« Vous êtes sûrs qu'il y a assez de rhum groseille ? »
La question de Rémus Lupin resta sans réponse jusqu'à ce que les trois autres maraudeurs ne penchent légèrement la tête en esquissant une moue incertaine comme s'ils avaient été le reflet les uns des autres.
Lily Evans, Marlène McKinnon, Mary MacDonald, et Dorcas Meadowes remplissaient leurs verres pour la quatrième fois ce soir là et les garçons observaient impuissants le liquide se répandre autant sur le sol que dans les coupes qu'elles brandissaient devant elles en gloussant.
« Qu'est-ce qui leur prend ? s'interrogea Sirius Black l'air à la fois surpris et fasciné.
- Je crois qu'elles fêtent la rupture de Meadowes et Cresswell, ajouta Peter sans toutefois être certain de ce qu'il avançait.
- Pourquoi est-ce qu'elles feraient ça ? le questionna James en haussant un sourcil.
- Parce que Cresswell est une vraie tête de...
- Elles préfèrent fêter les mauvaises nouvelles, intervint Rémus sur un ton égal. Lily dit que ça donne au moins une dimension agréable à quelque chose qui ne l'est pas.
- Evans est un génie, je l'ai toujours dit, commenta Sirius en faisant tourner le liquide pourpre dans son verre. »
Un bref sourire se dessina sur le visage de James alors qu'il observait la jeune femme en question. Il n'était pas du tout étonné qu'elle ait eu une idée pareille. C'était tout à fait son genre. Et c'était aussi très maraudeuresque, il le lui aurait fait remarqué si elle avait été près de lui, et elle aurait probablement trouvé quelque chose de cinglant à lui répondre sans pour autant chercher à dissimuler la pointe d'amusement qu'il pouvait lire dans ses yeux à chaque fois qu'ils s'adressaient la parole.
Elle avait la répartie facile, et ses réflexions étaient systématiquement intelligentes et efficaces, aussi tranchantes que la légendaire épée de gryffondor. Cela faisait partie des choses qu'il préférait chez elle. C'était dans ces moments là qu'étaient nés les premiers sentiments et qu'il s'était surpris à la regarder autrement que comme une simple camarade de classe. Elle avait été le sujet de ses premiers rêves d'adolescents des années plus tôt mais il ne s'était jamais rien passé entre eux. Jamais.
Pourtant, Merlin savait qu'il l'avait voulu. Une bonne partie de la tour gryffondor le savait. Lily le savait. Même Rogue le savait ! Il avait tenté sa chance plusieurs fois. Pas autant que les rumeurs le laissaient entendre, mais il avait essayé, et elle l'avait éconduit. Elle ne lui avait toutefois jamais donné d'explication qu'il avait jugé recevable, mais Peter disait que c'était parce qu'il était de mauvaise foi.
La première fois, elle lui avait simplement ri au nez avant de s'excuser et de s'enfuir. La deuxième fois, elle l'avait dévisagé d'un air suspicieux avant de simplement secouer la tête de droite à gauche. Et la troisième fois... Elle lui avait dit qu'elle sortait déjà avec Stebbins. Il lui avait suggéré de rompre avec lui, mais elle ne l'avait pas fait. C'était en 6ème année. Après cela, il n'avait plus rien tenté.
Il avait eu une brève aventure avec Doris Crockford, une poufsouffle, puis avec Miriam Strout de la même maison, et quelque part autour du mois de juin dernier, il était sorti avec Daisy Hookum, mais à partir du moment où il avait retrouvé Lily en septembre dans le wagon des préfets, il n'avait plus réussi à se concentrer sur quiconque à part elle.
Elle avait changé pendant les vacances d'été. Elle n'avait pas grandi, il aurait aisément pu utiliser sa tête comme accoudoir sans avoir à se pencher beaucoup, mais elle semblait avoir mûri. Son visage avait l'air plus mature et malgré sa rupture avec Stebbins qui avait eu lieu quelque part autour du mois d'août, elle semblait avoir gagné en assurance.
Ses cheveux avaient poussé et ils semblaient plus brillants, plus lisses, et elle ne boutonnait plus sa chemise jusqu'en haut. Il aimait quand elle le faisait parce qu'il savait qu'elle cherchait juste à être la perfection incarnée, et il trouvait cela absolument adorable et hilarant, mais il lui apparut rapidement que ses hormones préféraient quand elle ne le faisait pas.
Il perdit le fil de ses pensées quand il vit Mary MacDonald entreprendre de lui servir un cinquième verre et que le rhum groseille dégoulina le long de son bras. Elle se mit à rire et il avala sa salive de travers lorsqu'elle traça le chemin du liquide avec sa langue. Une seconde plus tard, elle levait la tête vers lui et lui adressait un sourire espiègle. Il se demanda immédiatement si elle savait qu'elle le rendait fou.
« Je n'aurais jamais pensé dire cela un jour, mais je crois qu'il va falloir les surveiller, reprit Rémus.
- Foutaises, répliqua Sirius. Elles sont bien capables de se gérer toutes seules. McKinnon tient mieux l'alcool que nous quatre réunis et en plus, nous avons d'autres plans. »
James écoutait leur conversation sans quitter Lily des yeux. Elle était à présent en train de faire jaillir une pluie éparse de sa baguette par dessus Meadowes qui dansait en dessous. Ses vêtements commençaient à lui coller à la peau et quelques garçons de 6ème année se mirent à siffler bruyamment. Lily attrapa la baguette de MacDonald de sa main libre et leur envoya chacun un livre à la figure. Il parvint à peine à retenir un rire.
« Cornedrue ? Tu viens ? le pressa Peter.
- Je crois que Lunard a raison, déclara James. Je vais rester... M'assurer qu'elles ne se blessent pas ou qu'elles ne blessent pas quelqu'un d'autre...
- Evans vient de pulvériser le nez de ce mec et tu n'as pas bougé, lui fit remarquer Sirius en pointant du doigt l'un des sixième année qui se tenait le visage en pestant.
- Je crois que ce que James voulait dire, c'est qu'il va s'assurer que Lily ne se blesse pas et que personne ne la blesse, corrigea Rémus avec un sourire moqueur. »
Black interrogea James du regard et ce dernier esquissa simplement une grimace avant de reprendre.
« De toutes façons, c'est mieux que l'un d'entre nous monte la garde. Si personne ne reste, elles vont immédiatement se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond. Si elles me voient, elles se diront toujours que vous n'êtes forcément pas très loin. »
Il sut que son argument tenait la route dès que le lycanthrope hocha la tête d'un air convaincu. Sirius, lui, voyait plus loin que son soudain plan. Il roula les yeux avant de s'adresser à lui.
« Quand il s'agit de passer du temps avec Evans, tu deviens un virtuose dans l'art de trouver des excuses.
-Tu veux dire que je ne suis pas tout le temps un virtuose ? s'offusqua t-il faussement.
