Prologue :
« Il était une fois une belle et puissante sorcière nommée Euzebia. Euzebia était invitée à un bal qui promettait d’être extraordinaire. Organisé dans un château merveilleux par les quatre plus grands sorcières et sorciers de son temps, ce bal rassemblerait la fine fleur du monde sorcier pour saluer la naissance de l'an mil. Pour cette occasion exceptionnelle, Euzebia désirait porter un bijou unique, un collier de douze perles d'or parfaites, une perle pour chacun des douze coups qui, à minuit, marqueraient la fin de l'an 999. A la fin du bal, elle offrirait ces perles à ses quatre hôtes, trois perles pour chacun, le même cadeau pour tous, afin que jamais ils n’oublient que leurs ressemblances étaient plus fortes que leurs différences. Pour façonner ces perles d'or, les plus magnifiques que personne n'ait jamais portées, Euzebia s'adressa au plus célèbre joaillier gobelin de son époque ... »
Chapitre 1 : Parler ou ne pas parler, telle est la question
Planté devant la fenêtre de mon bureau, j’observais la pelouse qui s’étendait devant la porte du Manoir des Prince. Une fois de plus, j’avais rendez-vous avec Harry Potter et une fois de plus, je l’attendais encore, alors que l’heure du rendez-vous était largement dépassée. Avec un certain agacement, je commençais à surveiller le ciel, guettant l’arrivée du hibou qui m’annoncerait qu’il ne viendrait finalement pas.
Deux fois déjà, Harry avait annulé sa visite au tout dernier moment sous prétexte d’une mission urgente pour le Ministère. J’en venais à me demander, s’il ne s’agissait pas d’un prétexte, si Harry ne cherchait pas à repousser la discussion que nous devions avoir sur la manière dont son fils James avait reçu la révélation de nos liens familiaux. Avant l’été, Harry avait en effet résolu de raconter à son fils aîné la vérité que lui-même n’avait appris qu’un an auparavant, à savoir que c’était moi et non James Potter qui était son père.
Il n’était pas certain que James Potter deuxième du nom, élève de la Maison Gryffondor comme son père et celui qui jusqu’à présent était supposé être son grand-père, reçoive la nouvelle avec autant d’enthousiasme que son cadet Albus. Albus Potter, serpentard comme moi, avait été à l’origine de la divulgation de cette filiation dont j’avais toujours cru que j’emporterais le secret dans ma tombe.
Dès son entrée à Poudlard, une sorte d’instinct avait rapproché Albus de moi en dépit de la peur que l’horrible Professeur de Potions et redoutable Directeur de la Maison Serpentard inspirait habituellement aux élèves. Albus avait fini par découvrir la vérité, par comprendre qu’il était mon petit-fils, et cette vérité lui convenait mieux que l’histoire officielle qui faisait de lui un Potter, car il n’avait jamais pu se retrouver dans ce récit. Albus souhaitait maintenant prendre le nom des Prince, la famille de sorciers dont descendait ma mère, pour officialiser sa filiation.
Mais même s’il ne concernait qu’Albus, ce changement de patronyme ne pourrait évidemment pas être sans conséquence pour ses frère et sœur. Si cela ne représenterait sans doute pas grand-chose pour sa petite sœur Lily qui n’était âgée que de six ans, cette révélation allait bouleverser l’identité de son frère James. Depuis qu’il était devenu le nouvel Attrapeur des Gryffondor, James Potter se complaisait plus que jamais dans son rôle d'héritier d'Harry mais aussi de James Potter Senior qui avaient été deux des meilleurs Attrapeurs de la Maison Gryffondor. Renoncer à une ascendance aussi enviable pour se retrouver certes le fils d’Harry Potter mais aussi le petit-fils de l’affreux Severus Rogue ne pouvait pas avoir quoi que ce soit d’attirant pour lui.
