« - Faut bien admettre que... Une fois réparé c'est plutôt classe comme piaule.
- Oui, c'est vrai que c'est beau...
- J'étais ironique Schätzschen.
- Moi, je ne l'étais pas. »
Elle souhaiterait se trouver n'importe où plutôt qu'ici, surtout en une telle occasion et elle bouillonne de rage depuis que le château de Poudlard est entré dans son champs de vision.
Tandis que la camérière Schwester Wladimir amorce la descente du tapis volant, il semble à Athénaïs qu'elle revit les événements tragiques qui se sont déjà produits entre ces murs en sa présence. Elle revoit le corps du jeune Cédric atterrissant sur la pelouse, le petit Harry Potter agrippé à lui, la fuite paniquée d'Igor après son altercation avec le professeur Dumbledore. Elle seule l'a épaulé dans sa cavale, jusqu'à ce qu'il soit finalement retrouvé et assassiné.
C'est elle, la première, qui a retrouvé son corps et elle a fui épouvantée.
Elle revit également la Bataille de Poudlard à laquelle elle a participé aux côtés des centaures puis devant l'entrée, les corps allongés dans la pièce, la voûte s'effondrant sur sa supérieure et tout ce que cela a coûté en vies humaines.
Pourquoi a t-elle accepté de revenir ici ? D'ailleurs pourquoi Schwester Wladimir a t-elle aussi accepté de venir, laissant l'école à la garde de Schwester Théa et Schwester Gretel ?
Peut-être simplement parce que, au-delà de tous leurs contentieux, elles n'ont pas eu le courage de refuser par peur de perdre la face aux yeux de leurs collègues et des parents. Également parce qu'elles ne souhaitaient pas lâcher les élèves les plus prometteuses de leur école dans un moment pareil. Elles savent très bien que, du fait de la présence de Durmstrang, leur championne pourrait bien se retrouver à affronter un ami ou un membre de sa famille. Rien de bon tout cela et elles devront faire face si cela se produit.
Une chose de sûre, Athénaïs n'est pas venue par intérêt ou par envie, loin de là. Elle déteste Poudlard et, encore plus, le professeur McGonagall qui dirige l'école : une vieille fille ambitieuse qui lui fait penser à sa supérieure par bien des côtés. Qui se ressemble s'assemble...
Et puis la compagnie des autres enseignantes...
Entre la camérière de l'école Schwester Wladimir, cette gamine arrogante qui se cherche encore et sa Supérieure Angela Walter-Klein, plus douée pour rayonner et faire de l'esbrouffe que pour administrer un établissement scolaire... Bon, au moins elle ne restera pas tout le temps à Poudlard, cela devrait lui donner l'occasion de s'occuper un peu du Blocksberg...
A présent, l'aire d'atterrissage se dessine nettement devant leurs yeux et, après deux tours, elles piquent droit sur la cour qui s'étend devant le perron, sur l'entrée principale. Elle voit du coin de l'œil le visage extrêmement concentré de Schwester Wladimir qui doit négocier la descente tout en mettant fin à la désillusion du tapis volant.
Pour Athénaïs qui dirige la formation des vivernes et doit organiser leur atterrissage, arrive enfin un moment appréciable. Elle aime voler et faire ainsi des figures dans les airs. Sa complicité avec Saphira n'a pas de faille et elle est dans son élément.
Ce voyage est également un défi comme elle les aime : suivre la scolarité à distance de ces jeunes filles et les pousser vers l'excellence, maîtriser la panique qu'elles pourraient ressentir, les soutenir dans la pratique de l'anglais... Elle va se régaler de ce côté-là. Elle le sent et cela adoucit un peu le poids de l'événement sur ses épaules.
L'atterrissage est parfait, synchronisé et élégant. Il soulève l'admiration de tous les élèves et professeurs qui attendent sur le perron, Athénaïs le voit très bien dans les yeux de ces spectateurs d'une fois. Elle sourit, malgré la voix dans sa tête qui trouve les applaudissements ridicules.
Elles sont accueillies par le professeur McGonagall, la directrice de l'école de Poudlard qui se tient juste à côté de la Supérieure Angela. Celle-ci a effectué le voyage de manière anticipée afin de « régler les détails » et Athénaïs la voit avec un vif déplaisir extrêmement complice avec Minerva McGonagall. C'est qu'elles ont vécu des choses ensemble durant la guerre et forment depuis un duo soudé en Europe, d'où la participation du Blocksberg au tournois, une première.
Ce qu'elle peut détester ces deux femmes ! Cette incompétente d'Angela Walter-Klein qui parvient pourtant à donner le change dans toute l'Europe et cette arriviste de Minerva McGonagall.
Le souvenir cuisant de sa défaite aux dernières élections de la Supérieure du Blocksberg se rappelle soudain à son bon souvenir et, machinalement, elle jette un regard à Schwester Wladimir, l'une des seules à l'avoir soutenue contre toute attente.
C'est qu'elles n'ont jamais reparlé de l'événement. Elles sont toujours aussi distantes l'une envers l'autre, chacune reconnaissant la compétence de sa collègue mais se refusant farouchement à aller plus loin.
Athénaïs a du mal à rester concentrée alors que la directrice de Poudlard s'avance vers elles, c'est que revenir à Poudlard lui est encore plus pénible. Les souvenirs continuent de rejaillir pour la hanter.
