C’était un 31 juillet pluvieux, le soleil passait timidement au zénith. C’était au milieu de la guerre qu’un petit Sorcier avait pointé le bout de son nez et ses joues rondes. C’était au milieu de l’amer qu’il avait décidé d’embaumer le monde. C’était un bébé pas comme les autres : un bébé retranché, un bébé dissimulé, un bébé traqué. Un bébé fierté, aussi ; la plus belle de Lily. C’était un trésor, dans ses bras elle le serrait si fort. C’était un amour, quand il ne pleurait pas quinze fois par jour…
C’était un drame connu de tous. C’était une histoire racontée par-delà les frontières, de l’autre côté de la mer, de l’autre côté de la terre. C’était une enfant arrachée à ses parents, c’était une épouse arrachée à son mari, c’était une amie arrachée aux siens, c’était une âme volée au monde, une fleur déracinée, c’était une femme arrachée à la vie. C’était enfin une mère arrachée à son enfant. C’était une promesse abandonnée au vent : « Je prendrai soin de toi, toujours, Harry ». C’était Lily. C’était avant.
C’étaient aussi deux femmes qui ne s’étaient pas connues. Seulement croisées — à peine croisées — entraperçues. Deux courageuses, deux héroïnes, deux filles de Moldus. Treize ans d’écart, deux guerres qui les séparent, Remus qui murmurait à l’oreille de Tonks : « Vous vous seriez bien entendues ». Deux femmes à la chevelure incandescente, deux femmes à la répartie déconcertante, deux femmes tout bonnement renversantes, deux femmes aux destinées plus que sanglantes. Deux femmes de Maraudeurs qui ont connu l’horreur, qui ont connu la peur, qui ont donné leur vie, qui ont donné la vie. C’étaient deux mères, aussi.
C’étaient deux femmes qui ne s’étaient pas connues, mais qui auraient pu. Deux battantes pour la liberté, deux battantes pour la fraternité, finalement deux battues. Deux âmes tombées au combat pour tous ceux qu’elles aimaient et pour tout ce qu’elles chérissaient. C’étaient deux femmes qui ne s’étaient jamais connues, mais qui auraient dû. Deux jeunes femmes devenues trop tôt des dames, deux personnes de valeur, deux belles âmes, c'étaient surtout des joies avant d'être des drames. C’était Lily et c’était Tonks. Et derrière elle, la première a laissé un fils.
C’étaient alors peut-être Tonks et Harry. Ce n’était pas vraiment une mère pour lui, c’était plutôt une amie. Ce n’était pas vraiment un fils pour elle, c’était juste Harry. C’était devenu l’une des femmes les plus importantes de sa vie après Ginny, après Hermione, après Molly ; c’était devenu l’un des hommes les plus importants de la sienne après Remus, après Ted, après Charlie. C’était la guerre et la guerre les avait réunis, alors plutôt que de s’en plaindre ils en avaient ri. C’était drôle. Mais c’était.
C’était une Poufsouffle, c’était un Gryffondor. C’était un collégien et c’était une Auror, c’était un ado et c’était un mentor peut-être. C’étaient deux enfants qui n’avaient pas eu le temps de l’être. C’était la guerre et c’était la peur, mais au moins par l’amour demeurait la chaleur. C’était une promesse silencieuse depuis le début : « Je prendrai soin de ton fils, Lily ». C’était un enfant qui n’avait pas connu sa mère, c’était une femme qui désirait profondément l’être. Et qui l’était devenue.
C’était un 22 avril venteux, la nuit venait de tomber. Au milieu de la guerre, il était né : Teddy. C’était le prénom d'un père, c’était maintenant celui d'un fils. C’était un bébé pas comme les autres : le fils d'un lycanthrope et d'une Métamorphomage, doublé d’un fugitif. Bébé trésor, bébé couleurs, bébé béatitude. C’était un bonheur de respirer l’odeur de sa peau, c’était une splendeur de le voir déguster le bout de son sein, c’était un déchirement de l'éloigner de son cœur. C’était incroyable – incroyablement court.