- Il veut dire que tu as intérêt d'être aussi bon demain quand McGonagall nous convoquera dans son bureau pour nous demander pourquoi les sous-vêtements de tous les Serpentards ont pris la place des guirlandes de Noël dans la Grande Salle, glissa Peter à voix basse.
- Il le sera, assura immédiatement Sirius, parce qu'Evans sera convoquée aussi en tant que préfère en chef et elle pourra témoigner qu'il était avec elle. Personne ne pensera une seule seconde que nous ayons pu le laisser de côté pour accomplir un tel chef d'oeuvre. Il a raison. Il faut qu'il reste.
- Je pense qu'il en faudra plus pour convaincre le professeur McGonagall, mais...
- Pas de preuve, pas de coupable, termina James en souriant largement.
- Pas de preuve, pas de coupable, répéta Rémus avec le même sourire. »
Le préfet en chef enfonça sa cape d'invisibilité dans les bras de son meilleur ami et leur adressa à tous les trois un regard entendu avant de se retourner vers Lily.
« Fais-moi plaisir et profites-en au moins pour discuter avec elle, il serait temps, lui souffla Sirius alors que les deux autres étaient partis devant. »
James acquiesça sans toutefois savoir s'il allait trouver le courage de le faire, mais il n'aurait jamais pu l'avouer, pas même à son meilleur ami qui, de façon assez surprenante, était presque devenu plus mature que lui par moments.
Il jeta un dernier coup d'oeil vers la porte de la Salle Commune derrière laquelle il vit Sirius disparaître après Rémus et Peter, et il s'avança jusqu'à la table sur laquelle l'immense chaudron de rhum groseille était posé. Il avait besoin d'un peu plus de bravoure et d'inconscience quand il s'agissait de Lily et le seul remède qu'il connaissait était là.
« Je te sers, Potter ?
- Volontiers, MacDonald. Est-ce que vous êtes extrêmement déshydratées ou est-ce que le souvenir de l'haleine abjecte de Cresswell ne s'en va qu'après avoir ingurgité une quantité impressionnante d'alcool ?
- C'est plutôt la deuxième option, lui répondit Dorcas qu'il n'avait pas vu arriver derrière lui.
- Oh, désolé Meadowes, s'excusa t-il alors qu'elle pouffait.
- Ne t'excuses pas, Potter. Tu es vraiment le plus drôle. Le plus drôle, répéta t-elle avec une sincérité désarmante. »
Il ne faisait aucun doute qu'elle était la plus grande responsable du niveau très bas du liquide dans le chaudron. Elle lui faisait les yeux doux et avait posé sa main sur son bras dès que Mary avait terminé de remplir son verre. Elle tâta légèrement son épaule et il lui jeta un regard perplexe.
« Tu es drôle et bien fichu, reprit-elle en le détaillant d'une façon aussi amusante que gênante. Est-ce que c'est le quidditch qui te...
- Wow, wow, wow, la coupa Evans en la tirant un peu vers elle. Potter n'est pas la solution, Dorcas.
- Pourquoi ? la questionna sa meilleure amie en esquissant une moue défaite.
- Parce que... »
Lily s'interrompit, semblant chercher ses mots, et il la vit déglutir lorsque leurs regards se croisèrent brièvement. Elle reporta immédiatement le sien sur Meadowes et fronça les sourcils. James sentit quelque chose bondir dans son estomac.
« Potter est trop faible pour toi. Son petit cœur est fragile. Tu le détruirais, confia t-elle finalement à son amie en jetant un coup d'oeil narquois à James qui ne put s'empêcher de sourire très légèrement. »
Il avala une gorgée de rhum groseille tout en la regardant emmener Dorcas jusqu'au canapé comme si elle était une personne âgée, et malgré la musique que Peter avait lancée quelques heures plus tôt, il capta des bribes de leur conversation.
« Je ne veux pas détruire Potter...
- Bien sûr que non, je sais, Dorcas.
- Il est vraiment si fragile ?
- Il est très fragile. Très très fragile, insista Lily en manquant de tomber sur elle lorsqu'elle lâcha son bras pour la pousser sur le canapé.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est comme ça. Reste ici. »
Dorcas protesta et Lily lui répondit quelque chose qu'il n'entendit pas. Il eut envie de rire quand elle se rapprocha de nouveau de lui et qu'elle le contourna en le regardant droit dans les yeux avant de remplir une nouvelle fois son propre verre. Elle se fichait de lui, et il adorait cela.
« Je ne suis pas sûr que ce soit raisonnable, lui dit-il alors qu'elle portait le verre à ses lèvres.
- Parmi tous les élèves ici, c'est toi qui vas me faire une leçon sur ce qui est raisonnable ? rétorqua t-elle aussitôt avant de boire son rhum groseille d'un trait. »
Il n'y avait aucune agressivité dans sa voix, juste l'habituel sarcasme et la familière teinte d'amusement qu'il aimait tant. Il laissa échapper un bref rire. Les yeux bleus de MacDonald jonglèrent entre eux pendant deux ou trois secondes, et finalement, la jeune femme disparut dans un coin de la salle commune avec McKinnon. Emmeline Vance et Frank Londubat s'étaient ajoutés à la partie et avaient éteint plusieurs torches pour donner à la Salle commune une atmosphère plus intime.
« Tu sais... J'ai l'impression qu'il y a anguille sous roche, lui confia Lily après quelques secondes de silence.
- Anguille sous roche ? répéta t-il d'un air parfaitement innocent.
- Vous organisez rarement des fêtes sans raison.
- Nous organisons toujours des fêtes sans raison, la corrigea t-il, et si je me souviens bien, c'est McKinnon qui a demandé à Sirius de préparer quelque chose.
- Elle lui a juste dit de se débrouiller pour nous trouver du rhum groseille. Black a transformé cela en une orgie, répliqua t-elle en désignant tous les autres élèves qui étaient restés pour participer.
- J'appellerais difficilement cela une orgie Evans.
- J'avais oublié que tu étais un expert en la matière. »
Elle répondait rapidement, sans lui laisser le temps de rebondir, et il dut réfléchir une seconde avant de reprendre la parole mais elle choisit ce moment là pour figer ses yeux dans les siens et sa bouche s'assécha aussitôt. Il reprit une gorgée de rhum. Elle se servit un nouveau verre.
« Qui t'a mis cette idée en tête ? Je suis un petit être fragile. »
Elle esquissa le plus bref des sourires et il sut aussitôt qu'elle se détestait de ne pas avoir pu le retenir parce que maintenant, il arborait l'expression insolente qu'elle lui reprochait tant parfois. Elle se mordilla la lèvre un instant et il manqua de faire exploser son verre entre ses doigts. Elle lui jeta un regard curieux. Il déglutit.
« On devrait aller patrouiller, décida t-elle soudainement.
- Patrouiller ? Maintenant ? »
Il était certain qu'elle avait remarqué le rapide éclair de panique qui avait dû passer dans ses yeux parce qu'elle fronça les sourcils et hocha vigoureusement la tête.
