir un chez lui, un endroit où il se sentirait bien et où il pourrait s’occuper. Il avait besoin de s’acheter un appartement où il serait en sécurité, qu’il pourrait considérer comme un foyer. Ce projet le réveilla un peu et il se mit à réfléchir à l’appartement qu’il voudrait. Son envie devint intolérable, il en avait besoin tout de suite, maintenant, pour ne pas sombrer dans un état pire que la mort.
Le problème était que Harry n’avait aucune idée de la façon dont il devait s’y prendre pour acheter un appartement. Existait-il des agences immobilières chez les sorciers ? Surement, et en même temps, il ne se souvenait pas d’en avoir vu sur le Chemin de Traverse. En revanche, il connaissait les agences immobilières moldues et d’une certaine façon, il était davantage attiré par elles. Il n’avait pas envie que la communauté sorcière sache où il habitait et le harcèle de lettres de remerciement. Oui mais voilà, Harry était mineur et il ne pourrait jamais acheter un appartement tout seul. En plus de cela, il faudrait certainement fournir des documents administratifs, remplir des formulaires et Harry n’y connaissait rien du tout. Il avait besoin d’aide et il ne savait pas vers qui se tourner. Il se refusait à déranger Mrs Weasley avec ça et le professeur McGonagall ne devait rien connaitre à toutes ces choses. Et de toute façon, elle n’était pas sa responsable légale.
Harry prit plusieurs jours à se décider mais il n’avait pas le choix. Il était seul, il n’avait pas de famille en dehors de celle-ci et il n’avait personne d’autre pour l’aider. Avec une froide résignation, il transplana un dimanche à Little Whinging pour être certain d’y trouver tout le monde. Il avait espéré ne jamais revenir ici mais finalement, la vie l’avait contredit. Il était toutefois certain que ce serait la dernière fois. Dans un peu plus de deux mois il serait majeur et il n’aurait plus aucun compte à rendre aux Dursley. Harry avança vers la maison, dans la petite rue pavillonnaire de Privet Drive. Il s’attendait à ressentir davantage de choses mais il faut surpris de constater qu’il ne ressentait rien. Il sonna, imaginant la tête de son oncle et de sa tante qui ne seraient certainement pas enchantés de le voir. C’est Dudley qui ouvrit la porte et qui fixa Harry avec stupéfaction. « Salut » dit simplement Harry. Son cousin se retourna vers le salon. « C’est Harry ! » cria-t-il. Puis il l’invita à entrer. Harry pénétra dans le salon, qui n’avait pas changé d’un pouce. Vernon et Pétunia regardaient la télévision et se levèrent du canapé d’un même mouvement, surpris et légèrement effrayés. « Tu reviens vivre ici ? » demanda immédiatement Vernon, paniqué à cette idée. « Non » le rassura Harry. « Je suis simplement venu vous demander quelque chose. » Il savait bien que personne ne le lui proposerait donc il alla s’asseoir sur le fauteuil tandis que les trois Dursley reprenaient leur place sur le canapé. « Je vois que vous êtes toujours en vie et que vous avez l’air d’aller bien.
- Oui, même si ces derniers mois n’ont pas été faciles, je peux te le dire ! La maison dans laquelle nous avons été forcés de rester était vraiment insalubre et… »
Harry écouta son oncle se plaindre mais les mots glissaient sur lui sans l’atteindre. Quand son monologue prit fin, Harry n’esquissa pas le moindre geste de compassion et ne put retenir un soupir ennuyé. La tante Pétunia le fixait avec attention et prit la parole avant que son mari recommence. « Alors, il est mort ? Tu l’as tué ? » demanda-t-elle sèchement. « Oui. » Il y eut un silence. Vernon semblait hésiter à considérer Harry comme un criminel et à le foutre à la porte, Dudley avait l’air choqué et Pétunia regardait toujours Harry sans émotion particulière. « Qu’est-ce que tu veux ? » demanda-t-elle d’un ton cassant. Harry prit une profonde inspiration et se lança. « Comme vous le savez, mon parrain m’a laissé une maison mais je ne veux pas y vivre, pour de nombreuses raisons. Je vais la vendre et acheter un appartement à Londres. Je suis mineur et j’ai surement besoin de votre autorisation pour le faire. En plus, je n’y connais rien à tous ces trucs administratifs. Donc j’ai besoin que vous m’aidiez à trouver un appartement. Une fois que ce sera fait, j’aurais besoin de votre aide pour transporter les meubles que j’aurai achetés et je me disais que tu pourrais conduire le camion de location, oncle Vernon. Bien sûr, c’est moi qui paierai tout. Quand ce sera fini, nous serons définitivement débarrassés les uns des autres. »
Pétunia eut l’air surprise de la demande. Vernon, lui, hésitait. Il était partagé entre sa répulsion à l’idée de faire plaisir à Harry et son envie d’être débarrassé de lui. Avant que quiconque ait pu répondre, Dudley regarda Harry avec un air sérieux qui ne lui était pas habituel. « Ouais, bien sûr qu’on va t’aider », déclara-t-il. Ses parents se tournèrent vivement vers lui, stupéfaits et furieux. « Et qui a dit que nous allions l’aider ? » répliqua Vernon avec hauteur. « Nous ne lui devons rien, j’avais cru comprendre que nous ne devions plus jamais le revoir !
- Et pourquoi est-ce qu’on ne l’aiderait pas ? demanda Dudley d’un ton vaguement agressif.
- Duddy… »
Pétunia n’alla pas plus loin. Dudley les regardait froidement, semblant les mettre au défi de refuser. Vernon se râcla la gorge et se tourna à nouveau vers Harry. « Donc, si je comprends bien, nous t’aidons à trouver un appartement et à y emménager et ensuite nous serons débarrassés de toi pour toujours ?
- Oui, c’est l’idée.
- Alors c’est d’accord. »
Harry ne remercia pas, il ne fallait pas exagérer. A partir de là, les choses se passèrent assez vite, sans doute parce que son oncle et sa tante désiraient être débarrassés de lui le plus rapidement possible. Dès le lendemain, lundi, Harry retrouva sa tante et son cousin à Londres. Pétunia avait repéré plusieurs agences immobilières dans l’annuaire et elle y entraina Harry. Vernon ne pouvait pas venir puisqu’il avait repris son travail dès que possible et cette nouvelle arrangeait plutôt Harry. Dudley l’accueillit en souriant, un sourire étrangement chaleureux. Tandis qu’ils marchaient sur le trottoir, il posa quelques questions à Harry sur ce qu’il avait fait ces derniers mois et raconta que lui-même s’était mortellement ennuyé avec ses parents, coincé dans une maison avec eux. Pétunia était sèche et muette mais bizarrement, Harry se surprit presque à apprécier le moment. Enfin, apprécier était un bien grand mot mais disons que c’était la première fois qu’il passait du temps avec eux de cette façon, un temps qui lui était exclusivement réservé ; la première fois aussi que Dudley était aimable.
Dans la première agence immobilière comme dans la seconde, Pétunia expliqua que son neveu cherchait un appartement en ville. « Je te laisse dire ce que tu souhaites. » Harry avait assez peu de conditions mais il était intransigeant. Il voulait deux chambres, une pour lui et une pour Ron et Hermione quand ils viendraient lui rendre visite. Il voulait un balcon. Voilà, c’était tout. Le quartier importait peu, même s’il préférait que ce ne soit pas trop près du Ministère de la Magie. Il ne le dit pas de cette façon bien sûr. La première agence lui proposa quatre appartements, lui montrèrent des photos et il en garda deux qu’il souhaitait visiter. Dans la seconde agence, ce fut sensiblement la même chose. Ils avaient une première visite le lendemain, deux le jeudi et deux le vendredi. Les agents se plaignirent du fait que le nombre d’achats était en baisse ces derniers temps. Harry avait de la chance, il aurait peu de concurrence. Les gens avaient l’air déprimés et effrayés, ils ne voulaient pas se lancer dans un projet immobilier. Harry écouta poliment, certain que la réticence des gens était due à la présence des Détraqueurs qui rôdaient autour de Londres depuis des mois. Ils étaient à présent partis mais il faudrait assurément quelques semaines pour que le désespoir se dissipe totalement.
