Un malheur ne venait jamais seul.
Cela au moins était une chose de sûre
Drago venait de perdre sa grand-mère, morte assassinée dans son propre jardin. Et il fallait maintenant que la folie cupide de Lucius vienne mettre son mariage en péril ?
Elle refusait tout simplement de laisser faire cela, même si pour agir elle devait mettre en péril sa propre sécurité.
Après tout Ernan Cirventès, le type chez lequel elle avait fait irruption en catastrophe, avait osé faire embrasser Astoria par son propre fils ! Et tout ceci afin de déclencher un scandale propre à ruiner les fiançailles de Drago ? Mais par Merlin, elle allait le tuer !
A cet instant, la rage qu'éprouvait Narcissa aurait pu, sans aucun doute possible, la faire basculer dans la sauvagerie si son caractère prudent et servi d'une solide expérience ne l'en avait pas empêchée.
Elle restait pourtant plus en colère que jamais, contre Ernan Cirventès bien-sûr, mais aussi et surtout contre Lucius qui, elle le savait, venait encore une fois de tenter de prendre le contrôle d'une situation qui lui déplaisait, parfaitement insensible au danger qu'il pouvait faire courir à Drago et à la peine que celui-ci pourrait ressentir.
Lucius n'avait jamais été en mesure d'assurer la sécurité et le bonheur de son fils, et ce soir Narcissa qui était plus furieuse que jamais accusait clairement le coup.
Il n'était plus digne de sa confiance, à présent elle ne pouvait plus le nier, et tous ceux qui gravitaient autour de lui étaient plus dangereux encore.
Aussi, c'était avec la ferme détermination d'en finir une bonne fois pour toutes et d'assurer la sécurité de son fils que Narcissa entrait à présent dans le bureau de l'avocat Cirventès, l'homme qui avait aidé Lucius à tenter de mettre à mal son mariage avec Astoria :
- J'espère pour vous, avant toute chose, Lui dit-elle avec froideur et sans le moindre préambule. que cette histoire n'aura aucune suite dramatique.
- Dois-je appeler votre mari ? Lui demanda en retour Ernan Cirventès d'une voix polie mais presque ironique.
- Inutile, répliqua froidement Narcissa. Après toutes ses dissimulations à mon égard, je pense qu'il pourra supporter que nous ayons une conversation privée tous les deux, hors de sa présence j'entends. De toute manière, j'imagine que vous lui raconterez tout.
- Si je puis me permettre, Mrs Malefoy, répondit l'avocat sur un ton faussement mesuré. Et terme de dissimulations, je pense que votre mari n'est pas celui de vous deux qui aura caché le plus de choses à l'autre.
Il faisait référence, bien-sûr à ce que Lucius avait découvert quelques mois plus tôt quant-à l'héritage des Black et des Lestrange, à ce qui conditionnait chacun de ses actes depuis en fait.
- Premièrement, répondit Narcissa sans toutefois se démonter. Les informations que je transmets ou non à mon mari ne font l'objet d'aucun droit de regard de votre part. Deuxièmement, puisque vous êtes maintenant au courant, sachez que la protection de ma nièce a toujours été ma priorité et que donc, oui, il m'a semblé particulièrement judicieux de taire certaines choses...
Il s'affrontèrent un instant du regard avant qu'elle n'ajoute sur un ton encore plus coupant :
- Et, troisièmement, revenons à l'affaire qui nous occupe actuellement... Je ne suis pas venue ici pour qu'un malotru de votre trempe se permette de me faire la morale.
- Un malotru, dîtes-vous ?
L'homme semblait offusqué, parfaitement scandalisé même. C'était tant mieux. Au moins elle aurait la satisfaction de l'avoir atteint ;
- Exactement Ernan, dit-elle sur un ton presque désinvolte. Vous êtes un malotru et je pourrais même aller plus loin. Une crapule dont le fils vient d'agresser ma bru !
- Astoria Greengrass n'est pas votre bru, lui rétorqua Ernan Cirventès. Pour cela, il faudrait qu'elle soit mariée à votre fils.
C'en était trop, Narcissa tira sa baguette et en menaça le notaire :
- Et cela ne saurait tarder, vous m'entendez ? Aussi je vous préviens : mêlez-vous une fois de plus de nuire à Astoria Greengrass, bientôt Malefoy, et je me chargerai personnellement de vous le faire regretter.