« C'est notre devoir de préfets en chef, lui rappela t-elle. »
Elle venait de terminer un énième verre et il y avait quelque chose de plus brut dans sa voix. Elle n'attendit pas qu'il réponde pour s'élancer vers le passage qui leur permettait de quitter la Salle commune et il se hâta derrière elle, bien décidé à l'empêcher de tomber sur ses trois amis.
« On devrait aller vérifier les cachots, lança t-il sur un ton parfaitement détendu. »
Il la connaissait si bien qu'il savait quelle serait sa réaction alors il ne fut par surpris le moins du monde lorsqu'elle lui adressa un coup d'oeil suspicieux et qu'elle insista pour qu'ils fassent d'abord le tour des étages. Bien sûr qu'elle pensait qu'il allait essayer de l'attirer le plus loin possible de là où il avait prévu de commettre un méfait. Il eut un mal de chien à retenir un sourire satisfait lorsqu'elle passa devant lui pour prendre la direction des salles de classe du septième étage.
Elle ouvrait chaque porte en lançant un « Ah Ah ! » théâtral qui trahissait son niveau d'alcoolémie, et elle arborait systématiquement une expression de déception en constatant que tout était en ordre. James, lui, demeurait stoïque. Les mains dans les poches, il marchait simplement à côté d'elle et retenait un rire à chaque fois qu'elle ressortait bredouille d'une pièce.
« Je sais que tu prépares quelque chose ! le prévint-elle en brandissant son index devant lui.
- Que veux-tu que je prépare ? Je suis avec toi, répondit-il en haussant les épaules. »
Elle s'arrêta pour réfléchir. Elle n'aurait pas eu besoin de le faire si elle avait été sobre. Elle entreprit de s'appuyer contre le mur en pierres mais elle manqua son coup et renversa une armure qui fit un vacarme monstre alors qu'elle se prenait la tête entre les mains et se dandinait sur place en prononçant des mots très vulgaires qu'il ne l'avait jamais entendu dire. Cette fois, il ne put s'empêcher de rire et il agita sa baguette pour remettre l'armure en place.
« Rusard doit être en chemin. Il va me mettre une retenue, paniqua t-elle.
- Relax Lily, tu es préfète en chef, tu as le droit d'être ici.
- Oh... lâcha t-elle en se rendant compte qu'il avait raison. Bien sûr. Oui. J'ai le droit... Mais toi... Toi, je suis sûre que tu as fait quelque chose que tu n'avais pas le droit de faire, l'accusa t-elle.
- Quoi ?!
- Tu as... Tu as mis un dragon quelque part, bafouilla t-elle. Je le vois à ta tête.
- Un dragon ? répéta t-il en riant. Où est-ce que j'aurais attrapé un dragon ?
- Je n'en sais rien, là où tu trouves tous tes autres trucs, répondit-elle en balayant sa remarque d'un geste de la main.
- Quels autres trucs ?
- Tu sais, tes trucs illégaux.
- Je n'ai rien d'illégal, lui affirma t-il. »
Elle n'était plus aussi lucide qu'elle semblait le penser et il trouvait cela très divertissant. Il sentait qu'il pouvait partir dans un fou rire interminable à tout moment, mais il avait peur qu'elle ne se vexe et qu'elle décide de retourner dans la salle commune. Il aurait pourtant dû faire en sorte qu'ils rebroussent chemin, mais il était trop peu souvent seul avec elle et après tout, Sirius lui avait conseillé de trouver du temps pour lui parler.
« Et ce vif d'or que tu traînes partout ?
- Je ne savais pas qu'il s'agissait d'un objet illégal.
- Ne joue pas au plus malin avec moi, tu sais très bien ce que je veux dire ! protesta t-elle avec un ennui qui ressemblait vaguement à celui d'un enfant à qui l'on refuse une friandise.
- Je ne vois pas. Vraiment, insista t-il en faisant mine de réfléchir.
- Je sais que tu l'as volé après ton premier match. Je t'ai entendu le dire à Rémus.
- C'était il y a des années, comment est-ce que tu peux te souvenir de ça ?
- Je me souviens toujours des crimes, lâcha t-elle sur un ton grandiloquent. Et des criminels, ajouta t-elle rapidement en lui jetant un regard faussement mauvais. »
Un sourire en coin étira le visage de James et Lily repoussa une mèche de cheveux roux de son visage avant de s'essuyer le front en soufflant bruyamment et en déclarant un « Je vais trouver ton dragon, criminel ! » qui lui fit définitivement perdre tout le sérieux qu'il avait essayé de garder jusque là.
« Est-ce que ce n'est pas un peu inconscient de ta part de t'être isolée avec un criminel au milieu de la nuit sans prévenir qui que ce soit ? la questionna t-il après avoir réussi à se calmer alors qu'elle avait recommencé à parcourir les couloirs des étages à toute allure.
- Marlène m'a vue partir avec toi, je ne suis pas stupide, Potter. Et en plus, j'ai ma baguette, clama t-elle en sortant tant bien que mal le morceau de bois qu'elle avait coincé dans la ceinture de sa jupe quelques minutes auparavant. »
Il la rattrapa in extremis lorsqu'elle manqua de trébucher en se prenant les pieds dans le tapis d'une nouvelle salle de classe vide, et elle murmura un « merci, criminel. » qui lui envoya des frissons le long de la colonne vertébrale.
« Tu tiens à peine debout, je vois mal comment tu pourrais terrasser quelqu'un d'aussi dangereux que moi, plaisanta t-il.
- Ne me sous-estime pas Potter. Je peux te mettre en miettes si je le décide. »
Oh il le savait très bien. Elle l'avait déjà fait plusieurs fois, et elle n'avait même pas eu à utiliser sa baguette. Le simple fait de savoir qu'elle ne le voulait pas avait fait le travail. Il déglutit et hocha la tête.
« Allons, si tu me dis où est ce dragon, nous pourrons rentrer plus vite. Il commence à faire froid.
- Et te priver de la satisfaction de le trouver toi même ? Merlin, je suis peut-être un criminel, mais je ne suis pas un goujat. »
Elle le fixa droit dans les yeux et il ne se sentit soudainement plus aussi stable sur ses pieds qu'une seconde plus tôt, et puis il y eut son rire, éclatant et plus sincère que tous ceux qui lui avaient échappés depuis qu'il la connaissait, et il eut l'impression qu'il n'avait jamais autant eu à combattre l'envie de tirer sur sa chemise pour l'embrasser.
« Tu es un goujat, objecta t-elle. Je viens de te dire que j'ai froid, et tu ne m'as même pas offert ta cape. »
Il s'arrêta pour commencer à la retirer, mais elle posa sa main sur son avant bras pour le stopper avec le même divin rire qu'une minute plus tôt.
« Tu penses vraiment que je suis du genre à accepter la cape d'un criminel ?
