Une heure plus tard, sa jeune sœur – Marcy- la détacha. Elle représentait la dernière tentative de rapprochement du couple Jones. Comment savait-elle pour le choixpeau ? Ce n’était pas tout à fait exact, mais pouvait-elle lire dans les pensées ? Tandis qu’elle pensait à la violence de sa mère, la panique monta en elle. Elle courut à travers le marais. Chez Nott, il fallait aller chez les parents de Nott. Elle poursuivit sa route sans savoir ce qu’elle allait leur raconter. Elle arriva enfin à la porte de la drôle de maison des Nott. La façade au style hollandais ne formait pas d’angle droit avec le sol vaseux. Les fenêtres également n’étaient pas parallèles au sol. Leur cadre n’était pas non plus d’équerre. Elle grimpa les marches de l’escalier qui couraient le long du mur et arriva enfin sur le palier. Heureusement ce fut Timothy qui ouvrit la porte. Il paraissait surpris.
« Jane, c’est toi, mais qu’est-ce que tu fais là ? Viens donc me raconter tout ça à l’intérieur finit-il par dire en voyant qu’elle ne pouvait pas parler.»
En effet le sortilège de mutisme était toujours actif. Elle entrait dans la maison pour la première fois. Elle était vieille et un peu délabrée, mais inspirait une certaine dignité venue du fond des âges. Malgré les propos de Nott, l’expression nous raconter aurait été plus appropriée. Elle découvrit un rassemblement dans la salle à manger. La jeune fille reconnut Avery, le préfet, et toute une ribambelle de sorciers, dont elle ne connaissait pas encore les noms. Intimidée, sa sœur se colla à son aînée qui la prit dans ses bras. Nott junior recommanda à son amie de longue date un fauteuil moelleux en velours bordeaux. Elle s’y assit brusquement. Un sorcier blond sembla comprendre que l’on lui avait jeté le sortilège du mutisme et la délivra aussitôt. Elle raconta alors la cause de sa fugue.
« Tu te rends compte, elle croit que j’ai fait exprès d’aller à Serpentard rien que pour la provoquer.
— Crois-moi, je te connais depuis des années, je savais que tu serais envoyée à Serpentard, la rassura Timothy.
— Facile à dire maintenant que j’y suis, répondit-elle septique.
— Ne t’inquiète pas, dit alors Saturnin Avery, le choixpeau ne se trompe jamais. »
L’adolescente déglutit avec difficultés. Elle était épuisée. Une femme aux cheveux noirs plutôt petite s’approcha d’elle, elle portait une robe en velours noire moulante, elle ressemblait tellement à Nott. Il s’agissait de sa mère. Un homme d’une quarantaine d’année se tenait à ses côtés. Il était assez grand et de forte carrure. Ses cheveux étaient blonds comme les blés mais sa peau se tannait sans se brûler au soleil chaud de l’été. Il ressemblait plus à ses ancêtres hollandais qu’à son fils aîné. En effet, Jane remarqua son ascendance peinte qui dansait dans les cadres de l’arbre généalogique. Chacun d’eux était peint à l’huile par de vieux peintres flamands oubliés.
« Alors c’est toi, Jane Jones, dit-il.
Elle hocha la tête.
— Tu as raison, fils, elle est très jolie.
Elle ne put malgré ses efforts s’empêcher de rougir. Saturnin la regarda avec insistance.
— Très bonne attrapeuse, déclara Nott.
— Un sale caractère pour une insolence attachante, répliqua Avery.
Elle ignorait pourquoi, mais elle avait l’impression qu’une rivalité montait entre eux.
— Alors tu es la fille d’Amanda Jones, demanda le sorcier blond avec curiosité.
— Oui, acquiesça-t-elle sans trop savoir quoi dire de plus.
Les regards se braquèrent instantanément sur elle, ce qui la mit très mal à l’aise. Heureusement, le sorcier blond reprit la parole.
— Je suis Malefoy, Lucius Malefoy. Nous habitons très près l’un de l’autre, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés. Voici ma femme, Narcissa et mon fils, Drago.
Il désigna de la main une femme blonde assez séduisante et un petit garçon de sept ans.