Entre les deux visites en agence, ils allèrent déjeuner. Harry paya son repas et laissa sa tante payer le reste. Ils parlèrent peu, Pétunia se comportait comme si Harry n’était pas là mais cela lui allait. Dudley engloutit trois hamburgers quand Harry fut à peine capable d’en terminer un. « As-tu suffisamment d’argent pour acheter l’un de ces appartements ? » demanda finalement Pétunia au moment du dessert. « Oui, mes parents m’ont laissé pas mal d’argent. Et quand je vendrai la maison de mon parrain, cela s’équilibrera.
- Bien. L’argent dont tu parles, ce sont des livres sterlings ?
- Euh non, avoua Harry.
- Tu peux le changer ?
- Oui, à la banque des sorciers, répondit Harry, sentant qu’il pouvait être explicite avec elle quand Vernon n’était pas là.
- Tu vas y aller après le déjeuner, nous t’attendrons. Ensuite, nous irons à la banque, une vraie banque celle-ci et tu t’y créeras un compte. Sinon, comment veux-tu payer ? »
C’était exactement pour cette raison que Harry était allé demander de l’aide à sa tante. Malgré le malaise qu’il ressentait à l’idée de lui devoir quelque chose, il fut satisfait de sa décision. Dès qu’il termina son donut, il les quitta pour rejoindre le Chemin de Traverse. La dernière fois qu’il était allé à la banque de Gringotts, il l’avait laissée dans un sale état. Il fut donc heureux de constater que les portes avaient été réparées, tout comme le reste, manifestement. Il savait que des gobelins étaient morts par sa faute mais il savait aussi que ces derniers collaboraient avec Voldemort et sa culpabilité ne l’empêcha donc pas de passer la porte. Quand il entra, toutes les têtes des gobelins se tournèrent vers lui et le fixèrent. Certains regards étaient réprobateurs, d’autres carrément haineux, certains curieux, vaguement reconnaissants. Harry s’avança jusqu’à un guichet et demanda à accéder à son coffre-fort. Pendant qu’il marchait pour venir là, Harry avait fait une rapide conversion dans sa tête et il prit donc la somme qui correspondait à peu près aux prix qu’il avait vus en agence et en prit même davantage. De retour dans le hall, il demanda à changer tout cela en livres sterling. Il craignait qu’on lui réponde que cela était impossible mais à sa grande satisfaction, le gobelin prit les bourses et, après quelques vérifications, tendit à Harry un nombre important de billets.
A la banque moldue, les choses se corsèrent. La femme qui les accueillit regarda la quantité d’argent en liquide avec stupeur et suspicion. « Mon parrain m’a légué tout son argent mais il n’aimait pas trop les banques, il gardait tout » expliqua Harry. La banquière parut sceptique. « Je suppose que vous avez les documents du notaire concernant la succession pour le prouver ? Vous savez que vous allez devoir payer des impôts là-dessus ? » Harry n’avait pas prévu cela et il se sentit agacé. Pétunia se tourna vers lui mais avant de la laisser prononcer la moindre parole, Harry prit une feuille blanche devant lui, dans un petit bloc note posé sur le bureau et la tendit à la banquière. « Tout est là », dit-il poliment. La banquière lut la feuille blanche et hocha la tête. « Tout cela me parait en ordre », confirma-t-elle. Dudley et Pétunia furent sidérés mais la banquière ne remarqua rien. Harry se sentit un peu coupable de faire subir à cette femme un sortilège de l’Imperium mais il n’avait vraiment pas que ça à faire. Le reste se passa sans problème. Il ouvrit un compte, déposa son argent dessus, se retrouva l’heureux possesseur d’un carnet de chèques et d’une carte de crédit.
Quand ils sortirent de la banque, Dudley proposa d’aller manger quelque chose mais sa mère refusa, déclarant qu’il était l’heure de rentrer. Harry n’essaya certainement pas de les retenir mais, au moment de se séparer, Pétunia se tourna vers lui. « As-tu besoin que je t’accompagne faire les visites ou peux-tu y aller tout seul ? » Il ne s’était pas posé la question et il hésita. Ce n’était pas que la présence de sa tante le rassurait ou lui était agréable mais il préférait qu’elle soit là. « Si c’est possible, je préfèrerais que tu viennes, pour m’éviter d’acheter n’importe quoi.
- D’accord, à demain alors. On se retrouvera devant l’immeuble, sois à l’heure. »
Il fut un peu étonné qu’elle accepte aussi facilement mais n’ajouta rien de plus et rentra au Square Grimmaurd. Rentrer dans cette maison était l’une des choses les plus déprimantes qu’il ait eu à faire dans sa vie et il fut particulièrement heureux d’y trouver deux hiboux qui l’attendaient là. Coquecigrue, le hibou de Ron, lui tendit une lettre de son ami. L’autre semblait épuisé et Harry reconnut aussitôt l’écriture d’Hermione sur l’enveloppe qu’il tenait. Hermione était assez brève dans sa lettre, elle disait qu’elle avait retrouvé ses parents, que tout allait bien et qu’elle restait un peu en Australie avec eux, comme des vacances. Harry ne pouvait pas lui reprocher de vouloir passer du temps avec ses parents après tout ce qu’elle avait traversé et il lui répondit gentiment. Ron, lui, ne disait rien de spécial mais prenait des nouvelles de Harry. Ce dernier hésita à lui raconter qu’il cherchait un appartement mais décida finalement de ne rien dire tant qu’il ne l’aurait pas trouvé. Ce serait une surprise. Il renvoya les deux hiboux avec les réponses et alla grignoter quelque chose dans la cuisine.
Le lendemain, Harry arriva à l’heure devant l’immeuble. Il constata que la tante Pétunia était déjà là, toujours avec Dudley. « Tu n’as pas école ? » demanda Harry. « J’ai raté toute l’année scolaire, je ne vais pas y aller pour deux mois ! » C’était logique. Et visiblement, Dudley avait à cœur d’aider Harry dans sa démarche. Si son cousin avait eu plus d’esprit et davantage de capacité d’analyse, il aurait sans doute admis qu’il aidait Harry pour se racheter, avec une idée ressemblant à « Je lui dois bien ça » mais Dudley n’était pas capable d’aller aussi loin. Harry le pressentait, lui, en revanche, mais il ne dit rien. L’agent immobilier arriva en retard, sans surprise. L’appartement correspondait aux attentes de Harry et lui plut assez, même si la salle de bain lui sembla petite et sombre.
Le jeudi, ils visitèrent un premier appartement qui ne plut absolument pas à Harry. Il n’aurait su l’expliquer mais quelque chose n’allait pas. Il informa sa tante qu’il ne prendrait pas celui-là et elle accueillit l’information avec indifférence. De toute manière, il était clair qu’elle se moquait éperdument du choix de Harry et qu’elle n’était là que parce qu’il le lui avait demandé. Ils déjeunèrent à nouveau tous les trois, dans un pub fleuri, le Old Thameside Inn, où Harry dévora un Fish & chips avec appétit. Ensuite, ils se rendirent à la deuxième visite de la journée.
Ce fut un coup de cœur immédiat. Tout comme il n’avait pu identifier ce qui l’avait repoussé dans l’appartement précédent, il fut incapable d’expliquer ce qui lui plaisait tant ici mais le fait était là, il se sentit tout de suite bien. La cuisine n’était pas très grande mais suffisamment pour lui seul. La pièce de séjour, en revanche, était spacieuse et éclairée. Il y avait une première chambre dans le couloir, une salle de bain avec fenêtre et une deuxième chambre au fond de l’appartement. Il remplissait les conditions de Harry. Une porte fenêtre donnait sur un balcon et Harry y sortit quelques minutes. De là, il apercevait le sommet des tours du Tower Bridge, à droite, par-dessus les immeubles et à gauche, il voyait nettement the Shard, qu’il n’arrivait à trouver ni beau ni laid. Juste en dessous, il voyait un petit parc fleuri, les Leathermarket Gardens, qui promettait de lui apporter un peu de verdure. Sa rue, Leathermarket Street, n’était pas très animée mais ce n’était pas plus mal. La rue adjacente, en revanche, était dotée de nombreux commerces et cafés. Il pourrait même faire ses courses au célèbre Borough Market comme le lui expliqua l’agent immobilier. Il avait le métro pas très loin, même s’il lui faudrait tout de même marcher un peu. Le cœur battant, Harry se rapprocha de sa tante qui attendait patiemment dans la pièce de séjour vide. « As-tu remarqué quelque chose qui n’allait pas dans cet appartement ? » demanda-t-il. Il savait que sa tante serait capable de remarquer la moindre tâche, la moindre imperfection et il comptait sur elle pour le prévenir d’un éventuel problème. « Non » répondit-elle. Puisque sa tante n’avait rien remarqué d’autre, il déclara solennellement qu’il voulait acheter l’appartement.
