La première chose que je ressentis, avant même d'ouvrir les yeux, ce fut le froid. Le froid sur mes pieds, sur mes jambes, se propageant au reste de mon corps. Battant des paupières je me redressais, oscillant entre surprise et peur. Sous mes mains je ne sentais plus le confortable matelas de ma chambre au manoir Compton, mais de la terre froide et des brindilles. D'une manière ou d'une autre, j'étais au milieu d'une sombre forêt, nue sous mon peignoir blanc.
Une fois debout sur mes deux jambes, je me frottais les épaules et les bras en frissonnant et j'avançais prudemment entre les arbres, manquant de tomber à plusieurs reprises. Malgré les bruits inquiétants de la forêt je tentais de me calmer : je devais être en train de faire un rêve particulièrement débile, rien de plus.
Après un moment qui me parut interminable, alors que je commençais à me pincer le poignet pour me sortir d'urgence de ce songe qui n'avait rien de rassurant, j'entendis des voix un peu plus loin. Prudemment je me dirigeais vers elles pour découvrir six adolescents pris au milieu d'une conversation enflammée. Ils ne remarquèrent pas tout de suite ma présence, ce qui me laissa le loisir d'écouter. Et ce j'entendis me fis plisser les yeux, à défaut des oreilles.
« C'est qui, Graup ? » Fit une blonde à la voix doucement aiguë.
« Le petit frère de Hagrid. Mais ça n'a pas d'importance pour l'instant. Harry, qu'est-ce que tu as vu dans la cheminée ? Est-ce que Tu-Sais-Qui a vraiment capturé Sirius ou... »
« Oui. » Dit un garçon brun en mettant sa main à son front. « Je suis sûr que Sirius est toujours vivant mais je ne vois pas comment nous pourrions aller là-bas pour l'aider. »
« Il faudra que nous y allions par la voie des airs, non ? »
« Bon, alors. Pour commencer, si tu t'inclus dans ce « nous », tu te trompes complètement parce que toi, tu ne vas rien faire du tout, et ensuite, Ron est le seul à avoir un balai qui ne soit pas gardé par un troll, alors... »
« Moi, j'ai un balai ! » Intervint une petite rousse.
« Oui, seulement toi non plus, tu ne viens pas avec nous. »
« Excuse-moi, mais ce qui arrive à Sirius m'importe autant qu'à toi ! »
« Tu es trop... »
« J'ai trois ans de plus que tu n'avais quand tu as affronté Tu-Sais-Qui pour l'empêcher de prendre la Pierre philosophale et c'est grâce à moi que Malefoy est coincé dans le bureau d'Ombrage avec des Chauves-furies géantes qui l'attaquent de tous les côtés... »
« Oui, mais... »
« On fait tous partie de l'A.D. On était censés apprendre à combattre Tu-Sais-Qui, non ? Eh bien voilà, c'est la première fois qu'on a l'occasion de faire quelque chose de concret - ou alors, est-ce que ça signifie que nos séances d'entraînement n'étaient qu'un jeu ? »
« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? » Lâchai-je.
Graup ? Hagrid ? Balai ? Malefoy ? Tu-Sais-Qui ? Sirius ? L'AD ? Mais enfin à quoi jouaient ces gamins ?
Mon intervention leur fit tourner la tête dans ma direction et la plupart d'entre eux avaient levé vers moi des bouts de bois. Des baguettes ma... Non. Non non non. Je secouais la tête pour m'enlever cette idée absurde de l'esprit et continuais à examiner le petit groupe. Ils étaient plutôt mal en points, égratignés de partout, avec des bleus et des bosses. Ils me regardaient avec méfiance, évidemment je devais avoir l'air d'une folle en peignoir au milieu de la forêt.
« Qui êtes-vous ? » Me demanda la fille rousse d'une voix autoritaire.
« Vous qui êtes-vous ? » Répliquai-je, les bras croisés contre ma poitrine, comme si je m’étreignais moi-même pour me donner des forces.