— Enchanté de faire votre connaissance, Miss Jones, continua Lucius Malefoy en lui tendant la main.
Sans savoir pourquoi elle n’eut aucune envie de la saisir, mais finit par le faire par peur d’être impolie. Il devait être leur chef, pensa-t-elle en trouvant assez déplacé qu’il se soit présenté à elle avant les Nott.
— Je suis Orius Nott, bienvenue chez moi, Jane.
— Et moi Rose Nott, dit la femme brune.
Le frère de Timothy, Théodore adressa un sourire à Jane. Ils se connaissaient déjà. Les présentations étaient faites.
— Vous pourrez rester ici aussi longtemps que vous voudrez bien-sûr, annonça Rose Nott avec un sourire aimable et sincère.
— Je vous remercie beaucoup, madame, répondit-elle sans la regarder.
— Vous et votre sœur devriez aller prendre un bain. Je vais vous prêter des vêtements propres. Tim montre lui le chemin. »
Elle avait complètement oublié sa saleté repoussante. Elle avait transpiré à grosses gouttes. De la boue et de la poussière s’étaient collées à sa peau. Timothy l’entraîna dans les méandres de la maison. Saturnin avait tenu à les accompagner pour le plus grand malheur de Nott. Timothy était un grand solitaire. Pour une raison qui échappait à sa meilleure amie lui, Avery et Nott se détestaient. Il l’emmena dans la salle de bain. Il lui tendit une serviette. La baignoire était immense. Elle se réjouissait de pouvoir s’y prélasser. Nott indiqua à son amie qu’elle pouvait remplir la baignoire jusqu’en haut et se détendre autant qu’elle le voudrait, ses parents accueilleraient sa mère si elle arrivait. Il y avait quantité de savons, de gels douches et de shampoings à sa disposition. Les deux garçons s’en allèrent, la laissant seule. Elle se déshabilla et se glissa dans l’eau. Elle se réjouit de ce moment d’intimité. Jane se savonna et se lava également les cheveux. Puis elle somnola dans l’eau chaude. La mousse épaisse du bain était tellement confortable et dégageait une odeur de lavande.
Une heure plus tard, ce fut Nott qui la réveilla. Heureusement, Avery fils n’avait pas eu la mauvaise idée de l’accompagner. La couche de mousse s’était singulièrement affinée et sa présence n’aurait été que des plus embarrassantes. Gêné, il détourna timidement la tête en lui passant une serviette. Elle eut à peine le temps de s’envelopper que Saturnin apparut et fixa d’un drôle d’air son corps ruisselant. Mais Nott lui fit signe de partir. Nott avait posé des vêtements propres sur le meuble de la salle de bain, avant de s’éclipser discrètement. Ah Nott ! Elle sortit de la salle de bain. La robe que lui avait prêtée Mrs Nott épousait ses formes. Elle était d’un doux velours noir avec une ceinture d’argent. Elle s’ouvrait en v sur sa poitrine, heureusement que Mrs Nott lui avait assorti un haut vert émeraude satiné à mettre dessous. Jane se dirigea vers le salon. La jeune femme marchait nonchalamment, ses cheveux ébouriffés noués en chignon flou au-dessus de sa nuque. En chemin, Rose Nott s’approcha de la jeune fille et regarda sa chevelure. Visiblement elle n’avait pas été coupée depuis longtemps. Elle masquait les jolis yeux verts de la jeune fille, lui enlevant sa singulière beauté.
« Jane, me permettez-vous de couper vos cheveux ? Ce désastre me désespère.
— Faîtes. »
Rose s’empara d’une paire de ciseaux et coupa ses cheveux, puis les démêla. À la fin de ce travail fastidieux, Jane était transformée. Nott l’observa d’un œil nouveau par-dessus ses lunettes et sourit. Il remarqua la finesse de ses traits depuis longtemps oubliée, il détailla le visage triangulaire au menton pointu, le nez légèrement en trompette, les petites taches de rousseur sur les joues, les yeux verts en amande brillant d’un éclat singulier… Tout ce visage si familier lui sembla soudain inconnu. Quant à Avery, il humecta sa lèvre inférieure. Jane se leva et se dirigea vers un vieux miroir craquelé. Elle regarda son visage avec surprise. Elle sourit à Rose Nott, cette dernière lui rendit son sourire. Cela faisait des années que personne n’avait pris soin d’elle de cette manière. Un feu bleu et vert ronflait dans la cheminée. Ils étaient tous là assis sur des gros fauteuils en cuir noir avec des verres à la main. Tous paraissaient s’amuser et riaient aux éclats à l’exception de Timothy qui était plongé dans un grimoire les pieds posés sur un tabouret. Il avait un petit air sérieux. Saturnin Avery se leva.
