Courage et loyauté : deux façons de s’aimer.
L’intérieur du salon avait beau être décoré avec goût, Hannah ne pouvait s’empêcher de trouver l’atmosphère de la pièce froide et peu accueillante. Regardant autour d’elle, elle cherchait à en comprendre la raison. Les fauteuils et le canapé bleus nuits s’harmonisaient parfaitement avec le mobilier clair de la pièce et les objets de décoration dorés et argentés. L’elfe de maison était visiblement attaché au soin de la maison et au confort des résidents et invités si elle en jugeait par le plateau de viennoiseries déposé à son intention sur la jolie table basse. Alors pourquoi se sentait-elle si mal à l’aise ? Elle se leva et commença à faire le tour de la pièce, observant les bibelots sur les meubles. Son regard se posa sur le seul cadre photo, posé sur un buffet. Neville était assis dans l’herbe, jouant avec des cubes qu’il empilait maladroitement. De temps à autre, il tournait la tête et la regardait mais sans le sourire qui accompagne habituellement les enfants de cet âge. La photo d’à côté représentait un couple le jour de leur mariage, heureux et souriants, lui adressant de grands gestes de la main. Hannah ne put s’empêcher de sourire à son tour en les voyant. Elle avait reconnu Frank et Alice, les parents de Neville, et les voir aussi épanouis lui réchauffa le coeur. Son sourire se fâna cependant lorsque son regard se reposa sur le petit Neville. Etait-cela qui la rendait si mal à l’aise ? Être confronté directement et sans préavis à la tristesse de l’enfance de son petit-ami ? Ou bien de constater que toute la maison semblait avoir conservé ce chagrin, cette tragédie ?
Elle n’eut pas le loisir d’y penser plus longtemps, Neville revenait justement dans la pièce, suivi de sa grand-mère. Ce n’était pas la première fois qu’Hannah la rencontrait, elle l’avait toujours vu sur le quai du train lorsqu’ils partaient pour l’école, l’avait croisé sur le Chemin de Traverse et l’avait même salué lors du mariage de Harry Potter et Ginny Weasley deux ans auparavant. Mais aujourd’hui était différent, aujourd’hui Neville l’avait amené en tant que petite-amie officielle et Hannah avait angoissé toute la nuit rien qu’à cette idée. Elle rejoignit son compagnon sur un des divans et s’assit à ses côtés, n’osant ni parler ni continuer de regarder autour d’elle. Augusta Londubat s’installa dans un fauteuil et les regarda sans dire mot pendant quelques minutes. Le temps s’étirait. Ce fût finalement Neville qui rompit ce silence pesant.
- Hannah travaille au Chaudron Baveur grand-mère. Tu l’y as peut-être déjà rencontré ?
- Il est inutile de me rappeler le travail de ton amie, tu m’en as déjà parlé à plusieurs reprises et je ne suis pas encore gâteuse, lui répondit-elle impériale.
Hannah se figea encore un peu plus sur son coussin tandis que Neville levait les yeux au ciel.
- Et il est parfaitement inutile de te montrer froide et détachée avec Hannah, je te l’ai aussi rappelée à plusieurs reprises.
Surprise, Hannah rougit fortement en entendant sa litanie. Cela ne ressemblait pas à Neville de répondre aussi brusquement, même pas à sa grand-mère si on en croyait l’expression d’étonnement puis d’amusement qui s’afficha un bref instant sur son visage.
- Très bien. De quoi souhaites-tu que nous discutions alors ?
- Raconte nous donc ton dîner avec les anciens de Poudlard.
Cette fois, c’est un sourire qui apparût sur le visage d’Hannah. Neville lui avait parlé à plusieurs reprises des dîners annuels de sa grand-mère. Elle avait d’abord refusé de s’y rendre, argumentant que ces repas n’étaient fait que pour des anciens qui souhaitent se congratuler de leur vie passée, puis avait cédé sous l’insistance de son beau-frère Algie lui aussi invité mais également du professeur McGonagall. Cela avait beaucoup fait rire Hannah de savoir que son ancien professeur de métamorphose se rendait une fois par an à une réunion d’anciens élèves. Mais après tout, en tant qu’enseignante de Poudlard, il ne devait pas être si facile de maintenir une vie sociale !