- Je n'en sais rien, tu acceptes bien sa compagnie, pointa t-il. »
Elle trottina un peu pour se retrouver devant lui et se retourna pour le regarder tout en lui glissant un discret « Touché ». Il balaya rapidement le couloir des yeux pour être certain qu'elle n'allait pas trébucher sur quoi que ce soit, et seulement là, il s'autorisa à soutenir son regard. Elle flirtait avec lui autant qu'il flirtait avec elle et il pouvait difficilement ne pas s'en réjouir, mais il aurait encore plus apprécié le moment si elle avait été sobre et qu'il avait été certain qu'elle savait ce qu'elle faisait.
« Je suis sûre qu'il est... Là ! s'exclama t-elle en ouvrant à la volée un placard à balai qui ne contenait absolument aucun dragon.
- Raté, commenta t-il en haussant les sourcils.
- Tu es fort Potter, mais je suis têtue.
- Vraiment ? ironisa t-il en se mordant la joue pour ne pas sourire.
- Ne te moque pas de moi.
- Je ne me moque pas.
- Maintenant tu me mens. »
Cette fois, ce fut lui qui éclata de rire et il la surprit à le regarder d'une façon un peu indécente, avec probablement la même convoitise que lui, et cela le désarçonna. Il prit une profonde inspiration, et il la vit faire pareil. Il était certain que ses pupilles étaient plus dilatées qu'elles ne l'avaient jamais été, et la tentation de s'enfermer dans une salle de classe déserte avec elle devenait insoutenable.
« Maintenant, j'ai un peu chaud, avoua t-elle.
- Peut-être qu'on devrait rentrer.
- Peut-être que tu dis ça parce que tu crois que comme j'ai chaud, je vais vouloir aller dehors, et que tu ne veux surtout pas parce que sinon je trouverais ton dragon.
- Nous ne sommes autorisés qu'à surveiller l'intérieur du château à cette heure ci, lui rappela t-il.
- Oh, alors la seule fois où je veux transgresser les règles, tu refuses ? Est-ce que ce n'est pas un peu suspect ?
- Tu ne peux pas en vouloir à un criminel d'essayer de s'en tirer à bon compte, contre-attaqua t-il avec un sourire, et elle trébucha une nouvelle fois mais parvint à rester debout en exécutant une drôle de pirouette.
- Hmmm... En avant pour le parc, Potter ! »
Elle descendit les escaliers quatre à quatre en lui faisant des frayeurs plusieurs fois tant ses appuis n'étaient pas assurés. Il se tenait prêt à la rattraper au cas où elle manquerait une marche... Ou plusieurs, mais par un heureux miracle, elle arriva au rez de chaussée sans encombre. Il savait que les garçons ne devaient pas être très loin mais Lily se dirigeait droit vers l'extérieur et il n'avait rien à craindre tant qu'elle gardait le cap.
« Merlin, j'adore l'odeur de la nuit en automne ! s'exclama t-elle en inspirant longuement alors qu'ils s'approchaient du terrain de quidditch.
- C'est très spécifique, se moqua t-il. Qu'est-ce qu'elle a de plus que l'odeur de la nuit en été ?
- Tu n'y connais rien, Potter. Ça sent le... Le feu de bois, la fraîcheur des arbres, et juste... Juste quand l'air froid remplit tes poumons c'est... C'est la meilleure chose du monde, conclut-elle. »
Il prit une grande inspiration et soudain, il comprit exactement ce qu'elle voulait dire. Comment avait-il pu ne pas s'attarder là dessus avant ? Il retomba sur terre au moment où il l'entendit trébucher de nouveau, cette fois sur une racine, et même ses meilleurs réflexes ne lui furent d'aucune aide. Elle s'effondra dans l'herbe humide.
« Evans ? Ça va ?
- Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas rattrapée ?! lui reprocha t-elle en ignorant complètement sa question. »
Elle avait bondi sur ses pieds avec une rapidité qu'il l'étonna pendant une seconde, jusqu'à ce qu'il ne remarque qu'elle était plus contrariée par le fait qu'il n'ait pas été assez réactif que par la chute en elle-même.
« Est-ce que tu as fait exprès ? la questionna t-il sans pour autant être certain de ce qu'il avançait.
- Quoi ?! Non ! »
Elle secoua la tête beaucoup trop longtemps pour qu'il ne puisse la croire, puis elle lui tourna le dos et recommença à marcher, cette fois en direction de la cabane d'Hagrid dont la cheminée laissait échapper de grosses volutes de fumée blanche.
« Où est-ce que tu caches ce fichu dragon... ? marmonna t-elle.
_-Lily ! appela t-il alors qu'elle le distançait de plusieurs mètres. Je sais que tu as fait exprès !
- Je n'ai pas fait exprès ! s'écria t-elle avant de plaquer ses mains sur sa bouche comme si les mots étaient sortis plus forts qu'elle ne l'avait voulu. Je veux juste... Trouver ton dragon.
- Tu veux trouver mon dragon, ou tu veux une excuse pour être seule avec moi ?
- Qui a suivi qui, Potter ?
- Très bien. Dans ce cas... Bonne nuit, Evans. »
Il dissimula son sourire alors qu'il retournait à grandes enjambées vers le château dans la pénombre du parc, et pendant une seconde, il était si proche de l'entrée qu'il pensa s'être trompé sur les intentions de la jeune femme, et puis soudainement, il l'entendit.
« Potter ! Potter, attends ! James ! »
Son prénom dans sa bouche sonna comme une lointaine et délicieuse supplication qu'il fut incapable d'ignorer. Il pivota et la vit trottiner tant bien que mal vers lui en jetant plusieurs coups d'oeils terrifiés par dessus son épaule.
« Ne me laisse pas toute seule, il y a des bruits bizarres !
- C'est sûrement mon dragon, ironisa t-il. »
Elle lui administra une petite tape sur l'épaule et fronça les sourcils juste au moment où ils entendirent des gloussements qui ressemblaient étrangement à ceux des trois autres maraudeurs en provenance du hall. Les yeux de James s'agrandirent lorsque la jeune femme le contourna pour aller voir de quoi il s'agissait, et il s'empressa de refermer la main sur son poignet afin de la ramener rapidement vers lui.
Elle se stabilisa en agrippant ses avants bras et il sut au moment où elle leva les yeux sur lui que ses amis étaient tranquilles. Il retira un brin d'herbe de ses cheveux. Elle avait oublié ce qu'elle avait en tête une seconde plus tôt. Quelque chose de plus urgent venait de surgir dans son esprit. Il esquissa un sourire quand elle tira un peu sur son pull pour qu'il se penche. Il allait lui demander si elle était sûre de ce qu'elle faisait mais les mots se perdirent quelque part au fond de sa gorge et elle l'embrassa.
Il posa ses mains sur ses hanches pour la coller à lui et Merlin il était presque certain que s'il y en avait l'un des deux qui devait se préparer à rattraper l'autre, ce n'était pas lui. Il avait pensé à son premier baiser avec elle un nombre incalculable de fois et pas un seul de ses scénarios ne pouvait rivaliser avec cet instant précis où elle posa ses mains sur son torse pour le faire reculer contre le mur de l'entrée dans le but ultime de pouvoir se laisser complètement basculer contre lui. Bizarrement, ce fut à ce moment là qu'il la stoppa.