« Jane, tu es magnifique.
Nott le regarda d’un air menaçant par-dessus ses lunettes. Il les portait uniquement pour lire. Il se leva à son tour et prit la main de son amie. Il paraissait inquiet.
— Ta mère va bien finir par savoir que tu es là, confia-t-il.
— Oui, tu as raison. Mais que proposes-tu ?
— Si on faisait un tournoi d’échecs pour se changer les idées ?
La discussion fut interrompue par de la musique qui surgissait de la baguette magique de Mrs Nott. Certains commencèrent à danser.
— Détends-toi, mon vieux, dit Saturnin en donnant à Timothy une tape amicale qui faillit lui déboîter l’épaule.
— Mais je suis détendu, protesta Nott avec révolte.
— Viens donc danser ma jolie, dit-il en prenant Jane par la main. »
Et il l’entraîna dans une valse. Non, mais pour qui se prenait-il celui-là ? Jane ne paraissait pas du tout enchantée. L’attitude d’Avery lui déplaisait. Elle écrasa ses orteils avec vigueur pour lui signifier qu’il était allé trop loin. Mais manifestement le message n’était pas passé, car bientôt le jeune Avery lançait à Tim :
« Hé, Nono, je sais pas ce que tu fais à ta copine, mais elle est raide comme un bâton. Visiblement tu ne lui as pas appris à danser !
— Mais bien sûr que si, elle sait danser, tu ne sais pas comment t’y prendre avec elle, abruti.
— Et toi, tu sais t’y prendre avec elle ? J’aimerais bien voir ça.
Ce soir, Timothy sentit sa timidité s’envoler. Non, cette fois, il allait réagir, il ne se laisserait pas une fois de plus marcher sur les pieds. Il sentit une bouffée de colère monter en lui. Avery avait oublié un détail d’importance. Apparemment il n’avait pas pensé que Jane n’avait peut-être pas envie de danser avec un babouin mal dégrossi dans son genre. Comment cet imbécile était-il devenu préfet ?
— Regarde l’artiste, dit-il en lui prenant par la main.
Cette dernière sentit l’appréhension lui serrer vigoureusement l’estomac. Les deux amis n’avaient jamais dansé ensemble. Elle craignait que Nott fut un piètre danseur, elle lui murmura au creux de son oreille de la laisser guider. Le début fut un peu maladroit. Nott avait la souplesse d’un manche balai. Jane, le cœur battant, suivait la mesure avec difficulté comme empêtrée dans les déboires d’un corps encore ingrat. Mais progressivement ils prirent leurs aises Et finalement ce fut une jolie valse !
— Les enfants à table, s’exclama Rose qui applaudit attendrie par le spectacle.
Le dîner était bien évidement délicieux. Jane était assise entre Lucius Malefoy et Rose Nott, Tim et Saturnin en face d’elle. Elle croisa les jambes et sentit le pied d’Avery effleurer son mollet, elle lui donna un coup de pied dans le tibia sans ménagement. Son visage se déforma légèrement sous la douleur même s’il essayait de ne rien laisser paraître.
— J’ai beaucoup entendu parler de vous, Miss Jones, je suis très heureux qu’une Jones soit membre de Serpentard, ironisa Lucius, même si d’après ce que je comprends vous ne lui faîtes pas vraiment honneur.
— Quel est donc votre conception de l’honneur ? répondit Jane.
Le regard glacé de Malefoy l’informa de l’impertinence de sa question.
— Eh bien, Miss Jones, ma conception de l’honneur est la suivante. Tout membre de Serpentard doit tout faire pour développer ses pouvoirs magiques. Mais ils sont chez vous apparemment assez limités d’après ce que m’a dit mon ami Rogue. Il est assez désespéré à votre sujet, le pauvre.