Il était disponible immédiatement à compter de la signature de l’acte de vente. La réunion à cet effet fut prévue le mercredi de la semaine prochaine, Harry ayant fait sentir que c’était urgent. Quand il rentra au Square Grimmaurd, il était d’excellente humeur. Ce nouvel appartement serait sans aucun doute le début d’une nouvelle vie, un nouveau départ, loin des horreurs du passé. Harry y croyait dur comme fer.
La signature de l’acte de vente avec le notaire se fit sans difficulté. Le bien immobilier fut mis au nom de Harry même si Pétunia dut signer elle-même, en tant que tutrice légale. Harry reçu les clés et les fixa avec émotion. Il avait désormais une maison à lui, un foyer qui lui appartenait complètement. Harry n’avait jamais possédé grand-chose qui lui appartenait vraiment et cette idée le bouleversait. Il retourna au Square Grimmaurd en attendant avec impatience le samedi, où il irait acheter des meubles avec son oncle. En prévision de cela, Harry alla retirer encore un peu d’argent à la banque. Avec l’achat de l’appartement et l’achat du mobilier, son coffre-fort avait tout de même été bien entamé. Cela ne l’inquiéta pas car il savait qu’il aurait l’argent de la vente du Square Grimmaurd prochainement et que cela remplirait à nouveau son coffre.
Encore une fois et comme à leur habitude, ils vinrent tous. Vernon, Pétunia et Dudley accompagnèrent Harry chez Marks & Spencer, un grand centre commercial situé près du London Bridge et pas très loin de chez Harry. Vernon conduisait le camion de location tandis que Pétunia, une fois n’est pas coutume, conduisait la voiture. S’il devait être honnête, Harry devait avouer qu’il se moquait assez de l’allure de ses meubles et du style décoratif de son appartement. Il acheta une table basse en bois clair et un meuble télé assorti, un buffet et des étagères. Il acheta un canapé gris clair et un fauteuil du même ton. Pour la cuisine, il acheta une collection de meubles et placards, un frigidaire et un four. Il lui fallut une table, la plus simple possible et quatre chaises. Il choisit un petit meuble de rangement pour la salle de bain, qui irait parfaitement avec la blancheur de la baignoire. Pour sa chambre, il opta pour un lit double épuré en bois, avec une tête de lit sobre. Il y avait un placard intégré donc il n’avait pas besoin d’armoire mais il prit une commode, deux chevets et décida de s’occuper du reste plus tard. Pour la chambre d’amis, il acheta un lit double également, moins cher et deux chevets. Le placard ferait l’affaire. Pour finir, il acheta une télévision. Il n’y connaissait rien et écouta ce que le vendeur lui expliquait sans vraiment comprendre. Au moment où il allait accepter la proposition, l’oncle Vernon ne put s’empêcher de sortir de son silence. « Vous essayez de lui faire acheter une télévision médiocre beaucoup trop cher ! Prends donc celle-là, elle est de meilleure qualité. » Harry fit confiance à l’oncle Vernon.
Ils avaient chargé tous leurs achats au fur et à mesure dans le camion et prirent la direction de l’appartement. Regardant le paysage londonien défiler par la fenêtre, Harry était amusé par la situation improbable qu’il était en train de vivre. Si on lui avait dit un jour que les Dursley l’aiderait à s’installer dans la vie, il ne l’aurait jamais cru. Mais d’une certaine façon, Harry était content que ce soit eux qui le fassent et pas Mrs Weasley. Il ne pouvait s’empêcher de se dire que son oncle et sa tante lui devaient bien ça, que c’était leur devoir de s’occuper de lui et que cela ne leur ferait pas de mal de se comporter comme une véritable famille, pour une fois dans sa vie.
Ils garèrent le camion et la voiture sur le parking de la résidence. L’oncle Vernon s’étira et Pétunia poussa un léger soupir en refermant la portière. « On a passé beaucoup de temps à faire les courses. Vous pourriez peut-être aller boire un coup et manger un peu dans un café à côté ? Moi je commence à monter les cartons les moins lourds. » L’oncle Vernon voulut rejeter la proposition de Harry pour ne pas perdre de temps mais Dudley se mit à gémir en déclarant qu’il mourait de faim et de soif. Vernon et Pétunia cédèrent et s’en allèrent à pieds, au grand soulagement de Harry. Il ouvrit le camion et regarda à l’intérieur avec résignation. Certains meubles comme le canapé, le fauteuil, le frigidaire ou encore certaines lampes étaient déjà montés. En revanche, le reste était dans des cartons et Harry serait contraint de les assembler lui-même. Cette perspective ne lui déplut pas, il aurait au moins de quoi s’occuper.
Quand les Dursley revinrent, ils observèrent le camion avec stupéfaction. Il était presque vide. De fait, il ne restait que les cartons les plus légers. Harry avait désillusionné les meubles et les cartons et les avait fait léviter jusqu’à chez lui, deux par deux. L’entreprise n’avait pas été aisée mais il s’en était plutôt bien sorti. Cela valait mieux que de tout porter avec l’oncle Vernon et Dudley. Ni son oncle ni sa tante ne demandèrent comment il s’y était pris, conscients que la réponse serait dangereuse. Ils montèrent le reste en silence. Harry avait empilé tous les meubles et les cartons dans la salle de séjour et la chambre d’amis, songeant qu’il rangerait tout plus tard.
« L’électricien viendra installer la télé la semaine prochaine » dit l’oncle Vernon. Ils avaient vu ça avec le magasin en l’achetant, un technicien viendrait faire les branchements nécessaires. Harry hocha la tête et il y eut un silence embarrassant. « Bon, eh bien merci, je suppose » dit Harry. L’oncle Vernon se tourna vers lui sans vraiment le regarder. « Oui, très bien, adieu donc ! Pour la dernière fois j’espère ! » Harry était d’accord avec lui. Dudley serra la main de Harry et lui souhaita bonne chance. Il dit « A plus » comme s’il avait l’intention de le revoir mais c’était sans doute une façon de parler. Vernon et Dudley sortirent de l’appartement et rejoignirent l’ascenseur. Pétunia n’avait pas bougé et avait manifestement attendu que les autres s’en aillent. Elle se rapprocha de lui, farfouilla dans son grand sac à main et en sortit une couverture. Elle la lui tendit. « Tiens, tu étais enroulé dans cette couverture quand nous t’avons trouvé devant notre porte. C’est bien la seule chose qui reste de tout ça… Prends-la. » Harry saisit la couverture, surpris. « Voilà, maintenant il n’y a plus rien pour toi chez nous » conclut Pétunia. Harry leva les yeux vers elle et regarda son visage sec. « Il n’y a jamais rien eu pour moi chez vous de toute façon. »
Pétunia affronta le regard de Harry sans montrer le moindre signe de remords. Ses lèvres se pincèrent puis s’entrouvrirent à nouveau. « On dit que les parents aiment leurs enfants de la même manière mais c’est faux. Il y en a toujours un qu’ils préfèrent, un qui est meilleur, plus beau, plus brillant, plus original. Il y en a toujours un à qui ils pardonnent tout, à qui ils donnent tout. Et puis il y a l’autre, qu’ils regardent moins, qu’ils aiment moins. Qu’avait-elle de plus que moi ? A part le fait que c’était une sorcière ? Ce n’était pas ma faute, n’est-ce pas, si je n’en étais pas une. Quand je t’ai trouvé devant notre porte, je n’avais pas l’intention de t’élever comme ça mais tu vois, c’était agréable de se dire qu’après tout ce temps c’était son fils à elle que personne n’aimait et que personne ne regardait. Ce n’était que justice. » Pétunia se tut, surprise d’avoir dit toutes ces choses. Harry la fixa, choqué par tant de haine, incapable de répondre quoi que ce soit. Pétunia se détourna de lui et s’en alla sans rien ajouter, sans dire au revoir, sans même le regarder. Harry resta immobile dans le minuscule vestibule d’entrée, sonné comme s’il avait reçu un coup.
