Trois mois
- Maman ! Dominique m'a pris mes pinceaux ! hurla la petite Victoire en faisant trembler les murs de la chaumière aux coquillages.
L'aînée se retourna vers sa cadette, les points sur les hanches :
- Tu sais très bien que tu n'as pas le droit de prendre mes affaires sans me demander la permission !
La fillette de six ans avait un regard sévère qui aurait glacé n'importe quel adulte. Dominique, penaude, tenait fermement les pinceaux entre ses mains. Elle avait quatre ans à peine, mais comprenait parfaitement la colère de sa grande sœur.
- Mais tu ne veux jamais me les prêter ! se plaignit l'enfant
- Tu ne sais même pas peindre, expliqua Victoire.
- Je veux apprendre.
Au fond d'elle, Dominique savait que c'était faux. La peinture de l'intéressait pas plus que ça. Elle vouait juste passer un peu de temps avec Victoire, qui avait toujours de la peinture sur les doigts, les yeux rivés sur ses dessins encore hésitants. Dominique voulait juste avoir quelque chose à partager avec Victoire, autre que ses robes à froufrous et ses pantalons fleuris que leur mère lui faisait porter pour économiser quelques gallions. Victoire arracha ses outils des mains de sa sœur qui se mit à trépigner.
- De toute façon tu n'as pas ta palette et tes tubes ! Sourit-elle narquoisement.
- Où les as-tu rangés ?
- Je te le dirais pas.
Les deux filles Weasley-Delacour étaient la plupart du temps, adorables. Elles se ressemblaient beaucoup toutes les deux, avec leurs grands yeux bleus d'été, leurs lèvres charnues et roses, leur grand front et leurs joues bien rondes et pleines. Dominique était certes, plus petite et Victoire avait une incisive en moins, mais elles étaient presque le reflet parfait de l'une et de l'autre. Sauf en cet instant même. Victoire avait le visage rouge de colère et sans prendre son élan, se mit à poursuivre sa cadette autour de la table de la salle à manger. Dominique courait à toutes jambes, sans regarder derrière elle, en attrapant au passage la palette pleine de peintures.
- Rends-la moi ! vociféra Victoire
- Jamais !
Dominique riait presque, jusqu'à ce que sa sœur l'encercle de ses deux bras au niveau de la taille. La cadette tomba, lâchant la palette de peinture. Quelques jets de couleurs se dispersèrent, mais Dominique avait atterri la tête la première sur celle-ci. Victoire s'écarta de sa sœur, soudainement inquiète, réalisant qu'elle était peut-être allée trop loin. Elle s'agenouilla auprès de sa sœur :
- Dominique, tu vas bien ?
- Humpf…
La cadette releva la tête, le visage multicolore. Louis, dans son cosy depuis le début, éclata de rire en secouant ses mains et ses petits pieds dans le vide. Les deux sœurs échangèrent un regard attendri, et éclatèrent de rire à leur tour.
Fleur, dans la cuisine et appuyée sur l’embrasure couvait ses enfants d'un regard tendre. Le premier rire d'un bébé était toujours magique, si innocent et si insouciant, qu'elle était ravie que ses deux enfants en soient témoins.
Dominique et Victoire, elles, venaient de réaliser qu'elles n'avaient peut-être pas grand-chose en commun… Mais qu'elles étaient néanmoins toutes les deux les grandes sœurs de ce bébé, qui, par son premier rire, venait de dissiper toutes les tensions.