- … nous a raconté qu’il avait recroisé Meagan Beaumont mais qu’il ne l’avait pas reconnu. Elle est devenue une vraie petite vieille sans aucune conversation !
- La dernière fois que je l’ai vu, elle m’a appelé Harold ! Elle m’a encore confondu avec grand-père… ajouta Neville.
- C’était une des sorcières les plus brillantes de notre époque, se rappela Augusta, mais aussi une des plus malveillantes. Je n’ai jamais compris ce qu’elle faisait à Poufsouffle. Elle aurait pu élever Rita Skeeter ! Vous lisez les chroniques de Skeeter, Hannah ?
La jeune fille sursauta à cette question directe. C’était la première fois depuis son arrivée que la grand-mère de son petit ami s’adressait directement à elle. Elle se sentit rougir et essaya de répondre sans bafouiller.
- Heu… je… je connais Rita Skeeter évidemment mais je ne suis pas une de ces lectrices. Pas depuis Poudlard en tout cas. Elle s’est beaucoup acharnée sur certains camarades l’année du Tournoi des Trois Sorciers et je… enfin depuis je ne lis plus ces chroniques.
Mrs Londubat la regardait d’un air approbateur. Un bon point pour moi se dit Hannah, apparemment ne pas apprécier une journaliste pouvait vous faire grimper dans l’estime d’une personne !
- Il est certain que Mrs Skeeter adore faire feu de tout bois, particulièrement avec n’importe quel potin de n’importe quelle célébrité. La façon dont elle s’est acharnée sur Harry Potter puis Albus Dumbledore est inadmissible. Je n’achète plus la Gazette du Sorcier depuis sauf lors de rares exceptions et j’avais écrit au journal en leur demandant de la renvoyer et d’embaucher de vrais
journalistes capable de retranscrire l’information sans la déformer. Barnabas Cuffe ne m’a jamais répondu !
Ne sachant trop quoi répondre, Hannah se contenta d’hocher la tête. Le silence se réinstalla, s’étirant en longueur. De nouveau, Neville le brisa.
- Avec Hannah, nous partons en vacances dans les Alpes cette année, c’est en France.
Sa grand-mère accepta le nouveau sujet de conversation.
- J’y suis allée une fois après Poudlard. Ton grand-père et moi étions mariés depuis quelques mois et nous avions décidé de visiter la France. Je me rappelle avoir visité Chamonix, la partie sorcière de la ville. Nous y avions rencontré un sorcier qui utilisait des cristaux magiques. Les Moldus les mettent dans les musées alors que certains concentrent énormément de magie et peuvent être très utiles pour les archimages par exemple.
- Ce qui nous intéresse, c’est les randonnées dans les montagnes, expliqua Neville. Nous comptons nous y rendre au printemps. Il paraît qu’il y a des spécimens magnifiques de Puffapod. J’espère pouvoir en trouver et en ramener pour les mettre dans le jardin. Luna en a vu dans l’Himalaya l’an dernier, ajouta t-il à l’intention d’Hannah.
- Je suppose que tu comptes les replanter dans ta serre ? Demanda sa grand-mère.
- Oui, bien sûr, dans mon appartement ce ne serait pas possible.
- Tu veilleras à ce quelle soit suffisamment solide cette fois-ci !
- Je te l’ai déjà dit, c’était un accident, ce bulbe sauteur n’aurait pas dû pouvoir sortir de son pot ni casser la fenêtre !
- D’ailleurs, pourrais-tu aller vérifier que la porte est solidement fermée ? J’ai cru l’entendre grincer ce matin.
Neville resta immobile un instant tandis qu’Hannah sentit la panique la gagner. Il n’allait tout de même pas l’abandonner dans ce salon avec sa grand-mère pour aller vérifier une porte ? Le regard de son petit-ami passait de l’une à l’autre. Celui de sa grand-mère était déterminée. Elle souhaitait visiblement que Neville quitte la pièce un instant ce qui angoissa Hannah encore un peu plus. Finalement, elle le vit se lever et se diriger vers la porte.
