Sortant d'un sommeil agité, Harry s'étira avant de laisser échapper un grognement de douleur. L’entraînement de la semaine avait été brutal. Les coupures profondes, les fractures, les entorses, les effets secondaires des potions ingérées.
Sur des jambes instables, le jeune homme se dirigea vers le coin de la chambre qui contenait une armoire à potions dont Mme Pomfresh serait fière. Harry avala les potions à l'affilé, d'une seule traite.
Il déposa ensuite les fioles en verre vides dans le sac à son effet, en attendant leur retour au Ministère. Harry tourna la tête vers la porte de la chambre lorsqu'il attendit des bruits de pas. Tandis qu'il passait ses chaussettes, celles avec des vifs qui bougeaient leurs ailes, Ron fit sans son entrée dans leur chambre commune.
Son colocataire avait des flocons de neige dans les cheveux. Après avoir passé brièvement ses mains dans ses cheveux, le jeune homme tendit la main vers le plaid reposant sur son lit. Il était rouge avec des petits sapins, tricoté mains par Molly Weasley. Le plaid préféré de Ron en cette saison.
Harry se figea en croisant le regard de Ron, il y avait quelque chose de sombre dans les yeux dans de son ami. Le jeune Weasley s'assit sur son lit, posa la couverture sur ses genoux, et commença à triturer les mailles en laine.
D'un coup de baguette, Ron fit venir un journal et un paquet emballé dans du papier kraft qu'il déposa sur le lit de Harry.
Ron sortit ensuite de la pièce, le plaid sur le bras, aussi pâle qu'en fantôme. Lorsque l'on frisait la décennie d'amitié, on ne pouvait pas manquer certains signes et on avait les informations nécessaires pour deviner ce qui n'était pas dit ouvertement.
D'une main, Harry entrouvrit le paquet, découvrant un uniforme du magasin des jumeaux. Sur le journal, la page des petites annonces, la section location était gribouillée.
George était au bout du rouleau depuis le décès de Fred. Hermione avait rompu avec Ron quelques semaines auparavant.
L’entraînement afin de devenir aurors était en demi-teinte. Ron était encensé pour son esprit stratège, Harry pour sa condition d’athlète. Mais on allait bientôt les séparer. Ils passaient leur temps à se protéger mutuellement, ce qui leur faisait perdre leur sang froid sur le terrain.
La plus grande vérité était que Ron était un homme de famille. A chaque blessure physique de Harry, quelque chose se brisait dans l'esprit de Ron. Harry respira profondément.
Il y avait eu un avant et un après bataille de Poudlard. Les Weasley était sa famille. Il n'avait pas pu revenir vers Ginny qui ne lui avait malheureusement pas assez manqué pendant leur séparation. Mais, il était entré dans la famille bien avant de sortir avec la jeune fille.
Le Terrier était accueillant, rassurant dans cette période de transition. Mais Ron avait raison. Il leur fallait avancer. Fred avait besoin du soutien de son frère. Ce dernier devait quitter le programme des aurors avant qu'il ne soit trop tard. Et, Harry, lui, avait un choix à faire. Suivre Ron ou séparer leur chemin.
Le jeune sorcier se leva, prit les escaliers et s’affaira en cuisine afin de préparer du chocolat chaud, son estomac se révoltant à la pensée d'un petit-déjeuner plus complet.
Deux tasses dans les mains, Harry s'approcha du salon. Ron était installé dans le canapé, observant Coquecigrue. Surexcité, il voletait près du sapin, percutant les boules de noël, s'emmêlant dans les guirlandes. Seuls des charmes avaient assuré la survie des décorations, les maintenant en place et en entier.
A son approche, Ron leva un coin du plaid, permettant à Harry de s'installer à ses côtés. Même après tant d'années, le sorcier était encore souvent surpris par le côté tactile de Ron, lui qui avait été élevé dans un environnement où chacun se comportait comme si l'autre avait la dragoncelle à titre permanent.
Sur la table de salon reposait une collection impressionnante de pommes de pin. Harry laissa sa tête reposer sur l'épaule de Ron, se souvenant du défi de son ami. Combien de pommes de pin en lévitation en même temps ? La réponse était beaucoup.
