C'est soudain et lent à la fois, ça l'a prise comme ça - quand, elle ne le sait pas - ; le ciel n'a jamais été si jaune.
Cho, qui sur son balai et ailleurs a connu les plus lourds nuages, a désormais perpétuellement le sentiment de voler entre les rayons du soleil.
Même sur terre, elle vole. La gravité ne pèse plus. Cho est légère, follement légère dans ce monde si brillant, si vivant, et tout étincelle car le voilà, oui...
- Te voilà.
Si les Phénix avaient un chant pour le bonheur, ce serait l'air que Cho a dans la tête quand le voilà. Et la voilà...
- Mais je ne sais pas, c'est indescriptible, je me sens...
Marietta pouffe et termine, moqueuse :
- Amoureuse.
Et Cho, étrangement soulagée, frappée par l'évidence, répète :
- Amoureuse.
Amoureuse et si profondément heureuse qu'un rire joyeux secoue tout son corps. Parce que c'est drôle, c'est une drôle de sensation. C'est ce moment où elle tape le sol du pied pour s'envoler.
Faussement agacée par son hilarité, Marietta tente de l'assassiner à coups d'oreillers. Les baluchons et les plumes sifflent ou sifflotent, et à l'issue de la bataille, Cho repose en étoile sur son lit bleu.
Tellement amoureuse.
C'est sa plus belle histoire. Et maintenant qu'elle le sait, tout est encore plus parfait. Elle comprend le ciel jaune, la neige dorée, l'hiver aux couleurs d'été.
- Tu n'as pas eu peur, quand ils t'ont demandée d'aller dans le lac ?
- Non, répond-elle en souriant.
Les grands bras de Cédric autour d'elle diffusent une douce chaleur dans le froid de février. Elle veut encore l'embrasser.
- Mais c'est peut-être parce que je suis...
Elle a envie de le prononcer lentement, en le regardant.
- Amoureuse.
Et Cédric répète, l'air encore plus heureux qu'après la victoire du jour :
- Amoureuse...
Elle le chantonne une troisième fois contre ses lèvres.
Tellement amoureuse.
C'est sa plus belle histoire, car elle le sait.
Et un beau jour, au milieu de son bonheur, au milieu des sourires rêveurs, au milieu des rires, des baisers, des mots tendres chuchotés, voilà, voilà, voilà qu'il meurt.
Alors soudain le ciel est noir et le soleil trop lourd. Soudain les jours s'épaississent et les couleurs ternissent. Car il est mort mais l'amour survit ; car il est mort et Cho vit.
Malheureuse.
Elle observe les cieux du terrain de Quidditch, mais ;
elle vient partager son diner, sentir avec lui l'air du parc ensoleillé, mais ;
elle cherche son odeur la nuit, mais
Il est parti.
Et Cho pleure. Elle pleure dans les mouchoirs, l'écharpe et les cheveux de Marietta.
- Il est parti.
- Je sais, Cho. Je sais.
- Il est parti.
Dumbledore dit : « Souvenez-vous de Cedric Diggory. »
A cet instant, Cho le sait, c'était sa plus belle histoire, car nul ne viendra après.