- Vous comptez donc trahir votre mari, dit-il froidement. Exactement comme vous avez trahi le Seigneur des Ténèbres ?
Comme Narcissa sursautait, il ajouta :
- Hé oui, Mrs Malefoy. J'en sais des choses... Il s'en est dit beaucoup sur votre compte depuis la Bataille de Poudlard, et pas seulement sur vous d'ailleurs. Le sort tragique qui a été réservé à celle qui était à la fois votre belle-mère et votre tante ne devrait pas tant vous étonner, si vous y réflechissez bien... De nombreux sorciers respectables vous en veulent, Mrs Malefoy.
Narcissa restant muette, il ajouta :
- Mais qui l'aurait cru hein ? Dîtes-moi... Qui aurait cru qu'une descendante de la famille Rosier et de la famille Black réunies prenne un jour ce genre de parti ?
- Qui l'aurait cru oui ? Répliqua Narcissa.
Sa surprise passée, la détermination reprenait le dessus :
- Qui aurait cru, ajouta t-elle froidement. Que je n'aurais pas tout osé pour protéger mon fils ? Et qui pourrait croire que je ne sois pas disposée à tout oser de nouveau ?
La baguette pointée sur l'avocat qu'elle gardait en joue par mesure de prudence, Narcissa quitta le bureau à reculons. Ce type était dangereux, elle le savait parfaitement à présent. Quelque-chose lui disait même qu'elle était en danger et qu'il serait suicidaire qu'elle s'attarde ici.
Il avait raison sur un point : Nephtis Malefoy était morte d'avoir joué avec le feu. Il pouvait donc lui arriver la même chose.
Et elle était seule, désespérément seule.
En sortant de la propriété de l'avocat qu'elle avait quittée derrière ses derniers invités, Narcissa choisit de transplaner immédiatement vers un lieu qu'elle n'avait plus cessé de visiter en secret depuis cette si terrible année où le Seigneur des Ténèbres avait remis un pied dans le monde des vivants.
Pourquoi retourner secrètement dans la demeure familiale de sa branche des Black ? Hé bien parce que c'était là que, n'en déplaise à Lucius, elle avait son propre quartier général à elle...
Là où elle menait les affaires que, pour la sécurité de son fils, de sa nièce et pour la sienne, elle devait cacher à son propre mari. C'était également dans cet endroit qu'elle rencontrait en secret sa sœur survivante, quoique ces échanges n'aient eu lieu que trois fois depuis la Bataille de Poudlard.
Le temps n'avait malheureusement pas eu raison de toutes les blessures.
Elle trébucha presque en se matérialisant juste devant l'entrée de l'antique demeure familiale, et frissonna comme d'habitude au moment où elle en actionnait le portail d'un coup de baguette.
Aujourd'hui, elles n'étaient plus que deux, Androméda et elle-même, à y avoir accès. Car la Maison des Black était contrôlée par un sortilège de Fidelitas qu'elles avaient renouvelé avec sa sœur pour plus de sûreté, juste après la fin définitive du Seigneur des Ténèbres.
Elles étaient alors en pleines démarches pour recueillir l'héritage de leur branche des Black et Narcissa avait exigé la plus grande prudence et le secret total. Car elle savait que ce patrimoine était pour elles comme une épée de Damoclès, prompt à les fendre en deux.
Le sort réservé à la pauvre Nephtis quelques jours plutôt pouvait en témoigner.
C'est donc en prenant soin de vérifier qu'elle n'était pas épiée qu'elle entra dans le jardin et gagna la porte de la maison : une épaisse paroi de chêne massif encastrée au milieu de la façade et surmontée d'un diable cornu.
Les Black avaient bâti cette maison de style XV° siècle à la fin du Moyen-Age, et celle-ci avait eu la chance de survivre au Grand Incendie de Londres.
Ou plutôt, les sorciers qui se trouvaient à l'intérieur étaient parvenus à repousser les flammes. Mais la tragédie les avait ensuite forcés à dissimuler la demeure aux yeux des moldus afin d'éviter les persécutions.
Il ne faisait pas bon réussir en effet, là où tout le monde échouait.