Harry n’avait pas le courage de monter ses meubles tout seul. Il installa donc son matelas dans la chambre qu’il s’était choisie, au fond du couloir et entreprit de mettre le drap, la couette et tout le reste. Ensuite il s’assit là et observa la couverture que la tante Pétunia lui avait donnée. Il essaya d’y trouver quelque chose, un indice, n’importe quoi qui pourrait lui donner une information sur ses parents mais il ne trouva rien. Il fut déçu mais ce n’était pas trop grave. L’idée d’avoir dans ses mains la couverture dans laquelle il dormait sans doute chez ses parents le bouleversait. Il imagina Lily acheter la couverture, l’étendre sur lui pour qu’il s’endorme. Il se dit que tous ces gestes avaient dû être faits avec amour et cette idée le réconforta. Il s’endormit ainsi, sans manger, sans se déshabiller, dans son nouvel appartement.
Harry n’avait jamais dépensé autant d’argent que durant ces derniers jours. Le lendemain de l’installation des meubles, il se rendit une nouvelle fois au centre commercial pour acheter toutes ces choses indispensables à la vie quotidienne. Il lui restait de l’argent moldu et il en profita. Couverts, ustensiles de cuisines, produits de toilettes, ciseaux, cafetière, produits ménagers, crayons, feuilles de papier, pots de peinture, il prit tout ce qu’il n’avait pas ou du moins tout ce à quoi il pensa. Ensuite, il se rendit sur le Chemin de Traverse et acheta ce dont il avait le plus besoin présentement : un hibou. Il choisit une chouette tachetée brune, totalement différente d’Hedwige. Il l’appela Ailla, parce que le vendeur lui avait parlé des prénoms pendant pas moins de dix minutes et qu’il avait retenu celui-là, qui signifiait « la plus belle » ou quelque chose dans le genre. Harry était heureux de sa chouette et il rentra chez lui en la tenant en cage dans le métro, ce qui lui valut de nombreux regards curieux.
La première mission d’Ailla fut d’aller porter une lettre à Ron dans laquelle il lui annonça la grande nouvelle. Il indiqua qu’il allait avoir besoin d’aide pour assembler les meubles et refaire la peinture et qu’il serait plus que ravi que Ron vienne lui donner un coup de main. Ron fut ravi lui aussi, répondit dès le lendemain matin et sonna chez lui à 14h. Harry ouvrit la porte, impatient, et fut surpris de voir Ginny et George derrière Ron. Voir Ginny lui fit plaisir mais il fut moins enthousiaste pour George. La dernière fois qu’il l’avait vu, il était si triste et abattu que Harry eut peur que le jumeau entache sa bonne humeur. Comme pour le contredire, George lui sourit, d’un sourire presque comme avant. « J’avais envie de voir l’appartement ! Alors, voyons donc ce que Harry a dégoté… Vous vous rendez compte, il devient un homme maintenant ! » Disant cela, il entra et inspecta les pièces avec un air faussement sérieux. Harry se détendit.
Ils visitèrent les quelques pièces et furent tous d’accord pour dire que l’appartement était génial. « Tu as trouvé ça tout seul ? » s’étonna Ron. « Non, les Dursley m’ont aidé. » Devant l’air ébahi des trois Weasley, Harry leur raconta les derniers jours. Il ne savait pas s’il devait se sentir misérable d’avoir dû se reposer sur son oncle et sa tante ou pas mais il se sentait fier d’avoir fait quelque chose et d’avoir avancé. « Maman aurait pu t’aider tu sais », dit doucement Ginny. Harry évita le regard de George. « Ta mère a sans doute beaucoup d’autres choses en tête en ce moment. » Ils comprirent l’embarras de Harry et n’insistèrent pas. Après tout, eux non plus n’auraient pas été très à l’aise à l’idée de demander à une mère venant de perdre son fils de les aider à trouver un appartement. « Par contre, papa a dit qu’il se renseignerait pour la vente de la maison, si tu veux » proposa Ron. Harry remercia.
Ils commencèrent par la peinture. A vrai dire, il fut assez amusant d’ensorceler les pinceaux et de les regarder peindre seuls mais même ainsi, il y eut quelques catastrophes. George voulut en faire trop et éclaboussa le plafond, ce qui déclencha chez eux un fou-rire bienvenu. George avait l’air d’aller bien, même si Harry savait pertinemment que ce n’était qu’une illusion. En tout cas, le voir faire le pitre et sourire était réconfortant, comme la promesse de jours meilleurs. Avec entrain et bonne humeur, ils peignirent les murs du salon en gris perle, ce qui allait parfaitement avec les canapés. Harry avait choisi du bleu clair pour la salle de bain, ce qui était très peu original mais il avait manqué d’inspiration. Sa chambre fut peinte en beige et la chambre d’ami en vert pâle. Le couloir resta blanc, ainsi que la cuisine. Les anciens propriétaires avaient eu la bonne idée d’abattre le mur qui séparait le salon de la cuisine, offrant ainsi plus d’espace. Quand tout fut peint, Harry se sentit bien.
L’assemblement des meubles fut à nouveau source de fous-rire incontrôlables. Ils mélangèrent magie et instructions moldues mais le résultat fut plutôt concluant. Heureusement, il y avait Ginny qui était douée en sortilèges et George qui avait un sens inné de l’improvisation et une intuition formidable. A la fin de la journée, ils avaient tout monté et tout arrangé. La chambre de Harry ressemblait à une chambre et son salon à un salon. « Il va falloir décorer tout cela maintenant », commenta Ginny. Harry irait plus tard, il avait repéré quelques magasins intéressants sur le Chemin de Traverse. Ils allèrent dîner dans un restaurant, près de chez Harry, qui paya l’addition. Les Weasley n’avaient pas d’argent moldu. Ils se séparèrent tard, ravis de leur journée. George remercia Harry chaleureusement pour ce moment de bonne humeur qui lui avait fait du bien. Ron promit de revenir très vite, avec Hermione dès qu’elle rentrerait. Les deux frères s’éloignèrent de quelques pas et Ginny s’approcha de Harry pour lui dire au revoir. « Est-ce que je pourrais venir te voir un de ces jours ? » demanda-t-elle. « Il faut que nous parlions. » Il hocha la tête. Il savait de quoi elle voulait parler et il ne savait pas quoi lui dire mais il songea qu’il le saurait le moment venu.
Finalement, Ginny l’accompagna sur le Chemin de Traverse. Il acheta une parfaite reproduction de la Voie Lactée sous un grand globe de verre, un objet magnifique et fascinant qu’il avait déjà repéré par le passé. Sous le globe, il pouvait voir les innombrables petits morceaux de roche, les étoiles scintillantes, le noyau lumineux, le gaz bleuté, les quatre principaux bras de la galaxie. C’était magique, il aurait pu observer cela pendant des heures. Il acheta également un miroir qui faisait des commentaires sur sa tenue, une immense horloge qui indiquait aussi la météo et un nouveau jeu d’échecs. Il installa sa galaxie sur le buffet du salon, l’horloge sur le mur près de la cuisine et le miroir dans sa chambre. Il était heureux que son appartement soit à la fois sorcier et moldu, c’était ce qui lui correspondait le mieux.
