La petite Isabel s’efforçait de se tenir le mieux possible à table, du haut de ses neuf ans. Mais elle avait seulement envie de passer au dessert. Si seulement son père était moins intraitable sur son comportement... Bon sa mère se voulait plus laxiste, mais ça n’empêchait pas la demoiselle de se tenir tranquille en sa présence. Surtout si elle voulait éviter une punition. Or, la fillette comptait bien retourner jouer avec ses amies fourmis.
Malgré tout une question lui brûlait la langue. Elle avait entendu le mot durant une soirée, alors qu’elle jouait avec d’autres enfants de son âge. Isabel s’efforça de bien formuler sa phrase. Ce que sa mère appelait l’étiquette avec un certain dédain restait malgré tout importante dans une famille comme celle des Nott. Ce que Isabel comprenait. Malgré tout, son père comme sa mère ne lui avaient jamais demander de manger en silence. Et elle comptait bien en profiter
- Père, qu’est-ce qu’un Mangemort ?
C’était une fille de son âge peu sympathique du nom de Rose Weasley qui avait évoqué le mot. Or, quand Isabel lui avait demandé ce que c’était, la rouquine l’avait regardé avec de grands yeux sombres et lui avait dit de se débrouiller pour trouver la réponse.
Le visage de son père sembla se durcir puis s’apaiser, il prit malgré tout un temps pour réfléchir.
- Je ne vais pas te demander où tu as appris ça. Mais je crois que tu es trop jeune pour comprendre, Isabel.
- Dîtes plutôt que vous n’avez pas envie d’en parler, répliqua-t-elle, boudeuse.
Son père soupira. Sa fille avait toujours eu un sacré caractère.
- Je maintiens ce que je dis. Crois-moi, tu es bien trop jeune. Dans quelques années, d’accord ?
Isabel savait très que s’énerver ou pleurer n’aurait servi à rien, aussi elle décida de continuer à bouder et refusa de finir son assiette, malgré tout déjà bien entamée. Sa mère, Daisy, eut un petit sourire en direction de son mari et décida d’appeler l’elfe de maison qui les servait. Quand la fillette vit le framboisier et seulement deux assiettes arriver, elle ne put résister très longtemps. Isabel savait qu’elle avait perdu la partie, ignorant difficilement les grands sourires de sa mère et le rictus, beaucoup plus discret, pour ne pas dire presque imperceptible de son père.
- C’est d’accord, j’attendrais. Mais est-ce que je peux avoir du dessert ? Pourquoi vous ricanez bêtement comme ça, tous les deux ?
Deux ans plus tard,
Son père avait tenu parole, mais n’avait pas clairement pas tous dit. Puis Poudlard lui avait fait comprendre la dure réalité du passé, toute Serpentard qu’elle était. La petite Isabel avait ainsi découvert la guerre et ce qu’étaient les Mangemorts ainsi que leur maître. Même mort, le personnage effrayait d’ailleurs la fillette à la simple idée de son existence.
Oui son père n’avait pas tout dit.
Sa répartition à Serpentard, les réactions de ses autres camarades comme de ses professeurs, lui laissaient penser que son père avait été du mauvais coté lors de la guerre. Et Isabel comprit pourquoi il était aussi peu disposé à tout lui révéler. Elle ne lui en voulait pas finalement.
Fort heureusement la petite avait quelques personnes dans son entourage qu’elle pouvait considérer comme des amis. Mais une part d’elle-même continuait à penser que tout cela avait quelque chose de faux. Tous n’avaient pas cette chance. La brunette pensait surtout au pauvre Scorpius qui s’était retrouvé seul à Gryffondor. Gryffondor où tout le monde semblait détesté le jeune Malefoy. Mais elle voyait difficilement ce qu’elle pouvait faire à part lui accorder des sourires d’encouragement.
Elle comptait bien délier la langue de son cher père, d’une manière ou d’une autre. Si ce premier trimestre à Poudlard lui avait bien appris une chose, c’était à bien utiliser sa sournoiserie digne d’une vraie Serpentard. Elle avait ainsi une large palettes de moyens pour le faire parler et elle s’en frotta un peu les mains, dans le Poudlard Express, alors qu’elle réfléchissait à un plan. Ses autres petites camarades de chambre eurent presque peur d’elle sur le coup.
Pourtant le premier matin des vacances, ce fut son père qui vint la réveiller, relativement de bonne heure.
- Père ?
- Enfile des bottes de marche et une cape d’hiver, mon chat. Nous allons faire un tour.
- Mais et le petit-déjeuner ?
- Les elfes s’en chargent déjà.
- D’accord, je fais vite.
Rassasiée, Isabel suivit son père pendant une heure à travers un petit bois enneigé. Theodore lui fit soudain signe de s’arrêter. Le duo père-fille était devant ce qui était une stèle. La photo d’une belle jeune femme blonde était à proximité. Isabel fut surprise de sa ressemblance avec la défunte. Elle avait presque les même mimiques qu’elle, si ce n’était ses cheveux bruns.
- Qui est-ce ?
- Galatea Nott. Ta grand-mère.
- Oh. Elle est décédée quand vous étiez enfant ? demanda-t-elle en observait les dates gravées sur la stèle.
- Oui. Le peu dont je me souviens d’elle me laisse penser que tu tiens énormément de ta grand-mère. Et pas seulement physiquement.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je veux dire, comment elle est morte ?
- Je ne suis toujours pas sûr, même après des années à enquêter de mon côté. Mais elle n’était pas heureuse, malgré ce que laisse penser le portrait. Ton grand-père était un fou prêt à faire apologie des idées du Seigneur des Ténèbres.
- Grand-père était un Mangemort n’est-ce pas ? comprit alors Isabel.
- Oui, l’un des premiers à son service. Ce bon vieux Lexus était complètement bouffé par son arrogance et son extrémisme. Comme tant d’autres serviteurs de Voldemort.
- Et toi dans tout ça ?
Theodore se tourna alors vers sa fille et s’agenouilla en face d’elle. Il montra alors une fragilité que sa fille n’aurait jamais pu soupçonner chez lui.
- J’ai fait mon lot de bêtises, moi aussi mais j’ai toujours réussi à faire en sorte de retarder le moment où j’allais devenir un Mangemort. Mais le peu que j’ai fait, je l’ai payé chèrement. Puis j’ai rencontré ta mère et vous êtes nés, ton frère et toi. J’ai déjà obtenu ma rédemption, j’imagine. Mais j’ai l’impression de payer encore pour cette enfance que j’ai eu. Et quelque part je suis heureux de savoir que toi et tous tes petits camarades, vous n’aurez jamais à vivre tout cela. Je l’espère du moins.
Isabel ne sut quoi répondre. Finalement elle le prit dans ses bras menues et lui fit un câlin. Oui c’était bien un câlin à son niveau, songea-t-elle.