- Je reviens rapidement.
Hannah déglutit difficilement mais hocha tout de même la tête.
- Mon petit-fils semble beaucoup vous apprécier.
Ce n’était pas une question ni même une accusation mais une simple phrase prononcée d’un air très détaché.
- Oui, je… c’est vrai. Enfin je veux dire, je l’aime beaucoup moi aussi vous savez.
- C’est la première fois, ajouta t-elle simplement. J’ai rencontré certains de ses amis mais il n’avait jamais pris la peine de me présenter une jeune fille.
Ne sachant que répondre, Hannah hocha une nouvelle fois la tête.
- Je n’ai rien contre vous, sachez-le. Je souhaite simplement être certaine que vous ne souhaitez pas profiter de la notoriété qu’il a acquis après la bataille de Poudlard.
Cette fois Hannah fronça les sourcils.
- Je ne suis pas avec Neville pour ce qu’il a fait à Poudlard mais pour ce qu’il fait aujourd’hui. Nous étions dans la même année à l’école, nous avons combattu et résisté ensemble en septième année, je l’ai vu se battre courageusement lors de la bataille mais ce n’est pas pour ça que je suis avec lui, précisa t-elle encore.
- Il a cependant été extrêmement courageux à cette occasion, c’est vrai, sourit la vielle dame. Il s’est montré digne de son père ce jour là.
- Il est toujours digne de son père, répondit Hannah de façon un peu abrupte. Enfin, ce que je veux dire c’est qu’il n’a pas besoin de tuer un serpent ni d’être Auror pour être digne de lui. Il est heureux en tant que botaniste et c’est tout ce que je veux, qu’il soit heureux et si possible avec moi.
- Ne croyez pas que je ne sois pas fière de lui. Je le suis évidemment mais j’aurais tellement aimé qu’il reste à son poste d’Auror, comme une sorte de revanche sur le passé.
- Mais ce n’était pas le métier que je voulais, lui répondit la voix de son petit-fils.
Neville était revenu. Depuis combien de temps était-il là ? Hannah n’en avait aucune idée. Avait-il entendu ce qu’elle venait de répondre à sa grand-mère ? Il se rassit tranquillement auprès d’elle, un peu plus proche que précédemment.
- Grand-mère, je ne suis devenu Auror que pour aider Harry après la bataille de Poudlard. J’ai toujours dit que je ne voulais pas y faire carrière. Il avait besoin d’aide pour faire le ménage et arrêter les Rafleurs et Mangemorts en fuite, je l’ai accompagné. Dès que j’ai pu j’ai arrêté et j’ai enfin fait ce que j’avais envie. Exactement comme Ron et je ne crois pas que Mr et Mrs Weasley le lui reproche.
- Je le sais bien, nous en avons déjà discuté. Je dis simplement que tu t’es montré extrêmement courageux pour défendre tes idéaux, tu aurais pu continuer.
- C’est aussi ce qu’il fait, s’entendit répondre Hannah. En étant heureux, en voyageant, en rencontrant de nouvelles personnes… C’est aussi ça défendre ses idées, vivre comme on l’entend malgré le désaccord de ses proches.
Le silence se réinstalla après la tirade de la jeune fille. Celle-ci était devenue rouge écarlate. Neville la regardait avec fierté et sa grand-mère la fixait sans qu’aucune émotion ne transparaisse sur son visage.
Durant ce qui parût une éternité à Hannah, personne ne parla. Elle n’osait plus ajouter quoi que ce soit et s’appliqua à contempler ses genoux. J’aurais dû me taire, se disait-elle, pourquoi je ne suis pas restée en dehors de cette conversation ?
- Et bien, je vois que tu as trouvé quelqu’un d’aussi loyal et courageux que toi, ce n’est pas si évident de nos jours. Vos parents doivent être fiers de vous Hannah.
A cette simple phrase, le coeur d’Hannah se serra. Malgré les années, les références à sa mère étaient toujours douloureuses. Tant bien que mal, elle essaya de cacher son chagrin pour renvoyer un sourire reconnaissant à la grand-mère de Neville.