Sans compter que nous étions bien au-delà de la simple histoire familiale. En dépit des années, en dépit de la volonté du monde sorcier d’oublier la sombre période marquée par la présence de Voldemort, Harry Potter restait un mythe. Il était LE sorcier qui par deux fois, avait permis de vaincre les Ténèbres. Quant à moi, même si j’avais été blanchi de toute accusation par le Magenmagot après la chute de Voldemort, je gardais une image peu flatteuse auprès de nombreux sorciers, celle d’un ancien mangemort vaguement repenti mais sûrement pas celle d’un innocent.
Même quinze ans après la bataille de Poudlard, je mesurais la déflagration que serait la révélation du fait qu’Harry Potter était mon fils et non celui de James Potter. A coup sûr, nous allions faire les gros titres de la Gazette du Sorcier, la seule incertitude était de savoir pendant combien de jours, voire combien de semaines. Sans le besoin d’Albus de retrouver et de revendiquer ses vraies racines, je n’aurais même jamais songé à affronter cet obstacle.
Perdu dans mes pensées, je fus presque surpris de voir apparaître Harry au milieu de la pelouse.
« Je ne vous espérais plus ! », lançai-je en allant l'accueillir à la porte.
J’aurais peut-être mieux fait de m’abstenir de cette pique pourtant bien anodine pour lui faire remarquer son retard, car il répliqua sur un ton irrité :
« Il se trouve que j’ai des obligations dans le cadre de mon travail qui ne me laissent pas libre de mon emploi du temps. »
Je pris le temps de compter jusqu’à dix avant de dire quoi que ce soit. Si je répondais sur le même ton, comme je l’aurais fait avec n’importe qui d’autre, la conversation n’allait pas manquer de s’envenimer. Pour essayer de nouer un dialogue plus constructif, je tentai de m’intéresser à ses problèmes.
« Notre Ministère aurait donc plus de soucis que d’habitude. Des difficultés particulières, si je comprends bien ? » l’interrogeai-je d’un ton léger
« Je n’ai pas la possibilité de vous révéler quoi que ce soit sur cette question. » rétorqua-t-il fermé
J’étais arrivé aux limites de mes faibles capacités en matière de patience et de diplomatie. Aussi est-ce sur un ton ironique que je rétorquai :
« Vous avez raison de vous méfier de moi, je ne suis après tout qu’un modeste professeur de potions. Ce n’est pas comme si j’avais l’expérience de l’espionnage et du secret absolu qui l’accompagne. »
Harry rougit légèrement.
« J’ai bien entendu toute confiance en vous. Mais Hermione nous impose un silence total sur ce dossier. » se justifia-t-il avant d’ajouter avec amertume « En plus, c’est à peine si nous avons le temps de nous en occuper avec tous les incidents auxquels nous faisons face actuellement. »
« Quels incidents ? » demandai-je sans réel intérêt, mais parce qu’il me semblait plus disposé à parler de cela
« Des blagues stupides ! Des crétins qui s’amusent à jeter des sorts à des objets moldus. » répondit-il manifestement énervé
« Mais ces problèmes ne vous concernent pas, c’est à votre beau-père, Arthur Weasley, et à ses collègues qu’il revient de traiter les incidents en lien avec les objets moldus. » notai-je
« D’habitude oui. Mais les problèmes sont si nombreux que le service concerné, celui d’Arthur, n’arrive absolument plus à s’occuper de tout. Du coup, les aurors se retrouvent mobilisés aussi ! » s’agaça-t-il
« Mobiliser les aurors pour des bêtises de ce genre, c’est quand même étrange. » m’étonnai-je
« C’est un peu plus que des bêtises ! » exclama-t-il « Sainte-Mangouste est rempli de moldus qui souffrent de tout un tas de maux, l’un a la barbe qui pousse d’un mètre par jour, une autre miaule au lieu de parler, un troisième s’est couvert d’écailles et ainsi de suite. Pour pouvoir les conduire à Sainte-Mangouste, il faut modifier les souvenirs de leurs proches pour qu’ils les croient partis au bout du monde sous un prétexte quelconque. Et quand les médicomages ont réussi à les soigner, il faut les oublietter et reconstruire leurs souvenirs à eux aussi. Et presque tous les jours, il en arrive de nouveaux ! »