La voix dans sa tête se fait de plus en plus insistante, de même que la volonté qu'elle lui impose. Elle lui rappelle qu'elle a une mission à remplir et qu'elle doit torpiller deux écoles : Poudlard et le Blocksberg. Pour cela elle a fort à faire et le plan est prêt à mettre en œuvre, il ne lui reste plus qu'à agir au repas.
Athénaïs, bien que faisant bonne figure, grimace intérieurement tandis que McGonagall continue de parler.
Enfin, la foule se disperse et elles peuvent gagner l'aire réservée à leur campement.
C'est une grande zone de prairie, fauchée préalablement et suffisamment grande pour qu'elles puissent s'installer très à l'aise, et même ménager une aire pour l'exercice physique et les sports de combat. Il y a également une fontaine non loin.
Athénaïs sourit tandis que Schwester Wladimir interpelle les étudiantes :
- Allez ! Dit-elle. Chaque binôme plante sa tente là où je vous le dit.
Les jeunes femmes se regroupent autour d'elle. D'un coup de son bâton d'enchanteresse, l'enseignante fait voler un très grand sac en tissus qui tombe au sol à une extrémité du campement et, sous les yeux ébahis de toute la troupe, laisse s'échapper chacun des éléments de la tente QG qui s'assemblent et se montent en un temps record.
Trente secondes plus tard c'est un chapiteau magnifique qui se dresse devant leurs yeux et Schwester Wladimir ajoute en tapant dans ses mains :
- Allez, maintenant à vous ! Chaque binôme dans l'ordre alphabétique et dans les sens des aiguilles d'une montre. Vous laissez vide l'espace central pour que nous ayons une zone de plein air.
D'une main, elle a désigné l'espace en question. La trentaine d'étudiantes âgées de dix-sept ou dix-huit ans se disperse aussitôt et s'organise sans trop de problèmes. Athénaïs constate avec un certain plaisir que ce sont les vivernières les plus efficaces, organisant les places et plantant aussitôt leur tente. Mais elle n'a pas le temps de tout voir, Schwester Wladimir lui adresse un geste d'invite :
- Venez, dit-elle. Il faut que vous me disiez si l'intérieur vous convient.
Agacée mais curieuse, Athénaïs pénètre à sa suite dans le chapiteau et reste béate de stupeur. Une grande pièce garnie de bureaux en arc de cercle tient l'essentiel de l'espace, bien plus grand que ce que l'on en perçoit du dehors. Il y a également une estrade, un tableau et un bureau professoral assez sommaire.
- Pas mal du tout, concède Athénaïs. Il y a suffisamment de place pour tout le monde, j'aurais pourtant pensé que vous ne laisseriez qu'une moitié des élèves à la fois utiliser la salle.
- C'est que, lui explique Schwester Wladimir. Il fait aussi froid ici qu'en Forêt Noire, et nos étudiantes ont besoin d'une salle d'étude où passer une large partie de leur temps de travail, même si la bibliothèque leur est ouverte et que la plupart ont de bonnes notions d'anglais. J'avais la possibilité de faire une salle vaste, alors c'est ce qui m'a semblé le mieux pour elles, ainsi que le plus pratique pour nous.
Avec un hochement de tête d'assentiment, Athénaïs jette un dernier regard à la salle et demande :
- Où va t-on dormir ?
- Venez, lui répond la jeune enchanteresse.
Elle l'entraîne derrière une tenture où se tient une vaste chambre, divisée en deux par une lourde tenture à motifs floraux. Un poêle en faïence réchauffe cette partie-là de l'édifice et Schwester Wladimir la rassure :
- Tout est ignifugé, pas d'inquiétude, même pour les cas éventuels de malveillance et j'ai fait de même pour les tentes des filles. Nous pourrons ainsi dormir sur nos deux oreilles.
- C'est un sacré travail, lui fait remarquer Athénaïs, luttant contre la jalousie qui dévore à présent ses entrailles.
C'est que la jeune enchanteresse est extrêmement douée, et qu'elle a le compas dans l'oeil.
- On prend l'habitude, répond doucement celle-ci. Ce n'est pas la première fois que je bâtis des lieux d'habitation.
- Oui je sais, répond Athénaïs. Le Naturladen à Stuttgart soulève encore des critiques admiratives.
Elle a vraiment eu du mal à dire cela sans que sa voix ne se fasse cassante. À peine âgée de vingt ans, sa collègue a réalisé un véritable exploit en bâtissant avec l'aide d'une autre jeune femme ce qui est devenu le lieux de stage le plus prisé d'Europe. Elle a relevé le défi d'une vaste boutique, ouverte aux moldus sur un étage, abritant deux autres niveaux réservés aux sorciers et consacrés à la faune et la flore magique, un étage bibliothèque et pouvant loger jusqu'à six étudiantes, sans même parler du jardin sur le toit. C'est un véritable chef-d'œuvre. Et oui, cette tente n'est rien à côté.
- Je vais voir si Saphira et les autres vivernes ont tout ce qui leur est nécessaire, dit-elle pour se donner une excuse afin de sortir.
Les tempes battantes de rage et d'animosité, elle quitte le chapiteau.