C'était la première demeure des Black, bâtie bien avant le 12 Square Grimaud. Elle était haute de quatre étages, faîte en pierres de taille avec un profond sous-sol creusé directement dans la roche.
On pouvait dire qu'elle était plutôt bien entourée : mitoyenne de la maison des Nott qui se trouvait juste à côté et bordée d'un jardin sur deux de ses quatre côtés, dont celui de la façade principale. La maison comportait également une façade latérale qui donnait directement sur la rue tandis que l'autre était bordée du jardin en trois niveaux s'étalant sur le côté et en hauteur à l'arrière de la maison.
L'ensemble était entouré de très hauts murs et fermé par un portail orné de têtes de mort stylisées dans un style très médiéval.
La maison était incartable et invisible des moldus grâce à un puissant maléfice qui avait survécu jusqu'à ce jour. Et par prudence, Narcissa n'avait jamais révélé à Lucius, ni à personne d'ailleurs, qu'elle en avait repris le contrôle après la guerre et celui-ci la croyait donc totalement perdue.
Mais, abandonnée ou non, la demeure Black suintait toujours la Magie Noire par chacune de ses pierres moulurées, une manifestation encore ostensible de ce qu'avait été le clan dans une époque lointaine.
Des guérisseurs tout d'abord, puis de richissimes fabricants de potions et de poisons divers. Ils s'étaient en effet considérablement enrichis en inventant le très célèbre Polynectar au milieu du XV° siècle.
Les Black aimaient la belle magie, certes, mais également les arts obscurs, pas toujours pour un usage modéré d'ailleurs et ils étaient à l'origine de quelques autres trouvailles plus que polémiques.
Sur les dernières générations, la famille avait décliné lentement tout en conservant une aura et une aisance difficilement égalable. Si tous ses membres étaient restés unis, peut-être même que les cinq enfants dont faisait partie Narcissa auraient porté le clan bien plus haut que ce qui ne s'était jamais vu. Après tout, il y aurait pu y avoir de quoi.
Regrettait-elle cependant la manière dont les choses avaient tourné ? Dans le passé elle aurait dit oui sans hésiter, mais aujourd'hui elle n'en était plus si sûre.
Pour le reste, la maison des Black restait une demeure sorcière riche mais assez typique en définitive de ce qui pouvait se trouver en Grande-Bretagne : plusieurs niveau, isolée ou dissimulée soigneusement, possédant un jardin aux simples et quelques recoins secrets à l'intérieur comme à l'extérieur.
C'était une demeure d'artisan potionniste dans tout ce qu'il y avait de plus courant au Moyen Age. Sa seule spécificité étant son luxe et sa taille immense.
Même après toutes ces années à fréquenter les lieux en temps que propriétaire légitime, Narcissa se sentait intimidée et presque malvenue à présent qu'elle se tenait à l'entrée. Elle actionna pourtant la poignée de la porte avec des gestes hésitants avant de pousser le lourd panneau de chêne massif qui pivota sur ses gonds avec le grincement sinistre habituel.
Pourtant, ce n'est qu'une fois entrée qu'elle ressentit le véritable choc, comme à chaque fois en vérité, comme si elle était revenue tout d'un coup des années en arrière. Les souvenirs se bousculèrent aussitôt dans son esprit.
C'était presque comme si, devant elle, la maison avait soudain repris vie.
Le Rez-de-Chaussée abritait le hall immense qui séparait la maison en deux et dans lequel on ne pénétrait que pour sortir en ordre rapproché.
Ce n'était pas une construction d'origine dans cette maison médiévale, mais plutôt un vestige de l'époque où deux frères se l'étaient partagée, avant que l'héritage des Black ne s'enrichisse d'une autre demeure au 12 Square Grimaud.
Le hall donnait sur le bel escalier de grès poli par le temps, sur lequel elle avait glissé plus d'une fois. Sa rampe de bois aux motifs contournés l'avait sauvée d'une blessure à plusieurs reprises.
Du côté gauche, on trouvait une porte descendant en profondeur vers la cuisine et la cave, porte dissimulée par un lambris de bois sombre semblable au reste des murs du hall. C'est également à gauche que l'on trouvait la Salle à manger et le salon.
