Trop de colère, trop de rage, trop de trop-plein et trop de trop.
Vivre dans un monde en guerre. Perdre sa tante. Si c’était bien cela être amoureux, aimer une fille qui vivait en fin de compte avec un Avada Kedavra planant au-dessus de sa tête. S’inquiéter, se tourner le sang, se tourner l’estomac.
Bien sûr, ne pas être un ange, en fait, il faut dire les mots, un harceleur, lui aussi, soi-disant pour la bonne cause, mais un harceleur. S’en vouloir, mais recommencer, puis s’en vouloir, puis recommencer, jusqu’à en avoir mal au fond des tripes. Pleurer dans son coin car « Sirius, lui, a une vie pire que la mienne puisqu’il vit un enfer chez ses parents alors que moi j’adore mes parents », car « Peter, lui, a une vie pire que la mienne puisque ses parents ne s’occupent pas vraiment de lui, et il crève de leur indifférence », car « Remus se transforme tous les mois dans la fatigue et les blessures, se prend les pires préjugés de la société et est aussi dans le viseur de la guerre ».
Ne pas comprendre qu’on peut être privilégié et dépressif, et continuer à faire des « choses pas bien ».
Et puis un jour, un concours de circonstances, la salle d’attente, le pédopsychiatre de Sainte-Mangouste. Raconter sans fard, avec dureté parfois, mais aussi du courage et de la sincérité, hésiter à éluder des détails mais dans son regard faire passer tout ce qui est tu.
Thérapie, groupes de parole, rendez-vous échelonnés sur l’année scolaire, « personne ne saura rien » et c’est vrai qu’il passe déjà beaucoup trop de temps dans le bureau de McGonagall pour que quelqu’un se doute vraiment de quelque chose si c’est elle qui s’occupe de l’acheminer là-bas à heure fixe tous les quinze jours.
Et surtout, les antidépresseurs en fiole. Ce sont des antidépresseurs sorciers, « on commence par ceux-ci, ils sont plus doux que ceux Moldus », pourquoi pas, il fait confiance au professionnel.
Quand il les prend, ça lui fait du bien. Ca change beaucoup de choses, mais ça fait indéniablement du bien. Au début, c'est sûr qu’il a un peu l’impression d’être abruti, de somnoler, mais tant qu’à faire, ça lui permet de passer des vraies nuits, les premières depuis combien de temps ? Il ne pense plus, il s’allonge, ses yeux se ferment, et rien ne vient le troubler, et surtout rien qui n’existe déjà dans son propre cerveau ne vient le troubler.
Les jours qui suivent, il n’irait pas jusqu’à dire qu’il est devenu heureux. Mais il a moins envie de partir en vrille dès qu’on lui parle, il est moins irritable, et il ne s’énerve pas pour rien – quand on lui dit bonjour, ça ne le retourne pas qu’on lui dise bonjour, et quand on ne lui dit pas bonjour, ça ne le retourne pas non plus qu’on ne lui dise pas bonjour, alors qu’avant… Et ça l’aide à se concentrer sur ce qui importe vraiment, à ne pas se miner sur des futilités, et avoir un peu plus de lucidité sur le monde qui l’entoure.
Quand James s’amuse à faire filtrer la lumière du matin du huitième jour au travers de la texture légèrement opaque du filtre, il dit à voix haute au médicament :
« Merci, vieux. »