« Pas comme ça, lui dit-il.
- Je... Est-ce que j'ai fait quelque chose qui...
- Non, Merlin, non, la coupa t-il aussitôt devant sa mine défaite. Juste... Pas comme ça. Pas quand je ne suis même pas sûr que tu t'en souviendras demain.
- Oh je m'en souviendrai définitivement, confirma t-elle avec tellement d'assurance qu'elle lui arracha un rire.
- Alors peut-être qu'à ce moment là on pourra recommencer... Si tu en as toujours envie.
- Et si je meurs ?
- Quoi ? s'exclama t-il en éclatant de rire, incrédule.
- Si je tombe dans les escaliers, que je m'ouvre la tête, et que je meurs ? Il sera trop tard.
- Je te promets de te raccompagner et de faire attention.
- Dans ton dortoir ?
- Dans ton dortoir, corrigea t-il avec un sourire lorsqu'elle leva les yeux au ciel.
- Tu ne peux pas monter.
- Je resterai en bas des marches pour te rattraper au cas où. »
Ce n'était clairement pas la réponse qu'elle attendait parce qu'elle lâcha un soupir de frustration quand ils prirent la direction de leur salle commune et il le ressentit dans chaque parcelle de son corps. Il en oublia presque ses trois amis qui avaient probablement dû les devancer de cinq bonnes minutes.
« Tu es juste en train de te venger, grommela t-elle.
- Me venger de quoi ?
- De toutes les fois où je t'ai provoqué et puis fait croire juste après que je n'avais pas envie de la même chose que toi.
- C'est à dire ? articula t-il avec une désinvolture feinte.
- Tu sais, répondit-elle avec un sourire en faisant glisser ses doigts le long de son bras. »
Il était positivement certain qu'elle allait le tuer. Il déglutit et reporta son regard sur le tableau de la Grosse dame à quelques mètres d'eux. Ils y étaient presque quand elle le bouscula juste assez pour qu'il perde l'équilibre et qu'il se retrouve une nouvelle fois calé entre elle et un mur. Elle était petite mais elle avait de la force. Elle se dressa sur la pointe des pieds et sa bouche s'attarda à quelques centimètres de son oreille.
« Je ne peux pas me lasser de tes yeux sur moi quand tu crois que je ne te vois pas, lui glissa t-elle. »
Il voulait tellement la toucher qu'il dut faire preuve d'un self-control qu'il ne savait même pas qu'il avait pour rester immobile. Elle retomba sur ses pieds et lui envoya un regard dubitatif. Bien sûr qu'elle s'attendait à ce qu'il flanche. Il s'y attendait aussi, pour être tout à fait honnête.
« Pas comme ça, Lily, répéta t-il mécaniquement alors qu'elle avait commencé à passer très légèrement ses doigts sous son pull en attendant une réaction de sa part.
- Pourquoi pas ?
- Parce que je ne sais pas si tu le veux vraiment.
- Il y a un endroit où tu peux me toucher pour le vérifier si tu ne me crois pas quand je te le dis, répliqua t-elle en attrapant sa main droite pour la poser sur sa cuisse. »
Il la retira immédiatement, se racla la gorge, et la repoussa avant de n'être plus que l'ombre de lui même. Merlin, voilà une chose qu'elle n'aurait pas dite si elle avait bu de l'eau à la place du rhum groseille. Au même moment, le portrait pivota et le professeur McGonagall apparut, déterminée, et se stoppa net quand elle les vit à à peine un mètre l'un de l'autre. Son regard perçant passa de Lily à lui et James comprit immédiatement qu'elle avait assemblé les pièces du puzzle.
« Ah ! Enfin ! Les préfets en chef ! Qu'est-ce que vous fichez ici, par la barbe de Merlin ?! Potter, j'ai l'habitude que vous n'agissiez pas quand vos petits camarades entreprennent de faire de la salle commune un champ de bataille, mais vous, Evans... !
- Je voulais patrouiller une dernière fois dans les couloirs et Potter s'apprêtait à me raccompagner dans mon dortoir et...
- Jusqu'à son dortoir. Devant les marches. En bas des marches. Tout en bas, s'empressa de rectifier James quand les yeux du professeur de Métamorphose prirent une toute nouvelle teinte menaçante.
- Merlin, souffla McGonagall. Je ne veux rien entendre de plus. Reprenez vous Evans, et préparez-vous à être convoqués tous les deux dans mon bureau demain. Rentrez immédiatement dans vos dortoirs. Chacun dans le vôtre, précisa t-elle avant de disparaître. »
Il y eut un long silence dans le couloir et quand les deux gryffondor pénétrèrent dans la salle commune à présent vidée de tous ses occupants, James entendit Lily pousser un juron sonore. Il se tourna vers elle, et il la vit bouillonner.
« Reprenez vous, Evans... ! Répéta t-elle en imitant le ton du professeur McGonagall. Bien sûr, parce que tout le monde peut faire ce qu'il veut ici à part moi. Je n'ai pas le droit de m'amuser. Je dois être parfaite, tout le temps parfaite, marmonna t-elle en donnant des coups de pied hasardeux dans des petits tas de confettis qui traînaient sur le sol. Tout le temps les meilleures notes. Tout le temps être gentille, tout le temps être bien habillée et bien coiffée. Et BOUSE DE DRAGON je n'en peux plus de cette chemise il fait trop chaud ! poursuivit-elle presque en transe. »
Elle tira sur le vêtement en question pour le sortir de sa jupe et entreprit de défaire les boutons mais elle passa une bonne minute à se débattre avec le premier.
« Evans, je suis toujours là, lui rappela t-il.
- Oh ne me fais pas croire que ton esprit chaste ne peut pas tolérer la vue de mes sous-vêtements ! répliqua t-elle presque violemment, lui clouant le bec. »
Elle poussa un soupir soulagé lorsqu'elle parvint enfin à déboutonner sa chemise et elle se tortilla pendant plusieurs secondes pour réussir à s'en extraire. James s'était retourné, soucieux de ne pas profiter de la situation, mais sa main gauche s'était figée dans ses cheveux noirs et il avait laissé échapper un mot qui lui aurait valu une heure de retenue si le professeur McGonagall l'avait entendu. Lily bougonnait toujours derrière lui mais il se refusa le moindre coup d'oeil dans sa direction.
« Evans n'est pas comme ci, Evans n'est pas comme ça, Evans doit faire ci, Evans fera très bien ça, Evans ne se trompe jamais, Evans est responsable et mature, Evans est sérieuse, on peut faire confiance à Evans. Evans, ne nous décevez pas, récitait-elle comme une drôle de poésie. »
Il l'entendait marcher et il l'imaginait en train de tourner en rond, faisant de grands gestes, trébuchant de temps en temps dans ses propres pieds, et il commençait à comprendre la pression qu'elle ressentait.