Il servit du thé à Ginny – il avait fait des courses entre temps – et ils s’assirent à la table de la cuisine. Ils restèrent silencieux un instant et ce silence devint de plus en plus pesant. Harry avait envie que Ginny parle et en même temps, il avait peur qu’elle le fasse. « Il faut que nous parlions de nous » dit enfin Ginny. Harry se crispa légèrement et murmura un vague grognement de confirmation. Il savait bien qu’ils devaient parler, décider de ce que leur relation devait devenir, mettre des mots sur là où ils en étaient. A travers la table, Ginny tendit la main et la posa sur la sienne. Ce contact fut doux et apaisant. « Je t’aime » dit Ginny à voix basse. « Moi aussi », répondit Harry, parce que c’était vrai. Ginny le regarda tendrement. « Je suis amoureuse de toi depuis le tout début, même si bien sûr, ce n’est pas la même chose quand on est enfant. Après, j’ai essayé de t’oublier en sortant avec d’autres garçons pour qui j’ai eu de l’affection. Et enfin, je suis sortie avec toi. J’ai donc passé ma vie soit à t’aimer soit à me mettre en couple et tu vois, je me suis rendu compte que je n’avais jamais vraiment vécu pour moi. Je veux dire, c’est absurde, non ? Mais avec la guerre et la mort de Fred, j’ai réalisé que… »
Elle se tut et retira sa main de la sienne. Harry la fixa, étonné mais curieux. « J’aurais pu mourir pendant cette bataille. J’aurais pu mourir et à quoi aurait ressemblé ma vie alors ? A une succession d’histoires d’amour sans importance, à une succession de garçons, à un amour non réciproque… Je n’ai pas envie de cette vie-là, Harry. Au fond je crois que je ne veux pas devenir la petite amie de Harry Potter. En fait, je crois que je veux être seule. Je veux être seule pour essayer de savoir qui je suis. Et je ne pourrai jamais devenir qui je suis si je sors avec Michael, avec Dean, avec toi ou avec n’importe qui. Je n’ai que seize ans, je ne veux pas être comme ma mère, je ne veux pas me retrouver coincée avec quelqu’un, me marier trop jeune et regretter. Je veux vivre, je veux découvrir des choses, aller étudier en France, pourquoi pas ? je veux vivre et découvrir qui je suis. » Harry comprenait ce qu’elle voulait dire, il aurait aimé pouvoir en dire autant. Il comprenait aussi qu’elle allait le quitter mais cette idée ne le rendit pas vraiment triste. La tristesse était lointaine. « Je comprends » répondit-il sincèrement.
Ginny lui sourit et prit une profonde inspiration. « Si je te dis toutes ces choses aussi franchement Harry, c’est parce que j’ai de toute façon la sensation que tu ne veux plus être avec moi. J’ai la sensation que tu ne peux plus me donner l’amour que tu m’as donné il y a un an. » Harry tressaillit et écarquilla les yeux. Il aurait voulu la remercier de mettre des mots sur ce qu’il ressentait mais ne parvenait pas à décrire depuis des semaines. « C’est vrai, je ne peux plus te le donner » avoua Harry, à la fois heureux de l’avoir dit et abattu par cette déclaration. Il ne pouvait plus l’aimer, c’était vrai. Il n’y arrivait plus, il se sentait vide de tout et vide d’amour pour elle. Il n’aurait pas pu lui donner ce qu’elle désirait, il n’aurait pas pu la rendre heureuse, c’était évident. Dans quelques années peut-être, mais là, Harry en était incapable. « J’ai l’impression que je ne serai plus jamais capable d’aimer quelqu’un » murmura-t-il. Ginny eut un sourire triste. « Sans doute que si Harry, quand ça ira mieux, quand tu auras un peu oublié. »
Ils terminèrent leur thé, soulagés d’avoir parlé, soulagés d’avoir pu rompre sans douleur, sans larmes et sans cris. Elle venait de lui retirer un énorme poids des épaules et de le libérer de sa culpabilité à l’idée de ne plus être le même qu’avant la guerre. Il était heureux qu’elle ne lui en veuille pas. Harry alla poser les tasses dans l’évier et revint vers elle. Ginny le regarda dans les yeux. « Puisque c’est terminé, peut-être pourrions-nous le faire une fois ?
- Faire quoi ? s’étonna Harry.
- L’amour. »
Il n’hésita pas très longtemps. Ils allèrent dans sa chambre, au fond du couloir, sa première chambre vraiment à lui. Ce fut doux, maladroit et agréable. Il la laissa faire ce qu’elle voulait, la laissa bouger comme elle voulait, la caressa là où elle le voulait. Il respira son parfum de fleurs une dernière fois, il glissa ses doigts dans ses cheveux roux et s’imprégna de la chaleur de son corps. Quand elle s’en alla, il ne ressentit ni peine ni regret. De toute façon, il ne ressentait plus grand-chose.
Hermione rentra enfin d’Australie, quelques jours après la discussion entre Harry et Ginny. Elle admira l’appartement, écouta le récit de leur journée peinture et bricolage, fut dépitée d’avoir loupé cela. Elle expliqua qu’elle avait eu du mal à lever l’enchantement qu’elle avait fait subir à ses parents, qu’ils avaient mis du temps à se souvenir d’elle et à récupérer tous leurs souvenirs. Elle parlait d’une voix calme mais ils la connaissaient trop bien pour ne pas sentir qu’elle avait eu peur et qu’elle avait souffert. Elle avait passé un peu de temps avec eux là-bas pour qu’ils puissent discuter de ce qui était arrivé, de ce qu’elle avait fait, de ce qu’elle leur avait fait. Ils avaient eu besoin de se retrouver, de se pardonner, de se redécouvrir. Maintenant, les choses allaient mieux, c’était presque comme avant. Elle était assise sur le canapé, contre Ron qui avait passé un bras autour de ses épaules. Ils n’avaient jamais été ensemble ainsi et Harry regardait le bras de Ron en essayant de se dire que ce bras n’allait pas le priver de leur amitié. Il avait peur que Ron et Hermione s’éloignent de lui et passent tout leur temps ensemble, maintenant qu’ils formaient officiellement un couple. Il avait peur mais il n’osait pas le leur dire. Ils discutèrent longuement, dînèrent ensemble, rirent ensemble. Le bras de Ron était toujours posé autour des épaules d’Hermione mais le moment qu’ils partagèrent ressemblait beaucoup à ceux d’avant et cela rassura un peu Harry.
Le mois de mai touchait à sa fin et Harry avait une maison à lui. Il voyait régulièrement Ron et Hermione, il suivait de très loin les nouvelles du monde sorcier. Il faisait confiance à Shacklebolt pour gérer les choses. Les beaux jours étaient là, le soleil envahissait le salon de Harry, la vie lui souriait presque. Ce fut à cette période-là que la douleur arriva, sournoise et latente. Elle vint lentement, comme un poison, si bien que Harry ne fut pas capable de déterminer à quel moment elle devint insupportable mais elle le terrassa sans aucune pitié. Il se mit à faire des cauchemars qui le réveillaient brutalement et le laissaient haletant, en sueur. Il se mit à avoir des angoisses incontrôlables, il avait même des hallucinations, parfois. Sa cicatrice lui faisait mal et il était soudain persuadé que tout allait recommencer, que Voldemort était toujours en vie et allait venir le chercher. Il était terrifié à l’idée d’avoir imaginé sa victoire sur Voldemort ou de l’avoir rêvée et d’être obligé de tout recommencer. Il faudrait retourner à Poudlard, détruire les Horcruxes, tuer le serpent, aller se rendre dans la forêt, mourir. Il faudrait tout revivre et cette idée plongeait Harry dans la terreur.
Ron et Hermione se relayaient pour aller le voir presque tous les jours et lui répétèrent cent fois que tout était fini. Harry le savait mais la peur ne partait pas. Il se sentait vide, inutile et misérable, il n’avait pas d’avenir, il n’était même pas certain d’exister. Il sortait sur son balcon et regardait la rue en bas en songeant qu’il pourrait juste sauter. Il s’endormait en serrant contre lui la couverture que la tante Pétunia lui avait donnée. Il aurait donné n’importe quoi pour que sa mère soit là ou son père ou Sirius ou Remus ou même Dumbledore. Ils auraient trouvé les mots pour le réconforter et lui donner envie de vivre. Mais ils n’étaient pas là. Il se rappela comme il était bien, dans cette gare de King Cross déserte, en compagnie de Dumbledore après avoir reçu le sortilège de mort de Voldemort. Il s’était senti en paix, il avait envie d’y retourner.
