- C'est pourquoi ? chevrota la voix éraillée du garçon.
Sa voix ressemblait à un bêlement, et plus que jamais, avec ses boucles blondes, il avait l'air d'un mouton effrayé. Cela arracha un sourire moqueur à la sorcière qui se tenait face à lui. Un sourire qui disait : je sais des choses sur toi que toi-même ignores ; je sais tout, tout le temps, avant tout le monde, et tout cela m'amuse. Un sourire un brin supérieur autant agaçant qu'inquiétant.
- C'est pour une invitation à la soirée de Noël, répondit-elle.
Elle avait un ton très professionnel. Il était clair qu'elle avait l'habitude de faire ce genre de requêtes.
- Tu veux que je t'invite ?
Le garçon-mouton avait l'air particulièrement mal à l'aise. Pas que la fille soit laide, non, elle était tout à fait correcte, avec ses immenses yeux noisettes qui lui dévoraient la moitié du visage et ses cheveux fins et raides, châtains. Non, le problème n'était pas là. Le problème était que la fille était une Serpentard. Et les Serpents n'avaient pas trop la côte chez les Gryffondors, en ce moment.
- Non, pas moi. C'est pour une Serdaigle dont je te révèlerai le nom en temps voulu.
Le problème, aussi, c'est que cette Serpentard en particulier avait une drôle de réputation. Le mouton tenta donc une parade :
- Écoute, Veerman. Rien ne dit que je serai invité, moi...
- Tu le seras, l'interrompit la fille. Tu es Anton Fancourt, le neveu de Perpetua Fancourt, l'inventeur du Lunascope. Et maintenant que tu es en âge de participer à ses petites réceptions, Slughorn n'hésitera pas à t'ajouter à sa collection.
Les yeux de la fille se posèrent sur sa montre pour la troisième fois depuis qu'elle l'avait coincé dans le couloir désert. Elle fronça les sourcils, et reporta son regard sur lui. À ce moment, soumis aux pupilles immenses de la sorcière, Anton compris pourquoi tout le monde l'appelait « La Chouette ».
- Alors ? insista-t-elle.
- Je ne sais pas...
Il hésitait. Il n'avait pas de cavalière, mais passer un accord avec la Serpentard, c'était comme signer un contrat avec le diable. On ne savait jamais à quoi s'attendre et elle gagnait toujours.
- Qu'est-ce que j'y gagne ? demanda-t-il finalement.
Elle plissa les yeux, l'air de réfléchir. Mais elle connaissait déjà la réponse.
- Une place dans l'équipe de Quidditch de ta maison. Comme Poursuiveur.
Anton tira nerveusement une bouclette qui lui tombait devant les yeux. C'était trop beau : d'un coup, il gagnait une cavalière et la gloire du joueur de Quidditch. Il ne put retenir le sourire qui s'étalait sur son visage rond. Il acquiesca.
- C'est d'accord.
Si sa réponse lui procura satisfaction, la sorcière ne le montra pas. Elle jeta un rapide coup d'œil à sa montre, avec de serrer la main qu'il lui tendait avec une fermeté qui le surprit. Alors qu'elle s'éloignait sans un mot, il se risqua à demander :
- Et alors, elle s'appelle comment, la fille de Serdaigle ?
Il put clairement voir sa bouche se déformer à nouveau dans un sourire railleur.
- Skeeter. Rita Skeeter.
Après un dernier regard en arrière pour apprécier la mine déconfite du garçon, la Serpentard accéléra le pas pour effectuer un dernier détour avant de regagner sa maison sans dépasser le couvre-feu. Le heurtoir en forme d'aigle de bronze qui gardait l'entrée de la salle commune des Serdaigles eut l'air agacé de la voir se présenter à lui. Il énonça platement :
« Je ne suis pas ce que je suis,
Car si j'étais ce que je suis,
Je ne serais pas ce que je suis.
Qui suis-je ? »
- Une statue millénaire en pleine crise existentielle ?
Ladite statue poussa un grognement agacé. Finalement, cela dut aussi agacer la fille, car après un regard sur sa montre, elle répondit plus sérieusement :
- Un berger.
Le heurtoir la laissa passer à contrecœur, et elle put l'entendre distinctement grommeler : « Et le loup entre dans la bergerie... ».
Mais elle n'en avait pas pour longtemps. La Serpentard balaya la salle commune du regard, ignorant les murmures des Serdaigles plus vraiment surpris de la voir chez eux. Cela se résumait principalement à un « c'est La Chouette » relayé de bouche en bouche.
