Chan était planté sur le terrain, solide et droit comme un menhir. Il les attendait les bras croisés. Ses doigts pianotaient sur son bras avec impatience. Une fois, qu’ils furent tous rassemblés, il circula entre les rangs comme un petit sergent inspectant ses troupes. Chacun avait le droit à son lot de commentaires désagréables sur son casque légèrement de travers, sur son air trop chétif, sur son regard trop insolent ou sur une prétendue délicatesse. Chan aimait les hommes, les vrais, ceux dont le physique s’approche plus de celui du gorille que celui de la crevette. Ils s’entraînèrent pour le prochain match contre Gryffondor qui devait avoir lieu le mois prochain. Certes Jane avait été acceptée dans l’équipe, mais au prix d’un bizutage de la part de ses coéquipiers. À la fin de la séance, alors qu’il avait plu, ils s’amusèrent à la rouler dans la boue. On ne voyait plus la couleur de sa robe. De plus, ils avaient tant joué que leurs muscles étaient noués. Pour remédier à la situation, Chan eut une idée géniale qui supposait d’enfreindre plusieurs articles du règlement intérieur.
Ils laissèrent leurs balais dans le casier réservé à leur équipe et quittèrent les vestiaires pour se diriger vers le château. Ils entrèrent dans le hall. Au grand étonnement de Jane, ils ne prirent pas la direction de la salle de bains de leur salle commune. Ils montèrent les escaliers monumentaux vers une destination inconnue. Ses coéquipiers l’avaient tant recouverte de boue que Jane laissait des traces sur son passage. Elle essayait de les effacer au fur-et-à-mesure, mais elle avait toujours du mal avec le sortilège de disparition. Arrivés au cinquième étage, ils interrompirent leur ascension pour tourner sur la gauche. Ils continuèrent à longer le couloir en silence. Ils s’arrêtèrent devant une porte de bois noir entourées de colonnades blanches. Chan murmura un mot de passe que personne n’entendit et la porte s’ouvrit aussitôt. Ils entrèrent dans une salle de bain de marbre blanc. Au centre de la pièce immense, un bassin avait été creusé. Il était alimenté par des centaines de robinets de toutes les tailles et de toutes les formes. Au mur, un unique tableau au cadre doré représentait une sirène blonde qui se pavanait en peignant ses longs cheveux blonds. Dans un coin, une série de serviettes molletonneuses était rangée dans une étagère en bois flotté. Ils regardèrent ce nouveau décor avec émerveillement.
« Woah, la salle de bain des préfets, alors là tu as fait fort, Will, s’exclama Saturnin Avery.
— Évidemment cet endroit, en principe, est réservé au capitaine. Il est formellement interdit d’y inviter l’équipe. Mais bon, personne ne s’en apercevra, non ? »
Il s’approcha des robinets et en ouvrit une vingtaine au hasard. Une mélange d’eaux parfumées et de mousses multicolores vint remplir la gigantesque baignoire. Ils se baignèrent en sous-vêtements. Certains s’amusèrent à plonger depuis le plongeoir. D’autres commencèrent à s’éclabousser bruyamment. Ils restèrent au moins une heure à s’amuser ainsi. Pendant ce temps dans le hall, Rusard avait aperçu des traces de pas. Il les suivit et constata avec mauvaise humeur qu'un de ces garnements avait maculé de boue tous les tapis jusqu'au cinquième étage. Arrivée à ce palier, la piste continuait sur la gauche. Rusard poursuivit son chemin et s'arrêta devant la porte noire aux colonnades. Il colla son oreille contre la paroi et entendit des rires. Il eut un sourire mauvais. Les capitaines et les préfets n'avaient pas l'autorisation d'emmener d'autres élèves à l'intérieur. Il ne lui restait qu'à donner le mot de passe et les sales gosses seraient coincés ! Mmh c'était quoi le mot de passe déjà ? Il l'avait sur le bout de la langue :
« Fraîcheur des pins, murmura le concierge. »
Rien ne se produisit. Mince, c'était celui de l'année dernière. Le vieux bonhomme se gratta la tête. Il réfléchissait mais tout se mélangeait dans sa tête tant Poudlard comptait de porte protégés par des mots de passe. Il attendit donc que les élèves sortent du bain. Il faisait longuement les cents pas devant la porte, lorsque celle-ci s'ouvrit. La première à sortir fut Jane. Rusard la saisit par la nuque. Elle se courba en avant dans un cri de douleurs :
« Aïe, mais lâchez-moi, vous me faites mal.
