Quand il neige à gros flocons, c’est comme si la nature rabattait doucement sur elle une couverture de laine moelleuse et que chacun respectait sa volonté de dormir : il n’y a presqu’aucun bruit qui monte dans le ciel, si ce n’est parfois le croassement d’un corbeau ou le hululement d’une chouette encore éveillée. Mais autrement, il n’y a qu’un léger froufrou qui emplit l’air, même le son de la neige qui tombe est cotonneux, c’est dire ! C’est comme si le monde mettait ses pantoufles et marchait sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller la nature qui dort.
Quand il neige à gros flocons, ça fait des spirales dans le ciel, et parfois avec un peu de vent, on a l’impression de voir une danse un peu vive, mais comme des légères ballerines, les gouttes de neige ralentissent bien vite et ce n’est pas une chute de neige mais un tombé de neige, un posé de neige, un petit pas de neige, même. C’est beau et ça endort aussi un peu l’esprit de qui regarde le spectacle, tranquillement assis dans son fauteuil confortable.
Quand il neige à gros flocons, on dirait que Poudlard elle aussi s’apprête pour Noël, à tisser lentement puis revêtir doucement sa belle parure blanche, un tissu soyeux, un peu lourd, tout brillant et scintillant, et qui éblouira les yeux sous le gris Soleil d’hiver. Elle met délicatement ses derniers bijoux, stalactites de glace qui ourlent les gouttières, les chambranles et les pignons, diamants constellés et ouvragés. Et le soir, elle s’impose à tous dans la lumière blafarde de la Nuit, avançant ses plus hautes tours vers le ciel, montrant ses beaux atours et jouant avec le rideau de neige qui tombe.
Quand il neige à gros flocons, dans la Grande Salle, le plafond est gris, violet, bleu, noir, blanc, tout à la fois, il brille, scintille, et il fait rêver assurément les élèves, peut-être même aussi les professeurs, les fantômes et puis les bêtes. Qui n’a jamais imaginé danser avec la neige à l’aube d’un Noël à Poudlard ? Les lumières de la salle se reflètent dans les vitraux qui, à leur tour, renvoient des teintes glacées de neige, là-haut c’est l’alliance du chaud et du froid et ça donne des couleurs en feux d’artifice.
Quand il neige à gros flocons, les étudiants chaussent les bottines, enfilent les gants, ajustent les bonnets, montent bien haut le col des manteaux. Quand la neige cessera, trois choses capitales devront être faites : marcher le premier sur une portion de neige immaculée, pour la sensation et l’excitation, faire un bonhomme de neige, pour immortaliser l’instant pendant quatre ou cinq jours avant que tout ne fonde, et s’envoyer des boules de neige pour rire et s’essouffler avec ses amis. Puis, on rentre, on prend qui un thé brûlant, qui un chocolat chaud, et on s’enveloppe dans la douce chaleur qui émane des murs et des cheminées.
Quand il neige à gros flocons, on a tous une âme soit d’enfant soit de poète. Parfois on voudrait être l’un et on est l’autre. Dumbledore peut toujours rêver à l’existentialité mystique de son combat face à Grindenwald, se rappelant les falaises abruptes des Alpes autrichiennes, qu’il se laissera entraîner à une excursion dans le parc par McGonagall. Hagrid voudrait jouer avec son chien et se rouler dans le blanc et soyeux manteau avec lui, qu’il s’assied sur un muret et regarde les remparts, Crockdur fidèlement allongé à ses pieds, songeant au temps qui passe et à la vie qui demeure, aux élèves qui viennent et qui sont venus et au cycle infini des enfants des uns et des autres qui viendront, à leur tour, admirer Poudlard la belle sous la neige.
Quand il neige à gros flocons, tout est calme à Poudlard ; c’est la nature qui dicte la paix, pour une fois, et tous la respectent… pour une fois.