- Hannah a perdu sa mère quand nous étions en sixième année grand-mère. Elle sait ce que c’est que de se battre pour défendre sa famille.
- Mais j’ai la chance d’avoir encore mon père, ajouta bravement Hannah. Nous sommes très proches l’un de l’autre. Nous nous aidons à… à continuer de vivre.
Doucement, elle sentit la main de Neville serrait la sienne. Elle se souvenait parfaitement des premières discussions qu’ils avaient eu à ce propos, ils avaient mis des mots sur leur blessure : Hannah s’était confiée sur le vide qu’elle ressentait toujours face à l’absence de sa mère, Neville lui avait expliqué comment il était difficile de se construire sans parents pour l’élever mais en grandissant tout de même dans l’ombre de ce qu’ils avait été et auraient dû être. Ces discussions, ils les avaient eu quelques semaines après leurs retrouvailles qui s’étaient faites lors de la commémoration de la bataille de Poudlard. Hannah se souvenait de la sensation de bien-être et de calme qu’elle avait ressenti à passer la journée aux côtés de Neville, elle ne l’avait pas vu depuis plusieurs mois mais l’événement les avait poussé à discuter plus qu’ils ne l’avaient jamais fait. On leur avait demandé de témoigner de la Résistance de Poudlard aux sorciers venus en hommage, les souvenirs qu’ils avaient évoqués à tour de rôle les avaient amenés à échanger des sourires tristes, nostalgiques mais aussi amusés. Se rappeler des escapades nocturnes visant à diffuser des messages de recrutement ou à récupérer des plantes dans les serres que le professeur Chourave laissait à leur intention pour soigner les blessés les avaient amusés. Les Poufsouffles se chargeaient généralement des plantes et de passer dans les cuisines au besoin. Les Gryffondors et les Serdaigles étaient en charge des plans d’actions et de leur mise en place. Se remémorer les blessures, les tortures qu’ils avaient subi avaient été plus difficiles, Hannah se rappelait des hurlements de Mickaël Corner alors qu’elle essayait en vain d’apaiser ses souffrances. Neville avait raconté les sorts de lacération qu’il avait subi en s’opposant frontalement aux Carrows. Et puis ils avaient terminé par l’espoir, celui qu’ils avaient ressenti en apprenant que Harry Potter était en vie, qu’il avait cambriolé Gringotts puis son arrivée à Poudlard avec Ron et Hermione. Ces instants leur avait redonné ce qu’ils avaient perdu depuis plusieurs semaines : une envie de se battre et de chasser les Mangemorts de Poudlard. Et ils avaient réussi. S’en souvenir les avaient amenés à échanger un regard ému. Après avoir fini cette journée, Neville lui avait proposé d’aller boire un café pour discuter. C’est à cette occasion qu’ils avaient réellement échangé sur leurs impressions. Ils s’étaient revus plusieurs fois, pour boire un verre puis pour dîner. Et un soir, Neville l’avait embrassé, d’abord de façon hésitante puis constatant qu’elle lui rendait son baiser, il l’avait intensifié. Ils s’étaient regardé un long moment après, refusant de briser la magie qui s’était installée, puis doucement Hannah s’était détachée de lui en souriant. Il l’avait raccompagné chez elle et la soirée s’était terminée sur cette délicieuse note d’espoir et de douceur.
- Hannah, Hannah ! Tu es toujours avec nous ?
La voix de Neville l’a ramena dans le salon de sa grand-mère. Il la regardait un peu perplexe.
- Grand-mère te demandait des précisions sur ton travail, dit-il d’un air satisfait. Le fait que sa grand-mère s’intéresse finalement à son métier semblait lui faire plaisir.
- Excusez-moi, je repensais simplement à la façon dont nous nous étions retrouvés l’an dernier.
Le sourire de Neville lui fit comprendre qu’il savait parfaitement à quoi elle pensait. De nouveau, il serra sa main dans la sienne. Hannah répondit par le même geste avant de se tourner vers sa grand-mère qui les observait, impassible en apparence mais avec un regard attendri. Finalement, cet après-midi n’était pas aussi désastreux qu’elle ne l’avait craint.