Dans un recoin de la salle, elle entendit des exclamations. Des garçons de quatrième année étaient en train de se battre pour quelque raison obscure (bien que limpide pour la sorcière). Ses grands yeux se posèrent sur une jeune fille, placée juste au bon endroit : juste assez près pour capter le feu de l'action, mais suffisamment loin pour éviter les sorts. Lorsqu'elle accrocha son regard, elle abandonna avec désappointement le futur sujet palpitant de son article. En réalité, elle s'en fichait un peu, elle n'avait pas l'intention de restituer le moindre fait véritable dans l'article.
Rita Skeeter se dirigea vers la Serpentard, rangeant sa plume dans le petit chapeau sophistiqué qui ne quittait jamais son crâne.
- Tu es invitée, annonça la sorcière.
- Qui est l'heureux élu ? se réjouit l'autre.
- Anton Fancourt.
La Serdaigle se renfrogna.
- Il est un peu jeune, non ? Je te rappelle que je suis en Septième année. Et lui, il est en quoi... ? Deuxième année ?
- Cinquième année. Je croyais que tu te fichais de l'identité du garçon, du moment qu'il t'ouvrait - je cite - « les portes du temple de la décadence ».
Le bureau du professeur Slughorn. Un temple de la décadence. La Serpentard n'avait jamais assisté à ses réceptions, mais elle savait de source sûre qu'il s'agissait plutôt du temple de l'ennui. Mais enfin, du moment qu'elle obtenait ce qu'elle voulait.
- Je suppose que tu as le rapport que je t'ai demandé en échange, ajouta-t-elle d'un ton neutre.
Sous son chapeau, les yeux de Rita Skeeter brillèrent d'une lueur avide.
- Veerman, tu es une grande curieuse. Nous ferions une belle équipe toutes les deux, tu sais ? - elle poussa un long soupir dramatique - Je sais, je sais, tes talents t'attendent ailleurs. Mais peut-être accepterais-tu de m'accorder une toute petite interview ? « La Chouette : un oiseau à la vie nocturne agitée. » Ce serait parfait, qu'est-ce que tu en penses ? Suggestif sans être indécent.
- Indécent et fallacieux. Le rapport, Skeeter, s'impatienta la jeune fille.
La Serdaigle fit une moue vexée, mais lui tendit tout de même un long parchemin scellé. La Chouette le rangea dans sa manche, et poursuivit, implacable :
- J'attends la même chose pour toutes les semaines à venir. Et je n'accepterai pas tes torchons (elle fit un geste dégouté vers le journal de l'école qui trainait sur une table).
Rita Skeeter lui offrit un sourire hypocrite.
- Bien sûr. C'est toujours un plaisir de faire affaire avec toi, La Chouette.
Elles se serrèrent la main, et la Serpentard tourna les talons. Tous les regards de la salle commune la suivirent. Tant mieux. Pour cet accord, elle avait besoin de témoins. Ils devaient savoir qu'elle les observait, qu'elle les veillait, eux aussi. La Chouette avait des yeux partout.
Elle courut presque pour rejoindre sa propre salle commune. Là, un petit groupe d'élèves de cinquième année était rassemblé autour d'une immense table de pierre. Cinq d'entre eux étaient assis ; les deux autres étaient debout, mais ni l'un, ni l'autre n'osait s'asseoir sur la dernière chaise. Cette chaise, c'était la sienne.
- T'en as mis du temps, Veerman, commenta la seule fille assise à la table, un sourire angélique sublimant son visage poupin.
- Trente-six minutes, cinquante-huit secondes, énonça la sorcière en guise de réponse.
Elle décida d'ignorer le groupe et sa chaise qui l'attendait, et se dirigea vers une sorcière à la peau mate assise un peu à l'écart, dos au mur. Elle prit place à ses côtés. De là, elles pouvaient observer toute la salle commune des Serpents.
- Tu le connais ?, demanda la fille en guise de bonsoir, pointant du menton un garçon blond.
- Gaspard Shingleton. Sixième année. Sang-Mêlé, énonça Lauren. Il est plutôt...
- Il m'a parlé, la coupa-t-elle.
- Il a osé ? ricana La Chouette.
L'autre lui lança un regard noir à faire pâlir un Détraqueur.
- Il a surtout osé me demander si ma famille pouvait l'aider à exporter ses... - elle grimaça - inventions en Égypte.
- Elles ont du potentiel, nota La Chouette.
- Ai-je l'air d'un marchand de tapis, Lauren ?