« Potter, bon sang, arrête de jouer la vierge effarouchée et regarde moi ! l'appela t-elle.
- Tu me tueras demain si je le fais, j'en suis sûr.
- James, j'ai besoin que tu me regardes, insista t-elle plus calmement. »
Il entendit quelque chose de plus désespéré dans sa voix, quelque chose de triste et de suppliant, elle n'avait pas prononcé son prénom par hasard, elle savait que quelque part, cela attirerait son attention, et elle avait raison. Il pivota et fit de son mieux pour ne pas s'attarder sur la seule petite pièce de tissu noir qui cachait sa poitrine. Elle était debout les bras ballants, de grosses larmes brillaient dans ses yeux verts et elle l'invita d'un simple geste à la regarder.
« Est-ce que j'ai l'air parfaite, là ? »
Il savait quelle réponse elle voulait entendre et ce n'était clairement pas celle qu'il s'apprêtait à lui donner. Oui, elle avait l'air absolument parfaite et elle laissa échapper un rire ironique quand elle réalisa que c'était exactement ce qu'il allait lui dire.
« Potter, je suis saoule, mes cheveux sont un désastre, je suis en soutient-gorge devant toi et tu penses toujours que je suis irréprochable ?
- Je ne suis probablement pas le plus objectif sur la question, répondit-il en haussant les épaules et en lui adressant un sourire désolé qui lui en arracha un aussi, et ce fut une petite victoire.
- Tu as raison. Je devrais dormir ici et attendre que McGonagall me trouve. Au moins, là, elle reverra ses exigences à la baisse, décida t-elle en s'asseyant sur la première marche de l'escalier qui menait au dortoir des filles.
- Je ne peux pas te laisser faire ça... objecta t-il en s'accroupissant devant elle.
- Pourquoi pas ?
- Parce que tu le regretteras demain.
- Non. Je ne veux plus être parfaite.
- Si ça peut aider, tu as un caractère épouvantable. »
Elle leva ses grands yeux verts brillants sur lui et il lui sembla pendant un instant qu'elle allait l'insulter, mais à la place, elle se mit à rire.
« Je croyais que tu me trouvais parfaite.
- L'un n'empêche pas l'autre. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, tu es aussi terriblement nulle en quidditch.
- … Continue, l'encouragea t-elle avec une drôle d'excitation dans la voix.
- Eh bien... Tu l'as dit toi même. Tu es saoule, et c'est une terrible infraction au règlement. Ça mérite probablement plusieurs jours de retenue.
- Est-ce que tu vas m'en donner ? »
Il n'avait jamais vu quelqu'un avoir l'air de supplier pour décoller des ballongommes dans les salles de classe entre les cours. Il lui sourit et poursuivit.
« J'imagine que je devrais le faire, oui.
- Et quoi d'autre ?
- Eh bien tu...Tu es une horrible lèche bottes avec Slughorn.
- Oh, lâcha t-elle simplement avec une pointe de satisfaction qui l'amusa.
- Et tu m'as embrassé tout à l'heure. Merlin, terrible choix. Tu as des goûts douteux, tu le sais ? Sans compter que je suis ton collègue de patrouille. Enfin, Evans ? Le professionnalisme, est-ce que ça te dit quelque chose ? »
Elle pencha sa tête contre les barreaux de l'escalier et pouffa. Une nouvelle fois, ses yeux passèrent brièvement sur sa bouche avant de plonger de nouveau dans les siens. James songea à ce moment là que la métaphore était très bien trouvée. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait retenu sa respiration avant de ressentir le besoin soudain de respirer de nouveau.
« Et tu m'as suggéré de faire bien pire il y a quelques minutes. C'était définitivement immoral et j'ai été choqué, ajouta t-il. »
Elle se remit à rire. Les larmes avaient disparu de ses yeux et il savait qu'il pouvait se féliciter pour cela, mais il était trop occupé à essayer d'ignorer la façon dont elle mordillait son doigt.
« Seulement choqué ? le questionna t-elle sur un ton faussement neutre.
- Merlin, Evans, tu sais bien que non. »
Elle laissa tomber son bras au niveau de son visage et elle traça le contour de sa mâchoire avec son index. Son cœur s'emballa. Il y avait quelque chose de profondément naturel dans le geste qui lui fit tourner un peu la tête.
« Merci, Potter.
- Toujours là pour toi, assura t-il en essayant de paraître détaché alors que les sentiments étaient en train de le submerger comme une gigantesque et violente vague.
- Je vais dormir maintenant, l'informa t-elle en s'installant plus confortablement sur la marche.
- Quoi ? Ici ?
- Je t'ai dit que j'allais attendre que McGonagall me trouve, lui rappela t-elle. »
Il soupira lourdement et balaya la salle commune des yeux avant de se lever quand il localisa enfin sa chemise sur le sol. Il la lui tendit mais elle secoua la tête de droite à gauche.
« Je vais t'emmener dans mon dortoir, mais j'ai besoin que tu te rhabilles, lui expliqua t-il. »
Elle se redressa et il fut satisfait de constater qu'il avait à présent toute son attention. Il esquissa un demi-sourire alors qu'elle se saisissait du vêtement sans toutefois l'enfiler.
« Si tu veux faire ce que je pense que tu veux faire, ça ne sert à rien que je la remette, lui fit-elle remarquer.
- Je veux juste que tu dormes dans un endroit approprié pour l'instant, et si je dois te balancer sur mon épaule pour t'emmener là haut je le ferai. Remets juste ta chemise.
- Je n'ai pas envie de remettre quoi que ce soit quand tu me donnes des ordres comme ça, Potter, répliqua t-elle en se levant sur la marche pour que son visage soit à la même hauteur que le sien.
- Les garçons sont là haut, tu ne veux pas débarquer en sous-vêtements devant eux, l'informa t-il après avoir habilement évité son regard déterminé.
- Black et Lupin ont l'habitude de ce genre de spectacle si j'en crois les rumeurs... Quant à Pettigrow, cela lui donnera enfin l'occasion de voir à quoi ressemble le corps humain, termina t-elle avec humour. »
James pouffa en lui arrachant la chemise des mains et en la dépliant devant elle, l'encourageant d'un regard. Elle soupira pour toute réponse avant de se résoudre à enfiler le vêtement et il lui jeta un coup d'oeil sceptique lorsqu'il fit quelques pas vers l'autre escalier et qu'elle resta immobile sur sa marche.
« Est-ce que tu peux me porter s'il te plaît ? J'ai affreusement mal aux pieds. Je ne sais pas combien de fois j'ai failli tomber aujourd'hui mais... »
Elle ne termina pas sa phrase mais lui adressa un sourire désolé lorsqu'il leva les yeux au ciel bien qu'il fut parfaitement amusé par la requête.
« N'en profite pas pour me peloter, la prévint-il avant de s'arrêter devant elle et de tendre ses bras.