Il se réveilla brusquement un matin, aux premières lueurs de l’aube, s’échappant d’un rêve où il se retrouvait dans la forêt interdite, encore une fois. Il avait revu ses parents, lui assurant qu’ils seraient avec lui jusqu’à la fin. Il n’y serait jamais arrivé sans leur présence. C’était cela qui lui avait donné la force d’aller vers son destin et le courage de l’affronter. Leur présence l’avait réconforté. Harry fixa le plafond puis se redressa violemment. La pierre, la pierre de résurrection, pourquoi l’avait-il laissée dans la forêt ? Comment avait-il pu faire un truc aussi stupide ? Pourquoi ne l’avait-il pas gardée avec lui ? Il ne voulait pas ramener les morts à la vie mais il aurait au moins pu leur parler, comme cette nuit-là ! Harry se leva et s’habilla rapidement, dans un état proche du délire.
Il transplana jusqu’à Poudlard et entra dans l’enceinte de l’école sans rencontrer personne. Il marcha vers la forêt, passa devant la cabane de Hagrid sans faire de bruit et pénétra sous les arbres. Il essaya de se rappeler le chemin qu’il avait emprunté pour rejoindre Voldemort et cette simple idée le plongea dans une terrible angoisse. Essayant de la refouler le plus possible, il continua sa progression, se perdit plusieurs fois puis retrouva la bonne direction. Il faisait nuit ce jour-là et la forêt était différente. Pourtant, Harry eut le sentiment que c’était à cet endroit-là qu’il avait fait tourner la pierre dans sa main et que sa famille lui était apparue. Il fit encore quelques pas et s’arrêta. C’était sans doute par là qu’il avait dû lâcher la pierre. Harry se laissa tomber dans la terre et se mit à chercher nerveusement. Il balaya les feuilles, les brindilles, la mousse, les cailloux. Il chercha presque une heure, se faisant mal aux mains, au dos et aux jambes. Le désespoir qu’il ressentait était intolérable et il avait l’impression qu’il ne pourrait jamais survivre s’il ne trouvait pas cette pierre. Il voulait revoir sa mère rien qu’une fois, l’entendre dire « Tu as été si courageux ». Il pourrait la regarder encore et supplier « Reste près de moi ». Il savait qu’elle resterait, qu’elle lui sourirait et qu’il ne serait plus seul. Cela lui aurait suffi. Il pourrait s’allonger près d’elle et ne plus se relever. Elle le prendrait dans ses bras et elle l’emmènerait avec elle, dans un monde sans douleur et sans culpabilité.
Il sursauta en entendant des pas s’approcher de lui et se tourna vers Hagrid qui le rejoignit en courant presque. « Harry ! » s’écria Hagrid, l’air inquiet. « Les centaures m’ont dit qu’ils t’avaient vu passer mais je les croyais pas… Qu’est-ce que tu fais ? » Harry se détourna de Hagrid et reprit ses recherches avec des gestes frénétiques. « La pierre, il me faut la pierre, la pierre… » Il avait l’air d’un fou mais il n’était plus capable de s’en rendre compte. Hagrid resta immobile et sidéré, l’observant chercher quelque chose qui n’était visiblement pas là. « Harry…
- Laissez-moi ! cria Harry. Laissez-moi tranquille, je n’ai pas besoin de vous ! »
Hagrid hésita puis lui tourna le dos et s’en alla. Harry s’en aperçut à peine. Il ne sut pas combien de temps il continua à chercher mais il perdait espoir à chaque seconde et la douleur qu’il éprouvait l’empêchait presque de respirer. Il fut à nouveau interrompu par des pas et se tourna vivement dans leur direction, prêt à renvoyer Hagrid une seconde fois. Ce n’était pas lui cependant, c’était Hermione, qui le fixait avec une telle tristesse qu’il se figea. Elle avait les larmes aux yeux et elle s’agenouilla lentement près de lui. « Harry… » murmura-t-elle. Elle tendit la main et la posa sur son bras. « La pierre, j’ai laissé la pierre de résurrection ici. J’en ai besoin, je voudrais les revoir, je voudrais… » Il n’alla pas au bout de sa phrase, se sentant écrasé par son propre désespoir. Les doigts d’Hermione serrèrent son bras. « Arrête » dit-elle simplement. Harry sentit les larmes lui monter aux yeux à lui aussi et il se mit à pleurer nerveusement, les mains pleines de terre. Il pleurait comme s’il avait mal physiquement, comme si quelque chose l’empêchait de respirer. A côté de lui, Hermione essuya ses propres joues et attendit qu’il se calme. Cela prit de longues minutes. Quand il cessa de pleurer, Harry se sentit vide et épuisé. Il laissa Hermione lui nettoyer les mains puis le ramener hors de la forêt. Ils arrivèrent à la cabane de Hagrid qui les attendait avec anxiété.
Hermione lui lança un regard qui se voulait rassurant mais qui ne l’était pas vraiment. « Merci de m’avoir appelée Hagrid, vous avez bien fait. Je vais le ramener maintenant. » Harry évita le regard de Hagrid et celui-ci n’insista pas. Hermione agrippa fermement le bras de Harry et l’entraina hors de Poudlard. Dès qu’elle le put, elle transplana avec lui et ils se retrouvèrent non loin du Terrier. Le fait de se retrouver là ne fit naitre aucune émotion particulière chez Harry. Ils s’approchèrent de la maison et, quand ils entrèrent dans la cour, la porte s’ouvrit brusquement. Mrs Weasley sortit de la cuisine, en robe de chambre, et se précipita vers Harry. Avant qu’il ait pu faire le moindre geste ou dire la moindre chose, elle referma ses bras sur lui et le serra contre elle à l’en étouffer. Harry se laissa aller à cette étreinte, complètement amorphe. C’était toutefois réconfortant et il lui en fut reconnaissant. Il aurait aimé pleurer encore mais il n’avait plus de larmes et il se contenta de rester là, dans la chaleur des bras de Mrs Weasley qui le maintenait debout alors que Harry se sentait prêt à tomber à tout instant.
Il ne sut pas comment mais ils se retrouvèrent dans la cuisine, assis à la table, une tasse de thé brûlante entre les mains. Harry reprit lentement ses esprits et se rendit compte que Hagrid avait dû prévenir tout le monde, affolé par le comportement de Harry. Il eut soudain honte de lui et de son attitude délirante. Autour de la table, Mrs Weasley, Ron et Hermione le regardaient comme s’il était malade et pouvait mourir à tout moment. « Je suis désolé » balbutia Harry. « Je ne sais pas ce qui m’a pris, je… Il faut que je m’excuse auprès de Hagrid, j’ai été…
- Tout va bien mon chéri, dit doucement Mrs Weasley. Hagrid était simplement inquiet.
- Je crois que je deviens fou… murmura Harry d’une voix d’outre-tombe.
- Mais non mon vieux, répondit Ron. C’est juste le contre-coup, ça va aller. »
Il resta quelques temps chez les Weasley, pour ne pas être seul. Hermione emménagea également dans la chambre de Ginny pour pouvoir veiller sur lui. Entouré d’amour et d’attention, Harry se sentit un peu mieux. Il n’allait toujours pas bien, assurément, la douleur était toujours là, mais il avait la certitude que le pire était passé et qu’il ne referait plus de crise comme ce jour-là. Mrs Weasley allait mieux elle aussi, même si elle n’allait toujours pas bien et que la douleur était toujours là mais elle avait suffisamment d’énergie pour s’occuper de Harry. Ron et Hermione tentèrent de le distraire et de l’occuper. Ils volèrent un peu sur leurs balais, grignotèrent des bonbons, rirent des blagues de George quand il venait. Ginny était assez distante avec Harry, gentille mais distante. Ils avaient admis que ce n’était pas son rôle de prendre soin de lui et il ne lui en voulait pas.
Ils étaient assis sur le lit de Ron qui leur lisait les gros titres de la Gazette. « Le Ministère encourage les sorciers à plus de discrétion. Avec la guerre, les Moldus ont été témoins de beaucoup trop de choses. Par exemple, il faudrait éviter de transplaner dans les grandes villes. Voilà, sinon quoi d’autre ? Ah, bon, apparemment ils ont enfin arrêté tous les Mangemorts.
- C’est bien, dit Harry. Ils sont à Azkaban ?
- Non, ils sont dans des cellules du Ministère. Il semblerait que Shacklebolt ne veuille plus envoyer les gens à Azkaban sans procès.
- Enfin une sage décision, déclara Hermione.
- Ils ont arrêté les Malefoy, dit Ron.
