Un soir au 12, square Grimmaurd.
Un homme regardait la pluie dégringoler derrière la vitre, fixant sans le voir son pâle reflet. Il semblait vieux, pourtant il n'avait pas encore trente ans. Il soupira… Las et angoissé, il savait en tant chef de l’Ordre que les choses allaient mal. Cela ne cessait d’empirer depuis plusieurs mois à vrai dire... Les camps de réfugiés étaient tellement remplis qu'ils arrivaient à saturation, les Sorciers n'en pouvaient plus de cette guerre qui opposait des familles entre elles, des créatures magiques les unes aux autres... Douze ans que les Britanniques, Sorciers comme Moldus, ne vivaient plus mais survivaient, avec de plus en plus de mal... Les vivres nécessaires aux camps parvenaient difficilement, et de plus en plus difficilement depuis que la France (qui s'était révélée un allié fameux pour les populations de réfugiés) commençait à être touchée à son tour par les attaques des créatures des Ténèbres, empêchant les ravitaillements depuis ce pays...
Les Sorciers non réfugiés devaient choisir un camp : les Ténèbres ou la Lumière. Si certains avaient auparavant pu choisir l’exil, cela était dorénavant impossible. Héléna, la cheffe des Mages noirs, s’était en effet emparée des principaux ports et lieux d'embarquements sorciers, détruisant les installations, ne laissant nulle porte de sortie. La terreur était ainsi partout maîtresse, la lassitude et la tristesse ses associées macabres.
Pire, alors que dans l’adversité l’union aurait été nécessaire – et même salutaire – les réfugiés des camps s’affrontaient constamment. Les Moldus accusaient les Sorciers, qui pourtant les protégeaient depuis le début de cette guerre, d’être la cause de leurs maux. Les camps mixtes étaient de plus en plus rares pour éviter les conflits et les tensions, mais ces dernières existaient, le Survivant en était bien conscient…
Harry soupira derechef en se détournant de la fenêtre du salon. Seul dans le noir, il était venu pour trouver la paix et réfléchir à la façon dont il pourrait convaincre Armand, le chef de clan des vampires français, de rejoindre les côtés de l’Ordre du Phénix. Pourtant, à cause de la fatigue, le fil de ses pensées dérivait systématiquement vers la guerre puis vers l'angoisse qui l'étreignait chaque fois qu'il pensait aux dangers que courait sa famille...
Il secoua la tête. Il ignorait toujours comment convaincre les vampires, mais il espérait qu'Hermione aurait – comme souvent ! – une idée lumineuse. Il se dirigea vers la cuisine, aujourd'hui bien plus accueillante qu’elle ne l’avait été durant son adolescence. L'ancienne demeure des Black avait été entièrement redécorée dans les mois qui avaient suivis la bataille de Poudlard par tous les Weasley et affiliés (soit Harry, Hermione et quelques membres de l'Ordre), ce qui l’avait rendue beaucoup plus chaleureuse ! Heureusement d'ailleurs, puisqu'elle n’avait pas tardé pas à redevenir un quartier général...
Poussant la porte de la cuisine, Harry sourit doucement. « Son » Hermione était aux fourneaux, et même si ce qu'elle cuisinait n'était pas toujours excellent (après tout lui-même était meilleur en cuisine !), elle mettait tellement de cœur à l'ouvrage qu'on ne pouvait lui en tenir rigueur. Il s'avança doucement et la serra dans ses bras par derrière :
« Harry ! Je ne t'avais pas entendu ! » dit-elle en sursautant légèrement, tandis que son mari (eh oui, ils étaient mariés depuis près de 8 ans !) lui embrassait la nuque, puis le visage, en terminant par les lèvres. Hermione se retourna et approfondit le baiser en se serrant contre Harry...
Les choses auraient pu aller plus loin si la porte d'entrée n’avait pas fait un énorme vacarme en s'ouvrant d'un seul coup qui avait fait frémir le couple.
« HARRY ! HERMIONE ! Il faut partir vite ! s'écria Ron en déboulant dans la cuisine, échevelé, du sang gouttant de sa chemise...
— Qu'est-ce qu’il se passe ?! » demandèrent-ils en même temps.
Mais Ron n'eut pas l'occasion de répondre. Un tremblement secoua la maison de fond en comble, suivi d’un grondement de tonnerre, et les lumières s'éteignirent d'un coup...
« Harry, les enfants ! » s'écria Hermione en lui broyant la main, la voix blanche.
Harry avait aussi immédiatement pensé à eux. Ils avaient tous les trois compris ce que ce grondement signifiait : les défenses de la maison étaient tombées ! Les Ténèbres étaient à leur porte…
« Va rejoindre les enfants, Ron et moi allons les retenir ! » dit-il à Hermione tandis que tous les trois s’élançaient vers le hall.
Hermione continua sa course en direction du premier étage où se trouvaient les chambres des enfants tandis que les deux hommes se préparaient à recevoir les attaquants dans l'entrée. Avant d'atteindre le premier palier, elle faillit percuter de plein fouet ses deux enfants qui avaient visiblement quitté leurs chambres, paniqués par les tremblements de la maison.
« Maman ! s'écria une petite fille de cinq ans, les yeux écarquillés de terreur, se réfugiant les bras de sa mère toute tremblante...
