Quitte à détruire son monde, il irait jusqu’au bout, songeait-il amèrement.
J’ai failli, j’ai dévoilé le secret de mon ami, je l’ai dévoilé à un futur Mangemort, je suis une merde humaine, je ne vaux rien.
Je me suis fait virer de Poudlard, je le mérite, c’est bien fait pour moi. Un mois d’exclusion, c’est même pas assez pour ce que j’ai fait, Dumbledore est trop sympa avec moi, juste parce que j’ai de bonnes notes et que McGonagall a pitié de moi…
Il reste encore un truc à faire, pour tout raser du passé, définitivement.
Il pensait, ou plutôt laissait ses pensées coléreuses le submerger, car oui, qu’est-ce qu’il allait en avoir besoin, de la colère ! Le courage ne suffit pas pour ce que qu’il a à faire, ah ça non, car il est peu de Gryffondors qui seraient capables, à son âge, de savoir dire non, irrémédiablement, à leurs parents.
Fin d’après-midi automnale, pluvieuse, asphalte détrempé, couleurs bleues entre chien et loup, gouttières qui laissent tout tomber par terre, réverbères sur lesquels la pluie glisse, est-ce que ça serait cliché de dire que tout ça reflète bien son état d’esprit présent ? Il avance d’un pas élastique et déterminé, tourne un coin de rue, une autre, boucle suivi de près par son imaginaire qui retourne sans cesse ses pires souvenirs. Dans sa tête, ça n’avance pas, non, clairement pas, il faut en finir, vite, sinon il ne passera jamais à autre chose, il faut d’abord franchir la barrière infranchissable.
***
Elle l’attendait, la lettre d’exclusion à la main. Il l’attendait, le relevé de retenues à la main. Leurs baguettes à la main, ces mains vilaines, tordues par la rage, blanches par l’oisiveté, pernicieuses par les intentions qu’on leur donnait.
Eux aussi avaient manifestement des choses à lui dire, ou plutôt à lui hurler, preuves et coups à l’appui, sorts et contre-sorts à lui appuyer.
***
La même route, dans l’autre sens, mais ce n’est pas un retour en arrière, oh non, c’est une libération.
Il a récupéré la lettre, le relevé de retenues. Surtout, il a récupéré deux ou trois certitudes. Oui, il n’avait aucune affaire à prendre – tout est déjà à Poudlard, sa guitare acoustique, son harmonica, sa collection de vinyles, ses magazines de rock moldu, ses amis, sa liberté. Il était juste venu dire « je pars », et il est parti.
Bon ok, il n’a pas vraiment dit « je pars ». Il a crié lui aussi, il a tempêté, il a regardé par la fenêtre avec l’envie de devenir une goutte de pluie mêlée aux autres, parce que même à ce moment-là, ça a été dur. Rien n’a été épargné à personne, oh non.
Est-ce qu’il se sent mieux ? Il a du mal à définir clairement une réponse à cette question. Il a vidé sa colère, ça, c’est sûr, et par le même coup, lui d’ordinaire si énergique, a vidé toute son énergie. Ce n’est pas grave, il se remettra d’aplomb avec sa famille de cœur.
Cette famille de cœur… Il en pleurerait bien de cette réalité désormais tangible, s’il ne s’essuyait déjà pas les joues à cause de la bruine qui commence à perler sur sa peau refroidie.
C’est bon, il est parti.
Sirius Black, dans cette petite rue londonienne, commence à tracer les premiers pas de la nouvelle route qu’empruntera sa vie nouvelle et choisie.