Parée de toute sa beauté, la taille affinée par un corset, Cedrella Black marche d'un pas vif dans les rues du Chemin de Traverse. Ses talons marquent un rythme sur les pavés inégaux du sol. Ses cheveux noirs de nuit ondulent élégamment sur ses épaules. Elle porte un petit chapeau noir avec une voilette de dentelle qui cache ses yeux gris. Tout dans sa mise, depuis sa robe grise et pourpre qui met en avant son teinte olivâtre, jusqu'à ses gants de dentelle qui soulignent la finesse de ses doigts, montre l'élégance due à son rang.
Cedrella porte sa main gantée en un geste gracieux à la poche de sa ceinture, palpant à travers le riche tissu le petit mot griffonné d'une écriture penchée sur un fin parchemin.
Cedrella, rendez-vous chez l'apothicaire Elizabeth Anderson à 10h ce jour. J'ai une idée.
Le mot n'est pas signé, mais elle sait que c'est Septimus qui le lui a écrit. Cela fait plusieurs mois qu'ils se fréquentent maintenant, en cachette, poursuivant ces années à se tourner autour à Poudlard. Parce qu'il y a un adversaire de taille à leur amour : la famille Black et le registre des 28 sacrés, listant les familles de Sang-Purs de Grande-Bretagne. La famille Black y est, la famille Weasley refusent d'y être. Ils sont considérés comme des Traîtres à leur sang, et des amis des Moldus. Et pour cette raison, si Septimus manifeste un jour l'envie d'épouser Cedrella, cela se passera mal. Très mal.
Mais dans le cœur de Cedrella, le choix est déjà fait. Elle est prête à abandonner sa famille entière et leurs traditions nauséabondes pour l'amour de Septimus. Mais elle ne peut pas juste s'enfuir, ils la retrouveraient. Elle ne peut pas non plus annoncer son projet, ils l'enfermeraient et tueraient Septimus. Non, il faut trouver une autre idée. Que peut-être Septimus a.
Cedrella descend toute la rue, le pied sûr sur les pavés inégaux, et elle voit la foule de sorciers se fendre, certains ôtant leur chapeau pour la saluer. Parce que c'est une Black et que sa famille est prestigieuse.
Parée de toute sa superbe, elle ignore les regards sur elle, parce qu'elle a été ravie. Oui. Ravie par Septimus Weasley et sa haute silhouette un peu voûtée, il faut dire qu'il est grand. Ravie par ses yeux marrons et ses tâches de rousseur qui ne parsèment pas son visage mais ses épaules larges. Ravie par la simplicité de Septimus et sa douce certitude. Ils se sont promis l'un à l'autre, alors, il en sera ainsi, et tant pis pour les mécontents. Tant pis si cette alliance en brise d'autres.
Cedrella arrive à la boutique Anderson, et s'arrête juste un instant, le temps de reprendre son souffle qu'elle n'avait pas conscience de retenir. Elle sent obscurément qu'entrer dans la boutique de l'apothicaire va changer sa vie en meilleur. Interrompre les discussions de ses parents qui souhaitent bien la marier et s'étourdissent dans des soirées interminables où ils lui présentent le dernier jeune homme de la famille Yaxley, ou de la famille Lestrange. Tous plus inintéressants les uns que les autres. Tous créés dans le même moule de haine et de supériorité du sang. Tous tellement éloignés de la douce personne qu'est Septimus.
Sa main gantée de dentelle se pose en tremblant un peu sur la poignée, et elle entre enfin, son arrivée accueillie par le tintement de la clochette. Septimus est déjà là, en train de commander des ingrédients dont certains sont sur le comptoir. Il se retourne vers elle et son visage s'illumine, puis retourne à sa commande. Ils sont en public, ils doivent être discrets. Ils ont toujours fait cela. Feindre de ne pas se connaître. Feindre de ne pas être attirés l'un par l'autre. Feindre de ne rien signifier l'un pour l'autre.
« Bonjour Mademoiselle Black, je vous laisse patienter, j'arrive tout de suite. »
« Non, Madame Anderson. Poursuivez, je ne suis pas pressée. »
Porter le nom de Black fait, qu'étrangement, Cedrella est en pleine lumière. Porter le nom de Black en 1932, avec les événements récents liés à Gellert Grindelwald, fait que les sorciers s'empressent de vous servir. Cedrella a pris l'habitude de ne pas s'en faire, de faire avec cet empressement, cette crainte que son nom et son rang apportent aux autres sorciers, cette aura de danger qui flotte autour d'elle comme un nuage nauséabond. Cette aura qui n'a pas rebuté le moins du monde Septimus, qui lui a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour l'en défaire. Pour l'amener dans sa propre aura douillette et chaleureuse, dans la tiédeur de ses bras et la passion de ses baisers. Loin de toute cette haine.