— Qu’est-ce qui se passe, Mione ? demanda avec angoisse Teddy Lupin, le filleul de Harry qu'ils considéraient comme leur fils et qui vivait avec eux depuis la mort d'Andromeda.
— La maison est attaquée, je vais vous mettre à l'abri », dit Hermione tout en attirant les enfants dans les étages.
Elle entendait déjà le bruit des combats dans l'entrée de la maison... Harry et Ron n'y arriveront jamais tout seuls !pensa-t-elle avec fébrilité... mais elle n'avait pas le choix, elle ne pouvait pas les rejoindre. Elle devait mettre ses enfants à l'abri, c'était la priorité ! Heureusement, ils avaient prévu une sorte de porte de sortie dans le cas où, justement, la maison venait à être encerclée...
Tout en réfléchissant, elle atteignit le grenier dont elle ouvrit la porte avec fracas, poussant les enfants à l'intérieur, et se barricadant immédiatement via un sortilège complexe de fermeture qu'elle avait mis au point. Les bruits des combats se rapprochaient, il ne fallait pas traîner...
Alors que sa fille était toujours agrippée à sa robe, Hermione se rua sur le tapis du grenier qu'elle balança négligemment au loin. En dessous avaient été tracées des lignes et des runes au sein d'un pentacle parfaitement délimité.
« Teddy ! Sasha ! dit-elle. Placez-vous au centre, vite !
Les enfants obéirent, saisis par l'urgence de la situation. Teddy enserra sa quasi-sœur dans ses bras.
« Qu'est-ce que tu veux faire, tante Mione ? » demanda-t-il d’un air apeuré en fixant le pentacle.
Teddy était trop jeune pour bien connaître la magie mais il savait quand même reconnaître des runes, et il savait que c'était une magie rare, puissante, et surtout… dangereuse.
« Un sortilège de protection ! Ils ne pourront pas vous atteindre quand j'aurais lancé l’incantation ! » lui répondit Hermione, la respiration légèrement saccadée, la tête tournée vers la porte derrière laquelle les bruits de combat se faisaient entendre toujours plus distinctement.
Elle se mordit les lèvres. Elle s'inquiétait de plus en plus pour Harry et Ron. Leur plan initial prévoyait qu’ils partent tous ensemble, mais la situation allait exiger des sacrifices... Décidée, Hermione se tourna vers les enfants et se mit à genoux afin d'être à leur hauteur :
« Mon sortilège va vous emmener loin d'ici, dans un endroit où vous serez plus en sécurité !
— Non !… maman ! » crièrent les deux enfants de concert, comprenant qu'elle n'avait pas l'intention de les suivre.
La petite fille se rua au cou de sa mère tandis que Teddy s'accrochait désespérément à sa « tante » les larmes aux yeux :
« Tante Mione... hoqueta-t-il.
— Écoutez-moi bien, dit Hermione d'une voix douce et assurée en se détachant des petits corps afin de planter son regard dans ceux de ses enfants. Il faut que vous soyez à l'abri, c'est tout ce qui compte pour nous ! Ne vous inquiétez pas, reprit-elle en caressant la joue de Teddy qui avait tenté de l’interrompre, nous vous rejoindrons plus tard. »
Sur ce, elle embrassa très fort ses deux enfants en pleurs, les fit se tenir par les mains en leur recommandant de rester dans le pentacle et surtout de ne pas se lâcher. Elle se releva et commença son incantation après avoir pris une grande inspiration. Elle essaya de faire abstraction des bruits inquiétants et de plus en plus assourdissants qui provenaient de la porte.
« Par l'amour et par la magie, par l'esprit et par le temps, qu'en cet instant la lumière ne soit qu'énergie ! » s'écria-t-elle la voix rauque chargée de pouvoir et les mains tenant sa baguette levée vers le ciel.
Une bourrasque de vent secoua alors tout le grenier, envoyant valser une multitude d’objets aux quatre coins de la pièce. Dans le même temps, la porte se mit à trembler de plus en plus fort sous l'assaut de plusieurs sortilèges, elle ne tarderait pas à céder… sans s’en rendre compte, Hermione termina son incantation : « Echo ! Nuevo ! Tempus ! Alea ! ». Ses yeux, sous l'afflux de pouvoir magique, prirent une teinte dorée. Les runes s’activèrent et le pentacle devint étincelant.
Les deux enfants dans le pentacle étaient saisis par la magie dans le sens propre du terme. Teddy était à la fois terrifié et fasciné. Il avait l'impression d'être comprimé de toute part par une force impérieuse, une odeur d'ozone avait empli la pièce et titillait ses narines, puis tout se mit à tourbillonner si bien que sa vision devint floue... Il ne comprenait pas ce que disait Hermione, un sifflement couvrait sa voix en même temps qu'il voyait le pentacle s'activer, les lignes et les runes se faisant lumineuses, une sorte de lumière pulsée émanant d'elles...
D'un coup, la porte du grenier sortit de ses gonds sous l'effet des maléfices. Les adultes présents dans la pièce durent détourner les yeux éblouis par une véritable colonne de lumière blanche qui entourait les deux enfants. Lorsqu'ils regardèrent à nouveau, ils avaient disparu.