— Sales morveux, vous n'avez pas le droit d’être ici.
Will Chan qui venait de passer par l'encadrement de la porte ne se laissa nullement décontenancé par la situation.
— Pardonnez-moi monsieur, répondit-il d'un ton calme et courtois, mais ici une autorisation spéciale du professeur Rogue.
Il lui tendit une feuille de parchemin.
— Montrez-moi ça, mon garçon, dit Rusard en s'emparant du feuillet.
Il lut le mot d'abord septique, puis il répliqua d'un ton résigné :
— Bon ça ira pour cette fois. »
Il s’éloigna en grommelant de son pas claudiquant, tandis que les élèves prenaient la direction de leurs dortoirs. Avery, incrédule, regarda Chan avec amusement et lui dit:
« Montre-moi ton autorisation spéciale, un peu pour voir.
Will lui tendit le papier.
— Mais cette feuille est blanche, s'exclama Saturnin.
— Papier psychique, particulièrement efficace avec les abrutis, répondit Will en reprenant le parchemin.
— Et où est-ce que tu as trouvé ça, demanda Jane, chez le docteur peut-être ?
— Si je te le disais tu ne me croirais pas, dit-il d'un ton mystérieux. »
Ils continuèrent leur chemin jusqu'au dortoir. Les semaines suivantes, les incidents mystérieux se multiplièrent entre l'équipe de Quidditch de Gryffondor et celle de Serpentard. Tout d'abord, les Gryffondor trouvèrent des cafards dans leurs robes. Le lendemain, le balai de Jane volait de travers. Chan détecta l'utilisation d'un sort de désorientation. Pour se venger, Jane et Timothy s'infiltrèrent dans les douches des Gryffondor et leur coupèrent l'eau chaude en plein hiver. McGonagall leur donna une retenue, ce qui révolta Jane:
« Elle n'a aucune preuve que ce soit nous, la vieille bique !
— Mais Jane c'est nous. »
Ils allèrent se coucher tôt ce soir-là. Le match avait lieu le lendemain. Être une joueuse de l'équipe de Serpentard présentait un avantage certain, au moins à la différence de ses coéquipiers masculins, Jane ne se faisait pas réveiller en trombe par un capitaine enragé. Elle ouvrit les yeux et prit le temps d'émerger en douceur. La rencontre avait lieu à onze heures. Will avait insisté pour qu'ils se retrouvent une heure avant sur le terrain pour s'échauffer. Elle alla donc prendre son petit-déjeuner avec les autres. Chan l’accueillit à bras ouvert:
« Ah te voilà toi ! Tu as intérêt à bien manger, je ne veux pas d'évanouissement sur le terrain, dit-il en plaçant devant elle une assiette de tartine.
— Ah euh merci, bredouilla-t-elle pour ne pas le contrarier. »
Elle prit une tasse de thé et se mit à manger du bout des dents. Puis elle suivit la file des garçons se dirigeant vers le terrain. Chan encouragea ses troupes par un discours belliqueux qui donna envie à Jane de replonger dans un profond sommeil. Puis ils enfilèrent les uniformes de l'équipe, avant d'aller s'échauffer dehors par un froid glacial. Jane sentit l'humidité matinale lui couper le souffle, alors qu'elle s’élançait au pas de course. Elle aperçut les Gryffondor entrer eux aussi sur le terrain. Ils avaient revêtu leurs robes rouges, ce qui les rendaient particulièrement visibles. Ils se mirent à courir dans l'autre sens. Lorsque les deux équipes se croisèrent, les joueurs se toisèrent un à un. Au bout de quelques tours, les capitaines sifflèrent la fin de l'échauffement. Les équipes allèrent chercher leurs balais dans les vestiaires. Lorsqu'ils retournèrent sur le terrain, les spectateurs s'installaient dans les tribunes. Jane aperçut Timothy portant un grand drapeau de Serpentard. Elle déposa son balai sur le sol et se plaça dans la ligne avec les autres joueurs. Ses coéquipiers et leurs adversaires se faisaient face. Jane regarda Hale dans les yeux pour la première fois depuis longtemps. Elle ne ressentait plus aucune affection pour lui et elle jugea qu'il partageait son sentiment.