La sorcière se décida à poser ses grands yeux sur son amie. Avec ses longs cils et sa chevelure noire interminable, la jeune fille avait plus l'air d'une princesse orientale que d'un marchand de tapis. Jamila Alnabil était l'héritière d'une grande famille de sorciers, en Égypte. Elle avait une idée très noble de ce que signifiait être un Sang Pur. Il fallait savoir faire preuve de charité envers les individus de rangs inférieurs. Cela expliquait sûrement pourquoi elle daignait appeler La Chouette son amie.
Celle-ci prit justement un air embêté.
- Il y a tout de même quelque chose dans ta façon de t'habiller... commença-t-elle d'un ton moqueur.
- Silencio, conclut l'égyptienne en revenant à son parchemin.
Lauren en s'offusqua même pas du sortilège et fit glisser son regard sur les élèves présents. En réalité, sous ses airs princiers, Jamila Alnabil était constamment en colère. Car malgré la pureté de son Sang, jamais la maison Serpentard ne l'avait reconnue comme l'égale des Black ou des Malfoy. Alors elle restait à l'écart, respectée sans pour autant pouvoir prétendre aux honneurs que recevaient les plus puissants.
En ces temps houleux, le statut du Sang avait son importance chez les Verts et Argents. Il dessinait une hiérarchie très nette entre les élèves, que La Chouette avait su déjouer...en devenant La Chouette, justement.
Dès son entrée à Poudlard, elle était devenue l'un de ces premières années servant de messagers entre élèves et professeurs. Mais mieux que les autres, elle avait su tirer profit de ce rôle apparemment dégradant. Elle avait appris à délivrer les messages de la bonne façon. Elle connaissait tous les sortilèges pour envoyer des lettres invisibles et dissimuler les mots secrets. Lorsqu'un curieux l'interceptait et la menaçait pour qu'elle en dévoile le contenu, elle restait silencieuse, fidèle au Message. C'était La Chouette. Aucune chouette ne lui serait arrivée à la cheville.
La salle commune se vidait peu à peu. La sorcière regarda sa montre ; l'horloge était en avance de dix-neuf secondes et cela l'agaçait prodigieusement. Vingt-trois heure quarante-sept. Ne restait plus que des élèves de septième année qui conspiraient à voix basse, sur l'estrade.
Vingt-trois heures cinquante-trois. La Chouette avait la tête penchée sur son parchemin, un rideau de cheveux fins et raides dissimulant son visage.
Elle entendit un élève prendre la place que Jamila avait quittée une heure plus tôt en lui redonnant sa voix.
- Minuit, annonça-t-elle simplement. Je me demandais combien de temps tu allais attendre avant de venir me voir.
- Je voulais te surprendre, sourit le garçon à côté d'elle.
- Tu es bien le seul à pouvoir me surprendre. Cela fait (elle jeta un œil à sa montre) deux heures et vingt-neuf minutes que je me demande pourquoi tu veux me voir.
Il eut un petit rire étouffé.
- Lauren Veerman...soupira-t-il.
Il faisait partie des rares personnes à l'appeler par son prénom. L'appeler « La Chouette » était pourtant vraiment plus approprié. Surtout quand on la voyait ainsi à passer des nuits blanches, les yeux grand ouverts sur la salle commune déserte. Chaque jour, on voyait ses cernes se creuser un peu plus profondément.
- Regulus Black... souffla-t-elle à son tour en guise de réponse.
Elle releva enfin la tête sur son interlocuteur. Les cheveux d'un brun sombre, presque noir ; les yeux gris, toujours perdus on ne sait où ; une attitude un peu guindée, hautaine. Mais Lauren Veerman remarquait rarement ces aspects physiques. Lauren s'attachait plutôt à ces gestes un peu mécaniques que tout le monde fait sans s'en rendre compte. Et Regulus Black tirait toujours sur le col de sa chemise. Il étouffait.
Minuit dix. Ils avaient laissé planer le silence un peu trop longtemps.
- Tu as l'intention de passer la nuit avec moi, Regulus ? Je te préviens, tu risques d'être déçu... Étrangement, la fiabilité des informations délivrées par Skeeter n'est pas toujours prouvée, ironisa-t-elle.
Il eut à nouveau ce rire étouffé. Il étouffait vraiment.
- J'avais quelque chose à te demander, commença-t-il.
- Un contrat avec un Black ? se réjouit-elle. Ce sont mes préférés.
- Non, la coupa le garçon de ce ton froid qui confirmait sans cesse son autorité face à ses camarades plus expansifs.