- Comme si ça allait te déranger, commenta t-elle sur un ton narquois en bondissant dans ses bras et en s'accrochant à lui comme un koala à une branche d'arbre. »
Il ignora sa remarque alors que ses joues commençaient doucement à chauffer. Ils s'étaient plus touchés ce soir là qu'en six ans et demi de vie commune et quelque part, il sentait qu'il ne pouvait maîtriser son corps que jusqu'à un certain point. Quand ils débarquèrent dans le dortoir, les trois maraudeurs ne dormaient pas, ils étaient tous assis par terre devant un jeu de cartes et Peter poussa une exclamation de surprise quand il vit Lily.
« Tiens, tiens, tiens, qu'avons nous là ? murmura simplement Sirius, un sourire satisfait s'étendant lentement sur son visage.
- Est-ce qu'elle dort ? demanda Rémus.
- Elle ne dort pas, répondit Lily sans pour autant défaire son étreinte de James.
- Elle n'arrête pas de se déshabiller dans la salle commune en clamant qu'elle veut y rester jusqu'au matin. Clairement, je ne pouvais pas la laisser en bas, leur expliqua James dont les mains soutenaient toujours fermement la jeune femme.
- Clairement, se moqua Sirius. Est-ce qu'on doit vous laisser de l'intimité ?
- Oui, répondit immédiatement Lily en même temps que le « Non » sonore de James.
- Où est-ce qu'on va la mettre ? demanda Peter comme s'il s'agissait d'un nouvel objet décoratif.
- Dans mon lit, répondit James en s'avançant pour la lâcher au dessus du matelas.
- Enfin une bonne réponse, Potter, déclara t-elle fièrement en gardant ses mains nouées derrière sa nuque. »
Sirius laissa échapper un rire étouffé pendant que Rémus souriait et que Peter comptait le nombre de lits comme si le problème lui paraissait insurmontable.
« Hop hop hop ! s'exclama James en lui immobilisant les poignets quand elle le lâcha dans l'unique but de recommencer à déboutonner sa chemise.
- Tu n'es pas drôle.
- Tu le remercieras demain, lui assura Rémus.
- Je veux le remercier maintenant, protesta t-elle en agrippant son pull alors qu'il essayait tant bien que mal de se défaire de son étreinte.
- Oh Merlin, commenta Sirius en riant alors que son meilleur ami lui envoyait un regard assassin.
- Ne te réjouis pas trop. Tu partages ton lit avec moi ce soir, lui dit-il.
- Ooooh ! fit Lily en haussant les sourcils d'un air suggestif. Est-ce que vous allez conclure ?
- Tu dis ça comme si tu y avais déjà songé, Evans, la taquina Sirius avec un sourire espiègle.
- Hmmm... J'ai peut-être fait un rêve dans le genre une ou deux fois, confessa t-elle, et James réprima un rire. Il était sûr qu'elle n'aurait pas admit une telle chose si elle avait été sobre.
- Personne ne va conclure, enchaîna t-il en lui retirant ses chaussures avant de remonter la couette sur son corps.
- Et c'est bien regrettable, si tu veux mon avis, ajouta t-elle en s'enfonçant un peu plus dans le matelas. »
Il inspira profondément et demeura debout devant son lit un long moment à simplement la regarder commencer à cligner des yeux d'une manière de plus en plus lente. Il aimait beaucoup trop cette fille pour son bien.
« Attends de te réveiller demain. On verra ce que tu penses de ça.
- Je t'ai dit que je penserai toujours la même chose. Je n'ai pas bu tant que ça.
- Tu me parais bien audacieuse pour quelqu'un qui n'a pas bu tant que ça, lui fit remarquer Sirius.
- Tu n'aides pas, Black, riposta t-elle en envoyant un oreiller dans sa direction avant d'agiter sa main du côté de Rémus. Lupin, dis-lui que je penserai la même chose demain. Tu m'as vu le regarder en classe. Je sais que tu sais.
- Rémus ne va pas t'aider, Lily. Dors, intervint James alors que le lycanthrope avait ouvert la bouche.
- Comme tu veux, marmonna t-elle. Tu vas me manquer.
- Je ne vais nulle part, répondit-il alors que son cœur venait de faire un bond dans sa poitrine.
- Tu vas me manquer quand même. »
Elle avait fermé les yeux et deux ou trois minutes plus tard, sa respiration se fit de plus en plus régulière et il devina qu'elle s'était endormie. Il n'osa se retourner vers ses trois amis qu'à ce moment là. Ses yeux se vissèrent directement sur Rémus.
« C'est vrai ?
- Ce n'est certainement pas faux, répondit le lycanthrope en haussant les épaules. J'ai préféré ne rien dire. Je n'étais pas sûr. J'ai pensé que tu le vivrais encore plus mal si je te faisais des faux espoirs. »
Il n'avait pas tort. James se laissa tomber en tailleur à côté d'eux au centre de la pièce, soupira, et jeta un coup d'oeil en biais vers son lit où Lily dormait.
« Comment s'est passée l'opération guirlande ? demanda t-il en essayant de penser à autre chose qu'au fait qu'elle était allongée sur son matelas.
- Parfaitement bien ! s'emporta Sirius alors que les trois autres lui intimaient de parler moins fort. La nouvelle décoration de la Grande salle est grandiose, reprit-il en chuchotant. Tu verras demain, je suis sûr que tu aimeras.
- Aucun témoin ?
- Aucun, confirma Peter, mais McGonagall est arrivée dans la Salle Commune juste après nous, on a eu chaud.
- Elle a ernvoyé tout le monde dans son dortoir. McKinnon a commencé à dire que la fête était son idée, mais j'ai préféré nous dénoncer. C'était plus pratique, expliqua Sirius. Puisque nous étions occupés à donner une fête, nous ne pouvions pas être en train de voler les caleçons crasseux de Rogue.
- Alors ce sera une semaine de retenue au lieu de deux, l'informa Rémus.
- Bien joué. Mon cas doit être discuté demain... Ainsi que le sien, leur apprit James en faisant un signe de tête vers Lily. Mais je ne suis pas sûr que nous risquions grand chose. Lily a dit que nous étions en train de patrouiller. Bien sûr, McGonagall n'est pas folle, mais nous n'étions pas là au moment du crime, alors... Je ne sais pas. »
Peu à peu, leurs murmures s'évanouirent et chacun se glissa dans son lit. Sirius poussa plusieurs fois James du sien, mais après quelques minutes de lutte, ils finirent par s'endormir en agrippant chacun un côté de la couette.
Quand James se réveilla ce matin là, ses trois amis dormaient encore. Il se frotta longuement les yeux avant de les ouvrir et qu'ils ne se posent directement sur une Lily Evans complètement éveillée et assise sur le bord de son lit. Elle ne portait plus les mêmes vêtements que la veille.
« Bonjour Potter. Je suis repassée par mon dortoir, si c'est la question que tu te poses, chuchota t-elle avec une expression qu'il fut incapable de lire. Alors ? Tu as conclu ? »
Il se redressa légèrement et glissa du lit de Sirius pour s'asseoir sur le sol avant de refermer les rideaux derrière lui. La mention de leur discussion de la veille le rassura un peu. Elle n'était peut-être pas autant à côté de ses pompes qu'il l'avait cru.