« À mon coup de sifflet, dit Mrs Bibine d'une voix forte.
Les joueurs s'approchèrent de leurs monture et se mirent en position.
— Prêts ? »
Et elle siffla le début du match. Jane poussa de toutes ses forces sur le sol et se sentit décoller comme un bouchon de champagne. Le public lui sembla soudain tout petit. Elle aperçut Hale qui commençait à chercher le vif d'or. Elle regarda également autour d'elle. Le batteur de Serpentard venait d'envoyer violemment un cognard vers l'équipe adverse. Roar l’évita de peu. Les poursuiveurs de Gryffondor se passaient le souaffle s'approchant dangereusement des buts. Avery fit une queue de poisson à l'une des joueuses qui s'arrêta brutalement pour ne pas lui rentrer dedans. Ses mains tremblèrent et elle lâcha la balle. Avery fit volte face et la récupéra. Il passa le souaffle à Chan qui filait vers les buts en zigzaguant. Dans son microphone, le commentateur s'écria d'une voix enthousiaste:
« Et voilà Chan qui vole tel un aigle vers les buts adverses. Il se prépare à lancer le souaffle, le public retient son souffle, la tension est à son comble, le temps suspend son vol et il marque.
Une marée verte s'agita dans les tribunes.
— Gryffondor reprend la possession de la balle. Et passe. Le poursuiveur s'approche mollement des buts. Leurs balais sont un peu vieux, on dirait des escargots volants. Très belle passe à gauche. Légère accélération de Tuttle. Avery s'approche du porteur de la balle. Un joueur déterminé. Aïe, aïe, il la bouscule légèrement.
— Bouuuh !!! »
Les supporters de Gryffondor s'étaient tous levés et huaient Avery qui avait délibérément fait tomber la joueuse de son balai. Elle se tenait au manche le reste du corps dans le vide. Roar vint l'aider à remonter sur son balai. À partir de ce moment, le jeu devint plus chaotique. Les équipes n'arrivaient pas à garder la balle pendant plus de deux passes. Pendant ce temps, Jane continuait à chercher le vif d'or en faisant des cercles tout autour du terrain. Soudain elle aperçut un éclat doré à coté des tribunes. C'était lui ! Elle donna toute la puissance de son balai pour se diriger dans cette direction... Soudain, elle sentit une force la pousser sur le coté. Elle tourna la tête, c'était Hale. Elle répliqua en le poussant à son tour. Ils étaient pratiquement côte à côte. Jane sentit ses doigts effleurer le vif. Elle allait enfin lui voler la vedette. Brusquement Jane se sentit comme happée en arrière. Hale venait de saisir ses cheveux et il la projeta derrière lui. Sans trop comprendre comment, Jane s'écrasa sur le sol. Elle entendit le commentateur s'exclamer: « Gryffondor gagne ».
Elle se releva, dépitée. À partir de ce jour, les deux jumeaux se livrèrent une guerre sans merci... Ils se confrontaient régulièrement lors de duels magiques dans les couloirs du château. Ils furent régulièrement envoyés en retenue par McGonagall et Rogue. Par ailleurs, à l'approche des examens de fin d'année, Timothy et Jane se mirent à travailler avec une application accrue. Tous les élèves de deuxième année furent accepter en année supérieure. Jane passa d'extrême justesse et Rogue souligna à quel point elle devrait donner le meilleur d’elle-même l'année suivante.
Les grandes vacances parurent assez mornes à Jane. Elle passa une grande partie de l’été à éviter la présence de Hale. Et comme l'année passée, Nott était parti sur le continent, en France avec les Malefoy, et aux Pays-Bas chez de la famille. Ils ne se virent donc pratiquement pas pendant deux mois. Lorsqu'elle le retrouva sur le quai de la gare, elle le trouva changer. Les deux amis se saluèrent chaleureusement et montèrent dans le train. Leur troisième année à Poudlard ressembla beaucoup à leur deuxième année. Ils travaillèrent toujours avec autant d’acharnement. Il y eut également de nombreux matchs de Quidditch, toujours accompagnés de leur lot de mauvaises blagues et de retenues. La routine, en somme ! Cependant il se produisit tout de même quelques évènements notables propres à attirer l'attention de notre lecteur.
