Teddy Lupin n’a jamais vu sa grand-mère porter une autre couleur que le noir ou le bleu nuit. Elle dit qu’elle porte le deuil du grand-père dont il tient son prénom. Du haut de ses cinq ans, Teddy pense que c’est plus profond. Il pense qu’elle porte le deuil de toute sa vie passée. D’une partie de sa vie qu’elle a aimée mais qui n’a pas duré assez longtemps. Parfois, sur certaines photos où elle se trouve avec son grand-père, il a l’impression que ses robes étaient déjà de cette couleur.
Et qu’elles cachaient déjà la moindre surface de sa peau blême.
Comme si sa grand-mère voulait se cacher derrière ses vêtements.
Parfois, Teddy se dit qu’elle est trop exigeante avec elle-même. Mais cela ne dure pas longtemps car l’instant d’après, sa grand-mère lui fait des chatouilles sous lesquelles il pourrait mourir de rire sans regret.
Car Teddy sait déjà ce que c’est que mourir. La mort, il sait ce que c’est. Le mourir, le fait de mourir, un peu moins, mais il en connait les effets.
Sa mère est morte depuis toujours.
Son père est mort depuis toujours.
Son grand-père est mort depuis toujours.
Et il voit tout cela sur sa grand-mère dont les yeux gris sont couleur de larme lorsqu’elle lui parle de sa maman, lorsque la pleine lune brille à travers le carreau de la fenêtre, lorsqu’elle regarde des photos de son mari.
Mais ce soir, à présent qu’il a cinq ans depuis peu, il voit au-delà son air sérieux et grave qu’elle garde en toutes circonstances. Il voit que cette gravité ne la quitte jamais et ça le rend triste.
Car parfois, il aimerait comprendre pourquoi elle est si sérieuse et si intelligente sa grand-mère. Alors il va lui en parler sur le ton de la plaisanterie, comme il sait le faire. Il parait que sa mère faisait pareil.
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Dromeda Tonks voit combien ce soir son petit-fils est silencieux. Elle voit qu’il est perturbé par quelque chose dont il n’ose pas lui parler. Mais elle sait aussi qu’il ne faut pas le brusquer ni même lui poser la question au risque de le voir se fermer comme une huître. Elle attend et monte le coucher sans un mot. Elle ne lui propose pas de raconter une histoire, car elle sait qu’il va finir par cracher le morceau, comme disait Ted. Elle le borde.
« Tu es trop intelligente, Grand-mère, finit-il par dire. Je ne comprends pas pourquoi tu es allée à Serpentard ! Tu aurais dû aller à Serdaigle ! »
Dromeda se sent revenir un quart de siècle plus tôt. Elle entend la voix de sa fille, de sa Nymphadora, dire la même chose à quelque chose près à son mari, alors qu’elle-même, elle est dans l’embrasure de la porte de la chambre de sa fille, de cette même chambre, et qu’elle contemple sa famille.
« Je ne comprends pas pourquoi le Choixpeau à envoyé maman à Serpentard, songeait Nymphadora. Elle est beaucoup trop intelligente ! »
Elle se surprend à sourire avec une véritable tendresse couplée à une joie insensée à son petit-fils.
« Ta mère n’est pas assez sage pour appartenir à la maison Serdaigle, jeune fille ! avait dit Ted après avoir explosé de rire. »
« Je ne suis pas assez sage, ni assez sérieuse, souffle-t-elle à Teddy en lui souriant mystérieusement. »