- Normal, répondit Harry d’un ton indifférent.
- Les trois Malefoy, précisa Ron. Drago aussi. »
Il y eut un silence puis Harry haussa les épaules. « C’est juste, non ? Après tout, Drago a des choses à se reprocher lui aussi. » Ron et Hermione échangèrent un regard hésitant que Harry fit semblant de ne pas voir. Il savait que sa remarque était cruelle mais il n’avait pas pu s’en empêcher. Et de toute façon, le sort de Drago Malefoy était le cadet de ses soucis.
Quand il se sentit suffisamment en forme, Harry retourna chez lui. Il s’occupa comme il put, regarda la télévision, lut, sortit se promener sur le Chemin de Traverse. Il y retrouvait Ron, Hermione, parfois Neville. Quand ils faisaient cela, il y avait toujours quelqu’un pour essayer de les prendre en photo, ce qui énervait prodigieusement Harry. Il reçut une lettre du président du club des Frelons de Wimbourne qui lui faisait savoir qu’il l’avait vu lors d’un match à Poudlard et qu’il serait vivement intéressé de lui faire passer une sélection pour le poste d’attrapeur. Harry lut la lettre sans s’y intéresser et la laisser trainer dans un coin. Il n’avait pas envie de jouer au Quidditch, il n’avait envie de rien.
Harry faisait toujours des cauchemars mais il n’en parlait plus à Ron et Hermione parce que cela ne servait à rien. Il était toujours angoissé mais avait trouvé des trucs pour se calmer, comme se mettre à compter ou faire des exercices de respiration. En revanche, il n’y avait rien pour atténuer sa dépression, son manque d’envie, sa souffrance, sa culpabilité, sa persistante envie de mourir. Alors il vivait avec, parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre. En vérité, il vivait déjà avec depuis longtemps. C’était simplement que les choses s’étaient aggravées.
Harry marchait sur le Chemin de Traverse, une casquette sur la tête et des lunettes de soleil adaptées à sa vue devant les yeux pour se cacher le plus possible. Il s’était laissé pousser la barbe, avec l’idée que cela le cacherait encore plus. Hermione disait que c’était une bonne idée et que cela le rendait mûr. Quand elle disait cela, Ron éclatait de rire et se moquait gentiment de Harry. Ron était très content de lui parce qu’il avait enfin perdu sa virginité, comme il le lui avait appris un soir en chuchotant. Harry était resté indifférent et avait écouté sa joie, ne pouvant se résoudre à lui dire qu’il l’avait perdue avant lui, avec sa sœur qui plus est. Bref, Harry marchait là, il avait promis à George de passer le voir. Entre endeuillés de guerre, il fallait bien se soutenir.
« Tiens, mais qui vois-je ? Est-ce bien Mr Potter ? » demanda soudain une voix près de lui. Harry sursauta et se tourna vers la femme qui le fixait, appuyée contre le mur, à l’intersection d’une ruelle. Le visage de Harry se ferma quand il reconnut Rita Skeeter. « Foutez-moi la paix » répondit sèchement Harry. Rita se renfrogna mais ne se démonta pas. Voyant qu’il s’éloignait, elle le suivit en accélérant le pas pour rester à sa hauteur. « On dit que vous avez vendu la maison de votre parrain et que vous avez déménagé, est-ce vrai ? Vous ne voulez pas répondre ? On dit que les nouveaux propriétaires l’ont rachetée une fortune parce que c’était le QG de l’Ordre du Phénix et qu’elle vous appartenait. Est-ce vrai Mr Potter ? Combien avez-vous gagné avec cette vente ? Où habitez-vous maintenant ? Quel quartier ? Sortez-vous toujours avec Miss Weasley ? Où allez-vous ? » Harry se retourna, exaspéré. Il se pencha vers elle avec un geste menaçant mais elle ne montra aucun signe de crainte. « Qu’est-ce que vous voulez au nom du ciel ? Pourquoi ne me laissez-vous pas tranquille ?
- Je m’intéresse à vous, Mr Potter, comme tout le monde. Vous avez presque disparu après la bataille de Poudlard, les gens veulent savoir comment vous allez et ce que vous faites.
- Cela ne les regarde pas ! Je ne répondrai à aucune de vos questions, arrêtez de me suivre !
- Je pourrais arrêter Harry mais vous savez que si ce n’est pas moi, ce sera quelqu’un d’autre. Nous finirons bien par avoir nos photos, nous finirons bien par vous débusquer et vous faire parler, un jour ou l’autre. »
Il la fixa avec quelque chose qui ressemblait à de la peur. Etrangement pourtant, Rita n’avait pas l’air de le menacer ou de se moquer de lui. Elle exposait simplement les faits comme ils étaient et il savait qu’elle avait raison. Il hésita, surpris de l’idée qui venait de germer en lui. « Et si c’était vous ? Si c’était uniquement vous ? » demanda-t-il. Rita parut stupéfaite mais se reprit aussitôt. « Allons boire un café Harry ». Ils se rendirent dans un pub, près du glacier de Florian Fortarôme qui avait été libéré d’Azkaban et avait repris sa boutique. Harry laissa Rita commander deux cafés puis elle se pencha vers lui et le fixa avec attention. « Donc, expliquez-moi exactement ce que vous vouliez dire tout à l’heure.
- Eh bien si comme vous le dites je vais de toute façon être harcelé de journalistes, pourquoi ne vous donnerais-je pas l’exclusivité pour être tranquille ?
- En échange de quoi ? Car je suppose qu’il y aurait des conditions.
- Vous ne publiez que ce que je vous dis et rien d’autre. Vous me prenez en photo quand je vous le dis et pas à un autre moment.
- Des mises en scènes ? demanda Rita, excitée.
- Oui. Je vous préviens que je sors et vous me prenez en photos. Vous ne montrez que les gens que je vous autorise à montrer et vous n’inventez pas n’importe quoi. Si vous promettez cela, je collaborerai avec vous et vous serez la seule journaliste à parler de Harry Potter.
- Donc en gros, j’aurai l’exclusivité si je vous laisse décider de tout ?
- Oui. Et si vous le pouvez, faites fuir les autres journalistes. Je sais que vous n’avez pas le droit de publier mon adresse, je ne suis pas stupide. Je veux bien vous dire où j’habite si vous promettez de détourner l’attention de vos collègues pour qu’ils ne le découvrent pas. »
Rita avait un sourire carnassier sur le visage. Elle se pencha un peu plus vers lui et posa sa main sur la sienne. D’un mouvement presque imperceptible, elle le caressa avec son pouce. « Votre proposition m’intéresse Harry mais n’avez-vous pas l’impression de me demander de travailler pour vous ?
- Si, c’est ce que je fais.
- Je n’ai pas envie de travailler pour vous.
- Réfléchissez Rita. L’Histoire parlera de moi mais je doute qu’elle parle de vous. Que voulez-vous être ? Une insignifiante journaliste qu’on oubliera ou, au mieux, qui restera dans les mémoires comme celle qui a essayé de s’en prendre à Harry Potter ? Ou alors la journaliste qui travaillait avec moi, qui était mon alliée ? La journaliste qui a publié la vraie histoire de Harry Potter et qui est la seule à l’avoir réellement connu… »
Rita le dévora des yeux. Harry eut l’impression qu’elle avait envie de le violer ici et maintenant mais chassa cette idée grotesque et dérangeante. « Vous savez comment me parler Harry… Je sais que c’est une folie mais soit, j’accepte votre proposition.
- Si vous me trahissez, je ne vous dirai plus jamais rien et je ferai en sorte que votre carrière soit finie, vous avez bien compris ?
- Oui, c’est très clair. Je ne vous trahirai pas alors donnez-moi ce que je veux. »
Il hocha la tête. Ils se serrèrent la main et Harry quitta le café. Il ne savait pas s’il venait de commettre une erreur ou pas mais il avait le sentiment que non. Rita était intelligente, incisive, douée. Elle pourrait lui être utile un jour, même s’il ne savait pas pour quoi. Ce qui était sûr en revanche, c’est qu’il valait mieux l’avoir comme alliée que comme ennemie. Et il n’oubliait pas qu’elle avait écrit pour lui l’article qui lui avait rendu une grande part de sa crédibilité en cinquième année. L’article qui avait mis Ombrage hors d’elle et avait fait pâlir Drago Malefoy. Oui, quand ils s’alliaient, Rita, Hermione et lui, ils pouvaient faire du bon travail.
