Les filles comme elles, on les traque.
Aux filles comme elles, on fait la peau.
Dès le temps des histoires, tête sagement posée sur l’oreiller, Pénélope a appris que le monde détestait les sorcières. Sa mère lisait, lisait, lisait, et Pénélope écoutait, écoutait, écoutait. Les brasiers crépitaient, les sorcières y brûlaient. Sous les lits, elles se cachaient, ou dans les replis de la nuit. Ongles griffus toujours prêts à la faire hurler, chat noir aux prunelles maléfiques, chaudrons bouillonnants, potions qui la métamorphosaient en d’affreux insectes ensuite pilés dans un mortier magique.
Et puis, des étincelles avaient surgi de ses mains de fillette, et Pénélope avait prié, prié, prié, pour que ce soit un signe de Dieu, et pas une condamnation du Diable.
Les étincelles n’étaient pas un cadeau. Après, tout avait changé. Les fenêtres claquaient au mauvais moment. La télévision s’allumait toute seule quand Pénélope entrait dans le salon. Les fleurs pouvaient surgir de son petit poing serré. Pénélope, robe bien repassée et pas un cheveu de travers, la parfaite petite, était devenue bizarre.
Mécontente, sa mère l’avait sommé d’arrêter. Pénélope avait essayé de s’expliquer. Mais elle avait bien vite arrêté. Elle ne récoltait que rires, crachats, et regards méprisants des adultes.
Pénélope avait été reléguée dans les ombres, les coins de la maison, les coins de la classe, les coins de la cour de récréation.
Pénélope était une sorcière. Et on faisait la chasse aux sorcières.
Et puis, une femme était apparue devant la villa proprette des Deauclaire. En la regardant à travers les rideaux, vêtue d’une longue robe en tartan, avec des lunettes carrées, un chignon sévère, et un étrange chapeau qui ressemblait un peu trop aux chapeaux pointus des contes, Pénélope avait pensé que cette apparition était une nouvelle malédiction.
Il s’était avéré que Minerva McGonagall était sa salvation.
Elle avait réduit au silence les protestations du père et de la mère, avait adressé un sourire mince et chaleureux à Pénélope, et lui avait tendu un miracle sous la forme d’une lettre.
La lettre était son évasion. Sorcière avait filé sur son balai.
Pénélope savait que ses parents avaient été ravis de se débarrasser d’elle, puisque de l’eau bénite et un exorciste n’avaient pas marché, mais elle préférait faire semblant qu’elle s’était échappé plutôt que jetée dehors.
Bien sûr, ses parents ne l’avaient pas non plus accompagnée acheter ses fournitures. Bravement, elle y était allée seule.
Toute petite avec son énorme valise, elle s’était perdue sur le Chemin de Traverse. Il avait fallu une heure d’errances, terrorisée et au bord des larmes, avant qu’un homme roux à lunettes ne remarque sa détresse et ne se dévoue pour l’aider à faire ses courses à travers les différentes boutiques. Les étincelles avaient explosé de joie quand elle avait saisi sa baguette, et enfin, Pénélope avait laissé couler ses larmes.
L’homme l’avait raccompagnée dans son quartier, tout en pestant contre les « Moldus sans cœur » pour tout ce que ça pouvait vouloir dire. Il avait serré la main de ses parents, s’était présenté comme un certain M. Weasley et, ignorant leurs regards scandalisés sur sa robe verte, leur avait résolument fait un sermon sur la famille et l’importance de surveiller ses enfants, car il avait lui-même des enfants et ne pouvait pas imaginer les laisser à eux-mêmes ainsi. Pénélope l’avait regardé avec des yeux écarquillés et un sentiment chaleureux dans la poitrine. M. Weasley lui avait caressé les cheveux et lui avait dit que son troisième fils faisait également sa rentrée. Que surement, ils se retrouveraient à Poudlard. Cet homme étrange la regardait, et Pénélope avait l’impression d’exister de nouveau, comme s’il la voyait, malgré les ombres dans lesquelles on l’avait reléguée si longtemps. Il la regardait avec gentillesse, loin du dégout et du mépris, et Pénélope oublia qu’elle était une maudite sorcière.
Dans le train qui l’amenait à Poudlard, Pénélope retrouva effectivement le fils de M. Weasley. Roux comme lui, avec des lunettes comme lui, il maugréait beaucoup, mais il accepta de partager sa cabine avec elle.
Il était ridiculement facile de devenir ami avec Percy Weasley. Appliquée, déterminée à être acceptée, Pénélope copia ses manières, apprit goulument tout ce qu’on lui donnait. Elle fut répartie dans une autre maison que lui, mais se plut chez les Serdaigles érudits.
Enfin, Pénélope pouvait correspondre à ce qu’on attendait d’elle. Enfin, elle pouvait devenir parfaite.
Finie, la chasse aux sorcières.
A un détail près.
Pénélope avait encore une bizarrerie, un défaut impossible à éradiquer. Elle avait beau essayer d’aimer Percy Weasley et de lui retourner ses affections, elle en était incapable. Son cœur ne se dégelait pas, elle ne ressentait pas le feu promis.
Aucun autre garçon non plus. Pas même le beau, le parfait Roger Davies, qui attirait toutes les filles.
En revanche, chaque regard partagé avec son binôme de Potions enflammait son bas-ventre. Son binôme de Potions, la jolie Alicia Spinnet.
Aux filles qui aiment les filles, on fait encore la chasse, a découvert Pénélope.
Les filles comme elles sont des sorcières. Mais pas le bon genre de sorcières.