- Ah.
Lauren était prise de cours. Elle était comme ça, elle fonctionnait par contrat. Des mots, un message, un accord. Elle scruta sa montre. Minuit douze, vingt-deux secondes. Elle était mal à l'aise.
- Je voulais savoir si...
Regulus aussi était apparemment mal à l'aise. Il était toujours très droit, les mains sagement posées sur ses genoux, gêné par l'absence d'accoudoirs sur la chaise. Il fronça les sourcils ; sembla se raviser.
- Je voulais te proposer d'aller à la fête du professeur Slughorn avec moi, finit-il par déclarer.
Le Silencio de Jamila n'avait pas été aussi efficace que cette annonce. Lauren fronça les sourcils et détailla le garçon du regard comme pour y trouver les réponses à ses questions.
En vérité, elle n'aimait pas cela. Elle n'aimait pas les fêtes, ni le professeur Slughorn, et encore moins les fêtes du professeur Slughorn.
- Pourquoi ? demanda-t-elle. Sauf ton respect, Black, c'est parfaitement stupide. Je suis une Sang-Mêlée et crois-moi, tu n'as pas envie de t'afficher avec moi à un évènement comme celui-ci.
- Mais tu es La Chouette. Et j'ai besoin d'un compagnon d'arme.
- Je suis plus mauvaise en duel qu'un Poufsouffle de première année.
- Je ne parle pas de ce genre de duel là, Veerman.
- Et de quel genre de duel parles-tu ? interrogea-t-elle tout en connaissant pertinemment sa réponse.
- Un duel verbal.
- Contre qui ?
- Tous.
- Rien que ça ? rit-elle.
Il la considéra de ses yeux gris d'un froid sibérien. Ce n'était pas une menace, simplement un avertissement : « Les moqueries, Veerman, tu les sers à qui tu veux mais pas à un Black. » Lauren reprit son sérieux.
- Tu te bats contre des illusions. Personne n'est contre toi. Slughorn t'adore, et même les élèves de septième année te respectent. Les gens te considèrent sans te craindre. Ce duel, c'est une distraction. Si tu veux un combat, tu dois chercher ailleurs.
Regulus se raidit encore un peu.
- Je ne te demande pas ton avis, Veerman, dit-il d'un ton dur. Partons sur un contrat, puisque tu aimes tant ça. Qu'est-ce que tu dirais d'une ou deux bonnes notes en Potion ? J'ai cru comprendre que ça n'était pas ton fort.
La sorcière haussa un sourcil surpris. En général c'était elle qui décodait les individus. C'était elle qui connaissait leurs moindres faiblesses. Comme elle ne répondait pas, Regulus conclut sobrement :
- À partir de maintenant, tu seras donc mon binôme de Potion.
Alors, pour la troisième fois de la soirée, elle serra la main qu'on lui tendait.
Et il disparut dans son dortoir.
La Chouette était seule. Et se prépara donc à une nouvelle nuit d'insomnie.
Elle commença par ranger ses affaires. Puis, elle abandonna sa chaise froide pour s'asseoir à même le sol, sur le tapis face au feu. Prenant soin de s'emmitoufler dans son long châle, elle se figea et fixa les flammes qui dansaient dans l'âtre.
Elle pouvait rester une nuit entière ainsi à admirer ce spectacle hypnotique. Parfois, elle s'endormait ; mais rarement plus de quatre heures. Les nuits, elle ne regardait jamais sa montre. Le temps s'écoule à un rythme si particulier lorsqu'on ne voit pas le soleil courir dans le ciel.
Lauren pensa à au contrat qu'elle venait de passer avec Regulus. C'était inhabituel. Lui et elle n'était pas vraiment amis, ils étaient pour ainsi dire de simples camarades, bien que le Black ait fini - comme tous - par lui laisser occuper cette place singulière qu'elle s'était créée pour elle seule. Lauren avait donc sa place assise à la table des Sangs Purs de cinquième année. Elle n'était jamais brutalisée. Surtout, cette immunité bénéficiait aussi à sa petite sœur, Suzanne.
Il en était ainsi, à Serpentard. Qui n'avait pas le sang devait avoir le talent. C'est de cette manière que Severus Rogue avait fini par se faire respecter.
La soirée de Noël de Slughorn était dans une semaine. À cette pensée, Lauren tira nerveusement une mèche de ses cheveux raides. Il faudrait trouver une robe. Elle allait devoir demander de l'argent à ses parents. Elle décida donc de se détacher du spectacle des flammes, et sortit un parchemin et une plume. Allongée à plat ventre sur le tapis, se retenant sur ses coudes, elle réfléchit un instant. Elle devait choisir ses mots avec précaution.
