Scorpius et Albus, surexcités, entrèrent en courant dans une salle de classe en claquant la porte derrière eux si fort qu’elle se rouvrit complètement.
- Je n’arrive pas à croire que j’aie vraiment fait ça ! s’exclama Scorpius.
- Moi non plus, renchérit Albus, les yeux encore ronds de surprise.
- Rose Granger-Weasley. J’ai demandé à Rose Granger-Weasley de sortir avec moi.
- Et elle a dit non.
- Oui, mais je lui ai demandé. C’est un début, j’ai planté la graine et cette graine grandira pour aboutir enfin à notre mariage.
- Tu sais que tu es un rêveur total ? s’amusa Albus.
- Je serais d’accord avec toi si Polly Chapman ne m’avait pas demandé de l’emmener au bal de l’école, énonça Scorpius.
- Dans une autre réalité où tu étais infiniment – je dis bien infiniment – plus populaire que maintenant, une autre fille voulait sortir avec toi, ce qui veut dire…
- Oui, la logique imposerait que je m’intéresse à Polly – ou que je la laisse s’intéresser à moi. Après tout, c’est une beauté notoire – mais une Rose est une Rose.
- Tu sais, la logique imposerait de te considérer comme un cinglé. Rose te déteste.
- Rectification, elle me haïssait, mais tu as vu son regard quand je lui ai posé la question ? Ce n’était pas de la haine, c’était de la pitié.
Albus le regarda, éberlué.
- Et la pitié, c’est bien ?
- La pitié, c’est un début, mon cher, une fondation sur laquelle bâtir un palais – un palais d’amour.
- Je croyais sincèrement que je serais le premier de nous deux à avoir une copine, répondit Albus qui, vaguement inquiet, commençait à souscrire à l’argumentaire de son meilleur ami.
- Oh mais, bien sûr, sans aucun doute, et ce sera probablement cette nouvelle prof de potions avec son regard embrumé.
- Je ne suis pas du tout attiré par les femmes plus âgées ! s’insurgea Albus.
- Et puis tu as du temps – beaucoup de temps – pour la séduire, continua Scorpius comme si son ami n’était pas intervenu. Parce que moi, pour convaincre Rose, il me faudra des années.
- J’admire ta confiance en toi.
Mu par une confiance nouvelle, Scorpius se dirigea vers la sortie et s’engagea dans le couloir, suivi d’Albus. Ce fut le moment que choisit Rose pour apparaître au bas de l’escalier tout proche.
- Salut.
Les deux garçons restèrent muets de stupeur. Rose était là et elle leur adressait la parole. Elle fixa son regard sur Scorpius.
- Si les choses paraissent bizarres, c’est parce que c’est toi qui les auras rendues bizarres.
- Bien reçu et totalement compris, répondit le jeune homme qui prenait cela pour un encouragement à persévérer.
- D’accord, Scorpion Roi, conclut-elle avec un sourire moqueur.
Les deux amis échangèrent un coup d’oeil. Albus sourit à son tour et donna un petit coup de poing sur le bras de son meilleur ami.
- Peut-être que tu as raison – la pitié est un début !
Par la suite et tout au long de leur cinquième année, Scorpius, avec un espoir qui confinait à l'aveuglement, avait régulièrement approché Rose pour lui répéter à quel point elle était fantastique, lui déclamer des poèmes enflammés et in fine, lui poser la sempiternelle question : est-ce que tu veux sortir avec moi ?
Il avait reçu toute une variété de réponses sur le même thème : non. Cela allait du vague haussement d'épaule "pas intéressée", au coup de pied dans le tibia quand la demande était accompagnée d'une tentative de rapprochement physique, en passant par des "mais enfin, laisse-moi tranquille !" rageurs.
Ayant rejoint l'équipe de quidditch de Serpentard au poste d'attrapeur, il avait même essayé d'approcher la jeune fille en plein match Gryffondor / Serpentard, oubliant que celle-ci était armée d'un souafle. Ces tentatives firent perdre un nombre incalculable de points à Serpentard. Car la jeune fille étant devenue préfète, au contraire de son soupirant, elle résolut en désespoir de cause de lui retirer des points dès qu'il s'approchait un peu trop près d'elle, par mesure de sécurité.
Albus le regardait faire, amusé, partagé entre la loyauté sans faille pour son ami – qui impliquait de le soutenir – et une touche de compassion pour sa cousine condamnée à sans cesse repousser les avances du jeune garçon.
Puis la fin de leur cinquième année à Poudlard arriva et, au grand soulagement de Rose, Scorpius dut se concentrer sur l'obtention de ses Buses. Il abandonna ses tentatives. Provisoirement.