Samuel s'était vu offrir un lapin blanc pour son anniversaire. Un tout petit, tout mignon lapin blanc auquel il s'attacha rapidement, ce qu'Hale et Jane avaient bien compris. Ils s'amusèrent donc à le kidnapper pour le retirer aux bons soins de son maître. Pour le transporter, ils le cachèrent dans l'un de leur sac de cours. L'inquiétude de Sam qui cherchait partout son animal avec nervosité, les amusa beaucoup. Malheureusement, et ce n'était pas prévu, le pauvre animal mourut étouffer. Cette situation mit Timothy et Jane plus mal à l'aise qu'ils ne le prétendaient dans leur salle commune. Hale intervint auprès de sa sœur et Timothy et Jane, intelligents dans leur bêtise, offrirent à Sam un nouveau lapin.
L'autre évènement fut le suivant. Le commentateur des matchs de Quidditch de l'an dernier, un Serpentard de septième année, étant parti il fallut le remplacer. Samuel se présenta au poste, ce qui lui attira les foudres des Serpentard. En effet, cette position stratégique était toujours convoité par les uns et les autres. L'objectif de Chan, et Jane ne pouvait qu'être d'accord avec lui, était donc d’empêcher cette candidature pour maintenir un Serpentard à ce poste. Rester aux manettes implique de maîtriser sa communication.
Cette nouvelle tension ne fit qu'envenimer le conflit entre Jane et Hale. Ils se battirent plusieurs fois. De plus, l’équipe de Serpentard était bien meilleure que celle de l'année dernière. Sur les conseils de Jane, Chan avait fini par accepter Sephora dans l'équipe en tant que gardienne. Jane ne l'appréciait que moyennement, elle la trouvait même assez agaçante avec ses manières de poupée. Malgré tout, elle ne pouvait que louer son habileté et la qualité de son jeu. Cette année-là, Serpentard gagna la coupe. Leur victoire laissa aux Gryffondor un parfum d'amertume. Après avoir passé les examens, les élèves de Poudlard eurent enfin droit à des vacances bien méritées.
De son côté, Jane partit avec sa sœur Marcy chez sa grand-mère, cela lui fit du bien de s'éloigner à la fois de son frère et de sa mère. Timothy retourna dans la demeure secrète des Malefoy tout le mois de juillet. Cependant il revint au mois d’août. Ils le passèrent ensemble et firent de nombreuses promenades en forêt. Ils passaient beaucoup de temps à observer les plantes, à s'amuser à les identifier et à discuter de leurs propriétés. Amanda n'essayait même plus de l'empêcher d'aller voir Timothy. Elle semblait avoir accepté que rien ne pouvait séparer deux amis aussi proches, surtout une mère. En revanche, elle ignorait que sa fille avait trouvé en Nott un frère de substitution. Au sujet de son frère de sang, Hale, Jane se sentait partagé entre la rancune et la nostalgie. Elle n'avait pas oublié toutes ses petites trahisons, toutes ses petites et grandes humiliations... Cependant elle se souvenait régulièrement de leurs jeux d'enfants, de leurs cabanes secrètes, de leur liberté... Mais comment oublier que parfois il essayait de prendre le dessus sur elle, qu'il voulait jouer à des jeux qui ne l'intéressait pas... Elle soupira et but un peu de limonade.
« À quoi penses-tu ? demanda Timothy.
— À mon frère...
Sur le moment, Timothy ne sut quoi répondre. Puis il dit:
— Tu l'aimes ou tu le détestes ?
— Un peu les deux. »
Il sourit pour masquer sa déception. Secrètement, il attendait une autre réponse. Il mit ses lunettes pour se protéger de ses propres émotions plus que du soleil.
La fin de l'été arriva vite. Le premier jour de septembre, il fut grand temps de retourner à Poudlard. Le petit groupe de Serpentard se retrouva donc sur le quai de la gare. Ils montèrent donc dans le Poudlard Express. Tout le long du trajet, le train traversa un rideau de pluie incessant. Dans les pures traditions de l’école, tout se mit à se répéter. Les élèves se rendaient au château en calèche, tandis que les premières années traversaient le lac en barque guidé par Hagrid. Ils se rendirent au banquet, la cérémonie de la répartition commença. Tous ces rituels ennuyaient fermement Jane. Alors que le choixpeau magique plaçait les élèves, elle fermait les yeux et se disait « Pourvu que quelque chose se passe. N'importe quoi, mais quelque chose. » Et pourtant tout continuait comme avant. Après le festin, ils se rendirent directement à leur salle commune. Avery installé au centre d'un groupe de filles se pavanait, une insigne de préfet brillant sur sa poitrine. Il adressa un sourire à Jane.