La cloche tinte de nouveau et Cedrella regarde avec un air un peu trop effrayé qui vient de rentrer. C'est une toute petite sorcière brune, portant une longue robe grise crottée en bas. Elle regarde rapidement Cedrella, s'incline, et se dirige vers les étals sur les côtés de la boutique. Cedrella la connait. Cedrella l'a déjà oubliée. Pourtant, la petite sorcière regarde le grand homme roux penché au-dessus du comptoir, qui commande des fèves soporiphiques et de l'armoise. Et, flânant entre les bocaux où des choses in-appétissantes flottent, son regard retourne sur Cedrella Black, dont toute l'attention semble être attirée par la haute silhouette rousse qui lui tourne le dos. L'homme prend le paquet d'ingrédients sous son bras, et il va pour quitter la boutique quand il frôle Cedrella et fait tomber une partie de ses ingrédients au sol.
« Oh, je suis confus, Mademoiselle Black. Je ne voulais pas vous déranger. »
Ils sont tous deux accroupis au sol à ramasser les quelques sachets qui étaient tombés. Ils se relèvent tous deux, tenant chacun d'un côté le sachet contenant de l'asphodèle.
« Oh, mais vous ne m'avez pas du tout dérangé, monsieur... »
« Septimus Weasley, pour vous servir. »
Là-dessus, il s'incline, lâche l'asphodèle et s'en va en ôtant son chapeau de sa tête en un simple geste d'adieu.
Cedrella le regarde partir avec un air de tendresse dans les yeux, puis enfourne dans la poche de sa ceinture le sachet d'asphodèle. Elle fait le tour de la boutique, choisit quelques ingrédients, l'air rêveur. Madame Anderson lui emballe ses achats et la remercie de sa visite, et Cedrella repart, sous l’œil de la petite femme en noir qui, avec avidité, a suivi toute la scène.
Cedrella remonte la rue, les pas plus guillerets. La main gantée sur le sachet d'asphodèle qui forme une petite bosse dans la ceinture de sa robe, comme une promesse. Elle arrive aux Trois Balais où une haute silhouette familière lui emboîte le pas, comme si de rien n'était, quelques pas en arrière, semblant flâner. Cedrella avance jusqu'à la sortie des Trois Balais qui mène au Londres Moldu. La haute silhouette la dépasse et marche alors quelques pas avant elle. Cedrella a tout le temps du monde pour s'abreuver de ces épaules larges, de ce cou fort, de cette taille fine, de ces jambes démesurément longues et qu'elle sait musclées. Cedrella se sent tellement petite à côté de l'immensité de Septimus. Perdue dans ses pensées, elle ne l'a pas vu tourner dans la rue à droite, et retient une exclamation de surprise quand une grande main constellée de tâches de rousseur se pose délicatement sur son bras et l'attire. Et elle s'engouffre dans l'étreinte, s'oublie dans le baiser, promène ses mains sur le dos de Septimus, sous sa veste, tâtant ces longs muscles effilés, ces côtes saillantes. Quand il la relâche, les yeux pleins d'adoration, elle lit sur son visage que ses lèvres doivent être rouges, et que ses joues aussi. Que ses yeux doivent pétiller et que son visage entier exprime cet amour. Ils sont jeunes, ils sont amoureux, ils sont fous.
« Alors, mademoiselle Black, vous n'avez pas lu mon petit mot ? »
« Non, monsieur Weasley, j'étais trop occupée à penser à vous. »
Cedrella fouille dans sa ceinture et elle récupère le sachet d'asphodèle. Elle pique une fleur à son chignon, et déchiffre à l'intérieur du sachet.
Philtre de mort vivante. Seule solution. Je t'aime. Je te veux maintenant.
Cedrella froisse le sachet et le remet dans sa ceinture, et attrape le bras offert, posant un instant, oh un seul instant, sa tête contre l'épaule de Septimus. Elle a l'impression d'être dans un de ces films d'espionnage que Septimus affectionne tant et tant qu'il en est intarissable.
« Tu as acheté les ingrédients ? »
Il hoche de la tête, pensif.
« Cela ne me fera pas mal ? »
Les yeux gris rencontrent les yeux marrons.
« Tu auras peut-être un peu mal, mais l'effet est immédiat. Et je viendrai te chercher ensuite. Quand les funérailles auront eu lieu. Et cela me déchirera le cœur, Cedrella, de te voir à l'image de la mort. Mais, comme dans le conte du moyen-âge, je t'embrasserai et tu reviendras à la vie. »
Cedrella sourit alors, d'un grand sourire qui montre ses dents.
« Et comme dans le conte du moyen-âge, le sorcier épousera la princesse... »
« Oh que oui, rien ni personne ne peut empêcher cela, ma belle. »
S'il y avait une pierre qui reposait dans le cœur de Cedrella, elle s'en est allée. Tout n'est que légèreté et promesses.