« Nous sommes les membres de l'Armée de Dumbledore. » Me répondit la blonde, ses grands yeux globuleux lui donnait un air éternellement surpris, comme si le simple fait d'exister était un miracle de la nature. « Et nous allons sauver Sirius Black. » Je clignai des yeux tandis qu'une brune grondait sur la blonde, l'appelant Luna. Luna Lovegood ? Non. C'était impossible.
« On n'a pas le temps ! » S'exclama un brun qui était plutôt maigre, avec des cheveux ébouriffés. Il mettait, à intervalles régulier, sa main sur son front, donnant l'impression que quelque chose le piquait. « Il faut qu'on trouve comment aller à Londres. »
« Mais Harry qu'est-ce qu'on fait d'elle ? » S'enquit une fille brune qui me fixait des yeux.
« J'm'en fiche ! On n'a qu'à la laisser là. »
« Elle retournera au château et nous dénoncera. »
« Alors on l'emmène. »
Et ils m'ont emmenée les cons !
Je ne sais pas trop ce qui s'est passé dans leur tête pour qu'ils pensent que m'avoir avec eux était une bonne idée, toujours est-il que le rouquin m'a prise par le bras, avec son pote ils m'ont hissé sur un cheval squelettique et ailé, et on s'est mis à voler.
C'est là, volant au-dessus de l'Angleterre que j'ai compris ce qui se passait. Je rêvais. Je rêvais que j'étais dans un monde alternatif qui m'étais familier, celui d'Harry Potter. Étant donné que j'écoutais la musique des films avant de m'endormir, cela me parut pertinent, voire même logique. Par la force des rêves, j'étais donc en train de vivre les derniers chapitres de l'Ordre du Phénix.
Fascinant.
Trop impressionnée par ce qu'il se passait, j'étais une otage particulièrement docile. Je laissais ces gamins me trainer avec eux, me faisant entrer dans une cabine téléphonique hors-service, avant que l'on ne descende au fin-fond du Ministère de la Magie, jusqu'au Département des Mystères.
Durant notre parcours, j'examinais la troupe en fronçant les sourcils. C'était tout de même étrange, si je rêvais, pourquoi les personnages n'avaient-ils pas le physique que je leur connaissais ? Harry Potter était parfaitement identifiable bien sûr, avec sa cicatrice et ses yeux verts, mais ce n'était pas Daniel Radcliffe. Il était plus svelte, plus élancé. Je reconnus très vite les deux Weasley, Ron et Ginny, avec leurs cheveux roux et leurs tâches de rousseur. En revanche je n'aurais jamais deviné qu'Hermione Granger et Neville Londubat étaient, et bien, Hermione et Neville, si je n'avais pas eu les connaissances pour le savoir. Elle avait les cheveux plus épais qu'Emma Watson, il était plus châtain que brun.
J'étais dans une sorte de léthargie, de transe. J'étais présente, mais totalement ailleurs. Je suivais les six sorciers comme un toutou qui suivrait son maître, béate d'admiration devant le hall du Ministère de la Magie et sa fontaine. Une fois dans la salle des prophéties, je me rendis à peine compte de l'arrivée de personnes toutes vêtues de noir, cagoulées et masquées. Les Mangemorts. Je crois que ce fut la voix criarde d'une femme au visage si émacié qu'on aurait dit une tête de mort qui me ramena à la réalité de mon rêve. Croiser son regard démentiel me fit même sursauter. C'était sûrement Bellatrix Lestrange, et elle faisait bien plus peur que la femme de Tim Burton.
Je ne sais pas trop d'où m'est venu mon courage. C'est probablement parce que je me croyais dans un rêve, totalement hors de danger, que je me mis à penser que je pouvais m'amuser un peu. Après tout, que risquais-je à titiller un peu ces personnages imaginaires ? J'allais me réveiller très bientôt assurément.
