Lundi 5 Septembre 1977,
Ma chère cousine,
Je t’écris depuis un endroit très secret du parc de Poudlard duquel je suis certain de ne pas être dérangé. Il s’agit de cette petite rivière cachée derrière plusieurs rangées de Pin-Épineux, aux abords la Table du Devin, ce vieux mégalithe d’un autre temps dont l’entrée est réservée aux étudiants en Alchimie. Tu ne dois pas t’y être attardée plus que cela durant ta propre scolarité étant donné que tu n’as pas suivi cette discipline. Nous ne sommes que cinq, sixièmes et septièmes années confondus, à nous y intéresser cette année. Severus Rogue, dont tu m’as dit avoir l’amitié, suit également ce cours. Il est toujours aussi renfermé et taciturne, mais son intérêt pour l’étude de la magie me devient intéressante. Il manque de charisme, mais l’éclat de ses yeux est impitoyable face à l’échec. Il a un code d’honneur à lui qui m’intrigue, et une conviction admirable pour la cause.
Tu m’as demandé de mes nouvelles et de te raconter ces premières journées de rentrée. J’ai beaucoup à t’en dire. Mais j’aimerais en premier lieu m’assurer que cette nouvelle fausse couche ne t’a pas affaiblie plus encore. J’ai déjà dû te le demander, mais ménage-toi, je t’en prie. Ce n’est pas de ta faute. Nous savons tous que tu t’inquiètes bien trop pour nous. Mais nous te protégeons, nous sommes-là pour te protéger de tous ces fous et ces détraqués.
Nous sommes forts.
Je te disais que S. Rogue me devenait intéressant. Voilà ce qu’il faut que j’ajoute : samedi, il est venu me trouver pour me parler du Seigneur des Ténèbres. Nous avons approuvé la cause avec notre enthousiasme habituel, prêts à devenir ses soldats à notre sortie de Poudlard. Il semblait vouloir me montrer qu’il en savait plus. J’ai fini par lui dire que Bella le connaissait personnellement depuis plusieurs années, et que j’en savais sûrement plus que lui. Il a esquissé un rictus à faire froid dans le dos. Mais je t’assure que son œil s’est mis à briller dangereusement.
Il m’a proposé de le rejoindre le soir dans la Salle Commune, la lumière de ses yeux brillait toujours, démentielle étoile dans la nuit boueuse. Je lui ai demandé de s’expliquer. Il refusa de me dire autre chose que le fait que je n’étais qu’un petit étudiant de seize ans et que j’avais encore beaucoup à apprendre. Bella m’a pourtant appris bien plus que n’importe lequel de mes camarades ne pourra jamais l’imaginer. Sans compter la Légilimancie que nous avons regardée de plus près cet été, toi et moi. S. Rogue a ricané et m’a demandé ce qui m’effrayait donc à venir le trouver au cœur de la nuit dans notre Salle Commune.
Alors j’y suis allé. Un Black n’a peur de rien, c’est bien une chose que Sirius a retenu. Je le croise parfois dans les couloirs de Poudlard : son arrogance dépasse l’entendement. La Maison des Black aurait sombré à sa perte sous sa gestion. Mère a raison lorsqu’elle coupe les branches malades de l’Arbre. Soit un jour où le bois coupé tombe, meurt et devient un engrais salvateur pour la renaissance du champ, alors la voie lactée recouvre à nouveau de ses étoiles la terre gangrénée et illumine l’univers de sa démarche royale. Nous sommes les étoiles, Cissy, nous sommes les étoiles du ciel noir. Libre à nous de briller ou de nous éteindre. J’ai choisi de briller et de tourner mes yeux vers la gloire et la cause.
Je suis descendu dans la Salle Commune samedi soir.
J’ai cru entrer dans un autre monde.
Un monde où je n’étais rien qu’un être insignifiant, à peine sorcier, face à des Mages redoutables et d’une puissance qui dépasse l’imaginable.
Ils avaient dû empêcher les murs et les interstices des portes de laisser passer le moindre son, car au pas que je fis hors de l’escalier qui menait à mon dortoir, le vacarme explosa dans mes oreilles. J’en fus déséquilibré et abasourdi.
S. Rogue agitait sa baguette avec une rapidité telle que ses mouvements étaient à peine discernables. Evan Rosier parait maléfice pour maléfice avec une rapidité inouïe. Son rire déchira l’air de la Salle Commune, couvrant tous les noms de sortilèges et les bruits d’explosion. Puis le rire tomba raide, en même temps que le corps, et roula dans la poussière des tapis. Le silence effroyable ne dura qu’une seconde avant qu’E. Rosier ne se relève pour rire avec S. Rogue. S. Rogue riait.
C’était un véritable champ de bataille. Laerte Avery faisait exploser les meubles avec des sortilèges informulés. Aristarque Urovitch grimpaient aux murs et au plafond comme un chimpanzé et tirait des sortilèges qui ne manquaient jamais leur cible. Shirley Runcorn ravageait la Salle Commune de malédictions.
Et c’était magnifique, Cissy. Je te le jure. C’était un arc-en-ciel de couleurs. Ils détruisaient la Salle Commune de Salazar Serpentard, mais c’était splendide et à peine croyable. Je ne connaissais pas la moitié de leurs sortilèges mais quand je me mêlais à eux, je compris qu’ils ne connaissaient pas la moitié des miens non plus.
Je n’ai jamais autant pris plaisir à expliquer ce que je savais. Je n’ai jamais appris des maléfices avec autant d’aisance non plus. J’ai passé une soirée passionnante avec eux. Ils veulent tous œuvrer pour la cause. Ils veulent tous finir leur septième année, et mettre leurs capacités exceptionnelles au service du Seigneur des Ténèbres pour qu’il les guide. Je veux devenir, tout comme eux, un héros pour la sorcellerie.
Nous sommes forts, Cissy. Cesse de t’inquiéter pour moi. Je ne suis plus effrayé par la tâche à accomplir. Sirius a sali la Maison des Black, mais je lui rendrai son éclat. Je te l’ai dit : nous sommes des étoiles dans la noirceur de la nuit, libre à nous de briller. Sirius et Andromeda ont déserté, ils se sont mélangés au vulgaire de la foule, tant pis pour eux. Je suis Regulus Arcturus Black, je porte le nom de deux étoiles. Bellatrix porte aussi le nom d’une étoile. Et l’enfant que tu réussiras à mettre au monde aura aussi le droit d’incarner une étoile. Toi, Cissy, tu es notre fleur, celle que nous nous efforçons de maintenir à la lumière en brillant pour elle. Tu es notre dame, nous sommes tes héros.
Tu es une fleur, Cissy, mais les fleurs ont des épines et renaissent chaque année. Elles sont immortelles, au contraire des héros qui donnent leur courte vie en échange d’une gloire éternelle. Toi, tu auras tout : la vie, la force, l’endurance, l’audace et même l’enfant que tu désires.
Je t’envoie toute mon affection,
Ton cousin,
RAB