« Salut Jones, dit-il d'un ton mielleux.
Il ignora délibérément Nott.
— Salut Avery, répondit Jane faisant mine de ne pas voir l'insigne qui brillait sur sa poitrine.
Vexé, son interlocuteur aborda lui même le sujet.
— Tu as passé un bon été ? Pour ma part, l'année commence bien, j'ai monté en grade, dit-il en faisant briller son insigne.
Et c’est pour ça que ta tête a encore enflé, faillit répondre Jane.
— J'ai passé un bon été avec Timothy.
Avery n'adressa pas même un regard à Nott.
— Je ne m'attendais pas du tout à être nommé préfet, continua Saturnin avec une mauvaise foi visible.
Arrête, tu n'attendais que ça, pensa Jane.
— En tous cas, tu as bien changé pendant l'été, poursuivit-il en la regardant.
Il sourit et s’éloigna. Lorsqu'il ne pouvait plus les entendre, Nott grommela entre ses dents: Il commence vraiment à m'agacer celui-là. »
Le lendemain, les cours reprirent. Les jours passaient et se ressemblaient. À coté de leurs activités scolaires, les équipes continuaient de s'entraîner plus durement que jamais. Le premier match de Quidditch eut lieu au mois de novembre entre Gryffondor et Serpentard. Le serpent l'emporta sur le lion. Hale, furieux, accusa sa sœur de l'avoir poussé de son balai. Jane protesta fermement et une dispute violente éclata. Le jeune homme provoqua sa sœur, en lui disant qu'elle n'était qu'une bonne à rien, la honte de la famille en somme. Jamais, la jeune fille ne s'était sentie autant humiliée. Ne sachant exprimée autrement sa frustration, elle assena une méchante gifle à son frère. Hale répliqua par un coup de pied dans le genou. L'altercation dégénéra en bagarre. Rogue et McGonagall se précipitèrent sur le terrain pour les séparer. Si Hale se montra docile, Jane se débattait comme une furie pour échapper à leur emprise.
« Ça suffit Jones, s’écria le professeur McGonagall.
— Tout ça parce qu'en vérité tu es jaloux. Jamais tu ne joueras au Quidditch aussi bien que moi.
— Cette fois, vous me mettez au pied du murs, Jones. Je vous envoie chez le directeur. »
Rogue venait de dire cette phrase de son habituel ton doucereux. Il la prit par l'épaule et la mena tout droit devant la gargouille en forme d'aigle. Avec le plus grand sérieux, il dit à la statut, « Sorbet citron », ce qui donna à la situation une tournure légèrement comique. L'oiseau tourna sur lui-même, dévoilant un escalier en colimaçon. Rogue se tourna vers Jane et lui fit un signe du menton qui semblait dire « Allez, monte vite sur cette marche pour te faire écarteler. » Jane s'exécuta sans un mot. L'escalier se mit alors à tourner sur lui-même comme un escalator.
De son côté, Rogue disparut en emmenant ses doutes avec lui. Il entra dans son bureau. Il soupira, la petite Jones avait encore fait des siennes. Il s’approcha du lavabo et se passa de l’eau sur le visage. Que fallait-il donc qu’il fasse ? Il se sentait impuissant. Plus on la punissait, plus elle se butait, plus elle continuait ses écarts. Beaucoup de professeurs croyaient à tort que cette enfant avait tout pour être heureuse, une famille aisée qui l’aimait et un milieu de vie confortable. Mais d’après ce qu’il avait vu dans son esprit, elle avait déjà beaucoup souffert. Les rapports avec sa mère étaient houleux. Elle la traitait beaucoup plus durement que son frère jumeau. Elle ne vivait que dans l’ombre de ce dernier. Jane Jones n’était pas destinée à grand-chose dans le monde des sorciers et elle le savait. Mais que pouvait bien lui apporter le monde des moldus à présent qu’elle connaissait ce monde ? Elle ne pouvait se sentir à l’aise chez ses parents, mais Poudlard ne pouvait être son refuge, car la tradition de l’école se dressait entre elle et sa famille. Ce pensionnat traditionnel ne pouvait que l’étouffer, d’autant plus que cette imbécile de McGonagall lui avait expliqué que ses pouvoirs resteraient limités à jamais. Elle avait baissé les bras et ne développerait jamais le peu de pouvoirs qui l’habitait. Elle était la pire de ses élèves mais pourtant une intuition étrange venue des profondeurs de son âme suppliait Rogue de garder espoir.
