Petit prince chéri de ses parents, cheveux blonds perdus dans les vents de la lande, yeux grands et toujours étonnés de tout - du tragique de la nature, du drame des humains, de la beauté des fleurs, du rire de la Rose.
Horticulteur ? Éleveur de pensées. Paysagiste ? Artiste du fugace. Fleuriste ? Compositeur de nouvelles.
Il avait souvent cru être poète parce que sa vie, microscopique dans ce grand manoir tourmenté de bourrasques et de vieux souvenirs douloureux, était mystérieuse. Depuis la fin de Poudlard, il était certain qu'il se croyait poète parce qu'il était amoureux.
Ses parents le laissaient faire. Il avait apporté de la vie, de l'espoir, un renouveau, comme le rayon du soleil déchire une course de longs nuages gris. Ils avaient compris aussi qu'il était amoureux : c'était un garçon déterminé et sûr de lui, tant qu'on le laissait s'exprimer en paix. Le jardin était une fête, à chaque saison et mi-saison de l'année.
Elle était, elle, le tournesol qui se tourne vers le soleil : elle avait un grand cœur et savait trouver naturellement lumière.
C'était un beau soir de décembre, la nuit était violet pastel sur fond gris et des étoiles étroites scintillaient en haut de la voûte céleste. Quelques lumières chaleureuses s'échappaient des volets fermés du manoir - ses parents qui discutaient au coin du feu. On entendait seulement le bruit de chouettes qui hululaient dans les bois environnants.
Lui et elle marchaient sur le sol gelé. Leur pas faisait un bruit crissant. Parfois, elle se rapprochait un peu plus de lui et il sentait la chaleur de son bras posé tout contre le sien. Son souffle embuait l'espace autour de lui, tandis qu’elle ne semblait pas avoir froid. Son petit nez retroussé pointait dans l'ombre, au-dessus de son châle, et il n'avait qu'une envie : déposer un léger bisou dessus.
Il l'emmena le long d'une allée de cèdres bleus. Des lumignons ronds voletaient dans l'air - il avait demandé à son meilleur ami, assez doué en sortilèges, de l'aider à les fabriquer. Ledit meilleur ami avait ri.
"Alors, c'est bon, tu vas devenir mon cousin incessamment ?"
Il avait rougit. Son meilleur ami le connaissait bien, hein.
Ils arrivèrent enfin là où il souhaitait l'emmener.
C'était une belle clairière, emplie d'une structure florale et arboricole de son invention. Des ramifications de glycine se mêlaient à des branches de mélèze et du lierre dansait entre elles. Une avalanche de fleurs blanches en tombaient en cascade et parsemaient le sol ; roses de Noël, jasmin, perce-neiges, chèvrefeuille, osmanthe à feuilles de houx, hellébores. Des bruyères mauves tranchaient, ici ou là, apportant une touche de couleur dans cet univers féérique.
Les lanternes volaient ici plus doucement, donnant l'impression de rentrer dans une clairière hors du temps.
Elle commença à tournoyer et sautiller partout, admirant cette fantasmagorie avec une joie enfantine.
"Oh ! C'est tellement beau, c'est magnifique !"
Elle lui permit ensuite de l'embrasser sur le nez et puis sur les joues et pourquoi pas sur ses lèvres souriantes. Il n'alignait plus trois mots correctement depuis tout à l'heure, mais ce n'était pas grave. D'un regard, ils se comprenaient. Il adorait ça, de se sentir tomber juste pour cette fille. Il ne se sentait pas vulnérable. Un garçon a le droit d'être amoureux, d'être ému, d'être bouleversé. Il aimait bien être sensible, surtout si c'était pour être sensible à n'importe quelle chose que cette fille faisait en ce monde.
"C'est un cadeau pour toi, balbutia-t-il.
- À quelle occasion ? répondit-elle, les yeux emplis d'enthousiasme, de bonheur et de surprise.
- Euh... Tu sais que... Euh... Bon, je me lance. En fait, je voulais te demander en mariage, mais tu n'aimes pas l'idée du mariage. Après, je me suis dit que c'est tout aussi nul de se promettre de vivre toute la vie ensemble. Tu n'es pas une chose. Alors euh... Binh je voulais juste faire un truc, euh, plus simple. Donc c'est juste quelque chose pour célébrer l'amour et te dire je t'aime au jour le jour, en fonction des fleurs, des arbres, de la météo et des saisons. Et pour consacrer quand même ce cadeau... Euh."
Elle le regarda, avec un grand sourire, les mains dans les poches, les sourcils haussés dans l'attente de la suite de son discours. Les lumières balayaient son visage et son manteau orange en laine bouillie. Sorcière passionnée de potions (thés), de citrouille (soupes au potimarron) et de sortilèges (juste pour l'impressionner lui, et puis sa mère avait toujours pris les études de ses enfants très au sérieux).
Il souffla un bon coup.
"J'ai donc créé au centre, juste à côté de toi, une rose spéciale. Ses couleurs sont irisées et varient au fil du temps, de la lumière, de la pluie, du soleil, et de ton humeur. Euh... Je veux dire, pas juste l'humeur de la personne qui regarde, mais bien ton humeur à toi. Tu es une personne très spéciale, et je t'aime beaucoup. C'est pour ça... J'ai beaucoup pensé à toi."
Elle tourna ses yeux vers la belle fleur. Cette dernière prit des teintes un peu plus rouges au fur et à mesure du discours du jeune homme - à l'instar de ses joues.
"C'est... Oh là là, je suis tourneboulée, je ne sais plus quoi dire ! fit-elle en riant. Et comment as-tu appelé cette nouvelle essence ? murmura-t-elle en revenant près de lui et lui prenant doucement la main."
Il mit un instant avant de répondre, pour ne pas briser trop vite cette magie de l'attente, et parce qu'elle s'approcha encore un peu plus de lui et qu'il appréciait beaucoup cela.
"Scorose, dit enfin Scorpius. Elle s'appelle Scorose."
Trois fossettes nouvelles apparurent sur le visage de Rose parce que son sourire s'était agrandi.