Il soupira lourdement. Que pouvait-il faire de toute manière ? Il n’avait pas envie de venir. Personne n’avait envie de le voir. Mais il avait été invité et sa mère faisait tant d’efforts pour essayer de retrouver une vie normale…
Mais qu’est-ce que c’était que normal maintenant ?
Une semaine plus tôt, le Ministère avait célébré avec sobriété les trois ans depuis la Bataille de Poudlard. Depuis la chute de Voldemort. Depuis que Draco avait retrouvé sa liberté.
Ou du moins les fragments qu’il en restait.
Assigné à résidence pendant l’été, obligation de reprendre son éducation, de passer des Aspics et de suivre un programme si intense d’étude des moldus que Draco avait presque l’impression qu’il pourrait conduire une voiture si on le lui demandait… Mais il avait pu reprendre le travail, gérer le patrimoine et les investissements de la Maison Malefoy était un travail complexe.
Son père avait eu moins de chance. Cinq ans à Azkaban. Ils allaient lui rendre visite une fois par mois, Mère et lui. Les conditions de détention étaient bien moins barbares qu’elles n’avaient pu l’être par le passé : plus de Détraqueurs, deux douches chaudes par semaine et trois repas par jour. Lucius savait qu’il aurait pu connaître un sort bien pire.
Draco ne retint pas un reniflement méprisant. Tout cela était de la faute de son père. Son aveuglement, ses idéaux puants et lui était l’agneau sacrificiel.
- « Pour quelqu’un qui semble être venu ici pour s’éloigner de la fête et noyer son chagrin, tu fais beaucoup de bruit… »
Draco sursauta, il n’avait pas eu conscience que quelqu’un d’autre était dans la pièce. Il se tourna aussitôt vers l’origine de la voix qui lui avait parlé et vit émerger une jeune femme brune, avec de grands yeux bleus qu’il aurait reconnue entre mille de derrière une tenture.
- « Je pensais être seul. Je suis désolée si je t’ai dérangée. » répondit-il en inclinant la tête. « Je m’en vais, ne t’inquiète pas. »
Il se retourna et fit quelques pas en direction de la porte mais s’arrêta brusquement en sentant une main, aussi légère qu’une plume effleurer son poignet.
Il se retourna vivement, comme si l’effleurement l’avait brûlé.
- « Qu’est-ce que tu veux, Astoria ? » lui demanda-t-il, visiblement sur la défensive.
- « Te parler, c’est tout. » lui répondit la jeune femme avec un sourire qui était à la fois empli d’innocence et de méfiance.
Elle était une Serpentard, il ne fallait pas l’oublier. Elle connaissait aussi bien que lui les rouages de leur monde et savait à quel point son nom était synonyme de disgrâce… Alors pourquoi avait-elle l’air de lui tendre une branche d’olivier ?
- « Qu’est-ce que tu cherches à obtenir ? » poursuivit-il sur le même ton.
Elle secoua la tête et le regarda, déçue, comme une mère dont l’enfant aurait fait une bêtise alors qu’elle l’avait mis en garde.
- « Pourquoi penses-tu que je veux absolument quelque chose ? » s’agaça-t-elle en avançant vers lui et plantant son regard céruléen dans celui, dur comme de l’acier, de Draco. « Tout le monde n’est pas intéressé par l’argent de ta famille ou par ton nom, Draco. » Il lui adressa un reniflement moqueur. « Oh ! Et ça suffit de faire ta forte tête avec moi ! » se fâcha-t-elle. « Tu ignores Daphnée, tu ne réponds plus aux lettres de Blaise… » asséna-t-elle en croisant les bras. « Si Narcissa ne t’avait pas trainé à la soirée d’aujourd’hui, je crois que Théo serait allé te dénicher ta chambre au Manoir. »
Draco se renferma un peu plus, fusillant Astoria du regard, il finit son verre d’une longue gorgée, le posa sur une table basse et se dirigea à nouveau vers la porte.
- « Ça fait trois ans Draco. Quand est-ce que tu vas te décider à aller de l’avant ? » lança-t-elle.
Quand elle le vit faire demi-tour et se diriger vers elle, une rage bouillonnant visiblement dans ses veines, Astoria sut qu’elle avait gagné.
Avec urgence, Draco déboutonna le poignet gauche de sa chemise, arrachant son bouton de manchette dans sa hâte et ôta le tissu de sa peau pâle. Astoria demeura impassible, elle savait ce qu’il cherchait à faire.
- « C’est ça que tu veux, Astoria ? » cria-t-il en désignant la Marque des Ténèbres, toujours visible sur son bras bien que d’un gris pâle. « Tu veux que je te montre que je suis marqué comme du bétail et que j’ai mérité cette horreur en faisant du mal à des gens ? »
- « Draco. » intervint-elle mais il poursuivit sa tirade emplie de rage et de fiel.
- « Ma famille mérite tellement plus que l’opprobre et la disgrâce, mon père mérite tellement plus que cinq années à Azkaban et je mérite tellement plus qu’une tape sur les doigts. » Il prit une respiration heurtée et poursuivit, la voix lourde d’émotions mal contenues. « Je ne devrais pas être en vie. »
Astoria ne réfléchit pas un instant et le prit dans ses bras, elle réalisa avec stupeur que c’était la première fois qu’elle le touchait.
Ce n’était pas la première fois qu’ils se retrouvaient tous les deux à l’écart des célébrations : la misanthropie de Draco et la fragilité d’Astoria les avaient réunis plus de fois qu’il n’aurait été raisonnable d’admettre et leurs échanges avaient progressivement évolué de polis à amicaux jusqu’à ce que, plus récemment, elle émette l’hypothèse qu’ils se voient en tête à tête.
Lorsqu’elle avait proposé ce rendez-vous, Astoria avait vu deux choses traverser le regard de Draco : le désir et presque aussitôt le renoncement.
Comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, Draco blottit son visage au creux du cou d’Astoria, respirant lourdement, retenant ses larmes, sans aucun doute.
Alors, sans même le réaliser, Astoria laisser couler les siennes. Elle pleura pour Draco, pour cette jeunesse sacrifiée, pour les péchés dont il porterait certainement toujours le poids, pour cette douleur qu’il allait devoir apprendre à surmonter, malgré tout. Et elle serait à ses côtés. Tant qu’il aurait besoin d’elle. A cet instant, elle s’en fit la promesse.
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