Du côté droit, une vaste bibliothèque pouvait faire office de salle de réunion pour plusieurs dizaines de convives. Et Narcissa se souvenait presque douloureusement du temps où son père y réunissait ceux qu'elle savait aujourd'hui faire partie des Chevaliers de Walpurgis.
C'était bien les seules réunions qu'elle n'avait jamais osé épier, même cachée sous sa cape.
Il avait donc toujours fallu que sa famille soit mêlée à toute ces choses ? Elle savait depuis, comment les choses s'étaient passées.
Comme dans toute l'Europe, les Chevaliers de Walpurgis formaient une organisation secrète qui faisait en sorte d'infiltrer les Ministères avec un but précis : assurer le droit absolu des familles de sorciers de souche et éviter à tout prix les mélanges, tout en donnant aux sorciers le plus de droits possibles face à une Confédération Magique Internationale surtout préoccupée par le respect du Secret Magique.
Seulement, alors que Narcissa, ses sœurs et ses cousins n'étaient encore que des enfants, un autre pouvoir, une autre société secrète avait commencé à voir le jour. Et c'était cette seconde organisation qui avait finalement happé Regulus et Bellatrix, puis l'ensemble des familles traditionalistes : les mangemorts.
Rien que l'idée de ce qui s'était passé par la suite suffisait à présent à ce qu'un goût amer revienne dans la bouche de Narcissa, et pour l'heure, cela lui rendit aussi ses esprits.
Elle emprunta l'escalier d'un pas vif.
Au premier étage, on trouvait le salon des femmes où Druella Black avait passé tant d'heures livrée à la solitude, des sanitaires dissimulés et le bureau de travail de son père. Une petite pièce ouverte sur le salon des femmes avait également abrité leurs leçons d'enfants.
Narcissa avait fait de cet étage le sien, et dans un élan de revanche elle s'était approprié le bureau de son père quelques années plus tôt.
Mais avant de pouvoir l'utiliser, il lui avait fallu le débarrasser de bon nombre de charmes sensés protéger son propriétaire légitime. En cela Jaody, qu'elle avait sollicité en secret, l'avait particulièrement bien aidée quitte à devoir travailler la nuit.
Mais après tous ces efforts pénibles, ce bureau était à présent le sien.
En fait, ce Quartier Général dans son ensemble était devenu le sien : un lieu où elle pouvait mener ses affaires secrètes, se replier en cas de coup dur et même...
Se cacher avec sa famille si un jour le besoin s'en faisait sentir. C'était d'ailleurs précisément pour cela que cette maison l'avait particulièrement intéressée au départ : elle était un refuge potentiel si les choses devaient mal tourner, une possibilité de cachette où ils n'auraient à craindre qu'Androméda, autant dire pas grand-chose.
Oui, ils pouvaient tenir des mois là-dedans, et à plusieurs.
Au deuxième étage en effet se trouvaient l'ensemble des chambres, ainsi que la salle des archives familiales avec l'arbre généalogique semblable à celui du 12 Square Grimaud.
Et enfin, le dernier étage qui donnait sur une vaste terrasse était entièrement consacré à la pratique de la Magie. Un laboratoire de potions, une grande salle d'armes et une pièce destinée à toutes sortes de manipulations y avaient été aménagés au fil des décennies.
Narcissa avait tout ici, et en cet instant elle envisageait sérieusement de venir s'installer dans cette demeure.
Pourtant quelque-chose la retenait : Pas Lucius car elle aurait pu le quitter si elle l'avait osé, mais plutôt la perspective de devoir rester cachée et ignorée de tous.
Non, elle ne supporterait pas de se voir privée de Drago et savait au fond d'elle-même que se terrer quelque-part ne serait pas une solution.
Et puis, cette maison ne lui plaisait pas, c'était aussi simple que cela. Elle ne pouvait tout simplement pas envisager de faire sa vie entre ces murs quand une simple visite suffisait à lui donner une telle impression d'illégitimité.
Au fond, peut-être qu'Ernan Cirventès avait raison : elle n'était plus qu'une traîtresse après tout.
Mais pourquoi au juste ? Pourquoi avait-il fallu que sa vie prenne un tel tournant ?
Pourquoi avait-elle choisi de trahir le Seigneur des Ténèbres en ce soir d'été 1996 ?