« Je suis désolé, Neville », lâcha Algie d’une voix penaude.
L’enfant couvrit de ses mains ses petites oreilles. Dos à la porte, il pouvait la maintenir ainsi close. Tout son poids était concentré sur le petit panneau de bois. Un dernier rempart contre la douleur de l'humiliation. Un barrage fragile retenant sa colère et son indignation.
Entre deux reniflements, il marmonnait dans la barbe qu’il était encore loin d’avoir des mots par dizaines, qui devenaient des centaines, ou peut-être même des milliers. C'étaient des mots audibles seulement par lui, qui se mêlaient, sans discontinuer, qui tonnaient dans son crâne et l'emmêlaient. Il se sentait nauséeux. Le ciel était bleu au-dehors, mais un torrent de tourments et de maux déferlait en même temps sur ses joues et dans son cœur.
De l’autre côté de la porte, son grand-oncle continuait avec légèreté :
« Tu sais bien que je ne peux pas résister aux meringues de la douce Enid... »
Il pouffa tellement il semblait avoir trouvé sa plaisanterie drôle, mais le silence que lui imposa son petit-neveu le fit taire de nouveau. Il poussa doucement la porte, et, toute résistance étant vaine face à la force d’un adulte, Neville glissa lentement sur le parquet à mesure qu’elle s’ouvrait.
« Ce n’est qu’une erreur d’inattention. Je ne voulais pas te lâcher. Je ne voulais pas te mettre en dan…
— Mais tu l’as fait ! »
Il avait hurlé. Du haut de ses huit ans, il avait toujours répondu d’un ton égal à tout ce que tout le monde pouvait lui dire. Il acquiesçait toujours, gentiment. Même quand on manquait de le noyer pour qu'il manifeste enfin des pouvoirs magiques ! On lui avait toujours répété d'avoir confiance quand il s’agissait du jugement des grandes personnes, et c’était la première fois qu’il se retrouvait à hausser la voix devant l’une d’entre elles. Pourquoi les adultes étaient-ils si cruels ? Si insensibles ?
Il avait eu si peur. Neville était un petit garçon qui croyait profondément en des valeurs comme la gentillesse, la bienveillance, et le respect. Aujourd’hui pourtant, tous s’étaient esclaffés alors qu’il chutait d’un étage entier, tous l’acclamaient lorsqu’il se retrouvait à rebondir lourdement sur la route, tous l’acclamaient parce que, ça y était : c'était sûr, il était un Sorcier ! Tous l'avaient acclamé alors qu’il avait sans doute vécu le pire moment de toute sa vie.
« Je ne suis pas l’une de vos expériences, dit-il sur un air de défi.
— Je n’ai jamais pensé cela, Neville.
— Vous ne pouvez pas faire de moi ce que bon vous semble parce qu’aucun de mes parents ne viendra vous réprimander par la suite !
— J-je n'ai j-jamais pensé cela, répéta son grand-oncle d'un air horrifié.
— Et si j'avais été Cracmol ? »
Algie ne sut pas quoi répondre. Oh, la réponse était pourtant évidente. S'il n'avait pas eu de pouvoirs magiques, il serait...
Neville fondit en larmes, se recroquevillant contre le mur le plus proche. Et il sentit son estomac se nouer à mesure que les nœuds de mots dans son crâne se resserraient. Peut-être sa famille aurait-elle préféré le voir mort que Cracmol ?
Bonjour à tous et à toutes ! C'est en faisant le tri dans mes textes que j'ai retrouvé celui-ci, écrit durant le Combat à Mort. Bonne lecture !
Parce que je déteste cet épisode que Neville relate l'air de rien dans la saga et qu'il m'a toujours mise en colère. Et parce qu'il y a des choses infiniment plus importantes que le fait de savoir si un enfant se conformera ou non aux attentes qu'on a de lui.
Merci pour votre lecture.