Avec Rebecca Yaxley, elle devait jouer sur deux choses : flatter sa noblesse de mère prête à se sacrifier pour ses enfants, et lui montrer combien elle s'amusait avec ses nombreux amis. Et puis bien sûr, distiller du venin sur son père.
« Maman,
J'ai réfléchi à ta lettre, et je crois que Sue et moi ne devrions pas passer Noël à la forteresse des Yaxley. Tu es en train de renouer avec la famille, et je sais que notre présence pourrait tout gâcher. Peut-être te voir seule les convaincra-t-il de reconsidérer leur point de vue sur leur petites parentes Sang-Mêlées... ? C'est - comme tu dis - un « investissement pour l'avenir » ! Je sais que cela te force à sacrifier un Noël, mais fais-le pour nous. Papa ne pouvant pas nous assurer une sécurité comparable à la forteresse, il est préférable que nous restions à Poudlard. »
Premier problème réglé. La vérité était qu'elle n'avait pas envie de choisir entre passer son Noël chez son père ou chez sa mère. C'était idiot, mais elle appréhendait d'avance les longues négociations que cela provoquerait. Si le 24 se passait chez sa mère, elle devrait supporter ses regards déçus lorsqu'elle et sa sœur repartiraient le lendemain retrouver leur père, qui les accueillerait, déjà amer de ne pas les avoir vues la veille. Suzanne était d'accord. De toute façon, presque tous ses amis allaient passer Noël à Poudlard. Et elle avait trop peur de rater un évènement pareil.
« J'ai également une nouvelle qui devrait te réjouir : j'ai été invitée à la fête de Noël organisée par le professeur Slughorn. Regulus Black sera mon malheureux cavalier... Mais ne t'en fais pas, je n'ai pas l'intention de le traumatiser - je sais combien tes relations avec Walburga Black sont tendues. Quoi qu'il en soit, j'aurais besoin de quelques galions pour m'acheter une robe correcte. Je manque également de gants et d'une écharpe pour cet hiver, aussi demanderai-je la même somme à papa (disons 10 galions ?). »
Tout y était. Il fallait simplement finir sur une note insouciante.
« Suzanne a du te le raconter, elle était folle de joie : Poufsouffle a gagné contre Gryffondor. Évidemment, ses talents de batteuse n'y sont pas pour rien... ! Elle a été incroyable.
Je pense fort à toi et t'embrasse,
Lauren. »
La sorcière relut sa lettre, et parut à peu près satisfaite. Maintenant venait celle de son père.
Avec Alexander Veerman, il fallait être efficace, raisonnable, et manier l'anecdote. Et puis bien sûr, distiller du venin sur sa mère.
« Papa,
Je suis ravie de t'annoncer que Suzanne a enfin pu se venger de l'abruti de Gryffondor qui la harcelait depuis huit jours. Le cognard l'a tellement défiguré qu'il en a pleuré. Sois fier de ta fille.
Par contre, c'est une vraie cafeteuse. Mais sois sans crainte, mon Désolant en Potion - que cette adorable peste a pris soin de te révéler - n'est qu'un accident de parcours (un parcours semé de Piètres), et tout va revenir en ordre puisqu'un garçon de ma classe a prévu de m'aider. J'aurais à ce propos besoin d'une dizaine de galions pour refaire mon stock de parchemins et d'encre.
Pour Noël, je pense que tu es d'accord avec moi pour dire qu'il est risqué de le passer chez toi. Pour être honnête, j'ai entendu des septièmes années de ma maison parler de fêter le réveillon en attaquant les Nés-Moldus. Tu devrais faire attention à toi. »
Avec son père, elle devait jouer sur la peur. Son père avait été à Gryffondor, mais c'était un vrai froussard. À moins qu'il ne soit tout simplement lucide. Lauren aussi était lucide.
« Inutile de préciser que Sue et moi préférons éviter de passer le réveillon avec la famille insipide de maman. Nous resterons donc à Poudlard.
Quelles sont les nouvelles, de ton côté ? Une corne d'Eruptif à la place du nez (son père travaillait à Sainte-Mangouste) ?
Je t'embrasse,
Ta fille. »
Ne restait plus qu'à cacheter les enveloppes. Lauren se redressa, retrouva sa position jambes croisées face au feu. Six heures quarante-deux avant le lever du soleil.