Harry reçut Rita chez lui. Il savait qu’elle ne publierait pas son adresse parce que c’étaient des choses qui ne se faisaient pas et il savait également qu’elle n’avait aucun intérêt à le faire. En dévoilant son adresse, Rita offrirait aux autres journalistes la possibilité de le traquer et cela ne lui apporterait rien, au contraire. Ils s’assirent dans le salon, lui dans le fauteuil et elle sur le canapé. Elle déclara que l’appartement était charmant mais Harry ne savait pas si c’était sincère ou purement flatteur. Elle sortit son carnet, sa plume et il se prépara à l’interview avec appréhension. « Très bien mon cher Harry, commençons. Vous avez vendu la maison que votre parrain Sirius Black vous avait léguée. Pourquoi ?
- La maison était trop grande pour moi et elle me rappelait de mauvais souvenirs. J’aimais mieux repartir de zéro.
- A qui l’avez-vous vendu ?
- A une famille écossaise très gentille.
- Et l’elfe ?
- Quoi l’elfe ? En quoi cela intéresse-t-il les gens ? »
Rita sourit et fit un geste léger de la main. « Cela n’intéresse pas les gens, c’est moi qui veux le savoir, par curiosité.
- Les nouveaux propriétaires ont accepté de le garder à leur service. Kreattur continuera donc à s’occuper de la maison des Black jusqu’à sa mort, comme il le souhaite. Mais il m’appartient toujours.
- Je vois. Donc vous avez acheté un nouvel appartement pour repartir à zéro comme vous dites. Quels sont vos projets pour l’avenir ?
- Je n’ai aucun projet d’avenir, répondit Harry avec un sourire désabusé.
- Vous voulez que j’écrive ça ?
- Non ! s’écria immédiatement Harry en rougissant. Je veux dire… Je ne sais pas encore. Pour l’instant je veux me reposer et prendre quelques vacances. Et puis je suis jeune, j’ai le temps de décider.
- Bien sûr. Vous vouliez devenir Auror je crois ? Est-ce un projet toujours d’actualité ?
- Non, je ne pense pas.
- Pourquoi ?
- Je crois que je me suis suffisamment battu pour le restant de mes jours. »
Rita prit note, sans émotion particulière. Elle ne semblait absolument pas affectée par ce que Harry disait. Il aurait tout aussi bien pu déclarer qu’il souhaitait devenir Ministre de la Magie qu’elle n’aurait pas eu davantage de réaction. « Sortez-vous toujours avec Miss Weasley ?
- Je préfère ne pas répondre à cette question, ma vie privée ne regarde personne.
- Oui mais les gens sont friands de ça…
- Je ne veux pas que Ginny soit mêlée à tout cela.
- Elle le sera tant que vous ne répondez pas à la question Harry.
- Très bien, soupira Harry. Non, je ne sors plus avec elle. C’est une décision commune que nous avons prise dans le plus grand respect.
- Si vous le dites… »
L’interview continua sur le même ton mais ne dura pas très longtemps. Il n’y avait pas grand-chose à demander de toute façon et Harry refusa tout net de parler de la guerre ou de son état psychologique. Rita parut tout de même satisfaite et, quand ils terminèrent, elle lui demanda une photo. Elle le prit en photo assis dans son fauteuil, un très léger sourire aux lèvres. Elle fit en sorte qu’on ne voie pas le paysage par la porte-fenêtre, pour que personne ne puisse deviner où il vivait. Après cela, ils burent un thé pour se remettre de leurs efforts. Harry songea que si ce genre d’interview pouvait lui épargner un harcèlement quotidien, il pourrait en refaire de temps en temps, ce n’était pas non plus si terrible que cela. « Juste avant de venir vous voir, j’ai appris une nouvelle qui devrait vous intéresser » dit Rita en mélangeant lentement son thé. « La nouvelle ne paraitra que demain dans les journaux mais je pense que je peux vous la donner tout de suite.
- Quoi donc ? demanda Harry.
- Dolores Ombrage est décédée. »
Harry sursauta et fixa Rita avec étonnement. « Décédée ? Mais comment cela ?
- Elle devait apparemment être transférée dans une autre cellule car son procès devait avoir lieu aujourd’hui. Personne ne sait exactement ce qui s’est passé, il y a visiblement eu un cafouillage – du moins c’est ce qu’ils disent – mais en tout cas, deux Détraqueurs se sont retrouvés là et ils se sont jetés sur elle.
- Jetés sur elle, vous voulez dire…
- Oui, le baiser du Détraqueur.
- Elle n’est donc pas vraiment morte alors.
- Non mais enfin bon, je doute qu’elle survive longtemps. Personne ne survit bien longtemps après avoir perdu son âme. »
La nouvelle laissa Harry perplexe et indécis. Il éprouvait de la haine pour Ombrage mais ce destin lui semblait effroyable. Même à elle, il n’aurait pas souhaité cela. « Vous avez laissé sous-entendre que les gens du Ministère ne seraient pas honnêtes. Vous pensez que ce n’est pas un accident ?
- Mon cher Harry, Ombrage a persécuté de nombreux Nés-Moldus pendant la guerre et beaucoup sont morts à cause d’elle. Bien sûr, on ne pourra certainement jamais le prouver mais je doute que ce soit un accident. »
Cela rendait les choses moins affreuses, d’une certaine manière. Peut-être que des victimes ou des familles de victimes s’étaient vengées et Harry comprenait leur souffrance. Mais il ne parvenait tout de même pas à se réjouir de la nouvelle, il ne ressentait aucune satisfaction à savoir qu’Ombrage avait subi cela. Le seul sentiment que Harry put nettement identifier, ce fut du soulagement, le soulagement de savoir qu’il ne la reverrait jamais et qu’elle ne pourrait plus jamais lui faire de mal. Rita le laissa là dans ses réflexions et s’en alla rédiger l’article sur Harry qui sortirait sans doute le lendemain ou le surlendemain.
Harry se tenait dans une salle d’audience au Ministère et regardait Hermione, assise sur le siège des accusés. Ses mains étaient emprisonnées par des chaines et elle semblait pétrifiée de terreur. Sur l’estrade, à la place du juge, Dolores Ombrage la fixait avec une expression cruelle et jubilatoire. « Hermione Granger, vos parents sont tous deux des Moldus, exerçant le métier de dentiste je crois. Vous n’êtes donc pas une vraie sorcière. Pouvez-vous nous dire à qui vous avez volé cette baguette ?
- Je ne l’ai pas volée !
- Bien sûr que si vous l’avez volée, puisque vous êtes une Sang de Bourbe !
- Hermione est une sorcière ! cria Harry avec de la haine.
- Attention Mr Potter, dit Ombrage d’une voix doucereuse. Nous étions d’accord, vous ne devez pas dire de mensonges… »
Harry se réveilla en sueur, la main envahie de picotements désagréables. Il resta allongé dans son lit, déprimé et nauséeux, incapable de trouver la force de se lever. Il se tourna vers son réveil et constata qu’il était plus de dix heures du matin. Avec l’impression de tirer des boulets à ses chevilles, Harry se traina dans le séjour et se prépara un café. Il était en train de le boire lentement quand un hibou frappa à la porte-fenêtre et obligea Harry à lui ouvrir. Le hibou lui remit la lettre et s’en alla sans attendre de réponse. Harry regarda l’enveloppe et aperçut immédiatement le sceau du Ministère. Il la jeta négligemment sur la table de la cuisine, termina son café et alla se débarbouiller. Il revint dans la cuisine, torse nu, enfila rapidement son t-shirt et ouvrit la lettre, au cas où se serait important. Il ne s’attendait certainement pas à cela. Le directeur des Aurors lui faisait savoir que Narcissa Malefoy avait souhaité faire usage de la seule et unique visite qui lui était accordée et qu’elle lui demandait de venir la voir. Il était libre de refuser et il était libre de venir quand il le désirait. Salutations distinguées.
Harry fixa la lettre, incapable de ressentir la moindre émotion, incapable également de déterminer s’il comptait s’y rendre ou non.