« Tu te souviens ?
- Les morceaux commencent à se recoller. Est-ce que j'ai vraiment retiré ma chemise à un moment ?
- Heu... Oui, répondit-il après avoir brièvement hésité. Tu as dit que tu voulais rester en sous-vêtements dans la Salle Commune pour que le professeur McGonagall te trouve comme ça.
- Oh, laissa t-elle échapper en évitant son regard, mais je me suis réveillée avec, nota t-elle ensuite.
- Parce que je te l'ai remise, expliqua t-il.
- Tiens donc, commenta t-elle, le visage toujours impassible, j'imagine que tu ne t'es pas privé pour regarder.
- A vrai dire, tu m'as un peu ordonné de le faire.
- … Quoi ? s'écria t-elle à voix basse.
- Tu voulais que je te dise que tu n'étais pas parfaite et je... »
Il laissa sa phrase en suspend, lui fit un signe qui signifiait clairement qu'il n'avait pas été à la hauteur de ses espérances, et il se leva pour disparaître dans la salle de bain. Elle le suivit rapidement et referma la porte derrière eux alors qu'il se saisissait de sa brosse à dent. Il croyait qu'elle allait lui hurler dessus, mais ce ne fut pas le cas.
« Je suis désolée, s'excusa t-elle à sa grande surprise. Quand je bois, j'ai tendance à devenir... Exubérante et dramatique.
- Vraiment ? répliqua t-il sur un ton innocent qui ne la trompa pas avant de fourrer la brosse à dent dans sa bouche. »
Elle soupira et lui lança un regard de dépit à travers le miroir, puis il la vit s'adosser à la porte, les bras noués contre sa poitrine, et son regard dévia sur la douche. Il se demanda à quoi elle pensait pendant un bref instant. Il y avait bien une chose dont il avait envie de lui parler, mais il aurait préféré qu'elle aborde le sujet elle-même parce qu'il n'était pas bien sûr qu'elle s'en souvienne aussi précisément que lui.
« Il s'est passé quelque chose entre nous, n'est-ce pas ? Dans... Le parc, compléta t-elle après avoir marqué un bref temps d'arrêt au milieu de sa phrase. »
Il hocha mécaniquement la tête, se rinça la bouche, puis s'adossa au meuble du lavabo pour se retourner vers elle. Elle acquiesçait aussi sans rien dire, le regard un peu perdu, et puis elle déglutit et posa de nouveaux ses yeux sur lui.
« Et... J'ai essayé plusieurs fois de te déshabiller ou de... Te... Toucher ? Non ? bredouilla t-elle, ses joues prenant une jolie teinte rose.
- Ne t'en fais pas pour ça Evans, lui dit-il en lui faisant signe de laisser tomber.
- Merlin, souffla t-elle en se prenant la tête entre les mains. »
Il eut immédiatement envie de la rassurer mais il n'avait aucune idée de la manière dont il devait s'y prendre. Un pas de travers et tout finirait mal. Les choses n'étaient plus ce qu'elles étaient autrefois entre eux, et c'était la raison pour laquelle il était si soucieux de ne pas tout gâcher maintenant.
« Je suis sincèrement désolée, reprit-elle, mortifiée.
- Ne t'excuse jamais de vouloir me déshabiller, Evans, la taquina t-il pour détendre l'atmosphère.
- Idiot, souffla t-elle sans pour autant retenir un sourire amusé. »
Elle pivota, posa sa main sur la poignée de la porte et l'estomac de James se noua quand ses yeux se posèrent sur son dos. Il avait passé plus de temps avec elle qu'il ne l'aurait jamais espéré la veille, mais cela lui paraissait encore trop peu, et comme si elle l'avait entendu, sa main glissa de la poignée et elle se tourna de nouveau vers lui.
« Qu'est-ce que tu as pensé du baiser ? le questionna t-elle sans dissimuler son intérêt.
- Quoi ?
- Je sais ce que j'en ai pensé, mais je ne sais pas ce que toi tu...
- Correct, mentit-il. »
Elle entrouvrit légèrement la bouche, médusée, et ses yeux verts le fixèrent avec scepticisme et dépit.
« Correct ? répéta t-elle sur un ton dédaigneux.
- Eh bien... J'avais bu aussi, je ne me souviens plus de tous les détails.
- Ne mens pas, Potter ! s'exclama t-elle en trépignant, le faisant pouffer.
- Je suis un criminel, Evans, si je mens, c'est seulement pour obtenir ce que je veux. »
Elle fronça les sourcils et ses yeux eurent l'air de fouiller les siens pendant un moment jusqu'à ce qu'elle n'esquisse un demi-sourire.
« Est-ce que tu essaies de me faire croire que ce n'était pas si bien parce que tu sais que j'ai ma petite fierté et que je vais vouloir te faire changer d'avis ? Est-ce que tu viens de te brosser les dents exprès pour ça ?
- Possible. Ou peut-être que je pense vraiment que c'était juste correct, insista t-il en réprimant un sourire narquois.
- Tu ne penses pas ça, nia t-elle en secouant la tête de droite à gauche. Je ne me souviens peut-être pas de toute la soirée, mais je me souviens de la façon dont tu me touchais. »
Il agrippa un peu plus fermement le bord du lavabo alors que les souvenirs de ses mains sur ses hanches lui revenaient brutalement en tête. Elle fit un pas vers lui, se mordilla nerveusement la lèvre, et tira un peu sur son tee-shirt.
« On peut recommencer... Seulement si tu me dis la vérité, s'empressa t-elle d'ajouter alors que son visage venait de s'éclairer.
- Je n'ai pensé qu'à ça toute la nuit, avoua t-il finalement, la faisant sourire.
- Bien. Parfait. »
Elle se mit sur la pointe des pieds, s'appuya légèrement sur son torse, posa ses lèvres fines sur les siennes, et James douta de s'être vraiment réveillé. Là, alors qu'elle était dans ses bras, il eut la sensation de devenir immortel. Il aurait pu jurer que plus rien ne l'atteindrait tant qu'il pouvait ne serait-ce que s'accrocher à ce souvenir bien précis. Lily Evans le rendait indestructible et elle ne le soupçonnait pas une seule seconde, mais peut-être que ce n'était pas grave, peut-être qu'elle n'avait pas besoin de tout savoir.
Un peu plus tard, alors qu'ils entraient dans la Grande Salle main dans la main et que leurs yeux furent attirés par de gigantesques lianes de sous-vêtements que les elfes de maison essayaient tant bien que mal de décrocher, Lily lui jeta un regard dépité, tira sur son bras, et lui murmura « Je savais qu'il y avait anguille sous roche ». Il ravala un rire et haussa les épaules, mais il savait qu'elle savait, et il y avait cette lueur d'amusement dans son regard et il songea que peut-être qu'ils s'étaient enfin trouvés.