Sirius a l’air d’aller beaucoup mieux quand même. Un mois dans une clinique psychiatrique, ce n’est pas rien, mais il fallait bien un début à tout et en particulier à sa nouvelle vie. Ses amis, de leur côté, ont eu le temps de faire le point entre eux. Quant aux autres élèves, ils se disent juste que Sirius a dû faire une énorme bêtise pour être exclu un mois de Poudlard – certes, c’était vraiment une énorme bêtise. Pour Remus, toutefois, c’est aussi une libération, parce que son secret est bien gardé, Severus ayant eu, malgré tout, une forme de justice à son encontre.
Ils sont bien, là, dans leur dortoir, tous les quatre, à discuter et refaire le monde, pour ce premier samedi soir à nouveau réunis.
« J’ai dit aux filles de passer, dit soudain Sirius. Après tout, c’est Lily qui a trouvé la solution, et puis je dois bien une explication à Marlou. Et comme Mary a dû récupérer des pots cassés du côté de Marlou, et de vous aussi, James et Remus, bon et bien, voilà, elles passeront bientôt, quoi. »
Non, Sirius n’est pas encore très loquace et précis quand il s’agit d’exposer ses sentiments et ses émotions.
« Je sais pas pourquoi tu dis ça, se plaint Peter. Elles ont rien en particulier de plus avec James et Remus, non ? On ne serait pas beaucoup mieux… juste tous les quatre ?
— N’aie pas peur, souffle Remus, on restera toujours les quatre Maraudeurs, quoi qu’il arrive. Mais ce que veut dire Sirius, c’est que lui ayant une affinité particulière avec Marlene, James avec Mary, moi avec Mary et Lily, que les trois filles sont particulièrement soudées et que Mary sort avec Marlene, et bien, tu vois que ces relations sont compliquées, et que donc les explications et les spéculations telles qu’ont dû être partagées, transmises, entre personnes inquiètes toutes pour la Sirius finalement, ont également dû être compliquées. Et maintenant que Sirius nous donne à tous moins de motifs d’inquiétude, il a envie aussi de partager ça avec les filles, dans la mesure aussi où Lily l’a beaucoup aidé.
— Oui, bon. »
La douceur et la sollicitude de Remus ont l’air de vraiment toucher Sirius, qui ne peut s’empêcher de sourire. Il leur fait à chacun un geste équivoque du bras. Un coup discret est frappé à la porte ; ce sont elles !
« Entrez ! s’exclame James.
— Tadaaaam ! s’écrie Marlene, un magazine de rock entre les mains. Sirius, je vais te faire découvrir un tout nouveau groupe, Téléphone ! Pour une nouvelle vie, c’est pas trop mal, non ? »
Ah, le rock, cette grande passion échevelée de Marlene et Sirius, écouteurs intrépides de nouveaux tubes et de vieux disques. Sirius vient lui faire un gros câlin, ça lui fait tout chaud au cœur que Marlene ait pensé à lui.
James et Peter se décalent pour leur faire de la place, et elles s’assoient toutes par terre. Mary reste bien silencieuse – c’est la grande timide du groupe, mais le simple fait qu’elle soit venue est, de ce point de vue, un grand signe, et son regard est éloquent. Elle n’a même pas trop l’air si mal à l’aise que ça, c’est dire. Sirius fait une très longue étreinte à Lily aussi, elle a été si importante au moment de la bascule.
Evidemment, ça va bien parce qu’au fond, ni Remus ni Severus n’ont été atteints physiquement et ça tenait quand même du miracle, si tant est que James qui fonce dans la Cabane Hurlante sous forme humaine un soir de pleine lune est un miracle. Peut-être bien que non, car après tout, il y a une différence entre la témérité stupide d’un adolescent en quête de sensations fortes et le courage immense qu’il a fallu à James pour descendre les escaliers, sortir dehors, courir dans le parc, sans revenir sur sa décision.
De voir tous ces gens qui ont tenu à lui et qui continuent à le faire rassure Sirius sur le fait qu’on peut choisir sa famille de cœur. Alors, il sort de sa poche un parchemin froissé, abîmé, gribouillé de mots raturés. Et il lit, un peu maladroitement, ces quelques mots soupesés précautionneusement depuis trois jours. C’est du Sirius tout craché, il y a un peu d’humour cynique, quelques blagues sur les filles, et beaucoup de bon cœur, de remerciements, de dévotion presque. Remus s’essuie subrepticement l’œil.
« Bah alors mon Lunard ? »
Et tandis que le Lunard en question saute au cou d’un Sirius qui ne s’y attendait pas, à ce que la barrière se rompt aussi vite après son retour, James joint ses deux mains sur sa bouche, un large sourire traversant de part en part son visage heureux, et fait un petit signe qui ressemble à un applaudissement silencieux.
Peter dit alors :
« Oh là là Sirius, quelle résilience tu as, c’est trop beau ! »
Sirius et Remus se retournent, l’un arborant un air très neutre, l’autre haussant un sourcil de manière circonspecte. Mary a relevé la tête, et le sourire de James se crispe légèrement tandis que ses yeux s’écarquillent. Lily pouffe dans son coin, la bouche fourrée dans son poignet. Peter sent bien que l’atmosphère a changé.
« Quoi, j’ai dit un truc ? Pourquoi tu rigoles, Lily ?
— Parce que le concept de résilience, c’est tout nul. Rien à en tirer mon gars, rien, explique Sirius.
— Ah bon ? On en parle quand même pas mal non ?
— Ah, tu verras quand la guerre sera finie, on parlera de résilience à tort ou à travers car ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort et autres poncifs du même tonneau.
— Moi je trouve ça très juste.
— Moi je trouve ça très faux, répond Sirius sur le même ton. A ce que je sache, tu n’es jamais entré dans un HP, donc… »
Peter se renfrogne.
« Bah alors, c’est quoi la résilience ?
— C’est une propriété d’un matériau à absorber ou non l’énergie d’un choc qui se produit sur lui, en se déformant ou non. C’est très lié aux propriétés d’élasticité et dureté, et on quantifie cette notion par des tests normalisés. »
Tout le monde regarde Lily.
« T’as plié le match, Evans ! rugit Sirius. »
Et devant les autres hilares, à part Peter qui grogne et Remus qui lui intime d’être un peu plus subtil car on ne parle pas de la même manière à quelqu’un qui a des problèmes de santé mentale à quelqu’un qui n’en a pas, ils se font une poignée de mains.