C’était ensuite un drame connu de tous. C’était la grande Victoire et la plus triste des fêtes – c’était peut-être en fait la plus grande défaite. C’étaient des corps et des esprits marqués, c’étaient des corps à enterrer, c’étaient la mort et les cœurs ravagés. C’était triste, c’était joyeux, c’était confus. C’était le triomphe des idéaux, Merlin que c’était beau ! C’était Teddy orphelin, mais à qui serait promis un lendemain. C'était une promesse qui avait été tenue, celle de lui offrir un monde où il serait bienvenu.
C’étaient désormais deux orphelins, un filleul et son parrain. C’était un nourrisson dans les bras d’un tout jeune garçon. C’était maladroit les premières fois. C’était effrayant et c’était excitant, c’était douloureux mais c’était merveilleux. C’était tendre, c'était tendre l’oreille au milieu de la nuit pour s’assurer que tout allait bien, c’était le square Grimmaurd qui empestait les couches, c’était pratique pour décliner les invitations, c'était difficile… C'était fatigant mais c'était bien. C'était pour Remus et Tonks mais c'était aussi pour lui.
C’était le voir grandir, c’était grandir ensemble. C’était faire mine de savourer la purée de brocolis pour qu’il accepte d’en manger, c’était le couvrir d’amour et de Patacitrouilles et se faire gronder par Andromeda pour ça, c’était hausser le ton parfois. C’était comme son fils. C’était lui parler de son histoire. C'était lui parler de Remus et Tonks, de James et Lily. C’était plus tard l’écouter parler pendant des heures d’Histoire de la magie en résistant à l’endormissement. C’était prendre soin de lui, toujours.
« Aujourd’hui est un jour merveilleux, murmura Teddy avec tendresse au poupon joufflu qui venait d’agripper son pouce entre ses petits doigts pour le goûter avec une grande curiosité. Dès que je t’ai entendue, dès que je t’ai aperçue, dès que je t’ai sentie entre mes bras, j'ai su que tu étais plus précieuse que toutes les Patacitrouilles du mon... Non ! Tu es plus précieuse que l'inventeur des Patacitrouilles ! Plus précieuse que le soleil même ! Plus précieuse que... Enfin ce que je veux dire, c'est que je ferai tout pour toi, Lily jolie. »
C’étaient enfin Teddy et Lily – ou peut-être que ça l’avait toujours été ? C’était l’année de ses neuf ans, c’était un ravissement, c'était la naissance d'un enfant. Un bébé pas comme les autres – ou peut-être était-il comme tous les autres justement ? Bébé soleil, bébé amour, bébé beauté. C’était Teddy qui pleurait de joie ; c’étaient Lily, Tonks, Harry qui étaient passés par-là. C’était un trésor, dans ses bras qu'il serrait si fort. Il l'aimait d'amour… pourvu qu’elle ne pleure pas quinze fois par jour !
Bonjour à tous et à toutes ! Ceci est un OS écrit pour la cinquième épreuve de confort (textes fanfiction), la première en individuel de Koh-Lant'HPF, organisée par Catie et Omicronn.
Parce que ça fait trop longtemps que je garde précieusement cette illustration d'AnastasiaMantihora et qu'elle m'inspire énormément. Parce que ce texte lui doit beaucoup. Parce que ça fait une éternité que j'ai envie d'écrire quelque chose sur ça, je n'ai jamais trop su comment, et en fait le concours était l'occasion.
Bonne lecture !
Consignes :
- Chaque paragraphe doit contenir le même nombre de phrases et le même nombre de mots (12 paragraphes de 7 phrases et de 100 mots) (des drabbles suivis si on veut).
Contraintes personnelles (choix libre) : - Endurance (3) : Texte de pile 1200 mots (sur la base de ce compteur) - Sensibilité (3) : Insérer (au moins) trois verbes de chaque sens (cf. notes de fin)
Verbes :
- ouïe : tendre l'oreille, écouter, entendre
- vue : entrapercevoir, voir, apercevoir
- goût : déguster, savourer, goûter
- toucher : serrer, agripper, sentir
- odorat : embaumer, respirer, empester
C'était bien ou pas ?