« Je n'ai aucune difficulté à dire Vol... »
« Ferme-la! Tu oses prononcer ce nom avec tes lèvres indignes, tu oses le souiller avec ta langue de sang-mêlé, tu oses... »
« Vous saviez que le père de Voldemort était un moldu ? » Balançai-je. Tout le monde se tourna vers moi, Harry fronçant les sourcils. Prenant une démarche nonchalante, je me mis à côté de l'Élu pour narguer la bande de Mangemort. « C'est quand même dingue non ? Il n'arrête pas de prôner ces conneries de sang-pur, mais faudrait pas oublier que Tom Jedusor Senior... Ben c'était un bon vieux moldus des familles. » Sans qu'il ne puisse songer à se débattre, je pris la prophétie des mains de Harry et me mis à jouer avec. Lucius Malefoy, reconnaissable à ces cheveux d'un blond presque blanc, se crispa de tout son être. « Et si je la cassai ? Voldemort ne serait pas très content. Mais ne t'en fais pas Harry, ce serait pas grave parce que moi je la connaît la prophétie. » C'était assez risible. Je me pavanai, certaine de ma toute-puissance devant tous ces sorciers qui étaient penauds. J'étais totalement imprudente, inconsciente.
« Personne ne connaît cette prophétie. » Cracha Malefoy.
« En fait, si. Il y a Dumbledore. » Répondis-je, la voix toujours un peu chantante. « Et les milliers de lecteurs aussi. »
« Des lecteurs ? » Répéta Hermione, qui fut la seule à soulever ce point. Mais cela ne dura pas.
« Personne ne... » Voulut menacer Malefoy.
« Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche. Il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois. » Dis-je, ce qui termina de faire ouvrir grands les yeux des Mangemorts. Toute l'attention était portée sur moi, que ce soit de la part des adultes comme des adolescents, même Harry avait braqué sa baguette dans ma direction. « Tout doux gamin, je suis de ton côté. »
« Qui êtes vous ? » Me demanda-t-il.
« Une nargole tombée d'une branche de gui. » Plaisantai-je en offrant un clin d'œil au Survivant.
« Ça suffit ! » S'emporta Bellatrix, visiblement énervée par mes bêtises. « Stup... »
« NON ! » Cria Lucius.
« ALLEZ-Y ! » Hurla Harry.
Et là, ce fut un bordel sans nom. Je n'avais encore jamais, de toute ma vie, fait un rêve aussi réaliste. Les sorts fusaient de partout. Je sentis une main m'agripper le bras et m'emmener avec les ados qui courraient. Je passais la majorité du combat la tête baissée, les bras levés comme pour me protéger, ce qui était pourtant totalement vain.
Nous arrivâmes finalement, Harry, Neville et moi à la salle de l'Arcade. Et là, mon cerveau se mit presque à fumer. Sirius Black allait mourir, mais je pouvais l'empêcher. Enfin, je pouvais essayer non ? Tout se passait tellement vite que j'avais du mal à savoir quoi faire, j'étais désespérément passive face à Harry qui m'emmenait avec lui en m'agrippant fermement le poignet.
Les membres de l'Ordre arrivèrent, Tonks fut blessée par Bellatrix et Dumbledore fit son apparition en haut des escaliers, passant devant nous. Je ne sais pas trop comment mon esprit avait fait le calcul, mais je me suis mise à courir en direction de celui qui se battait encore avec Bellatrix, qui était forcément Sirius Black. Je dépassais le vieux sorcier aux cheveux d'argent qui ne pouvait qu'être Dumbledore et je fonçais.
C'était comme dans un film, où en l'occurrence comme dans un rêve. J'eus l'impression que la scène se déroula au ralenti. Moi, dans mon peignoir, qui n'était plus si blanc, sautant pour repousser le sorcier aux cheveux noirs. Je nous fis tomber loin de l'arcade et la dernière chose que je ressentis ce fut ma tête, cognant contre le sol de pierre.