Prologue
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Juin 1999,
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Je cherche mes mots depuis déjà plusieurs minutes. Mon hôte ne se trouble presque pas. Debout à côté de moi, seul le son martelé de son cœur vient se mêler au chant estival des oiseaux sur les arbres chargés de feuilles et de fruits.
Je passe une main timide et mélancolique sur l’objet que je voulais revoir avant de parler plus avant. Son visage est encore jeune et fier, figé aux jours où elle devenait toujours plus belle, dans la fleur de sa jeunesse. Il y a peut-être déjà les graines de ce qu’elle deviendra, mais je ne les vois pas, comme je ne les voyais pas à l’époque.
Le grenier est plein de poussière. La table, aussi. La tapisserie, non. Les fauteuils, moins. Je respire lentement, avec hésitation. Je cherche mes mots depuis déjà plusieurs minutes, et j’ignore encore comment faire, comment je peux expliquer et raconter ce que je pense, ce que je présume, ce que je comprends.
Ce que j’ai maladroitement compris.
Peut-être puis-je commencer par un résumé. Résumer qui elle est. Qui elle était. Ses liens avec les autres. Ceux que mon hôte connaît vraisemblablement.
Peut-être puis-je pour une fois m’accorder un peu de temps pour moi. Me permettre de parler d’elle avec toutes mes faiblesses, reconnaître ce que j’ai manqué, ce que j’ai compris trop tard. Mon hôte ne me jugera sûrement pas.
Je passe une main tendre sur son visage d’une vingtaine d’années et je chuchote tout autant pour mon hôte que pour moi :
« Vous la voyez bien, Melania, sur cette tapisserie, non ?
— Oui, répond-il mais je ne l’écoute pas vraiment, premier privilège que je m’accorde depuis longtemps.
— Son nom est toujours brodé de fils noirs et or à côté de celui d’Arcturus. Elle est la mère de Lucretia et Orion Black. La grand-mère de Sirius et Regulus, les ultimes héritiers de la Maison des Black. Elle les a connus. »
Dire qu’un tel Arbre porte Melania. Si seulement elle était avec nous, au milieu des arbres en fleurs peuplés d’oiseaux ; et non avec Arcturus Black.
J’éloigne mes mains de son visage brodé et je relève la tête pour regarder mon hôte. J’hésite. J’en suis persuadé, mais… Et puis n’est-ce pas trop intime ? Remuer tout cela peut-il vraiment être profitable ?
Ces détails l’aideront sûrement. Et moi aussi, j’espère y voir ensuite plus clair.
« Elle adorait Regulus, elle disait qu’il ressemblait trait pour trait à son époux Arcturus. Très intelligent, très respectueux de l’honneur de la Maison des Black, un peu à part, un peu à l’écart du monde, mais toujours calme et pondéré. Un charme discret mais naturel et altier. »
Je crois qu’il va falloir que je m’assoie dans l’un des fauteuils un peu poussiéreux, loin de la fenêtre qui donne sur un jardin ensoleillé. Je crois que ce sera plus long que prévu si je veux qu’il comprenne à son tour.
« La paranoïa en moins. »