« Il serait peut-être temps de trouver qui est à l’origine de ces « blagues ». » observai-je en cachant mon amusement
« Nous avons fait le tour de tous les sorciers habituellement impliqués dans ces problèmes, mais ça ne donne strictement rien. Aucun ne semble en cause cette fois-ci. » expliqua-t-il
« Ah, ça devient intéressant ! J’imagine que l’enquête doit vous prendre pas mal de temps. » remarquai-je
« En effet ! Et c’est bien pour cela que j’ai dû annuler deux fois notre rendez-vous. J’ai même été obligé de raccourcir de trois jours mes vacances sur le continent avec James et Ginny. » répondit-il d’un ton mécontent
« J’imagine que si vous êtes venu me voir, c’est que vous avez tout de même trouvé l’occasion de discuter avec votre fils James. » dis-je pour revenir à l’objet de notre rendez-vous mais sans pourvoir m’empêcher d’ajouter une petite provocation « A moins que vous ne soyez venu me demander si les serpentards et moi en tête ne serions pas responsables des plaisanteries qui touchent les moldus. »
« C’est bien de James que je suis venu vous parler. » répondit-il sans relever ma boutade
Je me contentai d’attendre qu’il poursuive. Il soupira. Avant qu’il ait dit le moindre mot, je savais déjà que James Potter Junior n’avait pas bien pris la révélation d’un lien familial entre nous. Il soupira à nouveau :
« Au début, James a surtout voulu penser que ce n'était pas vrai. Que je plaisantais ou que je me trompais. Mais quand il a compris que ce n'était ni l’un ni l’autre, il a mis un terme à la discussion. Deux jours plus tard, il m'a annoncé qu'il refusait que quoi que ce soit change dans sa vie, qu’il ne voulait en parler à personne et qu’il ne voulait plus que personne ne lui en parle. »
J'encaissai sans broncher. Je ne pouvais raisonnablement m’attendre à rien d'autre, alors qu'en tant que professeur de potions, j'avais toujours eu des rapports catastrophiques avec le fils aîné d'Harry. Profitant de mon silence, Harry poursuivit en glissant une phrase qui me prouva que le Choixpeau Magique ne s'était pas totalement trompé en envisageant de l'envoyer à Serpentard :
« Il me semble que vous allez retrouver Albus tout à l'heure, je vous laisse voir ça avec lui. »
En quelques mots, il s’était tranquillement déchargé du plus compliqué sur moi. Car satisfaire l'envie de James que rien ne change dans sa vie, c'était forcément demander à Albus de renoncer pour le moment à ses projets et ça n'allait pas être facile. D'autant plus qu'Albus risquait d'avoir l'impression que son père privilégiait les envies de son frère au détriment des siennes. J'en fis la remarque à Harry.
« Il n'est évidemment pas question pour moi de privilégier l’un par rapport à l’autre. » se défendit Harry « Mais je dois quand même tenir compte du fait que James n'est pas aussi sûr de lui que son frère malgré les apparences qu'il se donne ! D'ailleurs je ne songe pas à interdire à Albus ni de séjourner ici, ni de faire avec vous les activités qu'il veut. Je lui demande juste de rester discret pour le moment. »
« Je devrais donc expliquer à Albus qu'il doit se plier à une solution qui arrange tout le monde, à part lui. » soulignai-je avec une certaine mauvaise humeur
« Qui vous dit qu'elle arrange tout le monde ? Qui vous dit qu'elle m'arrange moi ? » releva-t-il avec irritation
J'étais saisi par sa réaction.
« Est-ce que vous auriez préféré une autre solution ? » demandai-je sans vraiment savoir ce que j'espérais ou craignais d'entendre
A la vérité, j'étais troublé de ce qu'Harry semblait plus contrarié que soulagé par le choix de son fils aîné. A croire que de son côté, il était prêt à assumer publiquement le fait que j’étais son père. Une nouvelle fois, j’en venais à me demander si j’avais eu raison continuer à me taire, lorsque la fin de la guerre m'avait laissé l'opportunité de lui parler enfin. Je m’étais raconté que je le faisais pour le préserver lui, mais c’est peut-être était-ce moi qui n’avais pas eu le courage d’affronter un éventuel rejet de sa part.