Jane se retrouva face à la porte du bureau du directeur. Son cœur se serra. Elle ne voulait pas quitter Poudlard, ça non elle ne le voulait pas. Cela aurait été trop déchirant. Quitter Poudlard aurait été comme perdre un membre de sa famille. Dumbledore allait être en colère, du moins la jeune ressortissante de Serpentard l’imaginait. Mais ce n’était pas du tout le cas, quand elle entra dans son bureau. Au contraire, il était parfaitement calme. D’un regard pénétrant, il la fixait sous ses lunettes en demi-lune.
« S’il vous plaît, demanda-t-elle au directeur d’un ton suppliant, ne me renvoyez pas.
— Pas aujourd’hui, Miss Jones, pas aujourd’hui, mais je crains bien que si vous recommencez à avoir une conduite aussi insolente, vous ne me laisserez plus le choix. Que signifie cette conduite ? J’aimerais bien le savoir.
Elle resta bouche bée et sans réponse, incapable de se justifier.
— Mais apparemment vous ne le savez pas vous-même, ou du moins vous n’arrivez pas à mettre des mots sur ce que vous ressentez. Je me trompe ?
— Je crois que je suis une erreur de la nature.
— J’imagine que vous devez penser cela à cause de l’attitude de votre mère.
— COMMENT POUVEZ-VOUS CONNAÎTRE L’ATTITUDE DE MA MÈRE À MON ÉGARD, s’écria l’adolescente soudain.
— Hmm. Disons que j’ai quelques contacts utiles au ministère, où on répète désormais que la fille Jones est une…
L’aspect inachevé de cette phrase marqua Jane à tout jamais. Elle était une… Mais une quoi ?
— Est-ce vraiment important, demanda-t-elle froidement.
— Non, ce n’est pas ce que je pense de vous. Je pense plutôt que vous êtes une enfant fragile et délaissée. Je sais bien que votre mère vous malmène, mais réfléchissez vos victimes sont-elles responsables de votre situation ?
Elle se sentait mal à l’aise, gênée, stupide…
— Non, finit-elle par avouer avec la même voix intimidée qu’un instant plus tôt.
— Vous voulez être crainte pour être respectée. Mais la crainte n’inspire pas le respect, elle engendre l’obéissance, puis le mépris et enfin la trahison. Alors maintenant vous allez arrêter vos bêtises, Jane.
— Professeur, vous croyez que Serpentard est une mauvaise maison ? Croyez-vous qu’elle me rende indigne d’être une Jones ?
— Je pense que ta mère se trompe et c’est à toi seulement que revient la tâche de lui montrer que Serpentard n’est pas une mauvaise maison et que ton appartenance à cette dernière te rend plus digne que quiconque d’être une Jones.
— Suis-je réellement destinée à avoir toute ma vie des pouvoirs limités ? Que pensez-vous de cette croyance ?
— Je pense que cette croyance n’est pas fondée. Allez, va maintenant. Mais sache que je garderai un œil sur toi. »
Elle sortit du bureau, pleine de bonnes résolutions. Elle s’installa confortablement dans un fauteuil de sa salle commune. Nott arriva de son pas nonchalant, arrogant, une mèche noire sur l’œil.
« Alors ? demanda-t-il inquiet.
— Il faut que je me calme.
— Ai-je bien entendu ? Miss Jones a décidé de se plier aux ordres de vieux cinglé de Dumby ? Quel genre de potions t’as fait avaler Rogue ?
— Je n’ai bu aucune potion, Tim. Tu comprends, il faut bien que je me maîtrise un peu, sinon je vais finir par être virée de l’école.
— Quoi ? s’écria Timothy étonné. Attends, ils ne t’ont pas virée, j’aurais pourtant juré que Rogue…
— Tu rigoles, l’interrompit une voix grave, Rogue ne voulait pas perdre la meilleure élève de Serpentard. Quel dommage, si tu étais partie, on aurait peut-être eu encore un mince espoir de gagner la coupe des maisons ! Mais après tout il doit bien rester à Rogue quelques gouttes de poison…
Il s’agissait de Saturnin Avery. Il se tenait là tout près d’eux. Droit comme une lance, son visage patibulaire déformé par un sourire goguenard.