Malefoy et les autres avaient un sourire mauvais. Seuls Tim et Rose Nott n’arboraient pas cet air moqueur presque méchant. Nott brisa soudain le silence qui s’était installé. Il parlait bas et sa voix tremblait, malgré tout chacun pouvait l’entendre.
— Chacun s’accorde à penser à Poudlard que Hale et Jane Jones sont liés par un lien magique. Les deux ne peuvent être puissants. Ainsi Jane ne pourrait soit disant jamais développer ses pouvoirs. McGonagall lui a dit très clairement, cependant, mes amis, je n’y crois pas. La magie n’est pas ce genre de phénomène que l’on peut ainsi figer dans une loi universelle. Elle dépend avant tout de notre force intérieure. C’était idiot et contre-productif de la part de cette vieille bique, comment dans ce cas-là ne pas baisser les bras ?
Rose Nott regardait intensément son fils. Comme il était devenu sage, bientôt il serait un homme.
— Tu me pardonneras mon petit, mais cela a toujours été ainsi, les faux jumeaux n’ont jamais été considérés individuellement deux sorciers puissants. Ils sont reliés par un lien mystérieux, l’un écrase l’autre. L’homme est voué à la puissance, la femme à la médiocrité, le premier est prédestiné à dominer, la seconde à se soumettre, répondit Malefoy avec tout le mépris dont il était capable.
— Vous vous trompez, Malefoy, lança Timothy Nott agressif.
— Tim, tu te tais, ne t’ai-je pas appris le respect dû aux anciens ? Alors boucle-là sinon tu files direct au lit et je te donnerais une sacrée correction dès qu’ils seront partis. Me suis-je bien fait comprendre, mon fils ?
Timothy baissa la tête. Il aurait dû se taire comme à son habitude. Il avait été imprudent en manquant de respect à Malefoy que son père redoutait. Mais Lucius s’en était pris à celle qui comptait le plus pour lui. Il croisa le regard bienveillant de sa mère. Peu importe après tout, il avait l’habitude d’endurer les brimades et les coups. Rose se pencha vers eux et dit à mi-voix :
— Bien parlé, mon fils. Jane, ne les écoutez pas. Vous vous révélerez peut-être plus tard, lorsque vous serez une femme. Rien n’est jamais perdu, dit Rose Nott d’une voix douce. Un jour, il sera peut-être temps.
— Impossible, dit Jane en soupirant, je ne suis qu’une bonne à rien.
— Ne dis pas ça, s’il te plaît, tu es très bonne attrapeuse, l’équipe de Serpentard ne serait rien sans toi, la consola Timothy.
— En effet quand tu triches, je dois admettre que tu débrouilles plutôt bien, Jane, admit Avery junior à mi chemin entre l’amusement et la sincérité.
Tim le fusilla du regard. Saturnin sentit qu’il avait fait un faux pas et chercha à se rattraper.
— Ne t’inquiète pas, Jones, tu es tellement belle que tu peux séduire aisément n’importe quel homme, même avec ce regard de dédain que tu me jettes tout le temps. Fais-toi belle, conseilla Avery de son habituel ton paternel qui agaçait Jane, trouves-toi un mari riche et tout ira bien pour toi.
— Ah ouais c’est ça merci du conseil, ironisa Jane, ceci dit Avery, avec ta grâce de macaque tu pourrais peut-être faire carrière dans un zoo. Comme ça, les visiteurs te donneront des bananes à travers les barreaux et tu n’auras même pas besoin de travailler.
Le sourire d’Avery s’effaça. Cette fille avait un sacré caractère. Timothy ricana bruyamment. Jane bailla, elle était épuisée.
— Allez donc vous couchez, Jane, dit Mr Nott. »
Il ne parlait que rarement. Sa voix grave était suave et autoritaire. Jane s’affala sur le lit et s’endormit immédiatement sans prendre la peine de se changer. Le lendemain du sang avait maculé les draps. Elle ne comprenait pas. Puis elle vit le sang qui s’écoulait entre ses jambes. Elle était désolée. Rose Nott lui expliqua que ceci arriverait tous les mois désormais.