1 - Chasse aux sorcières
Albus avait été dehors, devant la maison, profitant du soleil, quand son père était rentré de ses courses du dimanche. Mais il ne portait pas ses sacs habituels au bout de ses bras, placotant joyeusement avec une Ariana de six ans qui gambadait à ses côtés. Non. Il avait le visage fermé, colérique, et une masse de quelque chose de mouillé dans les bras.
Seulement une fois que Perceval s’était approché de la porte Albus avait-il reconnu sa sœur. Ariana était trempée de la tête aux pieds, le visage blanc, les yeux vides, les lèvres ouvertes en un cri silencieux. Elle ne vit pas Albus, mais lui ne put jamais oublier cette image.
Il entendit, comme s’ils venaient de très loin, les cris de sa mère, ses questions, les réponses abruptes de son père. Il vit Aberforth accourir, lâchant son jouet derrière lui, et passer un petit doigt sur le visage d’Ariana pour essuyer une larme qui y avait coulé.
Il ne pouvait pas bouger.
Toujours comme si on lui avait envoyé un Assurdiato, il vit son père mettre la petite dans les bras de Kendra et faire demi-tour, faisant fi des supplications de sa femme, de ses cris. Albus devina qu’il partait venger Ariana. Faire souffrir ceux qui lui avaient fait du mal. Il aurait voulu se lever, encourager Perceval, même le suivre, se joindre à sa mission vengeresse.
Mais il restait figé sur son banc. Il ne pouvait pas bouger.
Kendra rentra dans la maison, murmurant des paroles réconfortantes à sa fille. Aberforth les suivit, jetant un regard à son frère en le dépassant.
Et Albus resta dehors.
Pendant des années, on dirait de lui qu’il était insensible, qu’il ne s’était jamais préoccupé de sa famille, que le malheur qui avait frappé sa sœur ne lui avait fait ni chaud ni froid. Mais c’était faux. Ce jour-là, il avait cru qu’on lui arrachait un morceau de cœur, et il n’avait rien pu y faire. Il avait voulu – oh, Merlin, comme il avait voulu ! –, mais il n’avait pas pu.
Il porterait ce moment comme sa plus grande honte jusqu’au jour de sa mort.
2 - Sans toit ni loi
— Amycus ! jappe mon père, déjà loin devant moi. Dépêche !
Je resserre ma cape autour de moi contre le froid et presse le pas.
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de ma sœur. Elle a dix-sept ans, et a demandé comme seul cadeau de « faire son sang ». Faire son sang, c’est la tradition des Mangemorts et des enfants de Mangemorts de tuer ou blesser grièvement quelqu’un à l’aide de magie le plus tôt possible après sa majorité. Elle aurait pu attendre à l’été, mais Alecto n’a jamais été particulièrement patiente.
Alors notre père a dit à Poudlard que notre oncle était décédé et que nous devions absolument manquer les cours pour assister à ses funérailles.
Nous n’avons pas d’oncle.
À la place, nous voici dans un quartier mal famé de Londres en pleine nuit, au mois de février. Le froid est mordant et la neige qui macule par endroits les trottoirs est presque aussi grise que le béton qu’elle recouvre.
Quelque chose me pousse à entrer dans l’allée obscure que mon père et Alecto viennent de dépasser sans la voir. J’avance de quelques pas avant que mon pied bute sur quelque chose. J’allume ma baguette, et la lumière éclaire une jeune femme brune engoncée dans un sac de couchage, qui se tire difficilement du sommeil.
— Amycus ! hurle mon père de la rue. Qu’est-ce que tu fous ?
— J’en ai trouvé une !
Une Moldue jetable, comme disent mes parents et leurs amis. Je ne me sens pas du tout coupable de causer sa mort ; j’ai juste froid, et plus vite c’est fait, plus vite on pourra rentrer. De toute façon, Alecto finit toujours pas avoir ce qu’elle veut, et si c’est pas cette Moldue-là, ça sera une autre. Alors je regarde les yeux bruns encore remplis de sommeil passer de mon père à moi avec incompréhension, et je hausse une épaule.
Quand Alecto arrive à mes côtés, je lui dépose un baiser sur la joue.
— Joyeux anniversaire, ma grande sœur adorée.
Elle m’ébouriffe les cheveux et s’avance vers la fille en sortant sa baguette.
— Endoloris !