Le sol est un gouffre et Salazar s’en va.
Le venin coule doucement dans les fissures. Le feu déchire.
- Tu ne peux pas faire ça.
- Je regrette, Godric, dit Salazar.
Il ment. Salazar ne regrette jamais rien.
Un cratère brûlé. L’explosion de magie a soufflé toutes les dalles de pierre, enflammé les arbres du parc. Les cendres et les braises volent dans le vent sec.
Ils ont les pieds dans les flammes mais aucun d’eux ne bouge. L’écarlate lèche les mains blanches de Salazar.
Godric relève la tête, il a les yeux rouges, mais ce ne sont que les reflets du monde qui brûle.
Il croise ces yeux verts, il se rappelle.
Aimer Salazar a toujours été de la torture.
Un corps glacé. La magie qui s’enroule hypnotiquement autour, comme un serpent langoureux. Un rire inarrêtable. Un amusement insupportable. Des lèvres empoisonnées. Le silence nocturne. Le grand corps musculeux de Godric, appuyé contre le mur. Le feu qui le dévore.
- Je bleuis, chuchote Godric, si bas qu’on ne l’entend presque pas.
Un sourire amusé. Salazar sait tout.
- Sois courageux, il dit, tranquillement, insolemment.
Godric hait les mots. Il étouffe ceux de Salazar avec sa bouche.
Des cris qui se répercutent brutalement sur tous les murs du château. Une épée sertie de rubis dans une main calleuse. Godric plein de la fureur qui ne cessera jamais. Salazar, baguette levée, volutes émeraudes enroulées autour des doigts, se moque. Salazar plein d’une distance qui ne s’effacera jamais. Son mépris tord le coin de ses lèvres. Ils se heurteront toujours.
Salazar retourne à ses grimoires. Godric hurle en dévastant le terrain d’entrainement. Il entraine ses petits soldats, Salazar forme patiemment ses petits mages. Parfois, un rayon de soleil tombe sur leurs visages enfantins. C’est seulement quand Helga est là.
Dans l’ombre, Rowena observe. Elle a le diadème maudit sur les cheveux. Elle sait déjà. Elle sait tout. C’est le fardeau.
Elle attend.
Bien sûr, il faut que tout éclate.
Le pacte est violé.
Salazar, tout ce temps de paix, était resté l’Etranger. Helga est pâle. Godric refuse, refuse, refuse, encore, encore et encore. Rowena savait.
- C’est faux, dit Godric, qui est resté l’Entêté. Ses poings sont serrés de colère, ses jointures sont blanches. Godric est trop droit, Godric ne plie jamais.
Le drame, c’est que Salazar non plus.
Il répond dans un sifflement de vipère, dernière provocation. Dernière malédiction. Sa voix est rauque et de nouveau humaine quand il ajoute, face au silence de mort qu’on lui oppose :
- Je vais partir.
Il lève la tête. Des visages cendrés d’enfants, massés aux fenêtres des étages. Son rictus se colore d’amer.
- Je laisse mes enfants avec vos monstres. Mais ils ont le gout du sang, et le leur est pur.
Les doigts de Godric spasment. La déflagration est effroyable. Quand la fumée se dissipe, ils ne sont plus que deux, au fond du cratère brûlé.
Aimer Salazar a toujours été de la torture.
Godric n’arrive pas à parler. Godric ne sait pas parler. Il ne sait que se battre mais ce combat là a toujours été sa fin.
Il regarde ces yeux verts, sa rage fond.
- Je suis si bleu, il chuchote.
Salazar sait. Tout ce qu’il touche devient ruines. Et il n’a pas su résister. Godric est l’incarnation de la vie. Il était si merveilleux de le vampiriser. A présent, Godric est bleu comme un cadavre. Salazar voudrait répéter qu’il regrette. A la place, il murmure :
- Tu es un homme de guerre. Sois courageux.
Mais le colosse est déjà à terre. Tous ses muscles effondrés.
Le sol est un gouffre et Salazar est parti.