— Va te faire voir, Avery, coupa Nott.
— Du calme mon Nono chéri, je te rappelle que je suis préfet et que je peux te coller en retenue toute la semaine, si tu ne me montres pas un peu plus de respect.
— C’est vrai que devenir préfet est tellement facile, quand on est un lèche-botte, persifla Nott.
— Est-ce que tes sorts sont aussi efficaces que tes répliques cinglantes ? répliqua le préfet de Serpentard.
Jane résista fortement à la tentation de jeter un sort à Avery. Ce grand dadais était leur préfet, exactement le genre de personne à contrarier si on cherchait les ennuis. Elle ne pouvait plus se permettre le luxe de l’insolence.
— Tu sais quoi, Avery, si je ne sortais pas du bureau de Dumbledore, je te jetterais un sort qui te passerait directement l’envie de couper la parole à l’un de mes amis.
— Très bien, très bien. Je vois que tu finis par apprendre de tes erreurs. Mais tu ne te rends pas compte, tu joues les têtes brûlées, Serpentard perd beaucoup de points par faute et cela te concerne aussi Nott.
— Alors que doit-on faire se comporter comme de bons petits toutous chez Poustouffle ? répliqua ce dernier avec humeur.
— Non, tu comprends, il faut apprendre à danser et à faire les pas sur le bon rythme, à passer d’une jambe à l’autre. Votre style de petits roquets arrogants, c’est bon pour les Gryffondor.
— Pardon, tu me traites de Gryffondor ? s’insurgea Jones.
— Non, il veut dire que tu dois apprendre à jouer la comédie, à mentir, à tricher.
Mais cette fois c’était Nott qui venait de parler.
— Jamais je ne tricherai, c’est fini l’époque du grand style, il faut rentrer dans le rang, se faire discrète, répondit Jane.
— C’est une bonne nouvelle, tu deviens sage, Jones, dit Avery.
— McGonagall dit qu’à cause de ma gémellité, je ne pourrais jamais développer mes pouvoirs. Tu connais la vieille croyance.
— N’écoute ni McGonagall, ni cette vieille croyance idiote. Oublie ta famille, elle est ton fardeau, trace ton sillon dans le champ de la vie Jane Jones. Les misérables insectes, ces obstacles sur ton chemin écrase-les d’un coup de talon, conseilla un Avery soudain un peu grandiloquent en souriant d’un air paternel.
Elle lui rendit son sourire. Nott jeta à son amie un coup d’œil boudeur.
— Et ton devoir de métamorphose ? dit-il d’un ton brusque.
— Oui, je devrais m’y mettre toute de suite. »
Elle n’allait plus pouvoir se défouler comme avant, quel dommage. En même temps, elle devait lui prouver qu’elle était digne d’être une Jones. Cependant quand elle rentra chez sa mère pour Noël. Au début, elle l’ignorait, car elle savait bien que son indifférence lui était insupportable. Un jour, Jane craqua et cria :
« Pourquoi tu m’ignores ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?
— Jane, tu sais très bien ce que tu as fait. Tu ne fais que des bêtises à Poudlard et tu me demandes ce que tu m’as fait ?
— Mais Hale tu l’écoutes bien lui. Et c’était de sa faute à lui aussi. Mais mon avis, il ne compte pas.
— Tu as demandé pardon à ton frère ?
— Non, et je ne l’ai pas fait parce que je suis sûre que lui, il ne le fera pas, répliqua-t-elle.
— Écoute moi bien, toi, tu n’auras à manger que lorsque tu auras demandé pardon à ton frère et à moi.
— Tu es de la justice magique, dans le mot justice magique il y a le mot justice ! lança la jeune fille avec colère.
— Toi, tu ne mérites pas la justice. Tu l’as fait exprès d’aller à Serpentard, allez avoue-le.
— Non, je ne l’ai pas fait exprès. Le choixpeau a choisi de m’y envoyer, c’est différent. »
Elle ne pouvait plus parler, sa mère avait jeté le sort de mutisme. Elle l’attacha à une chaise. Les liens attaquaient sa peau. Elle dut bien sûr s’en aller travailler.