Comme tous les réveillons depuis sa petite enfance, Molly écoutait son grand-père Prewett et sa grand-tante Muriel se chamailler sur fond de la musique de Célestina Moldubec, assise entre ses deux grands frères. Leurs parents exaspérés, assis à chaque extrémité de la table, se regardaient sans trop savoir quoi faire.
— Je dis juste que si tu avais été plus prévenant, Gilbert, ta femme ne serait probablement pas partie avec ce laveur de cheminées moldu !
— Et si toi tu étais moins chiante, rétorqua le grand-père de Molly du tac au tac, tu ne serais peut-être pas toujours seule à Noël !
Les joues ridées de Muriel rosirent et Molly baissa les yeux sur son assiette, poussant une pomme de terre solitaire avec sa fourchette. Le silence s’approfondit quelques secondes, et Martin, le père des enfants, se racla la gorge et dit d’une voix trop forte et trop enthousiaste :
— Alors, les garçons, qu’est-ce que vous avez appris d’intéressant cette année ?
Gideon et Fabian étaient cette année en troisième année à Poudlard. Molly, elle, aurait onze ans en avril prochain et n’entrerait à l’école de sorcellerie qu’à la rentrée suivante. Elle trépignait de hâte, buvait toutes les anecdotes que lui racontaient ses frères et dévorait les lettres qu’ils lui envoyaient parfois. Trop rarement, si on lui demandait son avis.
— On a étudié la chiromancie juste avant les vacances, répondit Fabian, la bouche pleine de petits pois.
— On avale notre bouchée avant de parler, claqua Muriel. Ta mère t’a-t-elle donc si mal élevé que ça ?
Molly vit que sa mère Miriam avait la mâchoire serrée, et se jeta à son tour dans l’arène de la discussion ayant comme objectif la distraction.
— La chiromancie ? demanda-t-elle de sa voix aiguë. C’est quoi ?
— De la divination, expliqua Gideon pendant que son frère avalait sa bouchée. On lit ton futur dans les lignes de ta main.
— Trop cool ! s’exclama la fillette. Tu peux le faire avec moi ?
Gideon prit dans sa main celle, plus petite, de sa sœur, et traça du doigt les quelques lignes qu’il y voyait.
— Tu vas vivre longtemps. Au moins aussi longtemps que Tante Muriel, commença-t-il. Tu vas marier l’amour de ta vie à un jeune âge et vous allez passer votre vie ensemble.
Molly sourit de toutes ses dents, ignorant le reniflement de son grand-père.
— Et vous allez avoir... sept enfants.
— Quoi ?!
— Je te jure, c’est ça que ça dit ici ! Fab ?
Molly arracha sa main à celles de Gideon et la tendit à son autre frère. Sept enfants... non mais !
Fabian observa de près la paume de sa cadette, posa le doigt sur la même ligne qu’avait suivie son frère, et prononça bien vite son diagnostic :
— Il avait raison. Ça le dit ici, noir sur blanc – enfin, façon de parler. Tu vas voir sept enfants.
— Mais... mais...
Elle jeta un regard horrifié à sa mère.
— Je veux pas sept enfants, moi !
Miriam adressa un sourire doux à sa seule fille.
— Tu sais, quand j’avais ton âge, je ne voulais pas d’enfants non plus, dit-elle. Mais quand j’ai rencontré l’amour de ma vie, tout a changé.
— Et après tu as rencontré papa et tu nous as eus, c’est ça ? demanda Fabian.
Miriam lui envoya une légère baffe derrière la tête pendant que Martin éclatait de rire.
— Tout ça pour dire que les choses ont le temps de changer. Tes envies comme le futur.
Rassurée, Molly mordit enfin dans la pomme de terre errante.
— En tout cas, je t’avertis, si jamais tu fais sept morveux, tu feras tes Noëls sans moi ! prononça Muriel en reniflant.
Ah ben finalement, voilà au moins une bonne raison de faire tant d’enfants...