Le sourire de Harry se figea lorsque ses mains se mirent à trembler. Trop de sévères blessures en même temps et son corps commençait à devenir récalcitrant aux potions. Devenir auror lui avait semblé être évidant, il était littéralement né pour être un soldat dans cette guerre. Alors, pourquoi ne pas continuer dans cette voie tracée ?
Mais là était la nuance, pour la première fois, il avait un choix. Il pouvait choisir un autre avant et après. Il savait ce que Ron en pensait. « Nous avons fait notre part, ça suffit ». Bien sûr, la guerre ne le quitterait jamais. Les cauchemars, les proches disparus. Et bien sûr, il n'aurait pas sacrifié sa carrière s'il n'avait déjà pas des doutes sur le bien fondé de continuer.
Mais, il y avait ce qu'il voulait plus qu'une carrière d'auror. Lorsque l'on avait le goût de la violence au fond de la gorge au quotidien. Malgré les doutes, malgré le courage nécessaire à réunir pour changer sa propre vie.
- Quand partons-nous ?
Ron se détendit, le soulagement déliant tous ses muscles. Harry était assez près pour sentir la tension s'évacuer du corps de l'ancien Gryffondor.
- Je ne sais pas ce que j'aurai fait si tu avais refusé, Harry.
Harry avait scellé son avenir le premier jour de leur rencontre. Il avait croisé le regard de Ron dans le wagon du Poudlard Express et n'avait détourné le regard qu'à deux occasions, le tournoi des trois sorciers et pendant la chasse aux Horcruxes. Il n'y aurait pas de troisième fois. C'était à son tour de suivre son ami. Une raison supplémentaire de prendre son courage à deux mains.
- D'ici un mois pour quitter la formation et emménager à partir du moment où on donnera notre démission. Mais, je pense qu'on devrait passer au magasin dès que possible et y passer un maximum de temps d'ici là.
Harry acquiesça. Une pointe de soulagement l'envahit. Lorsque l'on quitte une mauvaise situation, le moment où l'on décide de quitter le champ de bataille. Le soulagement de savoir que c'était terminé. Bien sûr, le jeune homme ne déposait pas les armes. Il y aurait l'après qui allait demandé de l'énergie, peut-être même des regrets. Mais, il était temps de passer à autre chose, de trouver des solutions, dans l'espoir améliorer les choses.
Ils ne dirent rien à leur famille le soir du repas de noël, occupés à tenir debout, le premier repas avec un membre de la famille en moins, à titre permanent. Ce jour-là, le plaid, le sorcier s'en servit pour entourer les épaules de Ron qui était au bord de s’effondrer. Il y avait des noëls qui avaient un mauvais arrière-goût. Et Harry remercia le ciel, Ron, lui aussi aurait pu faire parti de la liste de ceux qui étaient tombés pendant les combats.
Les mois avancèrent entre gestes mécaniques et nouveautés. Leur petit appartement, près du magasin, était chaleureux. Un nouvel avent se prononçait à l'horizon. Cette fois-ci, c'était Harry qui était assis sous le plaid. Les derniers cadeaux nécessitaient d'être emballés. Le sorcier surveillait Ron du coup de l’œil.
Son ami n'avait plus cette étincelle dangereuse aux fonds des yeux depuis quelques temps, à la place, Harry pouvait y lire une question, entre hésitation, peur et espoir. Le jeune Potter, lui, se sentait reprendre des forces dans leur bulle à deux depuis la première fois depuis longtemps.
Ron s'assit à ses côtés, deux tasses de chocolat chaud à la main.
- Tu sais, j'en fais encore des cauchemars. Quand Hagrid t'a apporté, lorsqu'il a annoncé que tu n'étais pas plus là, murmura Ron avec difficulté tout en fixant les flammes du feu de leur cheminée.
Lorsque Ron finit par tourner le regard vers lui, Harry entoura son ami de ses bras, le berçant doucement.
- Je suis revenu. Et, on va continuer de rester ensemble, répondit Harry à voix basse mais résolue.
De nouveau, Harry avait un choix à faire. Risquer leur amitié pour demander plus ou ne jamais rien dire. Un avant et un après. Un nouvel avent avec enjeux.
Mais, le jeune Potter désirait, brûlant d'envie d'une vie au côté de Ron pour les décennies à venir. Ron posa sa main à la base du cou de Harry et le jeune homme, lui, tourna le menton du sorcier vers lui. Et avec ce baiser, c'était tout ce qu'il fallait pour commencer un nouvel après.