Pour l’Etudiant, cette année fut particulièrement insupportable. Perdu dans la grande masse devenue impersonnelle et uniforme des élèves, il devait se plier à un règlement absurde, un de ceux qui, en aliénant le corps pour des choses apparemment futiles, aliène en réalité l’esprit critique en profondeur. L’âme de l’Etudiant était rongée de l’intérieur par ces insinuations sournoises, ces semblants de bon sens, ces textes noirs d’hypocrisie et de subdivisions absconses et incompréhensibles.
Pour peu que l’Etudiant soit tout au moins particularisé par son appartenance à l’Armée de Dumbledore, cette année fut une année de lutte et de colère. Il fallait soutenir Harry, lâché jusque par le Ministère, par peur de devoir assumer politiquement le retour de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, sans doute. Et ceci passait par braver les ordres déblatérés par la Grande Inquisitrice.
La Grande Inquisitrice, ah ! L’Etudiant aurait pu en écrire des poèmes sur elle, des roses mais pas des tendres, non ! Ce rose dégoulinant de mièvrerie, qui allait jusqu’à affecter ses poses, sa voix, ses petits toussotements agacés et la régularité de ses pas sur les dalles des couloirs. Ce rose teintait tout ce qu’elle touchait, sauf l’écusson des Serpentards.
Ce rose, c’était comme une peinture au plomb, une couche toxique qui s’infiltre là où se trouvent les fissures, les doutes. La Grande Inquisitrice savait comment y faire ; ses manières soigneusement étudiées ne servaient qu’à la rendre plus distante, moins atteignable. Et derrière sa forteresse rose gardée par des chats et adoubée par les plus hautes autorités, elle lançait soigneusement ses flèches.
Elle blessait en perçant les âmes et les chairs de ses petits aiguillons lancés depuis son poste feutré. Elle tricotait son empire en piquant, à coups réguliers, ceux qui la contredisaient. Et sa cruauté s’étendait jusqu’à darder la peau de Harry jusqu’au sang, de cette pointe qui cherchait à lui faire mentir sa vérité sur les mensonges des autres.
Un constat amère pour l’Etudiante était que tout ce rose personnifiait cette femme, la précédait comme un prélat annonce l’arrivée de l’impératrice – de l’inquisitrice. C’était bien ça, au fond, le projet de cette grande inquisition : traquer les moindres idées progressistes pour les faire revenir au temps du Grand Tribunal de l’Inquisition, les faire juger par le tribunal arbitraire de la peur, celui qui, au lieu d’éclairer les faits par les lois de la justice, préfère les cacher sous les draps sombres et sales de l’obscurantisme. Ainsi, l’Etudiante, en tant que jeune fille, se sentait doublement visée par cette opprobre sur les soutiens de Harry et l’attribution du rose à la femme, à cause d’une femme, d’une tortionnaire.
Il fallut attendre le bout du bout de l’année – les examens ! pour que le calvaire s’arrête, ce que les vacances auraient tout aussi bien pu faire, du point de vue égoïste d’un élève qui rentre chez lui, content de passer à l’étape supérieure. En réalité, l’Etudiant et l’Etudiante savaient parfaitement que le calvaire s’était arrêté à cause de ce qui avait éclaté à la face du Ministère, un feu d’artifice rose parti en miettes qui avait révélé, en trame de fond, les machinations jusque dans le Ministère.
Ombrage n’avait pas eu le temps d’étrenner un premier cardigan rose bonbon à Poudlard à asséner perfidie sur perfidie, que Voldemort déclarait la Guerre au sein même du lieu où résidait son employeur. Même son départ, ce n’était qu’une hypocrisie ; elle sut bien se racheter, deux ans plus tard, auprès d’un nouvel employeur – dont, par pure affectation d’une coïncidence indépendante d’elle-même, elle avait tant nié l’existence.
Ce retournement de veste était peut-être plus douloureux qu’aucune aiguille qu’elle n’avait jamais lancé sur un Etudiant ou une Etudiante.