« Eh bien, j'aurais pu préférer une solution qui me donne l'occasion de faire enfin connaissance avec mon père. Quand je dis mon père, je veux dire celui que connait Albus, pas celui que je connaissais moi quand j’étais à Poudlard ! » répliqua-t-il
J'ignorai le reproche sous-entendu dans sa remarque. En fait, je cherchais surtout la bonne réponse, celle qu’il attendait de moi. C’était toujours comme ça avec Harry. Depuis qu’il avait appris qu’il était mon fils, je ne savais plus jamais ce qu’il convenait de dire ou de faire.
« Rien ne vous empêche de faire mieux connaissance avec votre père même dans la situation actuelle. » lâchai-je finalement
Avant qu'il puisse répondre quoi que ce soit, la tête du secrétaire d'Hermione Granger apparut dans ma cheminée.
« Navré de vous déranger, » indiqua-t-il d'une voix mécanique « mais Madame la Ministre attend Monsieur Potter immédiatement dans son bureau. »
Après un bref salut, Harry le rejoignit dans la cheminée et disparut dans un tourbillon de fumée. Je restai de longues minutes à contempler les flammes après son départ. Même si j’obtenais d’Albus qu’il continue à se taire, je savais que notre secret familial finirait par filtrer. Trop de gens étaient désormais au courant pour espérer le préserver durablement. A commencer par les amis d’Albus à Poudlard qui pour certains le savaient et pour les autres devaient s’en douter. Au nombre de ceux qui savaient, je comptais deux autres élèves de la Maison Serpentard, Scorpius Malefoy, et la cousine de celui-ci, Delphini Black. Au nombre de ceux qui devaient se douter trois élèves d’autres maisons avec lesquels Albus, Scorpius et Delphini étaient très liés, à savoir Victoire Weasley de Serdaigle et deux gryffondors, Rose Granger-Weasley et Teddy Lupin, le fils du loup-garou qui enseignait la Défense contre les Forces du Mal.
Dans cette petite bande, la plus redoutable était sans aucun doute Miss Granger-Weasley, cousine d’Albus et fille de notre Ministre de la Magie. En vraie serpentarde égarée chez les lions par une erreur incompréhensible du Choixpeau Magique, j’étais certain que Rose Granger-Weasley finirait par découvrir la vérité, si ce n’était pas déjà fait. Plusieurs fois, je l’avais vu nous scruter Albus et moi, probablement surprise par le comportement de son cousin à mon égard. C’était des petites choses, mais suffisantes pour aiguiser sa curiosité, comme la façon dont Albus me souriait quand s’il me croisait dans les couloirs de Poudlard, ou la façon dont il osait lever les yeux vers moi en cours même lorsque j’étais en colère, alors que tous les autres élèves fuyaient plus que jamais mon regard.
Et Miss Granger-Weasley n’avait pas fini de pouvoir faire des observations, car elle avait invité toute la bande à passer deux jours chez ses grands-parents Weasley sous prétexte de fêter son anniversaire. Peut-être inquiets d'un afflux de jeunes serpents comme leur Terrier n'en avait jamais connu, Molly et Arthur Weasley m'avaient invité à se joindre à eux pour superviser de loin la petite fête. Avant que j'ai eu le temps de refuser sous un prétexte quelconque, Narcissa et Lucius Malefoy m’avaient supplié de trouver une solution pour veiller à la sécurité de leur petit-fils et de leur nièce perdus dans cette tanière de lions.
Je trouvais bien ridicule toute cette excitation autour d’une simple soirée d’anniversaire, mais j’avais fini par accepter l’invitation des Weasley pour apaiser tout le monde. Cependant, après la visite d’Harry, je commençai à me demander s’il était bien utile de donner l’opportunité à Miss Granger-Weasley et aux autres d’étudier de plus près ma relation avec Albus en dehors de l’école. Mais il était trop tard pour avoir des regrets, je sortis donc du Manoir et transplanai pour rejoindre la maison d’Arthur et Molly Weasley.